Retour sur l'émission "BFM Politique"

François Bayrou - BFM Politique - 28/04/2019
(© BFM TV)

Ce dimanche 28 avril, François Bayrou était l'invité de l'émission "BFM Politique". Annonces du président de la République, écologie et taxe carbone, 80km/h, baisse du nombre de parlementaires, questions économiques liées au Grand débat, élections européennes : le président du Mouvement Démocrate a répondu aux questions d'Apolline de Malherbe de BFM TV, d'Olivier Beaumont du Parisien - Aujourd’hui en France, et d'Emmanuel Lechypre de BFM Business.

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Extraits : 

Retranscription de l'émission : 

Bonjour François Bayrou

Bonjour.

Merci d'être avec nous. Vous êtes le président du Modem, maire de Pau, l'allié qui a été stratégique pour qu’Emmanuel Macron arrive au pouvoir.

Quel regard vous portez aujourd'hui sur les réponses qu'il a données à toute cette crise qui couvait depuis des semaines, des mois maintenant en France.

Est-ce que, d'après vous, il a réussi à retourner la table ou à répondre aux ambitions que vous aviez-vous même pour ce Grand débat. Vous vouliez que ce soit des changements profonds.

On verra s'il a répondu à vos attentes dans un instant.

À mes côtés, Olivier Beaumont du Parisien aujourd’hui en France avec qui vous parlerez notamment de l'écologie, franchement plutôt absente de ces réponses et bien sûr des Européennes et Emmanuel Lechypre de BFM Business avec qui on parlera des réponses économiques au Grand débat : les baisses d'impôt, mais aussi la question de la dette, question qui vous est chère.

Merci d'avoir réservé à BFM politique vos réactions à ce qui s'est passé jeudi soir le Grand oral d’Emmanuel Macron. Il a répondu aux propositions des Français, il avait promis qu'il y aurait un avant et un après.

Il y a eu 24 semaines de gilets jaunes, 3 mois de Grand débat et, tout ça pour ça.

Elle est où la révolution ?

Je trouve que vous vous arrêtez à l'écume des choses.

Vous attendiez des choses profondes, dites-moi.

Les choses apportées par le Président de la République, ce sont les choses les plus profondes que l'on pouvait imaginer.

La France, au fond, est à la recherche de ce que j'ai appelé un grand projet national, quelque chose qui puisse nous permettre à la fois de saisir tout ce que le monde contemporain offre de chances technologiques, scientifiques et en même temps de trouver un sens à notre vie ensemble et que, dans cette vie que nous partagerons dans les années qui viennent, chacun ait sa chance.

Et vous dites que ce n'est pas une révolution. C'est une révolution.

L'ensemble des mesures qu'il a évoquées sont, pour vous, une révolution ?

Oui, pas seulement l'ensemble des mesures, mais la philosophie qui porte ces mesures.

C’est laquelle, comment vous la résumeriez ?

Il vient de vous le dire, il l’a résumée lui-même dans une formule : « le progrès pour tous en demandant le meilleur à chacun. »

Vous voyez bien, c'est au fond la réponse à toutes les critiques apportées, y compris par les gilets jaunes. Certains avaient ou entretenaient le sentiment, mais si j'ose dire c'est la politique, qu'au fond ce qu'avait choisi Emmanuel Macron, c'était une société individualiste pour les plus forts.

Les premiers de cordée.

Il s'est expliqué exactement sur ce point en disant que, ce qui compte, c’est à la fois d'utiliser toute l'énergie que peut apporter la compétition, le fait que les gens veuillent inventer, innover, pour la solidarité la plus concrète, pratique, de terrain, de la vie de tous les jours.

Mais, cela, c'est plus qu'un grand projet national. Si vous y réfléchissez bien, c'est la réponse, si on arrive à la mettre en œuvre, aux grandes inquiétudes de toutes les démocraties occidentales qui se traduisent assez souvent par de l'extrémisme, assez souvent par ce que vous appelez populisme, assez souvent par Donald Trump, par le Brexit, par ce qui se passe en Italie.

Là, c'est au contraire un projet de société qui se porte vers ce que nous avons de plus précieux parmi nos raisons d’agir.

On va rentrer dans le détail des mesures proposées par Emmanuel Macron. Vous-même, vous commencez déjà à mettre un petit bémol, vous dites : Si on arrive à les mettre en œuvre.

N'est-ce pas toute la question ? Ce sont des chantiers, mais quand vont-ils se transformer en réponses sonnantes et trébuchantes.

Apolline de Malherbe, d’abord, tout n'est pas dans ce que vous appelez le sonnant et le trébuchant, cela, c’est du matérialiste.

Non, on va parler aussi des institutions, ce ne sont pas des questions de sous, ce sont aussi simplement des questions de réalité.

