Connexion
Archives

"Seul un référendum peut obliger la classe politique à se réformer"

François_Bayrou-FB

Au micro des Grandes Gueules de RMC, François Bayrou a appelé François Hollande à "prendre ses responsabilités" en "soumettant au peuple" une loi pour en finir avec "des pratiques indignes d'une démocratie équilibrée".

Alain Marschall et Olivier Truchot – Est-ce que vous pensez comme Jean-François Copé que la publication du patrimoine des politiques est un numéro de voyeurisme et d’hypocrisie ?

François Bayrou – En tout cas, je suis certain que cela ne répond pas à la question que les gens se posent, à la question de notre vie politique, de la démocratie en France qui va mal. Cela ne nuit pas mais ce n’est pas cela la question, donc c’est un peu un rideau de fumée. Deuxièmement, il y a une chose qui me frappe c’est que nous sommes un peu comme nous étions sous les années Sarkozy c’est-à-dire qu’il y a un fait divers et aussitôt on fait une loi, on fait des déclarations publiques… On ne réfléchit pas. Or, cela mériterait qu’on réfléchisse au moins quelques semaines. Voilà un pays qui se débat dans des scandales honteux, si les pays qui nous entourent comme l’Allemagne en étaient là, tout le monde se gausserait. Nous avons des mises en examen multiples et multipliées, nous avons les plus hautes fonctions de l’Etat qui sont mises en cause, nous avons la personne qui est chargée d’organiser la lutte contre la fraude fiscale qui organise une fraude fiscale pour lui-même. Ça va mal !

Nous sommes dans des cas particuliers. Pour autant doit-on réfléchir à l’ensemble de la classe politique ?

Il faut réfléchir à l’ensemble des problèmes qui font que chez nous, il y a des comportements et des pratiques qui ne se trouvent nulle part dans une démocratie équilibrée.

Des scandales, il y en a ailleurs, dans d’autres démocraties.

Non, pas du tout.

En Angleterre, il y en a eu.

Pas à ce point. Les pays scandinaves, les pays qui nous entourent, l’Allemagne, sont des pays dans lesquels il y a des règles. Il y en a un certain nombre qui ne sont pas appliquées en France.

Lesquelles par exemple ?

Première règle : que les parlementaires soient soumis aux mêmes règles fiscales que les citoyens normaux, c’est-à-dire qu’ils soient soumis à l’impôt sur la totalité de leurs revenus. S’ils ont des notes de frais, ils font valoir leurs notes de frais, c’est normal. Mais ils ont refusé, il y a quelques semaines à peine, un amendement qui allait dans ce sens. Ils l’ont écarté, UMP et PS ensemble.
Deuxième règle qui existe dans tous les parlements, au Parlement européen en particulier : il doit être interdit à un élu de participer à une délibération sur un sujet sur lequel il a des intérêts particuliers. Par exemple, s’il est avocat, conseil d’une société importante, s’il touche des émoluments, il ne peut pas intervenir dans les débats dans ce sujet. D’ailleurs, à mon avis, cela devrait être interdit de recevoir des émoluments d’intérêts privés.
Troisième chose : le cumul des mandats. Tout le monde en parle à toutes les élections. On a pris des engagements solennels et là on vient de nous dire que cela se fera en 2017. Mais les impôts qu’on va demander aux gens, on ne va pas les demander pour 2017, on va les demander pour 2013.
Quatrièmement : nous avons une vie politique qui est pléthorique et qui coûte trop cher. Je suis pour que nous diminuions drastiquement, de moitié ou d’un tiers, le nombre de députés, de sénateurs, de ministres. Franchement, vous trouvez que c’est justifié d’avoir un gouvernement de quarante membres ?

Et 577 députés et 350 sénateurs…

Cela ne va pas !

Le problème c’est que la classe politique ne peut pas se réformer elle-même, c’est pour cela que ça coince.

Voilà pourquoi vous arrivez à la proposition qui est la mienne, cela ne peut se faire que par un référendum du peuple, en raison des mesures que je viens d’énumérer devant vous. Et il y en a bien d’autres comme le financement de la vie politique par exemple. Il y a des micro-partis qui se multiplient comme des champignons et qui sont un moyen de détourner la législation.

Enfin, un référendum, on voit ce que ça donne. Vous avez vu dimanche, cela a été un bide en Alsace.

