François Bayrou : « Je pense que la question du budget est assez grave pour qu’elle s’adresse directement aux citoyens »

François_Bayrou-FB

Retrouvez l'entretien accordé par François Bayrou au Journal du dimanche, ce 4 mai 2025.

Propos recueillis par Antonin André, Jules Torres et Geoffroy Lejeune

Le JDD. Il y a trois semaines, vous teniez une conférence sur les finances publiques. À quoi faut-il s’attendre ?

François Bayrou. Notre pays a devant lui deux défis massifs, les plus lourds de son histoire récente : une production trop faible et une dette écrasante. Année après année, depuis plusieurs décennies, tous gouvernements confondus, les déficits sont devenus la règle, financés par l’endettement, et cette dette peu à peu nous asphyxie. On peut supporter des déficits temporaires si l’on n’a pas de dette trop lourde, on peut supporter une dette importante si l’on n’a pas de déficits. Mais quand la dette devient écrasante, les déficits deviennent insupportables. Notre pays est engagé sur une pente terriblement risquée, qui nous conduit d’ici trois ou quatre années à une situation angoissante : le seul service de la dette – c’est-à-dire les intérêts annuels – pourrait atteindre 100 milliards d’euros. Chaque année. C’est l’équivalent des budgets de l’Éducation nationale et de la Défense réunis. C’est un risque considérable pour notre modèle social, pour notre souveraineté, pour notre avenir commun. Toute explosion des taux d’intérêt suffirait à nous faire entrer dans une crise économique et financière d’ampleur historique.

À cela s’ajoute le fait que nous ne produisons pas suffisamment de richesse…

Exactement. Et c’est la racine de tout. L’État n’a pas assez de ressources, les foyers manquent de revenus, les salaires sont trop bas. Pourquoi ? La réponse est toute simple : parce que nous produisons moins que nos voisins. Si nous avions, par habitant, le même niveau de production que l’Allemagne ou les Pays-Bas, les salaires seraient supérieurs de 10 ou 20 % et l’État disposerait de marges budgétaires autrement plus solides. C’est pourquoi, en tant que citoyen et en tant que chef du gouvernement, je le dis clairement : il n’y a pas d’autre voie que celle du ressaisissement national ; un pays qui se reprend en main, les yeux ouverts, et décide de retrouver son équilibre.

Quel est votre plan ?

Il faut un plan complet de retour à l’équilibre. Un volet production et un volet finances publiques. Les deux sont indispensables.

La production d’abord ?

Pour la production agricole, industrielle, intellectuelle, ce qui est fascinant, c’est que nous sommes l’un des pays les plus avancés au monde pour tout ce qui est de la plus haute exigence technologique : nous savons produire des satellites, des lanceurs spatiaux, des centrales nucléaires, les meilleurs avions du monde, nous sommes remarquables en génétique, en algorithmes, en intelligence artificielle. Et nous ne savons pas produire une machine à laver. Pendant longtemps, nous ne pouvions pas rivaliser avec les pays où le travail était à des coûts dérisoires. Or, même si nous ne nous en rendons pas encore compte, nous avons changé d’époque : les temps nouveaux, grâce à l’intelligence artificielle, à la robotique, à la production d’énergie décarbonée, vont nous permettre de rivaliser à égalité avec tous ceux qui nous ont supplantés sur ces marchés. Il faut donc une stratégie de reconquête de toutes les productions, une stratégie offensive où la production n’est plus le parent pauvre mais la fierté nationale.

Et l’équilibre financier ?

Le deuxième volet, le plus impressionnant, c’est celui du retour à l’équilibre des finances. Ce plan doit proposer des solutions précises, avec un objectif clair : être moins dépendant de la dette dès cette année, et à l’horizon de quatre ans, revenir sous le seuil des 3 % de déficit public. Cela passera par une baisse déterminée des dépenses. Par la simplification. Par une meilleure efficacité de l’État et de l’action publique en général. La solution n’est pas dans de nouveaux impôts. Même si, historiquement, la France et ses responsables ont une imagination fiscale très inventive !….

