Audition de Nathalie Elimas sur la politique familiale
Université 133 a auditionné la députée du Val d’Oise Nathalie Elimas sur le thème de la famille, à l’occasion de la remise de son rapport sur la politique familiale au gouvernement début juillet. Nathalie Elimas développe une vision forte et ambitieuse pour la famille.
L’historien Christophe Bellon se livre à un exercice de généalogie politique, rappelant que la famille a toujours été au cœur de la pensée centriste. Sous la IIIe République, une fois la question laïque réglée, les centristes se sont consacrés à la question sociale. Dans les années 1920, les députés centristes, dont l’abbé Lemire, oeuvrent pour les allocations familiales, pour le rôle des parents dans l’éducation. La famille est au cœur des politiques sociales, avec une succession de lois (loi Landry-Honorat en 1910, loi Loucheur en 1928, allocations familiales généralisées en 1932). La IVe République marque le temps d’une démocratie apaisée de la famille. Le centriste Paul Bacon (MRP) est au gouvernement sous la IVe et au début de la Ve République : la question scolaire concentre alors l’attention. Puis c’est la loi légalisant l’IVG : le centriste Claudius Petit convainc les derniers démocrate-chrétiens résistants de voter la loi Simone Veil. Le centriste Jacques Barrot, au Ministère du Travail et des Affaires sociales, s’est intéressé au sujet de la famille, coopérant notamment avec le Ministère de la générosité entre les générations.
La députée Nathalie Elimas nous explique la genèse de son rapport : lors du discours de politique générale du Premier ministre du 12 juin 2019, elle a remarqué qu’il était souvent question de la famille, à plusieurs endroits différents. Tantôt, le problème des familles monoparentales, tantôt la question des aidants familiaux, mais nulle part n’apparaissait une vision d’ensemble sur la famille. Aussi s’est-elle, dans le cadre du droit de tirage du groupe MoDem, emparée de la question pour mener une mission d’information.
Dans cette mission d’information, Nathalie Elimas a souhaité envisager toutes les dimensions de la famille. Il ne s’agissait pas de s’en tenir aux thèmes classiques de l’aspect fiscal et de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. La famille, cela comprend la démographie. Aujourd’hui, avec 1,87 enfants par femme, l’enjeu de la natalité est crucial. La famille, ce n’est pas seulement le temps de l’enfance, c’est une cellule qui existe tout au long de la vie. La question du grand-âge et de la dépendance entre naturellement dans la réflexion sur la famille. La famille, cela touche directement à la cohésion de la société et à la confiance qui se développe. C’est la confiance dans la vie.
Nathalie Elimas regrette que l’on ait trop souvent confondu politique familiale et politique sociale. C’est cette confusion qui a mené à la conditionnalité des allocations familiales. L’esprit de la mesure en est perdu. Nathalie Elimas plaide pour un retour à l’universalité des allocations. Après les 2 coups de rabot du quotient familial, il est nécessaire d’opérer la restitution. Le rapporteur de notre atelier Société et solidarités, le philosophe et sociologue Raphaël Liogier, abonde totalement dans le sens de l’universalité. Il en va du sens de ces allocations. Raphaël Liogier nous invite à bien distinguer ce qui relève du social (question de l’égalité des chances) et ce qui relève du sociétal (jusqu’où peut-on aller dans les libertés ?). Selon lui, il est bienvenu que les centristes s’abstiennent généralement de voter les lois bioéthiques. Car si c’est éthique, ce n’est pas l’objet d’une loi. Cela laisserait penser qu’il existe des lois non éthiques. Sur la question de la GPA, le débat n’a pas encore eu lieu au sein du groupe, qui s’y montre plutôt opposé. Sur la PMA, il n’y a pas de consigne de groupe, chacun vote librement, selon sa vision et son histoire personnelle. Pour Raphaël Liogier, l’un des enjeux d’une politique familiale est de ne pas glisser vers une police des mœurs, ce n’est pas le sujet. La famille est aujourd’hui diverse : une famille, cela peut être un homme et une femme, ou deux hommes, ou deux femmes, ou encore des familles monoparentales.
Nathalie Elimas souligne que le rapport vise précisément à prendre en compte toutes les dimensions possibles de la famille, qui ne correspond pas à un modèle unique. Pour l’instant, un secrétariat d’Etat s’occupe de la famille, mais n’a pas l’ampleur de vue sur l’ensemble des sujets. Un ministère de la famille serait une bonne chose.
L’historien Charles Mercier interroge Nathalie Elimas sur la question des seuils. Dans certains cas, dans un couple, la femme – dans la majeure partie des cas – a plus intérêt à travailler à mi-temps qu’à plein temps, à cause des seuils fiscaux. Travailler à plein temps signifie, paradoxalement, moins de revenus et moins de temps pour les enfants. Des études économiques seraient nécessaires sur la question.
Nathalie Elimas porte ce rapport pour amener un certain nombre de sujets dans le débat public. Ainsi, de la prime de naissance accordée avant la naissance et non après. Ou de l’idée de verser une prime de naissance dès le premier enfant. En effet, Nathalie Elimas, Raphaël Liogier, Charles Mercier et Christophe Bellon, tous parents de plusieurs enfants, reconnaissent pour conclure qu’élever des enfants est une responsabilité mais aussi et surtout une source de joie et d’épanouissement.