Philippe Michel-Kleisbauer : "Avoir un objectif politique partagé permet de surmonter les divisions religieuses" 

Mardi 16 juin 2020, Université 133 a auditionné le député du Var Philippe Michel-Kleisbauer sur le thème de la laïcité au sein des armées. Christophe Bellon (historien, rapporteur d’Université) 133) a mené les discussions, avec Blandine Chelini-Pont (Professeur à l’Université d’Aix-Marseille), Louise Armand (Étudiante de l’Ecole de droit de La Sorbonne, Membre assimilée des jeunes IHEDN) et Xavier de Bonnaventure (chargé d’enseignement en droit public, Enseigne de vaisseau de réserve, Ancien membre de la commission Armée jeunesse).

Christophe Bellon a ouvert l’audition par une généalogie en 3 temps : les centristes et la question de la laïcité, depuis le XIXe siècle, puis sous les IIIe, IVe et Ve Républiques ; les centristes et les armées ; et enfin, la question de la laïcité militaire, avec en particulier la loi de 1880 qui établit les aumôneries militaires.

Sous la Ve République, l’armée a été la chasse-gardée des gaullistes, mais sous les précédents régimes, de grandes figures centristes se sont illustrées, comme Louis Barthou.

Le programme du CDS, L’autre solution, a défini une ligne autour de la recherche du désarmement général simultané et contrôlé, de la possession de l’arme nucléaire, d’une alliance atlantique tenue pour vitale. L’Europe de la défense a subi un coup d’arrêt avec l’échec de la CED en 1954, mais, dès 77-78, l’idée d’une Europe de la Défense est émise, si les Français en prennent l’initiative. La création d’un axe franco-allemand est bien enclenchée par le couple Giscard d’Estaing-Helmut Schmidt. Et la discussion sur l’armée de conscription se développe : un service universel d’un an, qui doit être étendu sous la forme non militaire, avec des aspects de protection civile et un volet écologique.

Sous la Ve République, des centristes d’inspiration libérale comme François Léotard, Charles Millon ou Hervé Morin ont été en charge de la politique militaire.

Christophe Bellon cite Jean Baubérot, pour qui le seul domaine où la laïcité fonctionne correctement, c’est l’armée. Existe-t-il une laïcité militaire, qui pourrait servir de modèle aux autres segments de la société ? Le premier livret pédagogique, conçu pour faire comprendre les problématiques laïques à l’étranger, et réactualisé par la ministre des Armées Florence Parly, se révèle remarquable.

Le député du Var Philippe Michel-Kleisbauer choisit de partir de ce fameux livret pour expliquer en quoi la laïcité militaire possède une réelle consistance. La beauté de nos armées tient à cette laïcité et à la manière dont elle est exercée.

Avec l’aumônerie, le livret pédagogique est le 2e pilier de la laïcité militaire. Ce document s’adresse aux écoles de formation et aux centres de recrutement de nos armées. Le métier militaire est en effet un métier de jeunes personnes. Le livret expose l’encadrement de la liberté religieuse et explique le rôle de l’aumônerie militaire, mettant en également en lumière la chronologie de la liberté de conscience. On peut faire remonter l’origine de la laïcité à la fin du XVIe siècle, où des protestants et des catholiques combattaient ensemble dans l’armée du roi.

Philippe Michel-Kleisbauer porte un premier message très fort : avoir un objectif politique partagé permet de surmonter les divisions religieuses. 

L’Etat est impartial, la pratique de la laïcité s’accompagnant de règles et d’exigences fortes.

Dans les armées, la mission prime. Chacun sait que la clé de la réussite est la cohésion.

Philippe Michel-Kleisbauer souligne que, dans le groupe MoDem à l’Assemblée, il joue souvent cette carte militaire, pour rappeler que seule la cohésion permet de faire des réformes. 

La laïcité s’exprime à travers un vivre-ensemble concret lorsque survient la mort : le guerrier respecte alors la relation avec son ennemi en train de mourir. Le rapport à la mort est omniprésent pour les soldats, ce métier constituant un engagement total. Aussi le rôle de l’aumônier est-il, naturellement, psychologique et spirituel.