Comme celle de François Rebsamen, de faire contribuer les Français à hauteur de 30 à 100 euros aux finances des collectivités ?

Il se trouve que je m’exprime en tant que chef du gouvernement. J’ai souhaité composer une équipe de poids lourds et d’esprits libres. François Rebsamen, comme d’autres élus locaux ou associations d’élus, porte une proposition qui s’inscrit dans cette liberté d’expression. Mais ce n’est pas mon choix. Il y aura, un jour, je le crois, une refonte nécessaire de la fiscalité locale, pour donner plus d’autonomie aux collectivités locales. Mais ne pas oublier que la suppression de la taxe d’habitation a rapporté près de 800 euros en moyenne à chaque contribuable local, et elle a été intégralement compensée, à l’euro près, aux collectivités locales.

Quid de l’idée de faire contribuer les retraités, notamment par la suppression de l’abattement de 10 %, évoquée par Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics ?

Je refuse de faire un bouc émissaire de telle ou telle catégorie de Français, les retraités pas plus que les autres. Ils ont acquis des droits, ils jouent souvent un rôle de soutien essentiel dans leurs familles. Je ne réglerai pas la question des finances publiques par des ponctions individuelles ou des sacrifices ciblés. Le plan que je prépare sera un plan substantiel, et il devra reposer sur un effort partagé, porté collectivement par les Français.

Vous attaquerez-vous à la masse salariale des fonctionnaires, dont le nombre a crû de 180 000 sous Emmanuel Macron ?

Nous avons, de tous les pays comparables au monde, la dépense publique la plus élevée… et le taux d’insatisfaction à l’égard des services publics le plus fort. C’est une contradiction insupportable. Je suis convaincu que, pour une part significative, la dépense publique en France est mal utilisée. La baisse des effectifs de la fonction publique et des collectivités locales est possible et salutaire. Mais elle sera une conséquence des réorganisations et de meilleure efficacité. Mon objectif n’est pas de taper à l’aveugle, mais de rendre l’action publique plus cohérente, plus lisible, plus efficace.

Sur quoi fonder alors une réforme efficace de la fonction publique ?

Sur l’examen des missions et la vérification de leur pertinence, l’évaluation de leur efficacité, la suppression des doublons, des mêmes tâches réalisées par plusieurs services. Dès le mois de février, j’ai demandé à tous les ministères d’écrire, de façon claire et compréhensible, quelles étaient leurs missions. Administration par administration. Et j’ai transmis cette cartographie aux commissions parlementaires, pour que chacun puisse juger sur pièce. Je veux aussi interroger les fonctionnaires eux-mêmes : leurs missions sont-elles remplies ? Les moyens sont-ils bien utilisés ? Cette démarche de vérité est indispensable.

Avez-vous déjà un exemple concret d’économie possible ?

Oui. Les Français sont assommés de paperasse. Mais ils ont peu de réponses lorsqu’ils demandent de l’aide ou du soutien. Aujourd’hui, grâce à l’intelligence artificielle, on peut considérablement réduire la charge bureaucratique et libérer du temps. Car ce sont toujours les mêmes questions qui reviennent. Cela permet de redéployer des agents sur des missions plus utiles, au lieu de les mobiliser sur des tâches mécaniques. Ce n’est pas une logique de suppression, c’est une logique d’efficacité.

Vous maintenez l’objectif de 40 milliards d’euros d’économies ? Et pensez-vous les obtenir de cette manière ?

Les 40 milliards, c’est un ordre de grandeur. L’objectif, c’est la réduction de notre dépendance à la dette et le retour le plus vite possible sous la barre des 3 % de déficit public. 3 %, c’est un seuil très important, c’est celui à partir duquel le montant de la dette n’augmente plus. Je présenterai un plan cohérent, avec des propositions claires, lisibles par tous. Il demandera des efforts. Et ces efforts ne seront acceptés que s’ils s’accompagnent d’une prise de conscience collective. Je ne m’adresse pas ici aux partis politiques. Ce que je vise, c’est l’adhésion des Français.

