Discours de Marc Fesneau lors du vote de responsabilité des députés

Marc Fesneau MF

Retrouvez le discours de Marc Fesneau, président du groupe Les Démocrates à l'Assemblée nationale, à la tribune lors du vote de responsabilité des députés ce lundi 8 septembre 2025.

Seul le prononcé fait foi.

 

Madame la Présidente,

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,

Mes chers collègues,

 

En politique, la vérité doit parfois attendre le moment où l’on a besoin d’elle. Ce moment est venu. Et c’est à ce rendez-vous que nous ne pouvons manquer. 

Reconnaître la vérité des chiffres, ce n’est pas imposer une politique. 

Ce n’est pas dicter ce que nous devons décider. 

Et fonder une décision uniquement sur les chiffres ne garantit pas qu’elle soit bonne ou juste. 

Mais ignorer les chiffres, c’est les laisser s’imposer et nous priver de toute capacité d’autonomie décisionnelle. Parce que lorsque la situation financière est hors de contrôle, il ne reste plus que la contrainte brutale des créanciers.

La déclaration que le Premier ministre vient de faire nous rappelle de la manière la plus fondamentale que personne ne peut se dérober à la réalité, et qu’en ce qui nous concerne, nous, élus, nous avons à l’égard des Français un devoir de vérité. 

Ce discours de vérité, monsieur le Premier ministre, vous le portez depuis plusieurs décennies dans le débat public, et les députés Démocrates l’ont maintes fois défendu ici même.

C’est sur cela que doit se fonder notre responsabilité, celle que nous avons reçue des Français : il nous appartient, au-delà de nos divergences, de conduire le pays en le préservant des périls les plus graves : de la guerre, du changement climatique et du déclassement. De son asservissement, économique, financier et au bout du chemin de son asservissement politique.

Il n’est pas de préservation de l’intérêt commun sans une reconnaissance commune de la réalité. Qui pourrait imaginer une politique climatique efficace si une majorité ne s’accordait pas sur l’existence et les causes mêmes du dérèglement ? 

Nous connaissons, hélas, des climatosceptiques. 

Reconnaissons qu’il est impossible avec eux de construire une politique de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.

Nous avons désormais manifestement de nombreux responsables en France qui se rangent dans la catégorie des « déficitosceptiques », ceux qui croient ou feignent de croire, ce qui est beaucoup plus grave, que tout cela n’a pas de conséquences et n’a pas grande importance.

C’est pourquoi la question qui nous est posée aujourd’hui n’est pas celle d’un seul homme, pas celle de son gouvernement, ni même celle des réponses précises à apporter. 

Non, la question qui nous est posée est de savoir si nous avons, quelles que soient nos différences, le courage de voir la vérité en face.

Dire les choses telles qu’elles sont, c’est reconnaitre que, depuis 50 ans, le choix de la facilité face aux attentes de l’opinion publique, la démagogie qui caractérise trop souvent la guerre rangée qu’est la politique, ont conduit à accumuler une dette que nous ne pouvons plus supporter. 

Nous en sommes tous responsables. 

Tous. 

Ceux qui ont gouverné et ceux qui les ont poussés, sans gouverner, à la dépense.

Depuis les années 1970, nous avons multiplié les engagements sans jamais solder les comptes. À chaque crise – financière, sanitaire, énergétique – nous avons repoussé l’échéance, convaincus qu’un jour meilleur réglerait nos contradictions. Mais ce jour n’est jamais venu. 

L’irresponsabilité de certains, c’est d’avoir sans cesse réclamé plus de dépenses. Et la nôtre, sans doute, c’est d’y avoir trop cédé. 

La vérité, c’est aussi de dire que les conséquences de nos choix, ou plutôt de nos non-choix, ont été reportés sur ceux qui n’avaient pas voix au chapitre : les jeunes et les générations futures. 

Et c’est cette chaîne d’irresponsabilité que nous devons briser aujourd’hui, sans quoi nous ne leur léguerons pas un héritage, mais un fardeau. Pas un espoir, mais un avenir entravé, pour ne pas dire impossible.

