Jean-Louis Bourlanges : "Il est clair que l’agression du Hamas est à la fois terroriste et constitutive d’un crime de guerre"

Notre député des Hauts-de-Seine et président de la commission des affaires étrangères, Jean-Louis Bourlanges, a prononcé un discours résolument engagé en faveur de la paix à l’occasion du débat sur la situation au Proche-Orient à l'Assemblée nationale. Il a entre autres réaffirmé sa solidarité à l’égard d’Israël et reconnu les besoins légitimes d’autodétermination du peuple palestinien.

Seul le prononcé fait foi.

Madame la Présidente, Madame la Première ministre, Mesdames et Messieurs les ministres, mes chers collègues,

Le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations-Unies décidait par 33 voix contre 13 la création de l’État d’Israël tout en prenant soin de proposer l’institution parallèle d’un État palestinien qui, à la suite de la guerre qui a accueilli la décision onusienne, n’a jamais pu voir le jour. De ce vote solennel qui engage la communauté internationale, datent à la fois le droit imprescriptible du peuple juif à vivre dans un État libre et souverain et le lancinant problème posé par l’émergence indéfiniment différée de son jumeau palestinien. Israël était né, Ismaël restait dans les limbes. La tragédie prenait ses marques au cœur d’un Moyen-Orient par ailleurs déchiré par la guerre froide.

Le 7 octobre dernier, cette interminable tragédie a pris un cours décisivement nouveau et d’une gravité exceptionnelle. Israël s’est trouvé confronté à une agression paramilitaire de première grandeur menée par un Hamas résolu à piétiner tous les principes, toutes les règles, tous les usages régissant les relations entre les peuples, que ceux-ci soient en guerre ou en paix. Si les mots ont un sens, il est clair que l’agression conduite par le Hamas est à la fois terroriste, constitutive d’un crime de guerre généralisée et adossée à un discours à caractère génocidaire assumé. Le Hamas met en scène les pires violences sur les populations dans le seul but d’effrayer et d’intimider, c’est du terrorisme ; le Hamas ne fait la guerre qu’aux civils, c’est la définition même, et dans son extension maximale, du crime de guerre ; les fidèles du Hamas n’hésitent pas à appeler, non pas simplement à la disparition de l’État d’Israël, mais à l’élimination des Juifs, en tant que Juifs, c’est l’expression d’une volonté de génocide porteuse d’un crime contre l’humanité.

Face à une telle entreprise, Israël dispose d’un droit absolu à se défendre mais la question fondamentale que met sous une lumière brutale l’initiative sanglante du Hamas, c’est celle des moyens propres à assurer la sécurité à long terme d’Israël et c’est de la réponse à cette question que doivent dépendre nos réactions à court et à moyen terme comme celles de l’État hébreu. Comment un État de 20 770 kilomètres carrés, peuplé de moins de sept millions de juifs, fer de lance d’une communauté humaine de près de treize millions de personnes, pourrait-il espérer vivre durablement en paix et en sécurité au milieu d’un environnement par hypothèse hostile de plus d’un milliard et demi de Musulmans ?

A cette question, la mauvaise réponse, mais aussi la plus tentante, est, bien entendu, celle du mur, du cordon sanitaire, supposée pouvoir soustraire l’État hébreu, si puissamment militarisé soit-il, à toutes les menaces qui l’entourent. La combinaison de la faiblesse démographique d’Israël et d’une diffusion générale d’armes de destruction de courte et de moyenne portée, a progressivement créé une situation d’extrême vulnérabilité sécuritaire pour l’État hébreu. Même l’arme nucléaire dont dispose Israël n’est pas de nature à assurer la survie d’un État concentrant toute sa population sur un espace aussi restreint.