Si vous voulez mettre de côté cette appréciation qui est un peu réductrice, car, comme vous venez de le dire, tout n'est pas question de sous et, pour ceux qui nous écoutent, tout n'est pas question de sous. Normalement, y compris pour des grandes chaînes de télévision, tout ne devrait pas être question de sous.

Bien sûr que c'est un défi. Et la preuve, c'est qu'il n'a jamais été réalisé nulle part aujourd'hui et que donc la volonté de relever ce défi-là, c'est extrêmement important. C'est sans précédent.

Cela répond, comme je le disais, à toutes ces inquiétudes sourdes dans lesquelles on vit.

Prenons des exemples précis : le fait que les services publics de l’État soient obligés d'être installés sur le terrain…

Dans ce que l'on va appeler les maisons de services publics.

…À proximité de tous les citoyens, y compris ceux qui vivent dans les vallées reculées ou dans les zones désertifiées ou ceux qui vivent dans les banlieues. Écoutez de quoi se plaignaient les gilets jaunes et tous ceux qui leur faisaient écho précisément de cela ?

Par ailleurs, le fait que l'on pense ou on identifie que les trois premières années de la vie de l'enfant soient cruciales…

Les 1000 premiers jours de vie, comme a dit Emmanuel Macron.

Et que l'on va investir dans cette première école-là, maternelle, avec l'attention qu'elle demande…

Des classes de 24 élèves maximum de la troisième maternelle jusqu'au CP.

Le fait d'apprendre du vocabulaire, partager du vocabulaire avec les enfants parce qu’une langue cela ne s'apprend pas, ce partage, c'est très important. Le fait que l'on veuille faire de la haute Fonction publique des institutions plus ouvertes qu'elles ne l'étaient jusqu'à aujourd'hui à la réalité sociale…

Ce n'est pas un peu démago de supprimer l'ENA ?

Vous voyez, il y a deux manières de commenter l'actualité : c'est de se persuader qu'il suffit de dire le contraire de ce que l'on dit pour être originaux.

Moi, je ne prends pas cela. Il m'est arrivé de dire depuis longtemps que le gouffre entre la haute Fonction publique et le pays, je ne veux pas dire est réel, cela rappellerait des formules, mais le pays comme il est, comme il vit, c'est un drame.

Le fait que plus aucune famille modeste n'ait l'espoir que ses enfants vont arriver au sommet de la responsabilité

Cela veut dire redonner une vitalité à la méritocratie française.

Cela veut dire rendre, pas une vitalité, une réalité à la méritocratie française.

Considérer que cette idée avec laquelle le pays a vécu, selon quoi ? Si l'on travaillait bien à l’école, si l'on faisait des efforts, si l'on était original, si l'on prenait des risques, alors tout était ouvert.

Vous vous souvenez de ce que dit Edmond Rostand, sans que l'espoir nous berne de ce fameux bâton que l'on a dans sa giberne.

L'idéal qui a été au fond celui de la révolution française…

Il a réveillé cet idéal pour vous, Emmanuel Macron ?

…Et après des grandes aventures historiques de Napoléon par exemple.

Cet espoir, c'était que vous pouviez commencer tout en bas et, avec ce qu'il faut d'audace et de chance, alors vous pouviez accéder aux situations de responsabilité et c'était une réalité.

Bernadotte, né à Pau

Qui devient roi de Suède.

…Qui, deuxième classe au moment de la révolution et qui, 10 ans après, se retrouve général, puis ministre de la Guerre puis maréchal d'Empire.

Vous voyez, cette ouverture, cette incroyable perspective des portes qui s'ouvrent devant ceux qui le veulent. Eh bien, la société française aujourd'hui, et c'est cela que le Président de la République a voulu réveiller, elle l’a perdu. Plus personne n'y croit.

La question aussi, ce sera de passer effectivement de ces mots aux actes. Tout le monde a envie de croire à cela, tout Français a envie de se dire que ses enfants pourront vivre mieux que lui.

Est-ce qu’on peut s'arrêter à cette phrase ?

Si nous faisons le constat ensemble que tout le monde a envie de vivre ça, alors vous voyez bien que le jugement que je viens de porter, celui de l'attente d'un grand projet social, on est exactement au cœur de ce jugement-là.

Et ce que le Président de la République a fait, je dois dire avec élégance, d'abord j'ai trouvé que le décor était très beau peut-être vous aussi, vous y étiez…

J'étais au premier rang.

… était très beau, très, comment je peux dire, très grand.

Cela compte cela ?

Cela compte énormément. Un pays, cela vit de symboles. Le fait que l'on reconnaisse désormais que ces interventions et leur cadre sont à la hauteur de l'exigence que l'on met pour le pays, je trouve que c'est très bien, très juste.

