📻 François Bayrou, invité de France Culture dans l'émission « Politique ! »

François Bayrou

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité de Gérard Courtois, ce samedi 26 décembre à 12h00, sur France Culture, dans l'émission « Politique ! ».

📻 Pour réécouter l'émission ⤵️

▶️ https://www.franceculture.fr/emissions/politique/francois-bayrou-haut-commissaire-au-plan

Bonjour François Bayrou.

Vous êtes depuis septembre Haut-commissaire au plan. Cette mission vient enrichir une longue carrière politique, député, ministre, président de Conseil général, trois fois candidat à l’élection présidentielle et, aujourd'hui encore, président du Mouvement Démocrate, le MoDem, la composante centriste de la majorité présidentielle et maire de Pau.

C'est cette expérience qu'il m'a paru intéressant de solliciter pour tirer le bilan de l'année sans-pareille que nous venons de vivre. Nous mesurons tous les dégâts provoqués par cette crise sanitaire qui secoue le monde, dégâts économiques, une récession sans précédent depuis des décennies, dégâts sociaux que tout le monde éprouve déjà ou redoute pour demain et, enfin, crise psychologique, voire morale de société partagée entre l'anxiété, l'abattement ou la colère.

À quoi s'ajoutent en France les chocs répétés du terrorisme islamiste, les questionnements sur la laïcité ou encore les polémiques sur la sécurité et les libertés publiques.

Alors, François Bayrou, diriez-vous que, pour autant, c'est une année catastrophe ?

Bonjour.

C'est une année sans précédent qui restera dans les mémoires, qui restera dans les livres d'histoire et qui nous place en face de nos difficultés, de nos faiblesses et peut-être de nos chances.

Donc vous voyez que c'est une année qui ne ressemble à aucune autre.

Vous dites « catastrophe » ; oui, bien sûr, il y a une catastrophe sanitaire avec des dizaines de milliers de morts en France. C'est une catastrophe économique sans précédent, depuis la guerre jamais on n’avait vu des pans entiers de l'économie aussi profondément atteints, je pense au tourisme, je pense à l'aéronautique, je pense à l'aviation, je pense à la culture et je pense évidemment au choc que cela a représenté pour notre système hospitalier sanitaire.

Donc, oui, c'est une année extrêmement bouleversante, mais, de ces bouleversements, la question que nous devons nous poser est : est-ce que nous pouvons en sortir et est-ce que nous pouvons en sortir en allant mieux que nous allions en y entrant ? C'est au fond la perspective qui est devant moi.

C'est sur ce sujet que j'essaie de porter une réflexion qui intéresse tout le champ démocratique français.

On va y venir. Revenons quand même sur deux points qui font polémique sur la gestion de cette crise depuis une petite année.

Le premier, c'est au fond le pilotage de la crise et la question de savoir comment on a été si peu ou si mal préparé à une telle pandémie. La deuxième question, ensuite, portera sur l'endettement considérable que cette crise provoque.

Mais sur, au fond, l'impréparation des pouvoirs publics comment expliquez-vous une telle impréparation ?

C'est une impréparation quasi universelle, en tout cas en occident, comme on le voit dans chacun des pays. Mais c'est vrai que, pour nous, cela doit être une question et cette question doit nous inspirer pour l'avenir car je parle de l'épidémie et des moyens de lutter contre. Je pense par exemple aux masques, je pense aux gants, je pense à tous les équipements médicaux, je pense aux médicaments. On a découvert tout d'un coup que nous étions vulnérables, que nous n'avions plus de capacité de production sur notre sol et, de surcroît, quand on essaie de creuser le sujet, on s'aperçoit qu'il y avait depuis des années des études qui mettaient en garde sur ce sujet. Je pense par exemple au Livre Blanc de la défense publié en 2008 et à des articles dans des revues stratégiques qui disaient : Attention, ceci est un risque, une possibilité.

Ou un rapport ancien du Sénat également des années 2000.

Oui et nous étions quelques-uns à être en alerte, car, je parle pour moi, j'avais étudié la grippe espagnole au lendemain de la guerre de 14-18 qui a fait, comme vous savez, près de 50 millions de morts. C'était la même chose, c'était une épidémie ou une pandémie pulmonaire virale.

