Sarah El Haïry, roulez jeunesse !

Sarah El Hairy

L'hebdomadaire Le Point consacre un portrait à Sarah El Haïry, Secrétaire d’État à la Jeunesse et à l'Engagement, Porte-parole du Mouvement Démocrate. Retrouvez l'article signé Jacques Paugam sur le site www.lepoint.fr.

Elle n’a pas la langue dans sa poche et vous cueille au débotté par une franchise assumée.

La secrétaire d’État à la Jeunesse, Sarah El Haïry, ne s’embarrasse pas du protocole quand elle reçoit en son palais républicain au cœur de l’été, rue de Bellechasse, dans le
7e arrondissement parisien. Confortablement installée dans un fauteuil molletonné, une miche de pain à la main, histoire de patienter jusqu’à l’arrivée tardive d’invités conviés à déjeuner, l’élue MoDem de Loire-Atlantique savoure une réussite discrète. Propulsée secrétaire d’État dans le gouvernement Castex à la faveur d’un jeu d’équilibrisme politique entre LREM et ses précieux alliés du MoDem, c’est la trentaine triomphante que cette « bébé Bayrou » – comme elle se définit elle-même – grimpe dans l’appareil d’État avec l’audace des affranchis.

Militante à l’UMP jusqu’en 2010, puis au MoDem sous la férule du Béarnais, Sarah El Haïry ne respecte pas les règles de la bienséance en politique, qu’elle aimerait plus franche à défaut d’être sincère. Avec Marlène Schiappa, la jeune femme de 32 ans fait partie de ses ministres très « politiques » que le président aime à voir monter en première ligne au risque de se prendre les pieds dans le tapis. Comme en ce jour d’octobre 2020 à Poitiers où la secrétaire d’État, invitée par une fédération de centres sociaux à échanger avec des jeunes, se heurte de plein fouet au mur de l’incompréhension républicaine.

« C’était six jours seulement après Samuel Paty », tient-elle à rappeler après avoir fait de cet épisode l’accroche d’un livre vantant son parcours, Envies de France. L’expérience – « une blessure » – lui vaut d’être citée abondamment dans la presse locale et nationale en guise de baptême politique. Pas pour s’être érigée en rempart de la laïcité contre des revendications communautaires – cours sur les religions à l’école, salles de prière et signes ostentatoires à partir du lycée –, mais pour avoir entonné, presque seule, une ultime Marseillaise, comme pour couper court à un débat qui vire alors à la confrontation. Face à la défiance d’une certaine jeunesse « qui donne parfois l’impression de ne pas avoir de repères communs avec la France universaliste », la secrétaire d’État cherche justement à faire commun mais ne parvient qu’à susciter l’unanimité contre elle. « Je ne suis pas une Bisounours, j’ai fait du syndicalisme à la fac, mais là, c’était autre chose... Cela disait beaucoup de cet accompagnement défaillant », pointe-t-elle du doigt aujourd’hui.

De retour à Paris, Sarah El Haïry diligente une enquête au risque de laisser penser qu’une ministre se servirait des moyens de son administration à des fins de revanche politique. Erreur de jeunesse ? « Je combats l’esprit victimaire et je défends la promesse républicaine. Pour moi, le wokisme et le communautarisme sont les deux faces d’une même pièce », affirme, a posteriori, la secrétaire d’État, se sachant soutenue en haut lieu. Tempête dans un verre d’eau malgré un début de polémique. Sarah El Haïry, adepte de la méthode Coué, proteste sur tous les plateaux télévisés des moyens déployés, avance cette politique de la main tendue et fait montre d’une belle énergie, presque juvénile, quand il s’agit de remonter le moral des troupes façon cheffe scoute. « C’est là où tu vois toute la grandeur de ce pays », s’emporte-t-elle, enthousiaste et sûre de sa force de conviction, appuyée sur un parcours exemplaire. Née en France, ayant grandi au Maroc puis retournée dans l’Hexagone à la suite de l’attentat de Casablanca en 2003, Sarah El Haïry se vit comme l’archétype de la promesse républicaine. Un atout dans une classe politique uniforme lorsqu’on est, comme elle, à l’image de la diversité tricolore.

Soudain, 14 heures sonnent à l’horloge du ministère lorsqu’un plat entier de choucroute arrive en majesté sous le nez de la ministre occupée à convaincre ses interlocuteurs que la « start-up nation » n’oublie rien ni personne, certainement pas les plus jeunes et précaires. L’occasion d’attaquer le plat de résistance agrémenté d’une sauce plus personnelle. « Avec Jean Castex, on s’entend super bien », entame la ministre assez circonspecte devant ce déjeuner alsacien servi dans la torpeur de l’été. « Il est assez sioux en fait, c’est un bosseur qui construit ses dossiers, en plus d’être assez franc. Quand ça ne lui plaît pas, il te le dit. C’est un homme qui est au courant de tout et qui te challenge ensuite », raconte-t-elle avec gourmandise, avant de dévoiler une facette jusqu’ici inconnue du Premier ministre. « Il est cool et hyper chou. En fait, il s’est détendu et il a même de l’humour. » « Hyper chou », le Premier ministre ?