Aujourd’hui, en 2025, le remboursement des seuls intérêts de la dette représente plus de 60 milliards d’euros et ce devrait être plus de 70 milliards dès 2026, si nous ne faisons rien. 13 fois plus que ce que rapportait l’ISF en 2017. Six fois le budget de la justice pour ne citer que cet exemple !

Autant d’investissements que nous ne pouvons pas faire pour le quotidien des Français : pour la santé, pour leur logement, pour la transition écologique et énergétique, l’agriculture, la recherche, l’éducation… 

Autant d’aides que nous ne pourrons pas mobiliser pour soutenir à nouveau le pouvoir d’achat des ménages si une nouvelle crise, inflationniste, sanitaire, énergétique, géopolitique, venait à survenir. 

Autant de moyens qui ne pourront pas accompagner les investissements des collectivités locales.

La vérité, c’est aussi de dire que la spirale de la dette rend notre démocratie impuissante et menace notre souveraineté. Plus notre dette s’accroit, plus les marchés financiers seront en mesure d’influencer notre politique. Il n’est pas un pays qui n’ai pu y échapper. Pas un. 

Mais, mes chers Collègues, il n’est pas trop tard pour faire face à ces réalités. Nous pouvons faire ensemble le choix d’affronter la vérité des chiffres pour reprendre le contrôle avant qu’ils ne prennent de manière irrémédiable celui du destin de notre pays. 

C’est même la condition sine qua non à l’émergence de compromis, forts, équilibrés et surtout justes. 

C’est ce chemin que vous proposez, monsieur le Premier ministre avec cette déclaration, celui que nous avons toujours défendu au groupe Les Démocrates. Nous sommes convaincus que cette Assemblée n’est pas condamnée à l’affrontement stérile.

Et nous pouvons être les artisans d’un rassemblement de femmes et d’hommes :

  • qui veulent chercher des solutions plutôt que des slogans ;
  • qui veulent être utiles plutôt qu’applaudis et facilement populaires en cédant finalement aux tentations populistes ;
  • qui mettent l’intérêt du pays au-dessus des partis et qui ne pensent pas que nous irions mieux avec le chaos. Chaos que certains organisent, jusque dans l’enceinte même de cette assemblée, tous les jours.

Voilà la méthode que nous devons revendiquer : partir de la vérité, dialoguer dans le respect, et construire dans l’intérêt général.

Et mes chers collègues, nous l’avons déjà fait. L’exercice budgétaire de 2025 l’a montré : un compromis a été possible. Il a permis de faire passer le déficit de 6,2 % à 5,4 %. Et pour la première fois depuis longtemps, ce Gouvernement, dirigé par François Bayrou, a su tenir cet objectif malgré le contexte international difficile. Le tout sans casser la croissance, ni plonger la France dans l’austérité. Si nous sommes responsables, nous pouvons tenir tous ensemble une trajectoire. 

Alors oui, la démocratie française n’est pas habituée au dialogue. 

Mais la vérité oblige à dire aussi qu’il s’impose à nous tous.

Personne ne peut à lui seul assurer la stabilité et imposer ses vues. Personne. 

Si chacun cherche à être vainqueur sur l’autre, alors tout le monde perdra. 

Au contraire, si chacun accepte la part de renoncement nécessaire sans se dévoyer et, de manière transparente, sous les yeux des Français, alors nous réussirons.

Et nous pouvons le construire avec méthode. C’est-à-dire abandonner les oukases et les lignes rouges intenables. C’est-à-dire ne pas être dans les arrière-pensées permanentes, boutiquières ou électorales. Cela nécessite que nous n’ayons pas de tabous : ni sur la taxation des plus aisés, ni sur la nécessaire réduction des dépenses, ni sur les grands bouleversements qui préoccupent les Français. 

La vérité, c’est aussi accepter que certains débats ne seront pas tranchés, ni ici, ni maintenant, que les Français seront appelés à se prononcer en 2027 et que d’ici là, nous pouvons être utiles en faisant œuvre commune sur nombre de sujets. Ce temps est précieux et nous n’avons pas le droit de le gâcher sous les yeux désabusés et en colère des Français. 

Ce que propose le Premier ministre, c’est aussi de bâtir la confiance autour de l’idée de justice. Je sais, chers collègues, que nous l’avons en partage avec nombre d’entre vous. 