C’est un bide parce qu’il n’y a pas de leadership, mais si vous avez des responsables publics qui s’avancent devant les Français et qui disent "Mesdames, messieurs, concitoyens, nous avons le devoir de régler un certain nombre de choses que les parlementaires en place ne peuvent pas et ne veulent pas régler. Donc, il faut que nous le fassions par les citoyens." Vous verrez que les citoyens diront oui. Vous croyez que nous sommes un peuple de "neuneus" ? Non !

Mais cela ne va pas se transformer en référendum pour ou contre le pouvoir en place ?

Nous verrons. Mais en tout cas nous ne devons pas baisser les bras en disant que nous ne pouvons rien parce que les parlementaires ne le voteront jamais ou parce que la vie politique est incapable de se réformer.

Quelles questions poseriez-vous dans ce référendum ?

Ce ne sont pas des questions. On adopte une loi, d’abord. Cette loi comporte les propositions que j’ai dites, que j’ai proposées depuis plusieurs années. J’ai indiqué pendant la campagne présidentielle une dizaine de dispositions précises que nous devons absolument traiter. Cumul des mandats, diminution du nombre de parlementaires, règles qui interdisent les mélanges des intérêts publics et privés etc. Nous pouvons ainsi faire la liste, cela fait une dizaine de propositions. Et on soumet cette loi, une fois présentée par le Président de la République, au référendum du peuple des citoyens. C’est prévu par la Constitution, c’est l’article 11, il n’y a aucune difficulté de ce point de vue-là.

Vous ne faites pas confiance à Jean-Marc Ayrault qui est en train de proposer son propre projet de loi pour le 24 avril ?

Je reprends votre phrase elle-même parce qu’elle est juste. Il y a des décisions qui ne seront pas prises par le monde politique et parlementaire tel qu’il est. Vous n’imaginez pas, par exemple, qu’ils vont voter la diminution de leur nombre de sièges. Or, pour moi, il faut voter la diminution de la moitié ou d’un gros tiers de leurs sièges. C’est humain comme réaction. Mais il y a des moments où nous ne pouvons pas en rester à ménager des intérêts, même amicaux et sympathiques. J’en parle facilement parce que nous, nous avons très peu de députés et de sénateurs.

Vous-mêmes n’êtes plus député.

Non mais nous sommes 65 millions de Français à ne pas être députés, nous avons le droit de le parler.

Bien sûr. Votre pétition pour la moralisation a réuni 43.000 signatures pour l’instant. Il y a un mouvement qui est là.

Il y a un mouvement. Disons-le à ceux qui nous écoutent, c’est le site moralisation.fr. Si nous voulons obtenir une loi sérieuse, il n’y a que le référendum des citoyens qui l’obtiendra parce que le monde politique et parlementaire ne votera évidemment pas des dispositions qui l’obligent à des sacrifices.

Ce qui choque dans l’affaire Cahuzac c’est bien sûr l’évasion fiscale, c’est le poste qu’occupait Jérôme Cahuzac, mais c’est aussi le mensonge et plus généralement le mensonge de la femme et de l’homme politique qui dit quelque chose et qui fait le contraire. Ce mensonge, nous pouvons le connaître dans les campagnes électorales. Il n’y a pas de loi contre le mensonge du politique ?

C’est peut-être utile de rappeler que je publie ces jours-ci un livre qui s’appelle De la vérité en politique dont ce que vous venez de dire est la thèse principale.

Vous avez toujours dit la vérité en politique ?

Je crois, oui.

Cela fait trente-cinq ans que vous êtes dans la vie politique, toujours ?

Trente-cinq ans vous êtes sûr ?

Quarante ?

Oui, peut-être. Cinquante ? Cela fait beaucoup quand même. (rires)

Vous n’êtes pas un novice en politique,

Non, pas du tout.

Vous avez pratiqué plusieurs gouvernements, vous avez parcouru différentes périodes, vous avez toujours dit la vérité à vos électeurs ?

Je ne veux pas me draper dans la vertu, mais j’ai toujours dit la vérité de ce que je croyais aux citoyens.

Et toujours soutenu des candidats qui ont dit la vérité aux électeurs ?

Ne me demandez pas d’avoir dit la vérité par personne interposée.

Parce qu’on peut se demander pourquoi aujourd’hui François Bayrou devient un parangon de la vérité en politique après quarante ans de vie politique.