Je voudrais que l'on rentre un peu dans les détails sur les questions des institutions. Ce sont des choses qui vous tiennent à cœur depuis toujours Emmanuel Macron a dit notamment : « Je crois aux élus et au premier chef je crois aux maires, je veux conforter leur rôle. »

Concrètement là encore, pour vous, cela veut dire quoi ? Qu'est-ce qu’il faut comme mesures pour traduire cette ambition-là en fait ?

Qu'est-ce qu'ils attendent les maires ? Qu’est-ce qu’il doit leur donner ?

D'abord très important de l'affirmer…

Cela ne suffit pas. Là encore, pardon, j'ai le mauvais rôle, mais franchement ce sont des phrases très sympathiques.

Lorsque vous me laisserez finir mes phrases, peut-être je dis des phrases un peu longues, je reconnais, c’est peut-être un défaut.

Je dis que, d'abord, le fait que le Président de la République affirme que l'action publique enracinée, elle repose d'abord sur les maires, c'est très important.

Il n'était que temps quand même, François Bayrou.

Je vous rappelle le contexte des premières années, on croyait, on disait qu'il méprisait les maires,

Exactement.

Que l'Exécutif méprisait les maires. Ce n'était pas vrai puisque, pour la première fois dans l'histoire récente, il avait garanti les ressources des collectivités locales, ce qui n'était pas le cas avant.

Ensuite, le fait qu'il indique que, sous l'impulsion des maires - il l'avait fait déjà à l'assemblée des maires il y a quelques mois, on va pouvoir faire exception à un certain nombre de normes pesantes, qui bloquent tout, et dans lesquelles l'administration se réfugie pour…

Simplifier.

…Pas simplifier, que l'on puisse faire exception à un certain nombre de choses, que l'on se trouve avec des définitions qui viennent de l'État, qui sont des définitions centrales et dans lesquelles on ne mesure pas les choses.

Une sorte de techno structure à laquelle les maires sont souvent confrontés.

Troisièmement, permettez-moi d'insister sur ce point parce que je suis le premier à avoir fait cette expérience-là quand j'étais au gouvernement ministre de l'Éducation, que l'on indique que l'on ne fermera plus ni un hôpital ni une école sans l'accord des maires et je sais que cela marche, je l'ai fait pendant trois ans, ce que l'on avait appelé le Moratoire Bayrou à cette époque. Pendant trois ans, on n'a pas fermé une école en France contre l'avis des maires.

Et qu'est-ce qui s'est passé ? Les villages sont repartis.

Pourquoi ? C’est assez simple. Quand vous êtes un jeune couple, que vous avez des enfants et que vous voulez vous installer dans un village un peu éloigné, si l’on vous dit : « L'école va fermer l'année prochaine », vous fuyez en courant.

Si l’on vous dit : « l'école on est sûr qu'elle reste ouverte », alors vous pouvez-vous installer, construire une maison ou en racheter une et vos copains viennent et je connais des villages dans les Pyrénées comme cela qui sont repartis par cette simple mesure de sauvegarde soumise à l'autorité et à l'action des maires.

Vous vous rendez compte ce que cela veut dire ? Le nombre d'écoles que, sur ce point, on a fermé contre l'avis des maires ?

L'ide derrière tout cela, c'est qu'au fond on retrouve l'autorité, la compétence…

Et la légitimité.

…La légitimité du maire c'est-à-dire de l'action publique ou du pouvoir politique, certains même disent l’État de proximité.

Encore deux points que je voudrais que vous commentiez sur ces questions des institutions.

Les 20 % de proportionnelle et une baisse du nombre de parlementaires probablement de 30 %, est-ce satisfaisant ?

J'ai toujours soutenu l'idée que l'on baisse le nombre de parlementaires. Si vous regardez les États-Unis, vous allez voir qu'ils ont en tout 200 sénateurs pour un peuple de 350/380 millions d'habitants. Regardez en France la situation. Et ils ont environ 550 députés de ce qu'est leur Assemblée Nationale, le Congrès donc 6 fois plus de population que nous…

Donc on était en décalage. La question de l’efficacité ne repose pas sur le nombre.

Au contraire, je pense que, si nous avons un nombre plus petit, alors, il est possible que l'autorité soit plus grande. Car ce que je cherche, pour moi et ce que mes amis cherchent, c'est un parlement plus fort.

L'idée que phase à un pouvoir exécutif fort on ait un parlement fort pour équilibrer les choses.

Sauf qu’il n'y a plus le cumul etc. Certes, mais ils disent tous qu'ils sont déjà débordés. Si l’on réduit encore le nombre, auront-ils tout de même la possibilité de faire le travail titanesque qui leur incombe ?