Mais, in fine, ce sont bien les parlementaires qui votent le budget ?

Oui, mais les Français ont leur mot à dire…

C’est-à-dire ? Vous pensez au référendum ?

Je pense que la question est assez grave, assez lourde de conséquences pour l’avenir de la nation, pour qu’elle s’adresse directement aux citoyens. Je n’écarte donc aucune possibilité.

Ce serait inédit.

C’est un plan d’ensemble que je veux soumettre, il demandera des efforts à tout le monde, et par l’ampleur qui doit être la sienne, il ne peut réussir si le peuple français ne le soutient pas. Sans cette approbation, rien ne tiendra. C’est pourquoi je veux tout présenter, dans le détail. La méthode qui est suivie depuis des années pour la construction du budget, c’est la méthode de l’artichaut : on retire une feuille ici, on en rajoute une là… Chacun plaide, parfois fait du chantage pour son secteur d’activité. Jamais on ne voit le tableau d’ensemble. On n’avance pas. Or c’est une question de survie pour notre modèle de société et pour notre pays. C’est pourquoi c’est l’affaire des citoyens, de nous tous. C’est à nous tous que cette question s’adresse.

Avez-vous soumis cette idée au président de la République ?

Un référendum ne peut être décidé que par le président de la République. Le gouvernement propose, le président décide. Mais la question de l’adhésion des Français aux réformes est bien la question centrale. Quand on réforme par les voies classiques, par le passage en force, que se passe-t-il ? Le pays entre en grève, les manifestations s’enchaînent, et personne ne sait si ceux qui défilent connaissent vraiment le contenu de ce qu’ils contestent. Nous ne sommes plus à l’heure des demi-mesures. Il faut désormais de l’imagination et de la justice. Car nous sommes face à une immense question, qui s’adresse non aux technocrates ou aux experts, mais à chaque citoyen.

Les entrepreneurs et les patrons français sont confrontés à une incertitude liée à la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump. Comment l’État peut-il les accompagner ?

Il faut les aider, bien sûr. Les aider à comprendre, à prévoir, à analyser ce qui est en train de se jouer. Mais il faut aussi être clair : on ne pourra pas les aider en ouvrant de nouvelles lignes de dépenses, comme cela a trop souvent été le réflexe par le passé. J’ai été pleinement d’accord pour que l’État intervienne massivement au moment de la crise du Covid. Il fallait sauver les entreprises, protéger les familles, tenir le pays debout. Mais aujourd’hui, face à l’ampleur des bouleversements qui s’annoncent, nous ne pouvons plus répondre par le carnet de chèques. Ce n’est plus possible.

Pouvez-vous leur confirmer que la contribution exceptionnelle des grands groupes, mise en place cette année, ne sera pas reconduite l’an prochain ?

Je présenterai un plan global. Pas des mesures isolées.

Quand vous avez accepté cette fonction, dans un contexte politique aussi instable, quelle a été votre priorité ?

Quand j’ai été nommé, j’ai dit : « Nous faisons face à un Himalaya. » Et un Himalaya, ce n’est pas une montagne, c’est une chaîne. Avec plusieurs sommets, tous au-dessus de 8 000 mètres. Le premier de ces sommets, c’était le budget. Imaginez : un pays sans majorité, un gouvernement renversé, aucun budget adopté pour faire fonctionner l’action publique. Ni pour l’État, ni pour les collectivités locales, ni pour la santé, ni pour la Sécurité sociale, ni pour les retraites. Une situation inédite depuis plus d’un demi-siècle. Mon premier « 8 000 », donc, ce furent les budgets. Et nous l’avons franchi. Nous avons échappé à six motions de censure – six ! – rien que dans les deux premiers mois de l’année. Et fin février, le pays avait un budget… et un gouvernement encore en place. Puis nous avons fait adopter la loi d’orientation agricole. Puis la loi d’urgence Mayotte. Puis la loi si importante sur les narcotrafics. Cela fait, en quatre mois, beaucoup d’ascensions menées à terme.

