François Bayrou : "Il est absolument nécessaire de remettre d'aplomb la majorité"

François Bayrou, Président du Mouvement Démocrate, était l'invité des 4V de Télématin sur France 2 ce mercredi 20 décembre à 7h40.

Thomas Sotto : Bonjour et bienvenue dans les 4V, François Bayrou.

François Bayrou : Bonjour.

Thomas Sotto : « Il vaut mieux perdre une élection que perdre son âme », avait dit en son temps Michel Noir. Pendant toute votre vie politique, vous avez mis les extrêmes à distance sans jamais vous compromettre, François Bayrou. En mettant le sort du projet de loi immigration entre les mains de Marine Le Pen. Est-ce que ce gouvernement a perdu son âme ?

François Bayrou : C'est le contraire. Ce que le gouvernement a dit hier soir, et a fait hier soir, a prouvé hier soir, c'est que si le texte était passé par les voix de l'extrême droite, le gouvernement aurait retiré le texte.

Thomas Sotto : Mais il est passé par les voix de l’extrême droite !

François Bayrou : Non, il a été adopté en dehors des voix de l'extrême droite, et assez largement, avec une marge de sécurité qui montre bien que ce n'est pas le Rassemblement National qui avait la clé de ce vote.

Thomas Sotto : Sauf que si le Rassemblement… On ne va pas faire des calculs pendant 2h, mais si le Rassemblement National avait voté contre, le texte aurait été rejeté. Donc le gouvernement avait besoin des voix du RN.

François Bayrou : Non, je répète alors. Ce n'est pas la peine de faire des polémiques parce qu'il y a des choses assez graves, en effet, qui se sont passées hier… Mais non, le texte a été adopté en dehors des voix du Rassemblement national et s'il avait dépendu de ces voix, il aurait été retiré par le gouvernement.

Thomas Sotto : Mais ce texte, vous en demandiez le retrait, c'est ce que disait Nathalie Saint-Cricq tout à l'heure à 7h15. Donc, même s'il a été adopté sans les voix du RN, ça reste le même texte.

François Bayrou : Non, je n'ai jamais demandé le retrait du texte. J'ai demandé que le texte respecte les deux principes essentiels. Un, qu'on ait de la rigueur, c'est à dire que les Français sachent que l'on ne fait pas n'importe quoi en France, que le séjour irrégulier, et bien il est repéré, sanctionné, mais qu'on peut s'intégrer par le travail. Il existe une voie d'intégration, une voie pour être régulier dans notre pays et c'est le travail.

Et c'est exactement ce qui a été imposé dans le texte d'hier.

Thomas Sotto : Mais par exemple, vous étiez tout aussi hostile à la caution pour les étudiants étrangers qui viendront en France.

François Bayrou : Et bien, il n'y aura pas de caution, au moins pour les étudiants boursiers, ce qui lève cette hypothèque.

Thomas Sotto : Pour les autres, oui ?

François Bayrou : Il n'aurait pas été normal que l'inscription dans une Université française dépende des moyens de l'étudiant ou de la famille. Et donc, de ce point de vue-là, cette affaire a été réglée, comme à peu près toutes les autres.

Thomas Sotto : Donc ce texte il vous va, la situation vous convient ?

François Bayrou : Non, la situation ne me convient pas parce qu'on vit une période de désordre et il faut se méfier extrêmement du désordre quand, dans une démocratie ou une société de liberté, le désordre s'introduit dans les esprits, alors le risque est très grand, parce qu'évidemment on peut se retrouver avec des peuples qui choisissent la servitude on va dire.

Thomas Sotto : Je voulais vous montrer la Une de Libération ce matin. Ce que disait Emmanuel Macron le 24 avril 2022 après sa réélection : « Vous m'avez élu pour faire barrage à l'extrême droite. Ce vote m'oblige ». Et ce que disait Marine Le Pen hier dans les couloirs de l'Assemblée : « Pour le RN, la loi immigration signe une victoire idéologique ».

François Bayrou : Oui, Marine Le Pen, elle a fait une manœuvre assez réussie du point de vue du jeu parlementaire. Elle a voté contre ce texte d'un bout à l'autre. Ils ont voté contre ce texte au Sénat. Ils ont voté contre les dispositions principales de ce texte…

Thomas Sotto : Mais ils ont approuvé ce qui sortait de la commission mixte paritaire.

