Traçage numérique pour lutter contre le Covid-19 : 5 questions à Philippe Latombe 

Philippe Latombe

Le Premier Ministre Édouard Philippe a évoqué mercredi dernier, à l’occasion de l’audition menée par la mission d'information parlementaire de suivi de la crise du Covid-19, la mise en place d’un dispositif de suivi des malades sur la base d’un engagement volontaire, tout en admettant que notre arsenal juridique ne pouvait a priori pas permettre l’instauration de procédés de tracking. Philippe Latombe est député de la Vendée. Il explique pour le Mouvement Démocrate les enjeux du tracking. 

D’après un sondage BVA dévoilé par le JDD, 75% des ­Français accepteraient que l'on utilise leurs données individuelles de géolocalisation afin de retrouver les personnes avec lesquelles ils ont pu être en contact, durant l'épidémie de Covid-19. D’après un autre sondage Harris Interactive, 61 % des Français seraient favorables à l’idée de mettre en place un suivi par GPS des personnes exposées au coronavirus et confiner celles ayant été en contact avec elles.

Mouvement Démocrate - Pouvez-vous nous en dire plus sur les pistes de réflexion sur l’application de tracking du gouvernement ?

Philippe Latombe - La solution étudiée actuellement par le gouvernement permet de prévenir rapidement nos concitoyens quand ils ont eu un contact au cours de leurs déplacements avec une personne contaminée et d’avoir une cartographie instantanée, mise à jour en continu, de la diffusion du virus. Les données seront anonymisées. Cet outil, qui utiliserait le bluetooth viendrait en complément des autres mesures plus classiques de distanciation et d’hygiène et en optimiserait les effets. Il serait utile au gouvernement pour affiner ses décisions sur le déconfinement et aux scientifiques dans leur travail sur le virus et sa diffusion. C’est une façon proactive pour nos concitoyens de participer à l’effort national de lutte contre le virus puisqu’ils sont libres de leur décision de participer ou pas à ce programme. Le gouvernement envisage d’intégrer le dispositif au PEPP-PT (Pan European Privacy Preserving Proximity Tracing), un programme européen conçu en conformité avec les normes européennes sur les libertés. Le virus se moque des frontières, ne l’oublions pas. L’échelon européen est tout à fait pertinent.

Y-a-t-il des alternatives à une solution de tracking ?

Il y a sûrement d’autres solutions techniques possibles, certains pays asiatiques ont ainsi multiplié les dispositifs visant à identifier les malades et surtout à les contrôler. L’important se situe dans la distinction entre celles qui seraient beaucoup plus "invasives" sur le chapitre des libertés publiques - sans être forcément plus performantes sur le plan strictement sanitaire - et celles qui préservent nos libertés, autant que faire se peut quand il faut concilier circonstances sanitaires exceptionnelles et libertés individuelles.

Comment garantir la fiabilité et l’indépendance du système, l’anonymisation des données et l’absence d’exploitation de celles-ci ?

Il s’agit essentiellement de faire les bons choix techniques lors de la configuration du dispositif. Or, techniquement on sait faire, il suffit de le vouloir. Les codes du programme devront être accessibles en open source et la plateforme être inter-opérable. Les opérations de sécurité juridique d'authentification, de transmission et de stockage devront être effectuées par un tiers de confiance et sous contrôle parlementaire. On peut même envisager la création d’une autorité indépendante qui pourrait contrôler le respect des règles établies dans le cadre du PEPP-PT. Il est de toute façon possible de compter sur la vigilance de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) et de son homologue européen, le Comité européen de la Protection des données (CEPD), l’organisme indépendant qui veille à l’application cohérente des règles de protection des données au sein de l’UE.

Est-ce compatible avec la défense des libertés publiques ? Comment peut-on avoir une garantie que cette mesure de suivi ne s’inscrive pas définitivement dans le droit commun et s’applique au-delà de la période de crise ?

L’histoire a montré que certaines circonstances peuvent autoriser à prendre quelques libertés avec les libertés. Il faut que ce soit directement lié aux enjeux du moment, proportionné, temporaire et puisque nous disposons de ce nouvel outil juridique, conforme au RGPD. L’obsolescence programmée du dispositif est un prérequis incontournable : la fin de crise doit signer la mort du dispositif. Il faut aussi qu’il soit précisé qu’à aucun moment il ne sera possible de tirer un quelconque profit économique de cet outil. Il s’agit d’une action citoyenne au service de l’intérêt général,  au même titre que celle de nos compatriotes qui y participeront. C’est une sorte de service rendu collectivement à la Nation.

Si l’application est basée sur le volontariat, est-ce que les résultats seront suffisants pour être exploitables ?

C’est l’une des grandes questions avec la problématique des déserts numériques. Les Français, comme on peut le constater dans le sondage que vous citez, semblent plutôt favorables à cette éventualité. Plus ils seront nombreux à jouer le jeu, plus les résultats seront fiables. Si on veut qu’ils adhèrent massivement, il va falloir clairement expliquer l’enjeu sanitaire qui les concerne tous et surtout leur donner des garanties solides : la mesure sera temporaire, proportionnée et sécurisée juridiquement. C’est la seule façon de recueillir leur adhésion et leur adhésion est la clé de la réussite du dispositif. Je crois que nos concitoyens ont la fibre citoyenne, et sont d’autant plus capables de se mobiliser dans l’intérêt collectif que c’est aussi leur intérêt personnel qui est en jeu.

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