Ils sont dans cette situation exaspérante, des séances de nuit, etc. parce que c'est mal organisé pour deux raisons principales.

La première, et je ferai tout ce que je peux pour persuader, c'est qu'il est totalement archaïque, antédiluvien, de n'examiner en séance plénière qu'un seul texte à la fois.

On peut parfaitement avoir 3 ou 4 séances plénières. De toute façon, ce ne sont pas les mêmes députés qui participent.

Au fond on gagnerait, on accélérerait.

Deuxièmement, ce qui est pour moi totalement anormal, c'est que les parlementaires ne soient pas en séance quand on vote un texte. Or au Parlement européen, on regroupe en une seule séance et même une demi-journée tous les votes de manière que tout le monde soit obligé d’être là pour voter et que les citoyens sachent ce que les parlementaires votent.

Donc on a les moyens de rendre tout cela plus efficace.

Aujourd'hui, c'est organisé de manière à ce qu'il y ait assez souvent une opacité savante autour des votes, et cela arrange. On ne participe pas au vote, il y a très peu de gens qui sont là, etc.

Quant au pourcentage de proportionnelle, je vous répondrai : cela dépend.

Les 20 % des sièges, cela dépend comment on les attribue. Il y a deux manières de les attribuer.

Laquelle aurait grâce à vos yeux ?

La manière à l’allemande, mais je vais vous dire laquelle : soit ces 20 % de sièges sont un pot commun dans lequel tout le monde pioche : les vainqueurs, les majoritaires comme les minoritaires. Auquel cas, cela permet de représenter, mais cela ne change pas tout, soit les 20 % de sièges sont là pour corriger les défauts du majoritaire. C’est ce qui se passe en Allemagne depuis longtemps et, à ce moment-là, avec 20 % de sièges, vous arrivez à une proportionnelle presque idéale.

Donc, toute la partie de la discussion qui va maintenant s'ouvrir, c'est l'attribution des 20 %.

Et c’est là-dessus que vous serez, on le sent bien, vigilant puisque l'une des deux formules vous paraît satisfaisante.

Nous allons accueillir Olivier Beaumont et on va parler notamment de la question des Européennes.

Olivier Beaumont

Avant d'aborder la question des élections européennes, on va revenir sur un autre point vaguement évoqué par le chef de l'État jeudi soir, c’est la question de l'écologie.

Ce matin, dans les colonnes de notre journal, le Parisien aujourd’hui en France, il y a un certain nombre de personnalités du milieu écologique, Yannick Jadot, Delphine Batho, Matthieu Orphelin, qui expriment leur mécontentement face au manque de propositions, d’annonces directes et immédiates en faveur de l'environnement : Quid du diesel ? Rien sur la biodiversité. D’ailleurs, si on fait le décompte, sur les 57 minutes de prise de parole du chef de l'État, il n'y a que 2,50 minutes concernant l'écologie.

Est-ce que cela ne méritait pas que l’on s’y attarde un peu plus ?

Cela l’aurait mérité si les journalistes avaient posé les questions.

Vous trouvez que les questions n’étaient pas…

Il se trouve que je sais que le Président de la République avait, de ce point de vue, l'intention d'apporter un certain nombre de précisions.

Donc vous trouvez que la faute revient plutôt aux journalistes ?

Ce n'est pas la faute, je ne parle pas en termes de faute.

De responsabilité.

Je pense qu'en effet il arrive parfois que les questions puissent éclairer le propos et c'était d'ailleurs l'idée de la conférence de presse.

Je reviens à la question. Le Président de la République a dit la chose la plus révolutionnaire que l'on puisse non pas dire, mais faire.

C’est laquelle ?

Il a dit : une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne.

Si vraiment on s'accorde pour dire que le problème du climat, c’est que le CO2 dans l'atmosphère, le carbone, les gaz à effet de serre et notamment les millions de tonnes de carbone qui vont dans l'atmosphère, c'est tout cela une des causes du réchauffement que nous sommes en train de vivre, alors il faut s'attaquer au sujet. Et le sujet c'est, en effet, la présence dénoncée, mais toujours plus grande du carbone dans la consommation des sociétés dans lesquelles nous vivons.

Si l’on fait une taxe carbone européenne aux frontières, alors c'est la réponse la plus forte que l'on puisse apporter à ce sujet.

Il faut que tout le monde joue le jeu. C’est là le problème, une fois de plus.

Oui.

On l’a dit, sur le glyphosate, c'est compliqué.

Pourquoi, vous croyez que l'on peut, à nous tout seul, France, résoudre les problèmes du climat dans le monde ?

Ce n’est pas ce que dit le chef de l'État, en effet.

