🏛Comprendre le CETA : interview de Sylvain Waserman

Sylvain Waserman

Mardi 23 juillet, l'Assemblée nationale a voté la ratification du CETA. Entretien avec Sylvain Waserman, Député du Bas-Rhin et membre de la commission des Affaires étrangÚres, pour comprendre les enjeux de ce texte. 

Mouvement DĂ©mocrate - Au moment mĂȘme oĂč le Parlement s'apprĂȘte Ă  voter le projet de loi autorisant la ratification de l’accord Ă©conomique et commercial entre l’union europĂ©enne et le Canada (CETA), un autre traitĂ© de libre-Ă©change entre l’Europe et les pays d’AmĂ©rique du Sud a Ă©tĂ© adoptĂ© par l’Union europĂ©enne (Mercosur). Quelles sont les diffĂ©rences entre ces deux accords commerciaux? 

Sylvain Waserman - A ce stade, les diffĂ©rences sont majeures. La France pose des conditions sine qua non claires pour un accord avec le Mercosur, et les mois Ă  venir seront dĂ©terminants pour Ă©valuer le respect strict dans l’accord de ces conditions : 

  • Le respect strict des normes sanitaires et environnementales europĂ©ennes
  • La protection de notre filiĂšre bovine, notamment via une clause de sauvegarde en cas de perturbation des marchĂ©s (l’accord prĂ©voit un contingent de 99000  tonnes pour l’importation de viande bovine en provenance du Mercosur contre un contingent de 50000 tonnes en provenance du Canada avec le CETA)
  • Le respect de l'Accord de Paris sur le climat, dont la France milite pour que cela devienne une clause essentielle de tous les accords commerciaux.

La France ne soutiendra cet accord qu’à l’aune du respect strict de ces trois conditions. Par ailleurs, le PrĂ©sident de la RĂ©publique a rappelĂ©, en marge du G20, que le maintien du BrĂ©sil de Jair Bolsonaro dans l’Accord de Paris et des engagements clairs de sa part en matiĂšre de biodiversitĂ© seront des conditions indispensables au soutien de la France Ă  cet accord. 

Au contraire, l’accord nĂ©gociĂ© avec le Canada (CETA) prĂ©voit de fortes garanties sur ces diffĂ©rents sujets. En effet, malgrĂ© des nĂ©gociations longues de prĂšs de dix ans, l’accord conclu en octobre 2016 - signĂ© par François Hollande -  et les actions complĂ©mentaires initiĂ©es depuis deux ans par le gouvernement français pour en assurer une mise en Ɠuvre exemplaire (comme la signature d’un partenariat bilatĂ©ral sur l’environnement pour promouvoir et assurer la mise en Ɠuvre rapide de l’Accord de Paris) font de cet accord le premier d’une nouvelle gĂ©nĂ©ration d’accords commerciaux plus responsables et Ă©quitables, aussi bien sur le plan des exigences dĂ©mocratiques et du respect de nos normes et standards europĂ©ens, qu’en termes d’ambitions environnementales et climatiques. En outre, le modĂšle agricole canadien, sa rĂ©glementation en matiĂšre de contrĂŽle sanitaire et son action environnementale en font incontestablement un partenaire commercial plus proche de nous en termes de normes et de valeurs. 

Lors d’accords commerciaux des inquiĂ©tudes sont formulĂ©es de la part des consommateurs concernant les normes sanitaires et environnementales, d’autres concernent les filiĂšres sensibles – notamment la filiĂšre agricole. Sont-elles fondĂ©es ? Comment garantir leur respect ?

Tout nouvel accord de libre-Ă©change, en ce qu’il va permettre d’abaisser l’ensemble des barriĂšres au commerce, suscite des inquiĂ©tudes dans l’opinion publique quand les normes sanitaires ou environnementales du partenaire en question divergent – mĂȘme a minima– des normes europĂ©ennes. 