Faites attention à ce que vous dites, je ne suis un parangon de rien ! Mais j’ai soutenu Raymond Barre dont j’ai été un des bras droits parce qu’il disait la vérité.

Et il a perdu.

Et alors ? Qu’est-ce que cela peut faire ? J’étais dans le gouvernement de Alain Juppé quand il a essayé de réformer les retraites des régimes spéciaux.

Et il a reculé.

Et alors ? Ce n’est pas parce qu’il y a vingt cordées qui échouent à monter au sommet de l’Himalaya que vous arrêtez d’essayer alors que vous considérez que c’est important et utile. L’idée que ces combats difficiles, il faudrait y renoncer parce qu’ils sont difficiles et parce qu’il arrive en effet que l’on perde des batailles sur les sentiers de cette guerre, c’est une idée absurde que moi en tout cas je récuse.

Pourquoi seriez-vous le meilleur pour mener ces combats ?

Je ne vous ai pas dit que j’étais le meilleur, je vous dis que ce combat je suis assez souvent le seul à le mener. Par exemple, je me suis battu tout seul contre la privatisation des autoroutes parce que je considérais que c’était une mauvaise affaire pour le pays. Je me suis battu tout seul sur l’affaire Tapie, non pas à cause de Bernard Tapie, il y a toujours eu des gens qui faisaient des affaires, mais parce que ce n’est pas normal qu’au cœur de l’Etat soit organisée une entreprise qui revient à donner 400 millions d’euros à une personne privée au contraire des principes de la loi. Oui, j’ai mené ces combats, je les ai menés souvent tout seul, et je suis fier de l’avoir fait. Je ne suis pas un donneur de leçons de morale, je ne suis pas un moraliste ni un parangon de quoique ce soit, et surtout pas de vertu. Je vous dis simplement ceci qui est précisément le cœur de mon livre : au XXIème siècle, quand il s’agit de faire des réformes, vous ne pouvez les conduire que si elles étaient dans le contrat que vous avez passé avec le peuple.

Le peuple est quand même assez paradoxal. A la fois il veut un discours de vérité et en même temps il aime bien qu’on lui raconte une belle histoire. Cette belle histoire permet à l’homme politique d’être élu, et ensuite forcément il y a beaucoup de déception six ou dix mois plus tard.

Alors il ne peut pas gouverner.

Est-ce qu’il faut remettre en cause le suffrage universel ?

Non ! Il ne faut pas remettre en cause le suffrage universel. Il faut des candidats et des élus civiques, qui aient un sens de leurs responsabilités. Il y en a eu quelques uns dans l’histoire. Je viens de citer Barre, j’ai fait un portrait de Pierre Mendès-France. Le Général de Gaulle à sa manière également. Sur l’affaire algérienne c’était compliqué, il a peut-être biaisé avec sa propre idée de l’avenir. Mais, sur les autres sujets, il s’adressait aux Français en leur parlant à la bonne hauteur. Il ne leur racontait pas des histoires comme vous disiez. Lorsqu’il parlait de la place de la France, de ce que l’Europe devrait être, de ce que les rapports avec les Etats-Unis devraient être, il ne leur parlait pas un langage d’enfant, il leur parfait comme à des adultes dans une démarche civique profonde. Ce niveau-là n’est pas perdu, il suffit que des responsables politiques assument ce genre de combats, y compris les défaites qui vont avec. Vous voyez bien aujourd’hui que cela ne va pas pouvoir durer comme cela.

A votre avis, cela ne peut pas durer ?

Non, cela ne peut pas durer, je vous le dis.

François Hollande doit changer ?

François Hollande doit prendre ses responsabilités.

Cela veut dire quoi, "prendre ses responsabilités" ?

Nous venons de le dire. Faire dans le calme, par exemple, en prenant le temps de la réflexion, une loi qui ne pourra selon moi être adoptée que si nous la soumettons au peuple. Qu’il réfléchisse à cette affaire-là. Et puis il devra changer le gouvernement. C’est un gouvernement pléthorique. Il y a quarante personnes, nous n’en connaissons pas la moitié. Cela empêche le citoyen de savoir où nous allons.

Vous avez été membre de gouvernements de trente ou quarante membres ?