Vous non plus, vous ne le croyez pas. Bien sûr que l’on a besoin de cela. S’il y a taxe carbone, j’ai lu qu'il y avait des gens qui disaient : il faut que le kérosène des avions soit taxé.

Taxe carbone, c'est cela. Simplement, on ne peut pas le faire seulement en France car ce ne serait pas tout à fait juste que le seul transport au monde qui soit frappé, ce soit le transport français. Donc cela ne peut se faire que dans l'ensemble européen.

C'est une illustration de plus que, si tout le monde réfléchit, je veux dire en dehors des considérations partisanes, alors on s'aperçoit que les problèmes les plus brûlants du siècle que nous vivons, les plus dangereux, les plus menaçants, si nous voulons y trouver une réponse qui commence à être à la hauteur, il n'y a que l'ensemble européen qui puisse la porter et le faire.

Je voudrais ajouter une chose si vous permettez car cela me tient à cœur. Je trouve que, dans le plan qui sera celui du gouvernement…

Le plan Énergie-Climat qui sera présenté en Conseil des Ministres.

…Et peut-être d'autres à venir, il faut que la lutte contre les plastiques non biodégradables devienne un impératif pour notre pays.

Quand on voit ce que les océans charrient comme plastiques indestructibles, un sixième continent.

On voit ces images en effet.

Vous, vous êtes concret, pourquoi est-ce que le Président de la République n'a pas dit des choses concrètes sur le climat ? Il lance une agence, tout cela…

Je ne suis pas fana des agences et des comités divers et variés.

Ce n'est pas tout à fait à la hauteur des enjeux quand même.

Vous lui passez beaucoup de choses sur ce problème, je vous ai connus plus vigilant.

Non, pas du tout. Je vais vous dire quelque chose que je ne dis pas souvent. Il y a un point sur lequel je ne sais pas - instinctivement je ne suis pas pour - mais il y a tellement de gens autorisés qui disent que c'est très important qu'après tout je veux bien essayer, c'est l’idée du tirage au sort.

150 personnes tirées au sort pour être des vigies.

Instinctivement, naturellement je suis absolument réticent devant le tirage au sort car la démocratie, pour moi, ce n'est pas le tirage au sort, la démocratie c'est choisir des projets et les femmes ou les hommes qui les portent.

Le tirage au sort, je suis très réticent. Il y a des gens très intelligents ou en tout cas réputés tels qui disent qu'il y a là quelque chose, il y a une novation très importante.

Là, on va pouvoir voir si c'est vrai.

Un autre sujet très important, Monsieur Bayrou, c’est la question des 80 km/heure.

Le 15 janvier dernier, lors de son premier Grand débat, Emmanuel Macron avait déjà été interpellé. Il avait dit qu'il n'y avait pas de tabou, pas de dogme sur ce sujet.

Il ne s’est pas exprimé. Vous pensez tout de même que, sur ce point qui revient régulièrement dans toutes les rencontres avec les maires, il faut des aménagements, du cas par cas sur la question ?

Je pense que, s'il avait été interrogé sur ce point, il aurait répondu ce que je vais dire. En tout cas, je ne suis pas très éloigné de ce qu'il avait laissé entendre dans d'autres interventions.

Je trouve que cela devrait être des arbitrages locaux.

Là encore, les maires.

Non, une délibération entre les conseils départementaux et les préfets : l'État, en charge des problèmes de sécurité, les conseils départementaux en charge des routes.

Il est sensible à ce point ? Vous pensez que l'on va vraiment avancer, que cela peut être évoqué demain lors du séminaire gouvernemental ?

Je pense qu'ils vont en parler. Après tout, on ne va pas tout mettre entre les mains de l'Exécutif. Nous sommes tous les trois des citoyens, nous avons bien le droit de défendre des idées.

Je pense qu'il serait intéressant en effet que ce soit des décisions prises au plus près du terrain, en fonction de la dangerosité des routes et en fonction d'ailleurs du caractère - comme on dit, un mot compliqué - accidentogène, c'est-à-dire qui fait naître des accidents, de chacune des routes. Il y a des études sur le sujet.

Des études sont faites sur l’efficacité de cette mesure mise en place.

Je n'ai pas dit que c'était le Président de la République qui l'avait dit. Je pense qu'il l'avait esquissée dans des interventions précédentes et je pense que ce serait la raison et ce serait tout à fait en lien avec la philosophie qu'il a annoncée : confiance au terrain.

On va ouvrir une page nouvelle de l'histoire de la République ou de la démocratie française qui est très centralisée, très jacobine et on a besoin d'ouvrir des responsabilités.

Il a d'ailleurs promis qu'il y aurait un nouvel acte de décentralisation.