Mais il faut rappeler que l’ensemble des produits importĂ©s doit respecter les normes sanitaires europĂ©ennes, prĂ©sentes et Ă  venir : c’est la rĂšgle absolue et elle n’est pas nĂ©gociable. Pour s’assurer que ces clauses Ă©crites dans les accords de libre-Ă©change soient respectĂ©es, la Commission europĂ©enne rĂ©alise rĂ©guliĂšrement des audits dans les pays tiers exportateurs. Et en cas de non conformitĂ©s graves, l’Union europĂ©enne peut interrompre unilatĂ©ralement les importations en provenance du pays en question, ou mettre en place une surveillance renforcĂ©e aux frontiĂšres, avec des contrĂŽles et des analyses systĂ©matiques.

S’agissant plus particuliĂšrement des normes environnementales, la vision de la France est claire : il faut parvenir Ă  faire des accords de Paris une clause essentielle de tout accord commercial, pour faire de ces accords de vĂ©ritables leviers d’action pour la lutte contre le dĂ©rĂšglement climatique ; la premiĂšre Ă©tape est une inscription explicite de l’Accord de Paris sur le climat dans ces accords ou projets d’accords.

Dans le contexte de fragilitĂ© de la filiĂšre agricole en France, il est normal de s’interroger sur l’impact de ces accords sur sa compĂ©titivitĂ©, en particulier pour la filiĂšre bovine. Le contingent concĂ©dĂ© pour le bƓuf Ă  l’importation dans le CETA ne reprĂ©sente que 0.6% de la consommation totale de l’Union europĂ©enne et le gouvernement français, dans le cadre de son Plan d’action de suivi de la mise en Ɠuvre de l’accord, a mis en place des mesures spĂ©cifiques et un suivi prĂ©cis des volumes d’importation des produits agricoles sensibles afin de permettre une rĂ©action rapide en cas de dĂ©stabilisation du marchĂ©. 

Un accord de libre-Ă©change, c’est l’opposĂ© exact d’une "dĂ©rĂ©gulation totale". Ces accords nous permettent de mieux encadrer le commerce international avec des rĂšgles contribuant Ă  renforcer nos exigences sanitaires, environnementales, climatiques et sociales. 

Vous ĂȘtes favorable Ă  l’accord Ă©conomique et commercial entre l’union europĂ©enne et le Canada : considĂ©rez-vous qu’il s’agit d’un partenariat Ă©quitable ? 

Je suis favorable au CETA à plusieurs titres, et le fait que cet accord soit juste, équilibré et équitable en fait partie.

Le CETA est le premier d’une nouvelle gĂ©nĂ©ration d’accords commerciaux qui prĂ©sente des innovations majeures et particuliĂšrement favorables Ă  la France : 

  • Il garantit la protection de l’agriculture locale avec 172 indications gĂ©ographiques europĂ©ennes protĂ©gĂ©es, dont 42 dĂ©nominations françaises. Il s’agit d’une avancĂ©e majeure dans un pays qui consacrait jusqu’alors le droit des marques et ne reconnaissait pas nos terroirs ;
  • Il met en place un systĂšme juridictionnel public des investissements qui se substitue aux tribunaux d’arbitrage traditionnels privĂ©s avec une garantie d’indĂ©pendance, d’impartialitĂ© et de transparence (exemple : les juges qui y siĂšgeront seront dĂ©signĂ©s par les autoritĂ©s politiques et soumis Ă  des rĂšgles de dĂ©ontologie prĂ©cises) ;
  • Il s’accompagne d’un engagement strict des Gouvernements canadiens et français pour le respect de l’Accord de Paris sur le climat ;
  • Il s’inscrit dans une stratĂ©gie de suivi prĂ©cis des effets des accords commerciaux sur les secteurs sensibles avec des leviers d’action effectifs en cas de dĂ©stabilisation des filiĂšres grĂące Ă  un Plan d’action volontariste du Gouvernement ;
  • Pour la premiĂšre fois, enfin, dans le cadre de l’examen d’une loi de ratification d’un accord commercial, le Parlement, grĂące au travail de la PrĂ©sidente de la commission des Affaires Ă©trangĂšres de l’AssemblĂ©e nationale, Marielle de Sarnez, a obtenu l’élaboration d’une Ă©tude d’impact de l’accord fiable et rigoureuse, spĂ©cifique Ă  la France et multisectorielle avec l’engagement du Gouvernement de faire de cette nouvelle mĂ©thode la norme pour les futurs accords de commerce.