Le sujet de la santé, avec notamment la question des déserts médicaux, est-il l’un de ces sommets ?

Bien sûr. Dans chacun de mes déplacements, je rencontre une cinquantaine de maires. Ce qui m’a bouleversé, c’est de voir certains d’entre eux la gorge serrée pour ne pas pleurer. Parce que quand vous êtes à la tête d’une commune où l’entreprise a fermé et où il n’y a plus de médecin, que reste-t-il ? C’est la mort annoncée de la commune. Alors oui, cette question des déserts médicaux est d’une extrême sensibilité. Et le dossier était bloqué depuis des années. Pourquoi ? Parce que le monde médical s’opposait catégoriquement à ce que beaucoup, y compris des parlementaires, proposaient : que l’État se charge d’interdire ou d’autoriser l’installation des médecins. Alors nous avons trouvé une autre méthode, en quelques semaines : tous les médecins, généralistes ou spécialistes, seront appelés si besoin à prendre leur part, un ou deux jours par mois, à la permanence médicale dans les zones rouges. Et ces zones, nous allons les définir, avec les élus locaux, dans le mois qui vient. C’est une solidarité qui ne peut pas peser que sur les jeunes médecins, mais sur tous les praticiens français, sauf ceux qui sont déjà installés dans ces zones prioritaires.

Il y a un certain nombre de médecins qui disent : « On n’est pas des agents de l’État, on est des libéraux, et à ce titre-là, on n’accepte aucune contrainte. » Que leur répondez-vous ?

Tous les médecins sont rémunérés par la Sécurité sociale, et leurs études ont été financées par la collectivité. C’est un investissement de la nation. On ne peut pas bénéficier de tout ce que le pays offre sans en accepter les responsabilités. Dire « aucune contrainte », c’est à mes yeux une forme d’indifférence ou de manque de responsabilité. Nous ne sommes pas une addition d’individus, chacun occupé de son propre sort. Nous sommes un pays. Et dans ce pays, le système éducatif et le système de santé sont financés par la solidarité. Et la solidarité ne se divise pas.

Puisque l’on parle de santé : considérez-vous qu’il y a un besoin urgent, pour notre société, d’aller plus loin dans l’accompagnement de la fin de vie ?

J’ai pris la décision de séparer le débat sur les soins palliatifs des débats sur l’euthanasie. Cela ne m’a pas valu que des amis, je le sais bien. Mais ma démarche est simple. Il y a d’abord un devoir national : les soins palliatifs. Sur ce point, deux principes formulés par Jean Leonetti résument tout : « Je ne te laisserai pas seul » et « Je ne te laisserai pas souffrir ». Voilà, selon moi, l’engagement qu’un pays doit prendre envers ceux qui arrivent au terme de leur vie. Et pourtant, encore aujourd’hui, près de 30 % des départements n’ont aucune structure de soins palliatifs. C’est une honte. Et puis, il y a la question de la fin de vie elle-même, de l’aide active à mourir, de l’euthanasie, pour employer le mot juste. Cette question touche à la conscience la plus intime. Je comprends que l’on puisse être pour, contre, ou simplement dans le doute. C’est une question éthique majeure, qu’on ne peut trancher à la légère et sur laquelle chacun doit prendre en conscience sa responsabilité.

Et vous, intimement, êtes-vous favorable ou défavorable à l’euthanasie ?

Je suis spontanément du côté du soin et de la défense de la vie. La vie, c’est unique, fragile et irremplaçable. Mais je ne suis pas aveugle. Il existe des situations extrêmes, des cas de souffrance et de désespoir que nul ne peut ignorer. C’est désormais au Parlement de conduire le travail de discernement. Ce n’est pas une question technique, c’est une question d’humanisme. Une question de civilisation. Ce débat mérite gravité et respect. Parce qu’il touche à ce qu’il y a de plus sacré dans notre condition humaine.