Les élections européennes, le scrutin est dans un mois pile. On ne connaîtra le programme de la liste Renaissance, la liste de la majorité présidentielle, seulement le 9 mai, 15 jours avant le scrutin. Monsieur Bayrou, est-ce que c’est sérieux…

Cela suffit amplement.

On dit toujours : on ne s’intéresse pas assez sur le fond, on reproche aux journalistes, mais, en même temps, le programme on ne l’a pas.

Si je vous demandais de me décrire le programme des autres listes concurrentes, vous seriez bien embêté.

En tout ce cas, pour le lecteur qui est un peu perdu, il va sur les plateformes internet…

Vous qui êtes un observateur absolument avisé, si je vous demandais de faire cet exercice, je suis persuadé que vous auriez du mal, et je ne veux pas vous forcer dans vos retranchements et votre sourire, ou votre rire dit assez les choses.

On connaît les grands axes principaux.

Je vais vous dire le programme en quelques mots, il est extrêmement simple.

Monsieur Bayrou, le fait qu'on ne le connaisse que 15 jours avant l'échéance…

On connaît absolument tout. Le Président de la République est intervenu, il a fait une tribune.

Une lettre à tous les peuples d’Europe.

Il s'est adressé dans leur langue à tous les peuples de l'Europe pour aller dans ce sens-là. Alors, franchement, si on pense que ce programme n'est pas connu, on se trompe. Et ce programme, il est très simple. Il est que l'Europe qui est la seule clef possible pour ouvrir la porte devant les difficultés si grandes que nous avons, cette Europe-là, elle doit être aujourd'hui défendue et gérée de manière différente.

Elle était depuis longtemps l'alliance entre les socialistes et la droite européenne qui, en fait, se partageaient quasiment toutes les responsabilités.

Il faut qu'il en soit autrement et on va avoir, avec la création du grand groupe central dans lequel cette liste va apparaître, un équilibre nouveau qui va se mettre en place.

Ensuite, les problèmes que nous avons à résoudre ne peuvent l'être que si les grands partis pro-européens s'entendent car il n'y a pas de possibilité au Parlement européen d'avoir une majorité qui écrase, heureusement.

Enfin, il faut défendre des choses à quoi nous tenons beaucoup, et je vais en dire quelques-unes.

La première chose à laquelle nous tenons, c'est que Strasbourg reste la capitale de l'Europe parlementaire. Il se trouve que les Républicains sont dans une alliance qui s'appelle le Parti Populaire Européen et le principal pilier de cette alliance, la droite allemande, a demandé que l'on renonce à Strasbourg et elle a demandé par-dessus le marché que la France abandonne son siège au Conseil de sécurité de l'ONU.

Est-ce que les Français, quand ils vont être mis dans les semaines qui viennent devant cette question-là « Est-ce qu’on garde Strasbourg, est-ce qu'on garde notre siège au Conseil de sécurité de l'ONU ? » vont tenir à cela ? Je n’en suis pas persuadé.

C'est un symbole.

Une autre chose importante, le Parti Populaire Européen en question, ce parti auquel les Républicains adhèrent, a décidé de soutenir, et c'est la première fois dans l'histoire, pour être président de la Commission européenne, quelqu'un qui s'appelle M. Manfred Weber, et qui ne parle pas un mot de français.

C'est la première fois, à ma connaissance, dans l'histoire des institutions européennes.

Alors que cela a toujours fait partie des langues.

C'est une des langues obligatoires de l'Union Européenne. Et c'est le Français dont il s'agit. Je veux dire, qui veut que l'Europe soit une Europe dominée par…

Vous n'avez peut-être pas parlé de votre programme, mais vous avez bien parlé de celui porté notamment par François Xavier Bellamy.

Si vous voulez m’interroger plus longuement sur ce que nous avons à faire, je vous répondrai avec plaisir.

Ne vous inquiétez pas, on fait beaucoup de place pour les questions européennes sur notre antenne, mais je voudrais aussi vous interroger sur ces questions économiques qui font partie du paquet de mesures proposées par Emmanuel Macron et c'est Emmanuel Lechypre qui sera avec nous.

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Emmanuel Lechypre

Bonjour François Bayrou. Vous avez dit : Il n'y a pas que l'argent, mais cela compte quand même un peu. Donc la mesure la plus spectaculaire pour le portefeuille des Français qu’a annoncée Emmanuel Macron, c'est cette baisse de 5 Md€ de l'impôt sur le revenu.