Ce n'est pas parce qu'on était en alerte, moi en tout cas, je ne me vanterai pas en disant que j'avais prévu ce qui allait se passer car je n'avais jamais imaginé la chute de dominos qui a entraîné l'effondrement de la planète sur les secteurs absolument essentiels. Mais il est vrai que si nous avions eu les organisations pour faire face à l'alerte et à l'urgence, nous aurions dû avoir un plan et nous n'avions pas de plan.

C'est un peu la conclusion des deux commissions d'enquête parlementaire qui ont rendu leur rapport au début du mois, une de l'Assemblée, une autre du Sénat qui dressent un bilan critique, voire très critique de la gestion de la crise sanitaire.

Écoutez ce qu’en disait Damien Abad, le président du groupe Les Républicains à l'Assemblée le 2 décembre.

« Damien Abad, cette commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée nationale, ce rapport, vous diriez qu'il est très à charge pour reprendre les mots de l'Exécutif ?

- Non, il est juste, il est transparent, il s'appuie sur des faits établis et il n'est pas là pour faire des coupables, il est là pour trouver des solutions. Il y a 29 propositions faites par le rapporteur Éric Ciotti que nous avons portées, nous pointons des dysfonctionnements, des défaillances et notre objectif est simple, c'est : plus jamais ça, plus jamais un tel désarmement sanitaire de la France. » 

Ces critiques vous paraissent-elles fondées ? J'observe que les députés du MoDem de votre parti se sont abstenus lors du vote sur ce rapport.

Est-ce que cela témoigne d'un embarras de votre part ou de leur part par rapport aux critiques qui ont été formulées ?

Non rien, vous voyez bien qu’il y a un jeu politicien auquel je ne me prête pas, car si les gouvernements précédents avaient fait ce qu'il fallait, le gouvernement LR comme on dit maintenant ou le gouvernement socialiste, alors, sans aucun doute, nous n'aurions pas été dans la difficulté et notamment pour ce qui concerne les stocks stratégiques de masques, de médicaments, etc.

Les décisions de renoncer à ces stocks ont été prises précisément sous la responsabilité de ceux qui portent des accusations. Donc je ne joue pas à ce jeu. Mais en revanche, je dis qu'un grand pays comme la France ne peut pas se trouver dans ce risque de rupture de produits vitaux, de produits essentiels.

Ce n’est pas possible. La question, ce n'est pas d'instruire des réquisitoires car tous les pays du monde sans exception, en tout cas du monde occidental, se sont trouvés devant les mêmes difficultés, les mêmes inquiétudes et les mêmes manques, mais la question est désormais de penser ce que nous devons faire pour que cela ne se reproduise pas, et on va peut-être en dire un mot.

Tout à fait, dans un instant, mais je reviens sur un autre sujet polémique qui, lui aussi, vous tient à cœur, c'est l'explosion de la dette publique provoquée par les mesures de soutien prises par le gouvernement depuis plusieurs mois, près de 200 Md€ pour la seule année 2020.

Comment sortir de ce piège du surendettement que vous dénoncez depuis très longtemps ?

Ce qu'il faut avoir à l'esprit dans la situation présente, c’est qu’il y a deux sortes de dette : il y a la dette j’allais dire « ordinaire » et que j'ai condamnée pour chasser ou en tout cas sur laquelle j'ai essayé de mettre en alerte tout au long du temps et d'autant plus que cette dette en France avait une caractéristique désastreuse, c'est que ce n'était pas une dette pour réparer l'avenir, pour investir, c'était une dette pour payer les factures du présent.

Cela, ce n'était vraiment pas dans l'esprit de ce qu'il aurait fallu faire et j'avais raison de mener ce combat.

Aujourd'hui, c'est complètement différent.

La dette de la Covid, je propose depuis longtemps de la traiter de manière différente.

Pourquoi ? Parce que c'est une dette dont personne n'est responsable. Personne n'est responsable de la survenue de ce virus, en tout cas personne d'identifié. Personne ne peut assumer seul la facture de ce que cette épidémie a créé comme drames économiques en particulier, et sanitaires bien sûr d'abord à la surface de la planète.

