🏛Comment le numérique peut désenclaver les territoires ruraux

Jean-Paul Mattéi

Le rapport d’évaluation à l’accès aux services publics dans les territoires ruraux (paru le 10 octobre 2019), que Jean-Paul Matteï (député MoDem des Pyrénées-Atlantiques) a co-rédigé avec son homologue Jean-Paul Dufrègne (député communiste de l’Allier), souligne un repli et une raréfaction des services publics qui s’étendent sur plusieurs décennies. Des économies budgétaires drastiques et la dématérialisation des services ont accentué la fracture territoriale. Cependant, le rapport nous donne aussi des raisons d’être optimistes. Le numérique peut être un formidable outil pour remailler les territoires ruraux. Entretien avec Jean-Paul Matteï.

Mouvement Démocrate - Le rapport met en lumière une dynamique de raréfaction des services publics sur un temps long. Aujourd’hui, vous envisagez un déclic dans l’autre sens ? Une prise de conscience, à ce moment du quinquennat ?

Jean-Paul Matteï : Les réformes de l’action publique successives ont conduit à une sorte de déshérence de nombreux territoires ruraux. La fracture numérique est une réalité. C’est pourquoi il faut absolument y remédier. Lorsque nous avons été missionnés par le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, en janvier 2018, Jean-Paul Dufrègne et moi, nous avons auditionné des personnes de domaines très différents – des géographes, des sociologues, des techniciens en réseau et communications – pour dresser un état des lieux et, de là, tracer nos pistes de réflexion. Nous avons identifié plusieurs propositions : la première d’entre elles consiste à assurer la couverture numérique très haut débit dans les territoires ruraux. Nous avons entamé notre enquête avant la crise des gilets jaunes, qui a révélé cette fracture territoriale forte. Mais ces territoires ruraux ne sont pas des territoires perdus, le remaillage peut et doit être mis en œuvre.

Ce mouvement ne doit pas s’effectuer d’en haut, par le seul Etat : c’est au niveau des territoires, département par département, que la dynamique doit s’enclencher. Le préfet a davantage une position transversale sur les différents services de l'Etat, il reprend la main, c’est une bonne chose. Le préfet, le département, puis l’intercommunalité au niveau logistique, ces relais doivent permettre de penser, pour chaque territoire, les besoins spécifiques auxquels apporter des réponses. Les incohérences de la loi NOTRe seront ainsi réparées.

L’échelon local est primordial. Je dis souvent que dans les communes rurales, le premier service public, c’est le maire et sa ou son secrétaire de mairie. La mairie, à mes yeux, peut être vue comme une porte d’entrée, un accueil, vers les services publics appropriés pour chaque situation.

Comment rendre ces territoires ruraux plus vivants ? Comment retrouver de l’humain, du lien, dans ces territoires parfois très isolés ?

Jean-Paul Matteï : Il faut que les anciens cantons restent des bassins de vie. C’est comme cela que nous recomposerons des intercommunalités, sans pour autant revenir en arrière. Le conseil départemental reprend toute sa légitimité sur le terrain et accompagne ce développement.

Il faut remettre de l’humain au cœur des services publics : c’est dans cet esprit que sont pensées les Maisons France Service. Le président de la République a annoncé la création de 2000 Maisons France Service d’ici 2022.

Pour les personnes les plus fragiles, les plus isolées, l’accès au numérique nécessite un accompagnement. Il faut recréer de la confiance. Au-delà des personnels à former, nous devons mettre en place des lieux de rencontre et d’échange.

Concrètement, comment fonctionnera une Maison France Service ? De quel « socle de services » se composera-t-elle ? (2000 MFS d’ici 2022 ?)

Jean-Paul Matteï : Dans ces Maisons France Service, le personnel doit être très bien formé, nous avons besoin de personnes polyvalentes et, surtout, de relations de confiance. En tant que notaire, je serais tenté de dire des "tiers de confiance".

L’Intelligence Artificielle, bien employée, ne supprimera pas des emplois, elle permettra de réaffecter le personnel en charge de métiers disparus vers de nouvelles missions plus humaines tout en ciblant ces nouveaux recrutements. Elle pourrait aussi être mise en service de chaque particulier : par exemple, pour garantir l'accès aux services numériques à une personne âgée qui n'a plus ses codes de connexion en mémoire.

Il y a de nouveaux métiers à inventer. Et le tissu associatif est évidemment à maintenir : il a un rôle culturel et social extrêmement important.

Nous aurons là un extraordinaire gain de temps.

Comment s’assurer d’une bonne répartition de ces Maisons France Service, département par département et pas par en haut ?

C’est au niveau des territoires, dans leurs spécificités, que la taille et la nature des services publics se décideront. Les services publics essentiels sont, bien sûr, l’accès à la santé, l’accès à l’école, l’accès au numérique, l’accès au logement. Quand l’un de ces services n’est plus assuré – par exemple une école qui ferme – un cercle vicieux s’instaure et les autres services disparaissent. C’est ce cercle qu’il faut briser.

Notre rapport trouve un écho, il est d’ailleurs déjà en réédition et nous effectuons des déplacements pour sensibiliser les gens à cette nécessité de remailler les territoires ruraux. Il y a là une vraie chance pour les campagnes. Faire le choix de vivre à la campagne sera, de moins en moins, le choix d’un isolement, car les modes de vie évoluent, notamment grâce au numérique.

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