Vers une ère des mobilités douces ?

Aude Luquet
(© Baptiste Hamousin)

Aude Luquet est députée de Seine et Marne. Elle avait été cheffe de file sur le projet de loi d'orientation des mobilités il y a un peu plus d’un an. Elle nous livre ses réflexions sur les mutations que vont traverser les modes de transport dans les semaines et mois qui viennent.

Mouvement Démocrate - Le déconfinement représente un véritable casse-tête logistique et sanitaire pour les transports en commun. Comment s’organisent-ils dans votre circonscription ?

Aude Luquet - J’ai notamment dans ma circonscription, la gare de Melun qui constitue un pôle structurant du Sud francilien avec plus de 47 000 voyageurs par jour. Elle bénéficie d’une desserte ferroviaire assurée par le RER « D », la ligne « R » du Transilien, le TER Bourgogne, d’un pôle fret, mais également d’une gare routière regroupant plusieurs réseaux de bus… Le plan de transport mis en place par la SNCF a permis la reprise du trafic ferroviaire à hauteur de 50% dès le 11 mai avec contrôle aux abords de la gare de l’attestation de déplacement et du port du masque, obligations respectées par les voyageurs. Le nombre de voyageurs étant bien en-deçà du nombre habituel, les trajets se passent dans la distanciation et la sécurité.

La distanciation physique induit un besoin d’espace. Pensez-vous que la ville et les mobilités devront se transformer ?

Personne ne peut nier qu’il y aura un avant et un après coronavirus. Cette pandémie laissera des traces durables dans notre quotidien où gestes barrières et mesures de distanciations deviennent les règles de comportement en toutes circonstances. L’ensemble de nos relations aux autres est bouleversé. Pourtant dans le même temps, le confinement nous a fait renouer avec la ville de la proximité et nous a permis de faire l’expérience collective d’une « ville apaisée » grâce à une baisse du trafic automobile, de la pollution, du bruit et à un retour aux commerces proches de chez soi. Tout cela nous amène à nous interroger sur la ville que nous voulons demain. Comme le dit si bien Guy Baudelle, professeur d'urbanisme à l'université de Rennes 2, la ville désirable de demain sera « une ville intense, plus favorable aux interactions sociales et à la flânerie que la ville éclatée du tout automobile, individualiste et grégaire, qui multiplie les infrastructures-barrières (rocades, pénétrantes routières, parkings démesurés) et privilégie la vitesse au détriment de l’essence même de la vie urbaine : la rencontre, dont l’isolement forcé nous rappelle comme jamais la nécessité vitale ». C’est là le paradoxe car, alors que les gestes barrières et la distanciation nous éloignent des individus, ils nous rapprochent dans notre façon de consommer et d’interagir avec notre environnement. 

Cependant, pour parvenir à retrouver du lien social et promouvoir le concept de ville « apaisée », il nous faudra relever bien des défis. La foule des villes et l’exiguïté des transports en commun qui pouvaient être déjà ressenties comme oppressantes par nombre de nos concitoyens, sont aujourd’hui vécues comme de véritables épreuves. Dans des transports en communs, où le rapport à l’autre était déjà vécu difficilement, on peut comprendre aujourd’hui la difficulté d’assurer le respect des distanciations sociales et de rassurer les usagers.  Pour les plus haptophobes, la tentation est alors grande de vouloir éviter tous contacts avec autrui ou au moins de les limiter au maximum. Certains pourraient alors être tentés de délaisser les transports en communs pour revenir à la voiture individuelle ; entérinant un véritable retour en arrière. Nous devons absolument éviter cela pour au contraire adopter ou pérenniser des comportements vertueux où les mobilités actives doivent occuper une place grandissante. Cela ne veut pas dire que demain tout le monde roulera en vélo et que la voiture aura disparu, mais nous devons rationaliser son usage. Aucun de nos objectifs en matière de développement durable ne doit être remis en cause car cela serait mortifère et contre-productif à terme. Cette pandémie ne doit pas être un frein mais un accélérateur de la transition.

Comment saisir cette opportunité de développer les mobilités actives ?

Nous n’avons pas attendu cette crise pour favoriser les comportements vertueux. En décembre dernier, nous avons voté la loi d’orientation des mobilités avec pour volonté d’améliorer nos mobilités du quotidien tout en portant des ambitions fortes en matière de développement des mobilités actives et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces mobilités actives et vertueuses doivent être au cœur de la ville de demain.