François Bayrou : Et lorsqu'il est sorti… Alors ils ont fait une manœuvre en disant ce texte est le nôtre. Hier matin, le responsable du Front National, Monsieur Bardella, disait : s'il y a régularisation, jamais on ne votera ce texte. Il y a régularisation. Il y a cette voie ouverte à la régularisation par le travail. Mais je ne suis pas du tout satisfait de la situation.

Thomas Sotto : Et qu'est-ce qui vous dérange ? Parce que je n'arrive pas comprendre ce qui vous dérange le plus ? C'est le contenu du texte, c'est le calendrier, c'est la façon dont il a été adopté… Qu'est-ce qui vous dérange le plus ?

François Bayrou : Tout dans ce texte, dans cette période, tout a été désordonné. La chose la plus importante ? Il y a eu au départ une stratégie du gouvernement qui consistait à s'entendre avec le Sénat et notamment avec le groupe LR au Sénat, et autrement dit, de faire dépendre le texte de ce groupe-là. Puis après, il y a eu quelque chose, que j'avoue que je n'aurais jamais imaginé : l'Assemblée nationale a dit, par une alliance des extrêmes, nous n'examinerons pas ce texte. Et je ne sais pas si vous voyez la gravité de cette chose ? Pourquoi êtes-vous élus si devant un texte que tous vous déclarez essentiel, ceux qui sont contre et ceux qui sont pour disent c'est grave, c'est lourd ; et puis vous décidez de ne pas l'examiner, ce qui a complètement déséquilibré le rapport de force.

Thomas Sotto : Mais au final, François Bayrou, hier soir, quand on regarde les votes, il y a 59 voix qui manquent dans la majorité sur 251 voix. Le président du groupe MoDem, de votre groupe, Jean-Paul Matteï, s'est abstenu. Parlons clairement, parce que je vous trouve d'une loyauté sans faille, mais quand même un peu embarrassé sur le fond, si je peux me permettre.

François Bayrou : Si vous me permettez…

Thomas Sotto : Je vous en prie.

François Bayrou : C’est bien que vous ne trouviez loyal…

Thomas Sotto : Mais ça n’a pas l’air facile ?

François Bayrou : Non, ce n'est pas ce que je dis. Je dis que la situation dans laquelle on s'est mis est une situation qui a créé des désordres très importants dans les esprits. Il y a des gens, j'en connais beaucoup, que cette séquence a profondément attristé.

Thomas Sotto : Est-ce que ça a abîmé la majorité ? Est-ce que le MoDem fait toujours partie de la majorité ce matin ?

François Bayrou : Oui, Le MoDem fait toujours partie de la majorité.

Thomas Sotto : Est-ce que les ministres MoDem vont rester au gouvernement ?

François Bayrou : Le MoDem fait partie de la majorité et l'idée qu'on se livrerait à des pousses au crime, ce n'est pas du tout la mienne.

Mais je suis très insatisfait de la manière dont les choses ont été conduites : gouvernement, majorité, opposition.

Thomas Sotto : Qui sont les responsables ? On va prendre les responsables un par un… Gouvernement, c’est Elisabeth Borne ? C'est Gérald Darmanin ? C'est quoi le problème ?

François Bayrou : Ne me mettez pas dans le rôle de procureur, ce n’est pas du tout le mien. Et je sais que ces femmes et ces hommes ont déployé beaucoup, beaucoup d'efforts pour trouver un texte qui soit équilibré. Élisabeth Borne s'est battue pied à pied pour que ce texte existe et ne soit pas déséquilibré. Et le ministre de l'Intérieur aussi. Je ne suis pas là pour dire c'est la faute des autres.

Thomas Sotto : Mais d'un point de vue politique, pardon mais, pour redonner du souffle à la majorité, est ce qu'il faut par exemple un changement ? Est ce qu'il faut un remaniement ? Est ce qu'il faut un gouvernement qui assume plus clairement son ancrage à droite ?

François Bayrou : Je ne crois pas du tout, que ce soit d'un côté ou de l'autre, que se trouve la solution du pays. La solution du pays est dans l'équilibre du bloc central. Et je disais…

Thomas Sotto : Donc il n'y a pas besoin de remaniement ? C'est pour essayer de comprendre…

François Bayrou : Je ne suis pas président de la République.