Les missions récentes de nos armées, en Centre-Afrique par exemple, montrent que les centristes ont un rôle à jouer, lorsqu’il s’agit de s’interposer entre des catholiques et des musulmans s’entretuant. Il s’agit de veiller à ce que la religion ne soit pas exploitée à d’autres fins.

Nos forces spéciales, le député du Var le souligne, représentent un modèle d’intégration et de mixité. Il est indispensable, pour une armée, d’accepter les croyances religieuses de ses soldats et de les organiser.

Philippe Michel-Kleisbauer détaille pour nous les 9 questions les plus récurrentes du livret :

  • La laïcité française est-elle hostile aux religions ? (Non)
  • Est-elle l’expression d’une indifférence absolue de l’Etat ? (Non)
  • Interdit-elle d’exprimer son identité religieuse dans l’espace public ? (Non, avec une distinction entre les différents types d’espaces, fermés ou non)
  • Les Français sont-ils majoritairement athées, ou non ? (Seulement ¼ de la population, un autre quart n’ayant pas de réticence à se voir associé à une croyance)
  • La République française reconnaît-elle les religions ? (Non)
  • La laïcité constitue-t-elle une exception française ? (Non, par exemple nous trouvons en Turquie une forme de laïcité, qui glisse vers l’alliance)
  • Y a-t-il une singularité française ? (Oui, d’où l’importance du regard extérieur sur la France, qui a poussé la Ministre des Armées à reformuler le livret : il s’agit pour nous d’éviter une intrusion du religieux dans les affaires de l’Etat)
  • Cette laïcité est-elle traduisible dans d’autres langues ? (Oui, c’est là un enjeu important)
  • Peut-on parler de laïcité militaire ? (Oui)

Dans le métier militaire, la mort est toujours à l’horizon. Xavier Denys de Bonnaventure interroge le député sur le rôle véritablement psychologique et spirituel de l’aumônier, qui va bien au-delà d’une simple représentation. Il souligne également que la laïcité militaire se fonde bien plus sur l’impartialité que sur la neutralité. Louise Armand, citant le général Alexandre d’Andoque, lui demande si l’armée ne peut pas être vue comme un laboratoire de la laïcité. Et Blandine Chelini-Pont s’interroge : si la laïcité militaire fonctionne si bien, comment diffuser ce modèle aux autres sphères de la société ? Comme les hôpitaux ou les prisons, par exemple.

Philippe Michel-Kleisbauer reconnaît l’importance de cette notion d’impartialité. C’est bien en cela que l’armée est un véritable laboratoire de laïcité, comme de tous les problèmes sociétaux. Dans l’armée, toute question va être travaillée, creusée et acceptée en une doctrine, sous la même forme par tous. C’est évidemment ce qui manque aux autres institutions. Les autres pans de notre société devraient s’inspirer de ce livret. L’armée est un bel exemple à suivre dans le domaine de la cohésion, de la mission.

Xavier Denys de Bonnaventure met le doigt sur un point intéressant : a-t-on des retours sur la proportion de soldats athées qui ont consulté un aumônier militaire ? Blandine Chelini-Pont pose la question : note-t-on des évolutions dans les pratiques traditionnelles ? Lorsqu’il y a un nombre important de soldats non chrétiens, comment organiser certaines célébrations, ou fêtes et coutumes particulières ? Car la matrice chrétienne au sein de l’armée demeure présente, on le voit avec les concours de crèches, par exemple. Louise Armand interroge Philippe Michel-Kleisbauer sur la portée des formations pour devenir aumônier.

Le député du Var reconnaît que des études précises sur la proportion de soldats athées ayant recours à des aumôniers, ainsi que sur les différentes évolutions des pratiques traditionnelles manquent encore. Le débat sur la laïcité est l’un des plus intéressants du moment. Aussi Philippe Michel-Kkeisbauer propose-t-il de soumettre au groupe MoDem l’idée d’une mission flash sur ces sujets.

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