Retraites : "Le système par points donne plus de libertés aux citoyens"

Réagissant au rapport sur le système des retraites adopté par le Parlement européen, Robert Rochefort a plaidé pour "un système par points", à la fois "moderne", "juste" et "compréhensible par tous", mardi sur France Inter.
Invité à débattre sur le plateau du Téléphone sonne, Robert Rochefort a jugé que "le système idéal des retraites aujourd’hui était le système suédois, c’est-à-dire le système par points". "Il est beaucoup plus moderne, c’est une retraite qui permet de faire en sorte que, tout au long de la vie, on acquiert des points et on comprenne à l'avance ce que l'on aura comme retraite", a-t-il souligné.
Interrogé par une auditrice sur une éventuelle pression européenne pour réformer les retraites, le parlementaire a rétorqué que "ce n’était pas du tout la question de l’Europe". "Si le système de retraites en France est loin d’être équilibré, si on nous annonce 20 milliards de déficit et qu’il faut faire une réforme, l’Europe n’y est strictement pour rien." Et Robert Rochefort de préciser que "l’Europe se contente simplement de dire qu’il faut que tous les pays fassent des réformes car ils sont tous confrontés à un allongement de l’espérance de vie. "
"LES SYSTÈMES DE SOLIDARITÉ DOIVENT ETRE COMPLETEMENT MAINTENUS"
Le vice-président du Mouvement Démocrate a estimé que "la question fondamentale était celle de la démographie et de l’usure d’un système qu’il faut savoir actualiser et moderniser". "L’allongement de l’espérance de vie est une très bonne nouvelle mais impose que nous travaillions plus longtemps".
En contrepartie de ce nouvel effort demandé aux citoyens, le député européen juge nécessaire que "les systèmes de solidarités soient complètement maintenus". La deuxième contrepartie doit être l’accroissement des libertés individuelles, permis par le système de retraites par points. "Si nous travaillons plus longtemps, nous devons pouvoir choisir le moment où l’on partira, en gagnant plus si l’on a travaillé plus que l’âge légal, et en n’étant pas aussi pénalisé que dans beaucoup de pays, comme en France, si l’on arrête de travailler avant", a-t-il précisé.
"Si on dit que l'allongement de la durée des vies professionnelles, c'est l'obligation de travailler jusqu'à 65, 67 ou peut-être 68 ans, et en plus à plein temps, ça je comprends que les citoyens européens se disent que ce n'est pas possible. Si à l'inverse on leur dit qu'il faudra faire des efforts parce que la démographie et en contrepartie des efforts faits, on aura plus d'informations, plus de libertés, je crois que ça c'est un deal qu'il est possible de proposer au peuple européen", a résumé Robert Rochefort.
"ALLONS VERS L’HARMONISATION DES SYSTÈMES EUROPEENS"
Spécialiste des questions économiques et européennes, l’ancien directeur du CREDOC a pointé du doigt la difficulté de réformer les systèmes de retraite au niveau européen, où ils restent "une compétence strictement nationale". "Nous sommes devant un bloc avec de grandes différences" où chacun des pays estime que son système est "le meilleur au monde" et craint qu’il ne soit "mis en difficulté parce qu’on chercherait à l’harmoniser avec les autres".
À ce sujet, l’économiste rappelle que "les travailleurs seront de plus en plus nombreux" à travailler dans plusieurs pays d’Europe au cours de leur carrière. Or, les différences entre les systèmes posent la question de "la reconstitution de leur carrière quand ils partent à la retraite". Devant cette difficulté, Robert Rochefort a plaidé pour une harmonisation des systèmes européens en rappelant que, au regard des réalités démographiques, "les recettes pour sortir des difficultés dans lesquelles nous sommes sont à peu près les mêmes", qu’importe le pays ou la couleur du gouvernement.
"LA REFORME DES RETRAITES DEVRA ETRE ACCOMPAGNEE D'UNE REFORME DU MARCHE DU TRAVAIL"
Interrogé sur la nécessité de travailler plus de semaines par an, le vice-président du MoDem a voulu éviter tout "amalgame". "Je ne crois pas qu’il faille dire que l’on ne travaille pas assez en France", a-t-il d’abord précisé avant de juger bon de ne pas "mêler ces questions de rythmes de travail, peut-être de flexibilité au travail, qui sont aussi des sujets extrêmement importants sur lesquels il faut que nous nous réformions, avec la question des systèmes de retraite. "
Pour autant, le député européen élu du Sud-Ouest n’ignore pas ce que beaucoup d’électeurs pensent : "Quand nous sommes dans nos circonscriptions, nous entendons ce que les gens pensent, ils se disent que nous voulons les faire travailler plus longtemps alors qu’il y a du chômage et que les entreprises mettent déjà les travailleurs à la porte avant qu’ils soient à l’âge de la retraite". "Nous ne serons pas crédibles dans la proposition des réformes pour le système des retraites, si dans le même temps nous n'amenons pas une réforme de la question du travail et du marché du travail" souligne Robert Rochefort qui en appelle à la responsabilité des élus. Nous devons "faire en sorte que le travail des seniors soit enfin reconnu et ne soit pas considéré comme étant concurrent avec le travail des jeunes".