Par ailleurs, nous ne devons pas oublier que nous avons conclu cet accord avec un pays ami, avec lequel nous partageons des liens historiques, culturels et économiques privilégiés et dont les normes et valeurs sont trÚs proches des nÎtres. Dans le contexte de crise du multilatéralisme et de repli américain que nous connaissons, il est indispensable de renforcer notre partenariat avec le Canada pour que ces normes et valeurs soient préservées et diffusées. 

Pour rappel aussi, 270 filiales d’entreprises canadiennes sont implantĂ©es sur le territoire français reprĂ©sentant plus de 21 000 emplois dans de nombreux secteurs et 550 entreprises françaises employant plus de 80 000 personnes sont implantĂ©es au Canada, dont 70 % au QuĂ©bec. Cet accord est donc trĂšs important pour le dĂ©veloppement Ă©conomique de la France. 

Et si nous refusons un accord aussi novateur et équilibré avec un pays aussi proche que le Canada, alors avec qui accepterons-nous de commercer ? 

Depuis sa mise en Ɠuvre provisoire du CETA en 2017, a-t-on observĂ© des effets positifs sur l’économie ? 

L’étude d’impact rĂ©alisĂ©e par le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) – organe indĂ©pendant – Ă©tablit un bilan positif sur l’économie depuis l’entrĂ©e en vigueur provisoire de l’accord en septembre 2017. 

Notre balance commerciale avec le Canada a progressĂ© de 400 millions d’euros en 2018. Nos exportateurs, notamment agricoles et agroalimentaires, en ont profitĂ© dans de nombreux secteurs : les vins, les parfums, l’automobile, la chimie ou encore les produits laitiers. 

A plus long terme, l’étude du CEPII anticipe des bĂ©nĂ©fices tangibles pour notre Ă©conomie et nos emplois avec : 

  • Un accroissement des Ă©changes de biens et services de 30% entre le Canada et la France d’ici 2035 ; 
     
  • L’impact suivant sur le solde bilatĂ©ral à horizon 2035 :
  • Une hausse des exportations françaises de 16% ;
     
  • Une hausse des importations françaises dĂ©couplĂ©e comme suit :
  • Une hausse de 14% des importations de produits de consommation finale ;
     
  • Une hausse de 28%des importations de produits intermĂ©diaires pour rĂ©exportation, faisant gagner en compĂ©titivitĂ© la France vis-Ă -vis des marchĂ©s tiers.

Par ailleurs, depuis sa mise en Ɠuvre provisoire, le groupe de travail interministĂ©riel chargĂ© du suivi de l’application de l’accord relĂšve qu’aucun territoire ou filiĂšre n’a subi de consĂ©quences nĂ©gatives liĂ©es au CETA. Le marchĂ© europĂ©en n’a pas Ă©tĂ© dĂ©stabilisĂ© et nos rĂšgles sanitaires ont Ă©tĂ© pleinement prĂ©servĂ©es (par exemple : 52 lots de viande bovine ont Ă©tĂ© contrĂŽlĂ©s et aucune irrĂ©gularitĂ© n’a Ă©tĂ© constatĂ©e). Enfin, l’étude du CEPII anticipe un impact trĂšs limitĂ© de l’accord sur les Ă©missions de gaz polluants, Ă  moins de 0,01% de surplus d’émissions de CO2.

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