Pour définir ce que doit être la politique de la France, celle de l’Union européenne et, plus généralement, celle de la communauté internationale face à cette terrible situation, il faut analyser sans œillères ni préjugés ce qui s’est modifié ces dernières années sur la scène moyenne-orientale. Comme l’a très justement dit Monseigneur Vesco, Archevêque dAlger : “ La violence barbare du Hamas est sans excuse mais n’est pas sans cause ”. Avant la prise de pouvoir de M. Netanyahou, les grands dirigeants historiques d’Israël, quelle qu’ait été leur sensibilité politique ont eu une conscience aiguë de cette vulnérabilité après que la guerre du Kippour l’eut rendu manifeste. Yitzhak Rabin, qui avait vu au plus près le péril de la patrie, a porté avec une force de conviction et une volonté politique sans pareille l’idée qu’il n’y aurait ni paix ni sérénité pour Israël si les palestiniens ne se voyaient pas reconnaître, eux aussi, un État libre et souverain. Menahem Begin, venu pourtant de la droite de la droite, a assumé courageusement à Camp David, le choix de la paix avec le principal ennemi d’Israël, l´Égypte post-nasserienne. Ariel Sharon qui avait pris la mesure de l’impuissance de la force dans le cadre de l’intervention controversée qu’il avait conduite au Liban avait, à la veille de l’accident de santé qui devait le terrasser, décidé d’amener son pays à renoncer à ses ambitions coloniales en Cisjordanie. Ces hommes avaient pressenti et, pour Yitzhak Rabin à tout le moins, pleinement reconnu qu’Israël ne trouverait la paix qu’à la condition d’établir avec les États arabes qui l’entouraient, mais aussi avec les hommes et les femmes de Palestine une relation équilibrée qui supposerait le respect mutuel et le partage des bénéfices de la paix.

La rupture introduite ces dernières années dans la politique israélienne par les gouvernements successifs de M. Netanyahou n’est certainement pas la cause unique de la situation nouvelle mais elle y a puissamment contribué. Le Premier ministre israélien et son gouvernement, construit en rupture avec la tradition laïque et libérale qui a dominé l’histoire intérieure d’Israël depuis sa création, ont paru méconnaître cette vulnérabilité structurelle de l’État hébreu et ont agi comme si le problème palestinien appartenait au passé et qu’il n’y avait plus lieu de prendre en compte les attentes et de redouter les initiatives issues d’une communauté palestinienne divisée, disqualifiée et, dans ses formes les plus extrêmes, celles du Hamas, tout simplement achetée par son ennemi.

Sur le plan technique, il est clair que M. Netanyahou, qui est sans doute le moins versé dans les affaires militaires de tous les chefs de gouvernement qui se sont succédé à son poste depuis la création d’Israël, n’a pas su maintenir entre le pouvoir politique, Tsahal et les services de renseignement l’étroite solidarité nécessaire à une mobilisation de tous les instants de l’appareil sécuritaire sur les bons enjeux. A court terme, ces défaillances se sont révélées lourdes de conséquences.

L’essentiel est toutefois d’ordre politique. M. Netanyahou a semblé imaginer que l’établissement de relations apaisées et coopératives avec les voisins arabes d’Israël ce qui était en soi une excellente ambition et se révélera demain fort utile à la quête nécessaire de l’apaisement, pouvait avoir ce pouvoir indirect, mais précieux à ses yeux, de dispenser Israël de rechercher un accord équilibré, et respectueux des attentes de leurs aspirations profondes, avec les Palestiniens. Bien plus, les accords d’Abraham ayant permis aux États arabes d’abandonner les Palestiniens à leur triste sort, le gouvernement israélien s’est estimé libre d’engager sans risque une relance rampante mais brutale et déterminée de sa politique de colonisation en Cisjordanie.

La politique d’Israël a changé mais il serait injuste d’attribuer à l’État hébreu le monopole de la nouvelle brutalisation du monde d’où l’horreur du 7 octobre est sorti. Partout, les forces attachées à la modération, à la coopération et à la paix ont été battues en brèche. Que “ les Palestiniens aient eu la tentation croissante et suicidaire de se réfugier dans une sorte de nihilisme politique ne peut hélas pas nous surprendre. Une population sans avenir donc sans espoir pouvait-elle être tentée par des partis modérés qui n’avaient rien à lui offrir ?