Non, plutôt moins. Le gouvernement Balladur dont j’ai été membre était parfaitement huilé, il y avait un peu plus de vingt membres. Quand Alain Juppé a fait un gouvernement pléthorique, il a dû en changer au bout de six mois.

Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans le gouvernement Ayrault, au-delà du fait qu’ils soient trop nombreux ?

Ce qui ne fonctionne pas, c’est que François Hollande qui est l’inspirateur de l’action est prisonnier d’une campagne électorale, d’une majorité et d’un parti qui ne sont pas en phase avec la politique qu’il doit suivre et qui s’impose parce que le réel est là. Le réel, on ne peut pas jouer avec. On peut raconter des histoires en campagne mais une fois que l’on y est, on ne peut pas jouer avec le réel. Donc, le jour où il décidera de le faire, ou je vais le dire autrement, le jour où il ne pourra pas faire autrement, il faut que François Hollande assume la ligne politique qui doit être suivie. Il devra mettre en place une nouvelle équipe resserrée et accepter le risque du référendum. Un référendum, c’est un risque, mais si vous n’acceptez pas le risque, vous ne gouvernez pas, cela ne sert à rien.

Nous allons faire une "fiche de renseignements" comme nous faisons avec toutes les personnalités qui passent dans les Grandes Gueules, c’est-à-dire que je vais vous demander vos date et lieu de naissance. 

Le 25 mai 1951 à Bordères dans les Pyrénées Atlantiques où j’habite toujours aujourd’hui.

Situation de famille s’il vous plaît ?

Je suis marié et j’ai six enfants.

Quel âge ont vos enfants ?

Nous avons eu le premier à vingt ans donc notre fille ainée a quarante ans, et le dernier a 24 ans.

Profession ?

J’étais agrégé de lettres.

Les revenus aujourd’hui ?

Retraite de parlementaire et retraite d’enseignant, moins l’argent que je perds avec les chevaux et pour quoi je me fais engueuler par ma femme à assez juste titre.

Combien par mois ?

Autour de 7 ou 8.000 euros par mois.

Et dans le patrimoine, qu’est-ce que vous avez ?

J’ai une maison dans mon village dans les Pyrénées et un petit appartement de 50m2 à Paris et je m’occupe d’une exploitation agricole qui, comme je le disais, n’est pas bénéficiaire.

Pas d’assurance-vie ?

Non.

Pas de petit compte ?

Pas de compte en Suisse.

A Singapour non plus ?

Ni à Singapour !

Certains disent que nous avons l’homme en caoutchouc à l’Elysée et qu’il manque une dame de fer. Est-ce qu’il manque aujourd’hui une personnalité à poigne comme Margaret Thatcher le fut, aujourd’hui à la tête du gouvernement et du pays ?

Il faut que les responsables soient solides et que leurs mains ne tremblent pas. Après, chacun apporte son jugement, mais vous voyez bien que dans une crise comme cela il faut des personnalités qui sortent un peu de l’ordinaire.

Votre main ne tremblerait pas ?

Je ne crois pas qu’elle tremblerait.

Vous sortez de l’ordinaire ?

Non, vous voyez bien que je ne suis pas en train d’essayer de dire du bien de moi…

Mais moi je vous pose des questions.

Vous avez le droit de dire du bien de moi si vous en avez envie. Au contraire, je ne vous arrêterai pas. Mais vous voyez bien que, des hommes politiques qui prennent des risques, il n’y en a pas beaucoup. J’ai pris des risques chaque fois qu’il le fallait.

Est-ce que aujourd’hui l’homme politique a le pouvoir que pouvait avoir Margaret Thatcher encore dans les années 1980 ou le Général de Gaulle dans les années 1960, puisque nous parlions de lui ?

Je vais vous surprendre, mais ma réponse est oui. Le pouvoir principal d’un responsable politique digne de ce nom est d’entrainer son peuple, le peuple de citoyens qui l’a élu. Il doit lui inspirer une volonté, une énergie.

Cet homme politique doit avoir une stratégie, une vision. C’est peut-être ce qui nous manque.

Voilà. Il faut non seulement qu’il ait une stratégie, mais qu’il ose l’appliquer. Je crois, à tort ou à raison, que François Hollande voit à peu près où il veut aller. Simplement, comme je vous l’ai dit, sa campagne, son parti et sa majorité ne sont pas dans ce sens-là. Il faut qu’il accepte y compris le conflit s’il le faut.

