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"Pour retrouver la confiance des Français, le président doit porter une réforme globale"

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Marielle de Sarnez a appelé François Hollande à "une réforme globale, de refonte de nos institutions", mardi soir sur RFI.

RFI - Suite à l'affaire Cahuzac, Christian Jacob a aujourd'hui qualifié Jean-Marc Ayrault et Harlem Désir de "repris de justice". Est-on sur la mauvaise pente ?

Marielle de Sarnez - C'est consternant. La situation en France est déjà très difficile, sur le plan économique et social, et ce n'est pas fini. La France et l'Europe se trouvent dans des temps très difficiles. Si les hommes politiques, à ces crises, ajoutent des injures et des anathèmes, c'est régressif, pas seulement pour eux mais aussi pour le pays. On ne s'en sortira qu'avec du courage, en affrontant les difficultés comme elles sont et avec de l'audace. L'affaire Cahuzac est terrible mais ce n'est pas la première de la Ve République. Je considère que, sans confiance, on ne peut pas gouverner et redresser un pays. La seule vraie question est : que faire pour reconstruire ?

Dans un sondage, 70% des Français pensent que leurs élus sont corrompus...

J'entends cela. J'entends aussi la déception des électeurs de Gauche, ils sont nombreux à m'avoir adressé des messages ces derniers jours, qui considéraient que la Gauche était différente de la Droite par un certain nombre de valeurs morales. Ils ressentent cette affaire comme une trahison. Ces sondages sont terribles, ils disent l'amertume, la colère et la défiance de nos concitoyens. Les hommes politiques doivent se mettre en capacité de regarder la crise comme elle est : pas comme une crise passagère, mais comme la fin d'un cycle, comme la nécessité de tourner la page.

Les déclarations de patrimoine sont-elles une réponse adéquate ?

Il faut prendre la mesure de la désespérance des Français à l'égard des responsables politiques, nous en sommes tous comptables et redevables. Ce n'est pas une petite crise au milieu d'autres crises. Il faut une réponse globale. Jean Monnet disait : "Les hommes sont ce qu'ils sont". Ils sont faibles, il faut donc renforcer en profondeur nos institutions. En Europe, seule la Slovénie et la France ne dévoilent pas les patrimoines de leurs parlementaires. Mais il faut aller beaucoup plus loin que cela. Nous proposons avec François Bayrou une grande loi de moralisation de la vie publique, déjà présentée pendant la présidentielle, qui serait soumise par référendum. Nous devons baisser drastiquement le nombre de parlementaires, avoir une Assemblée nationale qui représente les différentes sensibilités de notre pays. Cela veut dire rendre publiques les déclarations de patrimoine, mais aussi régler la question des conflits d'intérêts et du cumul des mandats, qui ne doit pas être repoussé à la Saint Glinglin mais être adopté et appliqué dès demain. Nous avons également besoin que le Parlement soit le lieu d'un vrai débat démocratique, où on ne connait pas d'avance les réponses de la majorité et de l'opposition.

On peut le faire en quelques semaines ?

Non. Nous avons besoin d'une réforme globale, donc de mettre sur la table la refonte de nos institutions, pour moraliser nos méthodes, nos pratiques, nos mœurs politiques.

Donc la loi présentée le 24 avril ne suffira pas à régler le problème ?

Je valide les mesures annoncées, mais elles ne sont pas du tout au niveau de ce qu'il faudra faire. Si on veut retrouver la confiance des Français, il faut leur démontrer que demain ne sera plus comme hier. 

Quelles questions figureraient dans votre projet de référendum ?

Je vous l'ai dit. Notamment diminuer le nombre de parlementaires, députés et sénateurs, et changer le mode de scrutin. Nous ne pouvons plus être la seule démocratie de toute l'Europe à avoir ce mode de scrutin, nous devons avoir un mode qui garantisse certes la majorité mais fait aussi place à toutes les sensibilités. Il faut aussi mettre un terme aux conflits d'intérêts. Prenez les propositions des commissions Sauvé et Jospin, celles de Martin Hirsch : nous avons déjà la liste des mesures à prendre. Maintenant, faisons-le.