Quand on voit que cet impôt est déjà extrêmement concentré puisqu'il est payé à hauteur de 70 % par 10 % seulement des contribuables, qu’il rapporte deux fois moins que dans les autres pays, qu'il est mité complètement par les niches fiscales, on a l'impression que l'on ne fait que renforcer finalement les défauts de cet impôt

Tout à l'heure, vous parliez d’élan nouveau, d’audace, etc. Honnêtement, dans cette mesure fiscale, je ne vois pas où est l'audace. Il n'y avait pas mieux à faire sur le plan fiscal ?

Les commentateurs divers et variés et opposants en général qui passent leur temps à réclamer que l'on baisse l'impôt mais que l'on dépense plus d'argent public, je ne me range pas dans leur rang.

Comme vous le dites très justement, l'impôt sur le revenu en France est moins lourd, il rapporte moins que dans la presque totalité des autres pays. Donc, qu'il est concentré. Qu'est-ce qu'il y a de plus intéressant à faire que de dire : on va l’abaisser en partie pour une somme raisonnable sur ceux qui le payent.

C’est la question.

Et on va compenser en regardant les niches fiscales.

Vous trouvez cela moderne ?

Oui, absolument.

Attendez, c'est ce que l'on fait depuis des années, on prend aux uns pour donner aux autres.

Je n'aime pas cette caricature. Il faut bien que quelqu'un le paye, l'impôt.

Sauf si vous baissez la dépense et que vous réduisez l’impôt pour tout le monde, ce qui reste tout de même la meilleure des réformes fiscales.

Oui, cela reste la meilleure des réformes fiscales personne n'a jamais fait, pour une raison qui est assez forte, c'est qu'en France, l'action publique et l'action de solidarité sont une demande et une exigence sans cesse rappelées des Français.

On l’a vu : services publics de proximité, présence sur le terrain, des classes moins nombreuses dans les écoles, à telle enseigne que l'on a des classes de 12 dans les secteurs en difficulté, on va limiter à 24 le nombre d'élèves par classe en maternelle. Et tout ceci, c'est évidemment de l'action publique donc de la dépense publique, mais je vais aller un peu plus loin.

Lorsque le Président de la République dit : On va regarder, sur l'ISF en particulier, quelles sont les conséquences de la décision prise ?

Eh bien, il a raison, je suis persuadé que l'on doit remettre en question un très grand nombre de facilités qui ont été créées.

Il a dit autre chose. Il a dit sur l'évasion fiscale et l'optimisation fiscale, qui sont deux faces d'une médaille qui est assez conséquente en France, j'entendais l'autre jour dans une émission ou une publicité quelqu'un qui disait : Si vous gagnez - ce sont des chiffres très importants - 600 000 € par an et si vous avez un capital de 3 millions, si vous payez plus de 20 % d'impôts c'est que vous êtes mal conseillé. Ce qui veut dire….

Vous vous rendez compte pour tous les chefs d'entreprise qui se demandent s'ils vont revenir en France, s'ils ne vont pas partir, cette espèce de frénésie fiscale, d’instabilité fiscale, elle est…

…Je suis pour la stabilité fiscale et je suis pour la justice.

S'il y a une chose que j'ai entendue dans les manifestations diverses des gilets jaunes, c'est : Vos impôts ne sont pas justes. Ceux qui sont tout à fait au sommet de la pyramide, ceux-là ne payent pas l’impôt qu'ils doivent.

Mais, François Bayrou, l’ISF, cela fait presque 40 ans qu'il existe et vous avez vu notre niveau de chômage, la dégradation des services publics ? Si c’était la solution l’impôt sur les riches, cela ne saurait, enfin !

Que vous soyez un militant…

Mais je ne suis pas militant, je regarde la situation.

… de cette cause-là, c'est-à-dire la suppression des impôts pour ceux qui sont les plus favorisés, vous avez le droit, mais présentez-vous comme un militant.

Non, ce n’est pas le sujet. Prétendre que…

C’est transparent, on peut avoir un débat de citoyens ? De ce point de vue-là, nous sommes à égalité.

Et comme vous allez chercher les 80 milliards encore de fraude fiscale qui est l'espèce de cagnotte cachée que tout le monde va chercher et que personne ne trouve jamais parce que beaucoup de ministres ont déjà fait aussi.

Est-ce qu’elle existe ou pas ?

Mais, par définition, on ne sait pas.

Ne me faites pas « mais ». Je vais faire le journaliste à mon tour !

Elle existe sans doute, mais s’il n’y avait qu’à se baisser pour ramasser l’argent, cela se saurait.

Elle existe sans doute et un des journalistes les plus avertis de ce qu'est la fiscalité en France dit, sur une des chaînes les plus écoutées, « bien sûr que cela existe l'évasion fiscale et la fraude fiscale » et il faudrait ne rien faire ?

Mais non, ce n’est pas qu’il faudrait ne rien faire. Au lieu de penser une réforme fiscale dont on connaît tous les défauts…

Excusez-moi, puisque vous me cherchez…

C'est un peu notre rôle en même temps.