Sanctuariser la place des piétons, développer des infrastructures continues et sécurisées pour les cyclistes et engins de déplacement personnel, encourager les mobilités alternatives aux véhicules à énergie fossile, sont autant de défis à relever dans les prochaines années. Aujourd’hui la loi d’orientation est une véritable boite à outils dans laquelle collectivités, entreprises et concitoyens doivent venir puiser les moyens d’accélérer la transition. Quand on sait, par exemple, que la part du vélo dans les déplacements des Français n’était que de 3 % en 2019 contre 36 % aux Pays-Bas ou 23 % au Danemark, on mesure le chemin qu’il reste à parcourir. Avec loi d’orientation des mobilités, la France vise raisonnablement les 9 % en 2024 grâce au financement d’un plan vélo à hauteur de 350 millions d’euros. Le forfait mobilité durable, dont le décret vient d’être publié, est aussi un moyen efficace d’encourager à la pratique du vélo sur le trajet domicile-travail. J’invite toutes les entreprises et employeurs à se saisir de cet outil pour encourager leurs salariés à délaisser leur véhicule personnel pour le vélo chaque fois que cela est possible.

Lorsque l’on voit l’engouement autour du vélo ces derniers temps, nous pouvons être confiants. Tout l’enjeu sera d’ancrer durablement ces bonnes pratiques dans notre quotidien. Les villes l’ont bien compris. Nombreuses sont celles, après avoir déjà amélioré considérablement leurs infrastructures, qui mettent en place aujourd’hui des infrastructures temporaires pour offrir à nos concitoyens, qui voudraient éviter le stress des transports en communs sans pour autant reprendre la voiture, les moyens de pouvoir se déplacer plus facilement à vélo ou à pieds. C’est une excellente initiative. D’infrastructures temporaires à pérennes il n’y a qu’un pas que nous devrons franchir chaque fois que cela sera possible. Poursuivons le développement massif des pistes cyclables en villes mais aussi des véloroutes dans nos territoires, multiplions les lieux de stationnement et de stockage sécurisés pour lutter contre les vols et continuons à soutenir financièrement l’achat et l’usage des mobilités vertueuses. C’est à ce prix que nous parviendrons à une ville plus « apaisée ».

Pensez-vous que cette crise favorisera de manière pérenne le télétravail ? Quels bénéfices y voyez-vous humainement et pour l’environnement ?

Qu’il se soit démocratisé pour surmonter les grèves dans les transports ou qu’il s’impose aujourd’hui pendant le confinement, le télétravail apparaît comme la solution la plus efficace pour permettre aux entreprises et salariés de poursuivre le travail à distance. Pour autant, le télétravail est encore bien trop souvent vu comme un moyen de répondre, dans l’urgence, à un phénomène imprévu ; il apparaît alors subi plus que choisi. La situation actuelle nous démontre que cela doit changer. Dans une Europe où le télétravail occupe une place grandissante, la France est en retard. Seuls 7 % des salariés français le pratiquent aujourd’hui régulièrement (au moins 1 jour par semaine), alors qu’ils sont plus de 14 % aux Pays-Bas ou en Finlande. Inspirons-nous de nos voisins vertueux. Plus que jamais, il est impératif de faire du télétravail un mode de travail durablement ancré dans la culture de chaque entreprise et salarié. Tout comme pour les mobilités actives, les crises que nous traversons doivent nous permettre d’accélérer les transitions en conservant les bonnes pratiques car pérenniser le télétravail, c’est être tous gagnants : collectivités, entreprises et salariés. Un des enjeux de demain sera de multiplier les espaces de coworking et les tiers lieux dans tous nos territoires car les télétravailleurs sont une chance pour inverser la tendance qui est à l’exode rural. Retrouver des actifs, c’est remettre de la vie économique au cœur des villes et villages. C’est aussi supprimer de nombreux déplacements domicile-travail quotidiens avec, in fine, un impact positif sur l’environnement. Pour le salarié, le télétravail est considéré comme une manière moderne d’équilibrer la vie professionnelle avec la vie privée, à condition que l’une n’empiète pas sur l’autre. Un salarié efficace en télétravail est un salarié qui redistribue en productivité ce qu’il gagne en bien-être ; l’entreprise en tire alors elle aussi tous les bénéfices. Nous devons massivement développer le télétravail. Un à deux jours par semaine apparaissant comme un bon équilibre. 

C’est pourquoi, après avoir été fortement mobilisée sur les mobilités depuis le début de mon mandat, je souhaite aujourd’hui poursuivre mon engagement sur les enjeux liés au télétravail afin de lever les craintes et freins qui subsistent pour n’en garder que le positif et ainsi pérenniser sa pratique.

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