C’est un fait que Jean Castex, apparu sur Twitch et parfois moqué pour son air patelin d’élu du Sud-Ouest, aime à s’entourer de ces jeunes figures montantes dont la macronie regorge. À l’instar de Gabriel Attal, qui l’a précédée au secrétariat d’État, l’autre « jeune » talent de l’exécutif, la ministre soigne donc sa relation avec le chef du gouvernement au côté « vintage » si assumé. Et surtout, ne dites pas à son entourage que la secrétaire d’État serait moins connue que son jumeau politique Attal – ils sont nés le même jour, le 16 mars 1989 – propulsé depuis au porte-parolat : « Vous rigolez ? On est partout, sur tous les plateaux télé en permanence ! »

« Je vois bien le petit jeu des ambitions entre jeunes au gouvernement », fait semblant de s’émouvoir un ministre senior, de vingt ans son aîné. « Le problème avec Sarah, c’est qu’elle en fait trop et que ça peut vous donner l’impression de l’insincérité, à vous, les journalistes. » La remarque, qui se veut amicale, en dit long sur ces gens pressés d’arriver en macronie, cette nouvelle génération politique mise en orbite à la faveur de la victoire de 2017. « Il faudrait lever le pied. Tu es ministre à 30 ans, c’est déjà pas mal », ironise ce même collègue au gouvernement, pas mécontent de moucher une jeunesse insolente à l’image de son idole, Emmanuel Macron : sûre d’elle, sans révérence pour la hiérarchie et faisant fi de l’expérience. « J’ai un esprit très macronien, je ne vois que l’efficacité et les moyens d’y arriver », assume Sarah El Haïry, pas mécontente de faire preuve de cette fameuse « fougue de la jeunesse » tant reprochée au président. Sans griller les étapes, mais avec un art consommé de l’autopromotion.

Comme lorsque la secrétaire d’État se démultiplie à l’aide d’un trépied, installé face à son bureau, pour filmer ses échanges sur les réseaux sociaux au moyen d’un smartphone ? « La jeunesse, c’est un état d’esprit mais, oui, j’ai quelques facilités », sourit-elle, jamais à court d’un émoji. Sauf que cette connivence, ce franc-parler, cette manière d’être à tu et à toi avec toute une génération n’épargne pas la langue de bois. Et si la ministre a beau s’en défendre dans son livre – « Je ne nie pas qu’il existe parfois de la langue de bois en politique ; je n’aime pas en faire » –, elle n’est plus à un élément de langage près.

« Moi, je crois que chaque moment doit être un moment d’action », aime-t-elle à répéter platement, en donnant parfois l’impression de ne s’adresser qu’à la jeunesse qui réussit et entreprend, à l’image de cette « start-up nation » constamment en mouvement. D’où l’épisode navrant de Poitiers qui devient le symbole, selon son propre aveu, de cette « fracture » française. « Je constate que par mon statut de ministre et parce que je veux porter la voix de la République, les adolescents que j’ai en face de moi m’installent de fait dans le camp des racistes », écrit-elle, a posteriori, sincèrement peinée d’être renvoyée à son statut de transfuge. Sans saisir que la jeunesse n’est pas toujours synonyme de succès ni d’émancipation. Avant de se reprendre à l’approche de 2022, inquiète de l’abstention chez les 18-24 ans, elle qui occupe le bien nommé portefeuille de la « Jeunesse et de l’Engagement ». « Nous sommes dans une phase de défiance. C’est la fin de l’innocence pour nous. »

Prendra-t-elle part à la campagne à venir, elle qui ne ménage pas ses forces sur le terrain médiatique ?
« Sarah El Haïry est porte-parole du MoDem », rappelle, à quatre mois de la présidentielle, une membre de son cabinet, cernée de fatigue mais réjouie à l’idée de prendre quelques jours de vacances en cette veille de Noël. « Elle a une idée à la minute. Pas plus tard qu’hier... » entame cette collaboratrice, avant de finalement se raviser. « C’est l’adrénaline », promet la secrétaire d’État.

Sur la génération Z, cette autre jeunesse qui rejette en bloc immigration et tentations
« wokistes », Sarah El Haïry se dit capable d’en découdre avec Éric Zemmour au petit jeu de la joute oratoire. « Je ne suis pas une nostalgique. Il sera dans la polémique, je serai sur du concret », ne craint-elle pas d’avancer, bravache. « La place du MoDem, ça se prend, il faut continuer à s’ancrer », prophétise-t-elle à quatre mois de l’élection, assise sous un immense carré orange suspendu au mur de son bureau. « C’est la MoDem touch », plaisante-t-elle en clignant de l’œil.

En cas de défaite, la secrétaire d’État bénéficiera donc de la double étiquette centriste – ni de droite ni de gauche –, même si la trentenaire concède avoir « des combats idéologiques communs avec Jean-Michel Blanquer », son ministre de tutelle issu des rangs de la sarkozie. « L’étiquette, elle se décolle », moque-t-on dans les coulisses après que le quinquennat a terminé de pencher à droite. « La droite conservatrice, elle n’est plus vraiment libérale, elle ne parle plus de pouvoir d’achat », revendique Sarah El Haïry, prête à reprendre le flambeau, quitte à bazarder tout un pan de la social-démocratie qui avait fait élire Emmanuel Macron en 2017. « Il n’y a aucune composante de la majorité qui ne se sente orpheline », réfute-t-elle malgré le départ de plusieurs élus du groupe LREM à l’Assemblée nationale.

« Elle sera députée et... qui sait ? » pronostique un ministre dans les rangs de la majorité, où chacun tente de se placer à l’approche d’un scrutin décisif. Avec un goût certain pour les lumières médiatiques, Sarah El Haïry peut espérer exister et peut-être durer. Bonne élève, toujours dans les clous, attentive à relayer la bonne parole officielle sans écarts de langage mais sans trop d’aspérités non plus. Première de la classe Sarah El Haïry ? « Ne vote jamais rien dont tu pourrais avoir honte, me disait ma mère », se rappelle avec émotion la secrétaire d’État, rarement à un poncif près.

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