Il faut donc traiter cette dette de manière différente.

C'est-à-dire ?

Il y a des gens qui disent : il faut l'effacer. Ce n'est pas possible, pour une raison extrêmement simple. Le jour où vous effacez une dette, vous ne pouvez plus emprunter un euro pour préparer l'avenir.

C'est ce que disait le président de l’Assemblée nationale : « Prend l'oseille et tire-toi ». Ce n'est pas une politique.

Ce n'est pas une politique.

En revanche, il y a quelque chose de très simple et porteur de sens à faire. Il faut traiter cette question j'allais dire directement, les yeux dans les yeux parce que beaucoup de nos concitoyens se la posent et s'inquiètent et disent : « D'où sort cet argent ? D'où cela vient ? C'est de l'argent magique. »

Que faut-il faire ? Il faut isoler l'ensemble des dépenses qui sont dues à cette épidémie.

L'isoler, la cantonner et avoir, pour cette dette, un traitement absolument sensé, c'est-à-dire de dire : On va faire comme lorsqu'un jeune couple achète une maison et que l'on sait qu'aujourd'hui il n'a pas tout à fait les moyens, demain il les aura, eh bien, on fait un différé d'amortissement. On dit : « cette dette on la remboursera, mais on commencera à la rembourser dans 8 ou 10 ans », ce qui est à peu près le résultat auquel le gouvernement est arrivé.

Ensuite, dans 8 ou 10 ans, on remboursera cette dette sur un long terme, on peut dire 30 ans, on peut dire 50 ans, peu importe. Ce qu'il faut, c'est que nous ayons un plan pour la rembourser sans mettre à genoux l'économie du pays.

Et donc ce double mouvement : cantonnement, différé d'amortissement et remboursement sur le long terme : trois précautions à prendre, donne un plan pour le pays pour faire face à ce drame qui nous a atteints.

Cela vous paraît recevable à la fois par la Commission européenne et par les banques centrales comme mesure ?

Oui, vous voyez bien, tout ceci intervient en plus dans une période complètement inédite dans l'histoire financière de la planète et complètement inédite pour l'humanité, en vérité.

Les banques centrales, parce qu’elles sont fortes - et je dis au passage : où en serions-nous si nous avions voté non au moment du référendum de Maastricht ? Où serions-nous aujourd'hui assaillis par de la spéculation alors que nous avons aujourd'hui la faculté de pouvoir faire face grâce à la puissance ou au poids de la Banque centrale. Les banques centrales, il y a peu d'années, à la suite de la Banque centrale américaine, ont décidé qu'elles allaient soutenir l'économie par de la création monétaire, en vérité, pas loin d'être à taux 0 quand ce n'est pas parfois à taux négatif.

Ceci est une révolution, mais c'est une révolution qui nous place devant des exigences.

Nous ne pouvons pas nous dérober devant l'obligation qui nous est faite d'avoir, pour cet argent, l'usage qui nous permettra de reconstruire le pays.

Si l’on fait des mauvais choix, alors ce sera une double catastrophe, on aura dégradé notre bilan, notre capacité financière et on n'aura pas redressé le pays.

Parmi les bons choix, vous l'évoquiez tout à l'heure, il y a cette idée que vous défendez vigoureusement que l'État reprenne sans tarder le contrôle de secteurs vitaux de l'économie française dont on a vu, à l'occasion de la crise, à quel point on était vulnérable ou dépendant.

La question que l'on peut se poser, c'est : comment convaincre les entreprises de faire cette révolution copernicienne pour elles ? Cela fait 30 ou 40 ans qu'elles ont mis en place des systèmes, des chaînes de production, des chaînes d'approvisionnement, des chaînes de valeur.

Comment les convaincre de faire primer l'intérêt général sur leurs propres intérêts ?

Si vous me permettez, je vais d'abord dire quelle est la perspective dans laquelle je me place, je place l'action du Commissariat au plan.

La perspective, c'est celle-ci : on a découvert deux choses pendant cette crise, premièrement que l'on était d'une fragilité que l'on n'avait jamais imaginée en face de produits vitaux, de médicaments, d'équipements, qui nous permettent de faire face à des drames. On était désarmé car on s'était laissé désarmer.