Le texte actuel ne comporte plus certains garde-fous. Cela ne vous inquiète-t-il pas ?

Faire sauter les garde-fous, ce n’est pas ma sensibilité, ni comme citoyen, ni comme chef du gouvernement. Mais j’ai confiance dans notre démocratie. L’Assemblée nationale, dans sa diversité, et le Sénat veilleront à l’équilibre. Je ne crois pas que cette pluralité mène aux excès. Et je serai vigilant, de toutes mes forces. Je me souviens d’une lettre bouleversante, reçue il y a quelques années. Une mère me parlait de sa fille trisomique : « Elle est si douce, disait-elle. Elle veut toujours faire plaisir. Quand je ne serai plus là, il suffira de peu pour la convaincre que ce serait mieux de venir me rejoindre. » Je n’ai jamais oublié cette phrase. Je sais que, pour beaucoup, l’euthanasie active est un combat de liberté. Je respecte cela. Mais on peut, avec la même force, défendre une autre idée de la dignité humaine.

Cette semaine, la mort d’Aboubakar Cissé a suscité un débat politique intense. Vous avez qualifié cet acte d’islamophobe. Assumez-vous ce terme, qui fait pourtant débat ?

Oui, je l’assume. Je vois bien qu’il y a beaucoup de débats. Et il m’arrive assez souvent, je dois vous le dire, de ne pas comprendre certaines de ces polémiques. Refuser un mot parce qu’on ne veut pas regarder la réalité en face, c’est une attitude que j’ai déjà rencontrée dans ma vie politique. Ici, les faits sont clairs : un garçon de 22 ans, assassiné dans une mosquée pendant qu’il priait. Et son agresseur filme sa mort en proférant des insultes contre Allah. Alors je pose la question : si ce n’est pas de la haine dirigée contre l’islam, qu’est-ce que c’est ? Pourquoi refuser les mots justes ? On ne peut pas combattre ce que l’on ne veut pas nommer. Et il faut avoir le courage de dire les choses telles qu’elles sont.

Mais le terme « islamophobie » n’existe pas dans le droit. Juridiquement, il est absent, et idéologiquement, il est très marqué.

Je ne suis pas la justice. J’ai fait un tweet. C’est une réaction humaine, politique, morale.

Diriez-vous, comme Jean-Luc Mélenchon, qu’il existe un « climat islamophobe » en France ?

Vous ne me prendrez pas à la guerre des mots. Ce qui m’importe, ce n’est pas le mot, c’est ce qui est en train de se passer : une forme d’explosion en chaîne de la société française. Et il faut bien voir ce sur quoi elle porte. Elle touche à l’essentiel : l’unité du pays, notre capacité à vivre ensemble sous les principes de l’universalisme républicain. Je vois monter un danger : celui de ne plus regarder ses concitoyens que par leur origine, leur couleur de peau ou leur religion. Je vois la détestation des musulmans et de l’Islam, la détestation des Juifs et du judaïsme. Et la détestation des chrétiens. Avec des crimes dans les trois cas. Et d’autres haines encore bientôt, je n’en doute pas hélas ! Et cela, la détestation d’un concitoyen pour ce qu’il est, pour son origine, pour sa foi, pour sa philosophie, je ne l’accepterai jamais. Ce sont les guerres de religion, c’est le symptôme du pire, et la négation de la République.

Mais l’accusation d’islamophobie a tué. La rédaction de Charlie Hebdo, Samuel Paty… parce qu’ils ont été accusés d’être islamophobes.