Jean-Luc Mélenchon parle carrément d'une "purification" nécessaire. Vous êtes d'accord avec ses propos ?

Je n'aime pas ces termes excessifs. Je crois cependant que, si nous voulons que les Français croient à nouveau en la classe politique, il faut leur montrer que la classe politique bouleverse ses pratiques et ses habitudes. Si François Hollande ne le fait pas dans l'amplitude que je développe devant vous, ça ne suffira pas.

Les déclarations de patrimoine se multiplient. C'est une bonne chose ?

Nous voyons bien que c'est la course à l’échalote, à la dépêche AFP. Ce n'est pas sérieux. Faisons cela dans la sérénité. Mettons en place par exemple un site internet où toutes ces déclarations seraient consultables.

Les élus MoDem vont-ils le faire ?

Je l'ai fait aux municipales à Paris, François Bayrou l'a fait à la présidentielle. Cela est normal lorsque l'on se présente au suffrage des citoyens. Mais on ne changera pas la donne en profondeur en ne faisant que cela. Ma crainte, c'est que le monde politique s'accorde de ne faire que ça. Ce serait se tromper. Si François Hollande ne va pas plus loin, il se trompe.

Doit-on accélérer la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux ?

C'est vital de le faire. Nicolas Sarkozy avait dit qu'il n'y aurait plus de paradis fiscaux. Il faut dépasser les paroles, pour passer aux actes. Il faut s'y concentrer en France, où on estime le manque à gagner à 60 à 80 milliards de recettes par an. Ce sont des sommes utiles à récupérer. Il faut aussi des initiatives de lutte fortes et organisés à l'échelle européennes, qui mettent la pression sur le Luxembourg et la Suisse, tout en renforçant le passage d'informations d'un pays à l'autre. Ce sera une avancée.

Quand l'affaire Mediapart a éclaté, ses journalistes ont été maltraités. Quelle fut votre réaction ?

Il y a une espèce de pensée unique, politique et médiatique, tous au fond étaient contre Mediapart. Nous, nous pensons que nous avons besoin de diversité dans le journalisme, comme nous avons besoin de diversité en politique. Comme le disait François Bayrou en 2002 à la fondation de l'UMP, "si on pense tous la même chose, on ne pense plus rien".

Est-ce que vous croyez le président de la République et le premier ministre, quand ils disent qu'ils ne savaient rien ?

J'imagine qu'ils avaient un doute et j'imagine aussi qu'ils ont plutôt fait confiance à la Justice. On verra si une commission se met en place à l'Assemblée. Qu'on sache si ça a fonctionné ou dysfonctionné, c'est toujours bien. 

Le président de la République se retrouve tout de même dans une situation difficile.

Il est dans une situation très difficile, mais pas uniquement à cause de l'affaire Cahuzac. Avant cette affaire, nos dirigeants étaient déjà en difficulté, sur les sujets économiques notamment. C'est pourquoi j'appelle François Hollande à prendre la mesure et assumer une politique de réforme, pour la moralisation de la vie publique, mais aussi pour le fonctionnement de l'État et pour le soutien à notre vitalité économique, aux TPE-PME qui sont au fond le seul levier que nous avons pour, demain, recréer de la croissance. Oui c'est difficile, oui c'est compliqué, mais il y a un plus grand risque encore à ne pas agir. 

Est-ce que François Hollande doit remanier ? Changer de premier ministre?Dissoudre l'Assemblée nationale ?

Il devra clarifier sa politique, assumer une ligne réformatrice. La Gauche, en France, doit assumer la confrontation au réel, au monde, à la globalisation. Ça passe par une ligne politique affirmée, elle ne l'est pas assez aujourd'hui. Ça passe aussi par un changement de gouvernement. Mais changer de gouvernement sans affirmer un cap clair, ce n'est pas suffisant. On ne fera pas adhérer les Français aux réformes nécessaires - retraites, État, collectivités locales - si nous n'avons pas moralisé la vie publique. Il faut vraiment tout faire en même temps. Il faut définir la politique qui sera menée, puis ensuite construire le Gouvernement qui pourra la mener. 


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