Les États-Unis ont eux aussi leur part de responsabilité historique dans l’armement du piège, qui n’avaient guère encouragé les efforts des Européens en faveur d’un processus de paix fondé sur la quête d’une solution à deux États et qui, à l’initiative de Donald Trump, ont basculé dans le camp des pousse-au-crime  en cassant les accords de Paris avec l’Iran et en cautionnant le transfert de leur ambassade à Jérusalem. L’Europe n’a, quant à elle manqué ni de lucidité ni d’imagination dans son obstination à soutenir le seul modèle capable de transformer en partenaires des adversaires de toujours mais elle s’est révélée incapable de tenir le choc quand le Président Trump a décidé de sonner la charge contre toute solution d’équilibre et de bon sens. Force des analyses, faiblesse des volontés.

Comment dans ces conditions ne pas voir que ce sont aujourd’hui les héritiers idéologiques des assassins d’Yitzhak Rabin et d’Anouar el-Sadate qui tiennent ensemble la plume de la tragédie qui s’écrit sous nos yeux ? Que pouvons-nous faire pour aider les peuples en détresse à tracer le bon chemin ?. Dans l’immédiat, il faut impérativement veiller à ce qu’une contre-attaque, légitime dès lors qu’elle vise exclusivement à détruire les moyens militaires de l’agresseur, évite les deux écueils majeurs que chacun a clairement identifiés. D’abord le risque d’une escalade incontrôlée pouvant conduire à un embrasement général. Derrière le Hamas, il y a le Hezbollah, derrière le Hezbollah, il y a l’Iran. Derrière l’Iran, il y a la Russie et la Chine. Rendons à cet égard un juste hommage au sang-froid et à l’engagement du président Biden qui, au rebours de son prédécesseur, met indiscutablement tout le poids des États-Unis au service de la modération, de la désescalade, de la libération des otages et du droit à la vie des populations civiles.

Le deuxième risque majeur c’est, en effet, celui d’un anéantissement massif de populations civiles utilisées par les uns comme des boucliers humains et par les autres comme l’exutoire d’une tentation de vengeance, pour reprendre l’expression préoccupante du Premier ministre israélien. Au-delà des mises en garde, l’Union européenne doit prendre sans délais toutes ses responsabilités pour assurer avec les organisations humanitaires l’acheminement massif des moyens de survie d’une population civile en détresse profonde. Et sachons faire de ces gestes forts l’instrument du retour des otages. Il est des moments et des lieux où il est criminel de ne pas être au rendez-vous. L’Europe ne se relèverait pas d’être restée passive dans des circonstances aussi dramatiques.

Reste à construire un avenir de paix. La tâche est redoutable en raison du mur de défiance et de haine qui sépare aujourd’hui Israéliens et Palestiniens. Aujourd’hui, il est à la fois trop tard et trop tôt pour instituer deux États en terre de Palestine. Il est en revanche temps, et même grand temps, de commencer de réaliser les conditions qui rendront possible le moment venu cette double création. La première de ces conditions, c’est qu’Israël fasse cesser sa politique de colonisation et reconnaisse enfin que la solution du problème palestinien ne saurait passer par l’exportation en Égypte des palestiniens de l’ouest et en Jordanie des Palestiniens de l’est. La seconde de ces conditions, c’est de recréer avec l’appui notamment des États modérés du pacte d’Abraham une autorité palestinienne active, respectée et capable de prendre à Gaza le relais d’un Hamas en cendres et de négocier un statut respectueux des droits palestiniens. Au-delà du Moyen-Orient, les bonnes volontés existent, telle celle du Brésil dont la France a eu raison de soutenir le projet de résolution à l’ONU. Il nous appartient de nous associer à leurs efforts.

Je terminerai en évoquant le rôle essentiel que doit jouer l’Union européenne au service de la paix dans cette région tourmentée mais si proche. L’Europe brisée et ruinée s’est reconstruite sur une idée simple et forte, celle qui a guidé la réconciliation franco-allemande : on ne peut trouver la paix avec ses adversaires de toujours qu’à la condition de prendre en compte leurs besoins légitimes. C’est à l’Europe de convaincre Palestiniens et Israéliens de la pertinence de son logiciel de réconciliation. Et c’est à la France de convaincre nos partenaires de relever ce défi historique.

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