"CHANGEONS LA CULTURE DES PATRONS PAR RAPPORT A L’EMPLOI DES SENIORS"
En ce qui concerne la place des seniors dans le marché du travail, Robert Rochefort a émis le souhait que la France prenne exemple sur la Finlande. "La Finlande était un pays dans lequel les seniors au travail étaient encore moins nombreux qu’en France, et ils ont su mettre en place une formule qui est une formule de formation des travailleurs un peu âgés, et en ont fait une cause nationale", explique-t-il. Le parlementaire précise qu’à la différence de beaucoup de pays, les Finlandais ont estimé que ce n’était pas "en donnant des primes aux entreprises qui embauchent des seniors qu’ils allaient y arriver" mais "en changeant la culture des managers, des patrons, par rapport aux seniors dans l’emploi".
L’autre question de l’emploi des seniors est celle des conditions de travail. "Nous avons le devoir, avec les partenaires sociaux, de déterminer ce que peuvent être des conditions de travail satisfaisantes pour des gens qui ont 62, 63, 65 ans, peut-être un peu plus, et qui ont parfois passé beaucoup d’années dans des travaux pénibles". Robert Rochefort a alors avancé la solution que "leur soit proposé un autre travail pour tenir compte de cette pénibilité, et qu’ils aient des possibilités de temps de travail qui soient moins longs, quitte à ce que, parfois, certains salariés puissent gagner moins".
"Certains salariés, qui n’ont pas d’enfants à charge, sont parfois prêts à passer à 80% de temps de travail", a-t-il expliqué, mais ils ne le font pas car ils ont peur de "perdre leurs droits de retraite pour la suite". "Donc il faudrait inventer un système dans lequel ils travaillent à 80% mais où l’on s’assure qu’ils gagnent l’intégralité de leurs droits à la retraite pour la suite. Autrement dit, nous avons le devoir en même temps que nous devons réformer les retraites, de réinventer le travail en conséquence", a-t-il plaidé.
En guise de conclusion sur le travail des seniors, Robert Rochefort a tenu à rappeler le besoin de "ré-enchanter le travail". Bien conscient des difficultés que cela pose "dans des temps de chômage de masse", il a soutenu l’importance que "le travail soit un endroit où il y a quand même un tout petit peu d’épanouissement de telle sorte que, quand on dit que l’on va devoir travailler plus longtemps, ça n’apparaisse pas comme le fait d’être condamné aux travaux forcés".
"LA REFORME DOIT ETRE LA PLUS JUSTE POSSIBLE ET LA MIEUX COMPRISE PAR LES CITOYENS"
Alors que certains responsables soutiennent encore que l’on pourrait prendre l’argent ailleurs, le vice-président du Mouvement Démocrate s’est interrogé pour savoir "où est cet ailleurs ?". "Nous ne pouvons pas encore creuser la dette, elle nous étouffe de tous les côtés" a-t-il souligné avant de conclure que "la réforme est absolument indispensable". Dès lors, la question est de la faire "la plus juste possible", et "la mieux comprise par les citoyens".
Au contraire, si l’on décidait de ne rien faire, il n’y aurait "pas d’autres solutions" "qu’un système où les pensions de retraite seraient fondamentalement diminuées". Concrètement, a expliqué Robert Rochefort, "les retraités d’aujourd’hui et de demain vont avoir une pension qui, d’abord, ne serait pas indexée sur l’inflation, et puis qui connaîtrait une baisse de 5%, puis de 10%".
"Nous avons connu une époque pendant laquelle les pauvres, dans notre pays, c’étaient les personnes âgées" a développé l’économiste. Les retraites ont été un très grand "progrès social". Or, nous voyons aujourd’hui que "le gouvernement français hésite", "c’est un gouvernement socialiste qui commence déjà à dire que, peut-être, les retraites ne seront pas réévaluées autant que le niveau de l’inflation, ce qui veut dire qu'elles baisseront en euros concrets tous les ans", s’est inquiété le député européen. "Je crois que la priorité des priorités est de sauver notre système" en le réformant, a-t-il conclu.