"Reconstruire le pays, bâtir un nouveau modèle" : vos questions à Patrick Mignola 

Nous traversons une crise inédite, la plus importante depuis 1945. Les mesures de restriction sanitaires en vigueur en France depuis mi-mars ont pris fin le 11 mai, après une durée totale de huit semaines. Le redémarrage s’observe depuis le 11 mai et devrait se poursuivre au-delà̀ du 2 juin avec la deuxième phase du déconfinement. Nous anticipons désormais une récession de 11% en 2020, un déficit de 11,4% et une dette publique atteignant 121% du PIB.

Les aléas des prévisions économiques et sociales sont importants. La capacité de rebond de l’économie française au second semestre dépendra fortement du rebond des économies partenaires et de l’évolution du contexte international. Au premier rang des incertitudes figurent les aspects sanitaires, qui pourraient accélérer la reprise ou à l’inverse peser sur l’activité. 

Patrick Mignola, ancien Maire de la Ravoire en Savoie et ancien conseiller général et conseiller régional Auvergne Rhône-Alpes, député et Président du groupe MoDem à l'Assemblée nationale depuis 2018, voit en cette crise l'opportunité de renforcer les solidarités. 

Ce sont les plus fragiles de la société qui souffrent de la crise. Il faut retrouver une vie économique normale, certes, mais sans perdre de vue qu'avant le covid nous faisions face à une crise démocratique et morale.

La crise a obligé chacun à s'interroger sur le sens, pour donner un supplément d'âme à notre société et notre économie. 

"Il faut rebâtir un pacte social. Au Groupe MoDem, nous défendons depuis longtemps un meilleur partage des richesses." Sur les 20 dernières années la rémunération du capital a progressé 7 fois plus vite que celle du travail. Patrick Mignola plaide pour un meilleur équilibre entre capital et travail et voit en la participation et l'intéressement des outils pour servir cette nécessaire équité.

"Le capitalisme n'est pas une valeur morale, c'est un mécanisme amoral". Un des grand enjeux est l'analyse des objets sociaux des entreprises. Il faut définir le projet d'une entreprise au delà de sa rentabilité, être capable d'écrire les objectifs environnementaux Sociaux et de Gouvernance (ESG) de nos entreprises. "C'est aussi un formidable levier de fidélisation de la jeune génération".

Concernant l'industrie, tous les échelons doivent être mobilisés pour relocaliser et décarboner et en particulier l'échelon local. 

Si nous voulons de la relocalisation industrielle, il faut plus de pouvoir pour nos élus locaux, mais aussi qu’ils fassent preuve d’audace dans l’attribution des marchés publics.

Il est indispensable de proposer outils et objectifs aux entrepreneurs, de simplifier les procédures pour encourager l'adhésion des entreprises aux différents dispositifs. Mais Patrick Mignola rappelle que ces lois existent. Il suffit maintenant de les faire vivre. "Les accords de compétitivité, l'actionnariat salarié : ces mesures ont été votées. Il est maintenant nécessaire que les corps intermédiaires s'en saisissent." 

Sur la question du télétravail, Patrick Mignola y voit une chance pour l'écologie qui permettrait notamment de palier aux problématiques de transports dans les zones urbaines. Il est pour autant nécessaire ne ne pas couper le travailleur du lien humain et social. L'emploi n'est pas qu'une affaire de productivité.

Le télétravail peut accompagner notre économie, il peut aussi accompagner notre écologie. Mais le télétravail ne remplace pas le travail présentiel. Le travail c’est aussi le lien social.

Et c'est bien là une question centrale. Au sortir de la crise sanitaire, l'une des priorités des Français est de faire société. Chacun se trouve abandonné, mal reconnu. Il faut redonner à cette société une raison d'être. Le projet politique que peut porter ce pays pour sortir des égoïsmes et éviter les violences : c'est partager les pouvoirs. 

"Disons à tous les élus locaux, région par région, pour leur offrir de manière différentiée, la possibilité de décider de leur périmètre d'action, de leurs responsabilités."

A l'issue de cet échange, la discussion se poursuit à micro coupé. Patrick Mignola revient sur la nécessité de penser notre société en prenant la mesure de l'urgence écologique tout en gardant pour finalité le progrès. Il perçoit ce dernier comme évolutif, adaptable, selon le temps et les hommes. Selon lui, il est indispensable de concevoir une éthique du progrès, pour bâtir avec harmonie notre maison commune.