La justice ne peut être fondée sur la désignation d’un bouc émissaire : ni les riches, ni les chômeurs, ni les immigrés, ni les patrons, ni les travailleurs, ni les retraités, ni même - j’ose - les responsables politiques. 

La justice, c’est de demander à chacun une contribution proportionnée à ses moyens. Et que, tel le colibri, chacun fasse sa part.

Depuis 2017, notre groupe a fait des propositions concrètes en faveur de la justice fiscale : l’élargissement de l’assiette de l’IFI, la taxation des rachats d’action et des superdividendes, le rehaussement de la flat tax, ou d’autres pour rapprocher taxation du travail et taxation du capital. Notre cohérence, c’est de ne pas considérer de la même manière ce qui participe au dynamisme de l’économie réelle et ce qui relève de la richesse improductive et de la rente. C’est la rente pour la rente qu’il faut chasser sans relâche, pas ceux qui créent, qui développent, et c’est valable pour les chefs d’entreprises comme pour chacun d’entre nous. 

Défendre la justice, c’est aussi mieux répartir les efforts de la solidarité nationale. Avec la volonté qu’elle ne décourage pas les plus jeunes, ceux qui veulent créer et produire, ceux qui veulent dans le public comme dans le privé, prendre des risques, et ceux qui se lancent dans la vie avec la charge d’une famille. 

Et face à ces défis, la France a des atouts immenses : son travail, sa capacité productive, ses talents, sa créativité, sa recherche, son tissu d’entreprises, sa jeunesse, évidemment. 

Nous avons des capacités industrielles extraordinaires dans de nombreux secteurs de pointe et d’avenir : chimie, mathématiques, aérospatial, armement, nucléaire, industrie du luxe, pharmacie, culture, intelligence artificielle. 

Nous avons – prenons en vraiment conscience – la meilleure agriculture du monde. 

Nous avons enfin un service public en mal-être mais qui fait des envieux à l’extérieur de nos frontières. 

C’est aussi cette vérité là qu’il faut entendre : celle d’un pays qui dispose des moyens de son sursaut et qui ne peut, dès lors, accepter la domination et la tutelle des autres. Et plus encore celle des marchés financiers étrangers. 

Et il faut refuser le discours facile du déclin : celui qui cherche les boucs émissaires, les solutions simplistes, celui qui nourrit un désamour de la France quand nous devrions tant l’aimer et les Français avec. 

La vérité, le compromis et la justice ne sont pas des mots creux : ils forment ensemble une méthode. Une méthode qui a déjà fait ses preuves et qui peut, encore une fois, donner à notre pays la force de surmonter ces défis.

Nous vivons un moment charnière, monsieur le Premier ministre, et ce combat de vérité, qui est celui d’une vie, celui de votre vie, les députés démocrates le portent chacun d’entre eux et vous soutiennent. Nous le portons dans l’adversité aujourd’hui, et nous continuerons de le porter demain, avec vous. 

En cet instant, chacun des députés de la Nation détient une part de l’avenir de la France. Il se l’est vu confier lors des dernières élections législatives, avec une attente exprimée par chacun de nos concitoyens : celle de dialoguer, de travailler ensemble, de leur être utiles. 

C’est sur cela, et non sur le sort du gouvernement que nous devons nous déterminer : 

  • Oui ou non ce sujet de la dette est-il urgent et grave pour notre pays, maintenant et pour l’avenir de la jeunesse ?
  • Oui ou non pouvons nous nous entendre sur ce sujet crucial, et adresser ainsi un message de stabilité, d’unité et de force au reste du monde ?
  • Oui ou non pouvons-nous entamer un véritable dialogue, sans faux semblant, pour trouver des solutions à la hauteur de notre devoir vis-à-vis des générations futures ?

Monsieur le Premier ministre, Charles Péguy s’interrogeait sur le fait que taire la vérité, n’est-ce pas déjà mentir ? Et il poursuivit en disant que ceux qui ne crient pas la vérité quand ils savent la vérité, se font complice des menteurs et des faussaires. C’est cela le rendez-vous que vous nous avez donné, ce jour. 

Et c’est parce que notre groupe accepte de relever le défi et de préserver notre pays des périls qui le menacent que nous voterons en faveur de votre déclaration. 

Je vous remercie. 

 

 

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