Deuxièmement, on voit que l'on a un système social extrêmement généreux, probablement le plus généreux du monde, le plus solidaire du monde, encore faut-il que ce système soit soutenu par une économie qui permette de faire face à ces obligations.

Ce sont mes deux rendez-vous.

Le premier, celui que vous évoquiez, j'y reviens. Il y a des produits vitaux. Que faut-il faire face à ces produits vitaux ? Premièrement, il faut les identifier, et cela n'a pas été fait en France depuis très longtemps ou jamais, et il faut avoir un plan extrêmement précis, arrêté à l'avance pour faire face à une éventuelle rupture des approvisionnements de ces produits.

On s'est aperçu pendant la crise que l'on manquait de médicaments essentiels, que l'on manquait de médicaments pour les anesthésies - on a parlé du curare - on s'est aperçu que l'on manquait d'anti inflammatoires, d'antibiotiques et même de molécules aussi simples que le paracétamol, ou que l'on était au point d'en manquer, sur le point de rupture et tous les médecins et tous les hospitaliers savent que cela a été le cas.

Cela a été la même chose pour les gants, cela a été la même chose pour les masques, évidemment.

Ces produits doivent être identifiés et il faut, pour chacun d'entre eux, qu'il y ait un plan d'approvisionnement en cas de crise et, dans mon esprit, d'approvisionnement français ou européen parce qu'on peut traiter cette question dans le cadre d'un approvisionnement européen. C'est pareil pour les filières stratégiques.

Pour l'instant, la quasi-totalité de ces produits viennent de Chine ou d'Inde. Comment les relocaliser en Europe ou en France ?

Cela, c'est la responsabilité de l'État que d'inviter les principaux acteurs industriels et vous savez que la France est réputée être une puissance dans le domaine de la pharmacie du tout premier rang mondial. J'ai rencontré un grand nombre de ceux - industriels de ce secteur - qui appartiennent à ce premier rang mondial.

Ils sont prêts à ce que l'on discute de ces questions car ils se rendent bien compte que leur responsabilité sociale est engagée. Et donc, c'est le rôle de l'État que, après avoir défini quels sont les produits vitaux, il définisse aussi quel est le plan pour faire face à des risques de rupture en cas de crise.

Cela, c'est le premier acte, mais j'ai un deuxième acte qui, pour moi, est beaucoup plus important et que je vais essayer de traiter à partir du mois de janvier.

Quand on fait face à cette inquiétude, on s'aperçoit d'une deuxième chose qui est que nous n'avons plus le secteur productif nécessaire pour soutenir nos engagements sociaux.

Ceci est un drame, cela vous rappellera des souvenirs, j'avais fait une campagne présidentielle sur le « produire en France » alors que vous étiez dans d'autres fonctions.

Cette préoccupation ne m'a pas quitté, et encore moins aujourd'hui.

Quand vous regardez les chiffres, l'Allemagne, son secteur industriel, c'est 25 % de son PIB, de toutes les richesses créées en Allemagne.

En France 13 %, la moitié, mais, si vous regardez l'Italie, c'est près de 20 %, l'Espagne c'est entre 16 et 17 %. Et donc, nous sommes largués, nous, Français, alors que, dans l'ensemble européen, les nations qui sont réputées pourtant être plus en difficulté que nous, ont maintenu leur secteur industriel. Et la question qui se pose à moi, qui se pose à mon avis à l'ensemble des responsables du pays est celle-ci : comment, tout en sortant de cette crise ou tout en faisant face à l'urgence que cette crise a placée devant nous, pouvons-nous en même temps partir à la reconquête des secteurs industriels qui nous manquent tant ?

C'est un paradoxe absolu. Pourquoi ? Parce que nous sommes un des pays les plus avancés en matière de recherche, de transferts technologiques, de données, de datas comme l'on dit, d'algorithmes, de toutes les capacités que le monde de l'avenir offre à un pays pour recréer ou pour créer sa capacité industrielle. Et ceci est pour moi un des plus grands sujets que l'on va devoir traiter dans les années qui viennent.