Thomas Sotto : Mais vous lui parlez, vous le conseillez et vous faites partie des rares personnes qu’il écoute.

François Bayrou : Pour l'instant, cette décision est entre les mains du président de la République et de la Première ministre.

Thomas Sotto : Qu’est-ce que vous lui conseillez ? Est-ce qu'il faut redonner du souffle à cette majorité ?

François Bayrou : Moi, je conseille de changer de méthode et de pratique. Je pense qu'on ne peut pas vivre les temps si difficiles qui sont les nôtres en se livrant à des surenchères d'un côté ou de l'autre. Il faut affirmer, réaffirmer s'il le faut, en tout cas, défendre pied à pied une vision qui soit une vision équilibrée de l'avenir.

On vient de le voir sur ce texte-là. Vous croyez que on peut avancer dans le pays en désignant comme adversaire ou comme ennemi une partie de la population qui est sur notre sol ? Je ne le ferai jamais.

Je sais que la loi la plus importante, c'est celle que j’énonce : on va devoir vivre ensemble.

Thomas Sotto : Ça, c'est le constat. Mais moi, je voudrais vous apporter des propositions, des solutions. Aurélien Rousseau, le ministre de la Santé, qui présente sa démission à Élisabeth Borne. Est-ce que vous le comprenez ? Est-ce que la Première ministre doit accepter cette démission ce matin ?

François Bayrou : Je comprends très bien les émotions qui se sont exprimées hier. Je les comprends et je les partage et je les ai partagées. La manœuvre habile du Rassemblement National a troublé beaucoup d'esprits.

Thomas Sotto : Vous êtes tombés les deux pieds dedans quand même, visiblement, dans la manœuvre du Rassemblement National.

François Bayrou : Oui, tout le monde est tombé parce que vous comprenez… Vous l'avez rappelé, toute la vie politique, toute ma vie politique, toute la vie politique de la famille que je représente, du courant que je représente, toute sa vie politique, elle a eu un marqueur, c'est ne pas se compromettre ou ne pas compromettre avec l'extrêmisme, et notamment avec l'extrême droite. Toute ma vie politique et toute la leur. Et donc, hier, quand ils ont découvert que le Rassemblement National planter un drapeau sur un texte auquel ils s'étaient opposés jusque-là : très grand trouble dans les esprits et je les comprends. Très grande tristesse pour une partie d’entre eux.

Thomas Sotto : Il y a le trouble d’un côté, il y a le besoin de clarté, de l'autre. Est-ce qu’Emmanuel Macron doit remanier son équipe gouvernementale ?

François Bayrou : Il me semble que les décisions qui sont à prendre aujourd'hui par le président de la République à propos du gouvernement sont en effet une relance nécessaire.

Thomas Sotto : Donc la réponse est oui ?

François Bayrou : Je pense que forcément il va se poser la question du gouvernement et la majorité doit se poser la question…

Thomas Sotto : Si on vous proposait dans quelques mois, est-ce que vous écouteriez la question ?

François Bayrou : Vous savez bien que je suis pour l'instant en dehors complètement de ce type de responsabilité. Parce qu’il faut que s'achève la période judiciaire qui s'était ouverte.

Mais vous comprenez, si l'on ne rappelle pas nos principes et je pense que le président de la République va s'exprimer ce soir sur votre chaîne, sur France 5... Je pense qu'il est absolument nécessaire de remettre d'aplomb la majorité, ses idées et le gouvernement.

Thomas Sotto : Et rendre la parole aux Français ? La dissolution ? Appeler les Français aux urnes ?

François Bayrou : Mais si vous voulez ajouter du désordre au désordre, allez dans ce sens-là !

Thomas Sotto : Donc ce n’est pas ça qu’il faut faire ?

François Bayrou : Je vous ai dit que le pire des risques dans une démocratie ou un des pires risques, le virus le plus dangereux, c'est le désordre. Quand les gens ont l'impression que c'est le bazar, et ils emploient même des mots parfois un peu plus vifs que ça, que c'est le bazar, qu'on ne s'y reconnaît pas, mais qu'est ce qui se passe, comment, comment on fait… Alors il faut remettre de l'ordre, remettre beaucoup d'aplomb. Et je pense que c'est une responsabilité que le président de la République doit maintenant assumer.

Thomas Sotto : Merci beaucoup François Bayrou d'être venu dans les 4V. Bonne journée à vous.

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