C'est mon rôle de répondre

Allez-y, précisément.

Il faut qu’il y ait de la vie dans tout cela car, d’habitude, on est complètement enserré !

Allez-y, François Bayrou.

Allons un peu plus loin. Quelle institution dans le pays plus adaptée qui a précisément la vocation d'aller voir si c'est vrai ou pas, peut-on trouver ? Il n’y en a qu’une de plus légitime, c’est la Cour des Comptes et le Président de la République dit précisément ce qu'au fond beaucoup de gens n'osaient pas dire : « Je vais demander à la Cour des Comptes si vraiment l'évasion fiscale, et ce que l'on appelle pudiquement l'optimisation fiscale, c'est vrai ou pas et quelles décisions prendre pour aller dans ce sens-là. »

Il nous reste peu de temps.

Moi, je dis, il vous reste peu de temps, mais disons une chose essentielle.

J'ai envie de vous dire : Est-ce que c’est si important que cela finalement ?

100, milliards, 80 milliards.

Non, je ne parle de la fraude fiscale, je parle de la question de ramener l'argent, etc.

Finalement, quand on voit ce que disent les économistes aujourd'hui, la théorie à la mode défendue notamment par l’ancien chef économiste du FMI, Olivier Blanchard : finalement, pourquoi on s'embête à vouloir maîtriser nos déficits, vu le niveau très bas des taux d'intérêt, pourquoi ne pas continuer à s’endetter ? Au fond, ce n’est pas si grave.

Vous avez fait de cette alerte contre le dérapage de la dette votre marque de fabrique. Que pensez-vous de ces théories qui disent : Allons-y, endettons-nous.

Et j'avais bien raison, et j'étais presque tout seul à un moment où dérapaient les choses. Vous savez bien que, là, il y a un débat de théories économiques extrêmement profond avec des esprits les plus brillants de la planète d'un côté ou de l'autre et, ce débat, c'est l'école keynésienne, le keynésianisme, qui dit : Quand on est dans un moment de crise, il faut que la puissance publique soutienne l'économie et souvienne en particulier la demande ; les autres pensant que c'est essentiellement une question d'offre.

Eh bien je pense qu’en effet, dans le moment où nous sommes, il y a besoin de soutien et notamment de soutien car aujourd'hui l'argent est quasiment à 0.

Les taux d’intérêt sont quasiment à 0. Je vais un peu plus loin et je lis attentivement ce que dit M. Blanchard qui est un esprit que je respecte beaucoup.

Qu'est-ce qu'il dit ? Avec des taux d'intérêt à 0, en réalité les taux d'intérêt sont négatifs, c'est-à-dire qu’avec l'augmentation de l'inflation, vous vous trouvez, avec des taux à 0, à payer moins.

Cela rapporte de l'argent de s'endetter !

En tout cas, cela vous met en situation d'investir. Ce que je demande, ce que je pense essentiel, c'est que précisément on investisse.

Après, on peut aller encore un peu plus loin et demander ce que c'est que l'investissement. Est-ce que, par exemple, l'éducation, c'est de l'investissement ?

Eh bien, il y a, dans les orientations que le Président de la République a indiquées, en effet  l'affirmation d'une action publique qui puisse soutenir l'économie.

Et il l’a dit tel quel, il a dit : c'est un investissement sur nos enfants.

Merci François Bayrou. J’avais juste une dernière question presque technique : si Emmanuel MACRON souhaitait demain vous nommer Premier Ministre, est-ce que les démarches de la justice en ce moment, la procédure judiciaire qui vous concerne, l'en empêcheraient ou non ?

Non, pas qui me concerne.

Qui concerne le Modem.

On dit cela.

Est-ce que, techniquement, vous pouvez ? Oui ou non ?

Cela fait deux ans que vous me posez cette question.

Comme rien n'avance du point de vue de la justice.

Je ne la nie pas. Je n'ai aucune information et aucune nouvelle sur le développement de ces accusations que, naturellement, je le répète devant vous, nous considérons comme fausses.

Cela veut dire que, techniquement, vous n'aviez pas pu rester au gouvernement donc si, demain, Emmanuel Macron voulait vous nommer Premier Ministre, votre situation du point de vue juridique n’a pas changé.

Je ne suis pas resté au gouvernement pour une raison précise, c'est que j'étais ministre de la Justice et que donc, évidemment, on n'aurait pas manqué de voir malice ou influence.

Et je ne suis pas ministre de la justice, comme vous l'avez dit.

Donc, ministre de la Justice, non, Premier Ministre pourquoi pas. On peut comprendre.

Merci François Bayrou d'avoir été avec nous.

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