Il y a un sujet que vous voulez traiter dans les mois qui viennent, c'est celui de la réforme institutionnelle, en tout cas de la réforme du mode de scrutin puisque vous préconisez le recours à la proportionnelle intégrale pour les législatives à venir en 2022.

Ce mode de scrutin avait déjà été utilisé pour les élections de 1986 pour la présidence de François Mitterrand.

Bonjour Antoine Dhulster. Cette réforme avait, à l'époque, pas mal polémique.

Antoine Dhulster : à l’époque la droite était vent debout contre cette réforme du mode de scrutin qui était pourtant annoncée dans les 110 propositions du candidat Mitterrand dès la campagne présidentielle de 1981, c'est d'abord la méthode qui dérange, la loi électorale modifiant le mode de scrutin a été adoptée un an seulement avant les législatives concernées.

Un laps de temps beaucoup trop court selon Valéry Giscard d'Estaing qui s'exprimait sur ce sujet, c'était en janvier 1985.

Valéry Giscard d'Estaing : « On peut très bien s’interroger sur ce que doit être une bonne loi électorale, on avait trois ans pour le faire.

À partir du moment où on ne l'a pas fait, je suggérerais, je conseillerais à l'opposition d'adopter l'attitude suivante qui sera, lorsque le sujet viendra à discussion devant l'Assemblée nationale, de déposer une motion de censure portant sur le principe du changement de loi électorale dans une période préalable à la consultation et, ensuite, à l'Assemblée nationale de ne pas participer au débat. »

Une opposition frontale de la droite et du centre contre ce changement de loi électorale. On vient d'entendre la voix de Valéry Giscard d’Estaing, on aurait pu entendre aussi celle de Raymond Barre ou celle des Gaullistes évidemment qui dénoncent en cœur des magouilles.

Le mode de scrutin doit rester majoritaire estiment-ils, il en va de la stabilité même de la Ve République.

C'est sur ce registre de la stabilité que François Mitterrand va leur répondre en avril 1985 ; les prises de parole à l'époque du Président sur ce sujet étaient rares.

Il s'exprime ici en marge d’un déplacement à Périgueux.

« Il y a beaucoup de choses à dire, c'est un sujet sérieux. Je voudrais remarquer en tout cas que la IIIème et la IVèmeRépublique ont été aussi instables l'une que l'autre, l'une avec des systèmes proportionnels, l'autre avec des systèmes majoritaires.

Cela montre au moins que la cause de l'instabilité politique en France ne dépend pas directement du mode de scrutin.

C'est tout ce que j'ai à dire aujourd'hui. »

Et la suite est connue, l'adoption de la proportionnelle permet à la gauche d'éviter la déroute annoncée aux législatives de 1986, la droite remporte une victoire moins large que prévu et le Front National entre en force à l'Assemblée. Mais cette expérimentation électorale a tourné court, elle a été supprimée par la majorité suivante et jamais réinstituée par la suite. Les élections de 1986 furent les premières et à ce jour les seules élections législatives menées avec ce mode de scrutin.

François Bayrou, je reprends l'argument de Valéry Giscard d'Estaing à l'époque, il dit : le gouvernement avait trois ans pour le faire.

On pourrait en dire autant à Emmanuel Macron et au gouvernement actuel.

Cela fait trois ans que cette réforme est esquissée, évoquée, annoncée et qu'elle est restée en plan.

Pourquoi la faire maintenant presque un an, un an et demi du prochain scrutin ?

Si vous avez écouté attentivement le président Valéry Giscard d'Estaing, vous aurez vu qu'il ne s'opposait pas au principe.

Il parlait de délai. Or cette question de délai a été tranchée par le Conseil constitutionnel et, désormais, c'est dans notre loi.

Si l’on veut changer un mode de scrutin, il faut le faire une année avant le scrutin en question donc cela nous laisse jusqu'au mois de juin puisque les élections législatives ont lieu au mois de juin, mais comme François Mitterrand l’a dit, c'est une question sérieuse et c'est une question plus sérieuse aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été.

Pourquoi ?

Je vous dis ma conviction profonde.