Aujourd’hui, le pouvoir n’est pas seulement vertical, il est de plus en plus horizontal. Donc François Hollande tout seul ne peut rien faire s’il n’a pas une majorité, s’il n’a pas des relais.

Je sais très bien que tout le monde dit ça, et je vais soutenir le contraire en face de vous, même si c’est minoritaire. Votre phrase repose sur une idée reçue qui est que les problèmes ne viennent pas de chez nous. Moi, je vous dis que les problèmes de la France viennent de France. Ils ne viennent pas de l’extérieur, ils ne viennent pas de la mondialisation, ils ne viennent pas de l’Europe, ils ne viennent pas de l’euro, ils viennent de chez nous. Quand vous avez autour de vous des pays qui ont les mêmes problèmes que les nôtres et qui pourtant réussissent admirablement bien, cela mérite que nous y réfléchissions. Je vais en prendre un dont on ne parle jamais. Ce n’est pas du tout pour en faire un exemple, surtout avec l’actualité. La Suisse est un pays qui n’a pas de matières premières, qui a un peuple qui n’est pas pléthorique, où l’on paie le travail 30% plus cher que chez nous, et qui pourtant exporte et soutient un modèle de société qui fait qu’il y a 300.000 Français qui traversent la frontière tous les jours pour aller travailler en Suisse.

Il y a un système de votation aussi, on consulte régulièrement le peuple.

Et toutes les sensibilités y sont représentées. Vous voyez bien qu’il y a des exemples de cet ordre qui font parfois hurler. Regardez-bien l’Italie dont tout le monde pense qu’elle va à vau-l’eau et Dieu sait que cela ne va pas bien. Elle a un commerce extérieur excédentaire. Chez nous, en France, ce matin est sortie l’aggravation supplémentaire du commerce extérieur. Nous avons, pour un seul mois, entre six et sept milliards de déficit du commerce extérieur. Si vous multipliez par douze, vous voyez où nous arrivons, entre 70 et 80 milliards. Cela veut dire 70 ou 80 mille millions d’euros. C’est cela les milliards, on en parle trop vite. Simplement, nous sommes soumis à une hémorragie. Le peuple français voit ses ressources qui s’en vont et qui s’échappent et il ne peut plus soutenir ni ses services publics ni sa solidarité parce que c’est un projet de société de haut de gamme qui mérite que nous produisions des richesses et des emplois.

François Delapierre a traité Pierre Moscovici de "salopard". Est-ce que c’est une société qui est malade quand on en arrive à ce genre de langage ?

Oui. Nous sommes exactement, si nous regardons l’histoire, dans les années 1930. Ce sont les ligues, ligues d’extrême-droite et d’extrême-gauche portant d’ailleurs assez souvent le même nom…

Qui seront dans la rue d’ailleurs au mois de mai.

Ce sont les ligues d’un bord et de l’autre qui utilisent ce genre de vocabulaire et d’affirmations, qui essaient de créer de la violence pour surfer sur la violence.

Mais la violence est déjà là, dans la société.

Elle est là, elle a été créée très largement dans les années précédentes. Vous savez que c’est la raison pour laquelle je me suis séparé de Nicolas Sarkozy. C’est toute la stratégie Buisson : il y a de la violence dans la société, soufflons sur la violence, cela va nous faire monter dans les sondages. Cette stratégie est mortelle pour un pays. Le problème de l’extrémisme, il est très simple. Je dis cela en sachant que beaucoup de citoyens se posent la question en se disant "Est-ce qu’on ne passerait pas un coup de balai ?".

En se disant "Nous n’avons jamais essayé cela finalement ? Les autres sont au pouvoir depuis vingt ou trente ans…". 

Ecoutez-moi bien. D’abord, il y a d’autres solutions que celle-là. Si je pouvais, je parlerais individuellement à chacun de ceux qui nous écoutent. Ces extrêmes conduisent un pays au chaos, au pire du pire, parce qu’ils font flamber des détestations entre les gens. Or, un peuple en crise, c’est un peuple qui doit s’unir pour faire face à la crise. L’unité d’un pays, l’unité d’un peuple, le fait que les gens se serrent les coudes quand ça va mal est la condition première, essentielle à mon avis, pour que nous nous en sortions.


Filtrer par