Oui, et ce sont des pages noires et sanglantes de notre époque en France. Des extrémistes qui tuent parce qu’on leur fait croire qu’une religion doit se défendre avec des balles ou un couteau. Des gens qui voudraient que leur loi s’applique contre toute autre raison. Qui parce qu’ils refusent la critique et la caricature se donnent le droit de tuer. Nous, le peuple de la laïcité, nous avons à présenter et à défendre un autre modèle, qui est d’affirmer un principe de pluralisme, tout le monde a droit de cité, et en même temps de comprendre la sensibilité des autres, de mettre les bons mots sur ce que les autres éprouvent pour désamorcer la folie.

Vous avez entamé vos consultations sur la proportionnelle en recevant les chefs de parti. Mais n’est-ce pas, dans le contexte actuel, le meilleur moyen d’accentuer l’ingouvernabilité du pays ?

J’ai en effet commencé ces consultations. J’ai reçu Marine Le Pen et Jordan Bardella, Gabriel Attal et Pierre Cazeneuve. Et je vais continuer, bien sûr. Parce que le fonctionnement de notre démocratie est un sujet majeur.

Qu’est-ce qui vous fait penser que la proportionnelle rendrait le pays plus gouvernable et induirait une logique de compromis ?

Nous sommes, je le rappelle, le seul pays de l’Union européenne à ne pas appliquer la proportionnelle. Posez-vous cette question : les autres pays ont-ils mieux réussi leurs réformes ? La réponse est oui. Leur vie civique est-elle plus apaisée ? Oui. Leur démocratie fonctionne-t-elle plus mal que la nôtre ? Non. La proportionnelle permet d’abord une chose fondamentale : que chaque courant du pays soit justement représenté, à la mesure de ce qu’il pèse. C’est un acquis démocratique essentiel. Je vous rappelle qu’en 2007, j’ai obtenu 19 % des voix à l’élection présidentielle. Et à l’Assemblée nationale, cela s’est traduit par… deux députés. Deux sur 577.

Deuxièmement, le scrutin majoritaire pousse à la polarisation. Face à chaque décision, il vous force à être totalement pour ou totalement contre. Il fabrique des clivages artificiels, pousse à la caricature, empêche la nuance, rend les compromis difficiles, voire impossibles. C’est l’une des causes profondes de notre blocage institutionnel. Troisièmement, et cela mérite d’être dit clairement : la proportionnelle est aussi une digue. Elle protège contre les vagues de colère ou de peur qui, dans un scrutin majoritaire, peuvent donner le pouvoir total à une force extrémiste. Elle disperse, elle oblige à composer, et c’est cela qui sauve les démocraties.

La proportionnelle doit-elle être intégrale, sans prime majoritaire, contrairement à ce que souhaite Marine Le Pen ?

En 1986, nous avons connu un scrutin proportionnel sans prime, et il a permis une majorité. La prime majoritaire, ce n’est plus la proportionnelle. Si je rencontre chaque formation politique, c’est pour cela : écouter. Et j’ai montré, sur d’autres dossiers, que je sais le faire.

Certains évoquent un scrutin à un tour, comme en Angleterre. Y êtes-vous favorable ?

C’est une polarisation extrême, plus grande encore que ce que nous connaissons en France !

Le 14 mai prochain, vous serez entendu par la commission d’enquête sur l’affaire Bétharram. Maintenez-vous que vous n’aviez pas eu connaissance, en tout cas, de l’ampleur des violences ?

Je serai entendu, oui. Et ce sera l’occasion de démontrer, point par point, que les accusations portées contre moi — des accusations extrêmement blessantes — sont infondées. On m’a accusé d’être intervenu dans cette affaire. On m’a accusé d’avoir bénéficié d’informations privilégiées. Tout cela est profondément injuste, humainement douloureux, familialement éprouvant. La question est simple : est-ce qu’on peut prouver que c’est faux ? Je crois que oui. Et je le ferai.

Allez-vous vraiment parvenir à le prouver ?

Oui, bien sûr. C’est précisément pour cela que je participerai à cette audition. Pour que les faits soient établis et que la vérité soit dite.

Thématiques associées

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par