J'ai décrit devant vous l'Himalaya d'effort national qu'il va falloir conduire pour réparer les dégâts de la crise, et on y mettra plusieurs années, pour partir à la reconquête de ce qui nous a si cruellement manqué depuis 20 ans.

Faisons au passage cette réflexion : si les majorités ou si ceux qui s'opposent à ce changement de mode de scrutin avaient bien gouverné le pays, Dieu sait que l'on n'en serait pas là et que l'on ne se poserait pas ce genre de question, mais je dis : il va falloir des efforts considérables et ces efforts doivent concerner la nation tout entière.

Il y faudra un esprit de rassemblement extrêmement puissant, il faudra un esprit d’attention aux courants politiques, même si ce ne sont pas les vôtres et le système majoritaire qui donne tous les pouvoirs aux uns et rien aux autres est un système délétère de ce point de vue et ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on le dit. Je vous rappelle que les deux derniers présidents de la République ont été élus avec cet engagement dans leur programme, François Hollande et Emmanuel Macron.

Cet engagement devrait avoir pour moi, pris dans cette élection solennelle, force de loi.

Il y a quelque chose qui est différent aussi par rapport à la période de 1984-1986, c'est qu'aujourd'hui il y a un éclatement des forces politiques.

Marine Le Pen a été au deuxième tour de l'élection présidentielle, elle a fait près de 35 % des voix. Ce n'est pas rien. Un Français sur trois a voté pour elle. Elle est revenue avec moins de 1 % des sièges : 6 sièges sur 577.

J'avais vécu la même mésaventure en 2007, ayant fait près de 19 % et revenu avec 3 sièges à l'Assemblée Nationale.

Ceci n'est pas acceptable quand on veut demander à tous les courants civiques d'être responsables et de prendre leur part de l'effort national.

Il y a des moments où il est très important d'avoir une loi électorale juste. Vous avez dit proportionnelle intégrale. Ce n'est pas une proportionnelle intégrale, c'est une proportionnelle, comme tous les pays européens sans exception, à la seule différence de nous, et ceux qui sont stables et ceux qui sont bien gouvernés et ceux qui ont des bons résultats, aucun n'y manque à une loi électorale, qui donne à chaque courant politique le nombre de siège qu'il mérite avec un seuil à 5 %.

Les tout petits partis qui sont des éléments de dispersion ne sont pas représentés. C'est donc une proportionnelle raisonnable. C'est celle de tous les pays européens et nous, en France, nous avons de surcroît la chance - car pour moi c'est une chance -, de ne pas pouvoir vivre les divisions parlementaires qui ont été monnaie courante sous la IVème car maintenant nous avons un Président de la République élu au suffrage universel et ce Président de la République a des pouvoirs propres que vous connaissez très bien, Gérard Courtois, car c'est votre spécialité, qui lui permettent d'empêcher cette division. C'est lui qui forme le gouvernement, et pas l'Assemblée nationale, il est protégé par le 49.3, il peut dissoudre l’Assemblée et il a le référendum, il n'y a pas de risques.

Nous arrivons au terme de cette émission. Je voudrais vous poser une question plus personnelle sur l'instruction de cette affaire d'emplois présumés fictifs au Parlement européen qui vous vaut depuis un an une mise en examen.

Depuis un an, j'ai l'impression que l'instruction n'a pas évolué.

Depuis 3 ans et demi, cette affaire traîne.

On en est où ?

Si vous le savez, vous me le direz.

Donc vous ne le savez pas !

Non, je pense qu'il y a des auditions, l'enquête a été reprise de manière plus sérieuse me semble-t-il d'après ce que j'entends dire, mais je veux dire une chose simple : non seulement c'est injuste, mais c'est injustifié. Et on peut faire la preuve à la fois de cette injustice et on peut faire la preuve de ce que les éléments factuels sont faux ; non pas que je considère que les assistants parlementaires ne sont pas des citoyens comme les autres qui doivent être exclus, tout cela est ridicule et le Front national et Jean-Luc Mélenchon, tout le monde est poursuivi avec le même esprit.

Mais, pour nous, c'est injuste et injustifié.

Merci d'avoir participé à cette émission François Bayrou.

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