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"Pour cinq millions de Français, la vraie justice, c'est l'emploi qu'ils méritent"

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François Bayrou a appelé à "une rupture franche avec la politique de l'abus, des promesses et du mensonge établi" pour se consacrer "au réel et à ses vrais problèmes", samedi sur France Culture.

Dominique Souchier – Nous ne devrions pas dire de ce chiffre que c’est un record mais plutôt un sinistre. 3.220.000 chômeurs. De Chine, le Président Hollande décrète l’emploi cause nationale et appelle au rassemblement. J’ai invité François Bayrou, il publie chez Plon un essai, De la vérité en politique, alors que les Français et le monde politique ont été tout au long de ce mois sous le choc du mensonge de Jérôme Cahuzac. Cette semaine, le Conseil des ministres a adopté des projets de loi sur la transparence de la vie publique. Vous avez déjà dit que ce qui a été annoncé par le Président et appliqué à tous les ministres, la publication de leur patrimoine, ne vous paraissait pas essentielle. Mais quand une mesure est aussi nettement approuvée par les Français, 61%, croyez-vous que les députés pourraient vraiment s’y opposer pour eux-mêmes sans dommage pour la démocratie, sans créer de nouvelles méfiances des Français vis-à-vis de leurs élus ? 

François Bayrou – Il est tout à fait probable qu’on ira vers cette publicité, vers cet affichage.

Là vous êtes optimiste. 

Ce que j’ai dit c’est que pour moi, cela n’est pas essentiel pour ce que j’appelle moralisation de la vie publique en France.

Jusqu’à présent, vous dites sur ce point "Pourquoi pas ?". Vous auriez à voter, est-ce que vous voteriez pour cette publicité ou pas ? 

Vous vous en foutez. 

C’est ça.

Il faut quand même voter. 

Je vais vous dire quelque chose qui va vous surprendre. Je ne suis pas allé voir le patrimoine des ministres et je n’ai aucune envie de le faire. Je pense que c’est secondaire. Ce qui est important, c’est qu’ils ne profitent pas de leur fonction pour s’enrichir. C’est vrai que les temps vers lesquels nous allons sont des temps de transparence. J’ai siégé au Parlement européen où il y a une disposition qui est très surprenante pour un Français, c’est que chaque fois qu’il y a un vote dans lequel un des députés européens aurait un intérêt – par exemple s’il est actionnaire d’une banque et qu’on vote sur les banques – il se lève et il dit "Je ne peux pas voter parce que j’ai des intérêts dans cette affaire". Si nous avions quelque chose comme cela en France, ce serait vraiment un progrès par rapport à la situation. L’affichage des patrimoines, disons que c’est allé dans le sens d’une volonté de clarté qui est très répandue aujourd’hui mais cela ne me paraît pas essentiel.

Vous qui êtes contre le cumul des mandats, est-ce que la logique ne voudrait pas que vous soyez aussi contre le cumul de la fonction de parlementaire avec un métier ? 

J’ai approuvé l’idée qu’un certain nombre de métiers ne puissent pas être cumulables avec la fonction de parlementaire.

Avocat, vous dites non ?

Avocat, lorsque vous prenez le dossier d’une entreprise, la réponse est non. Vous ne pouvez pas être à la fois conseil d’une entreprise ou d’une grande entreprise et voter des textes qui s’y appliquent. Quelquefois on vous demande des amendements ou on vous influence, vous savez bien que ces pratiques sont absolument répandues, pour moi, elles sont incompatibles avec la fonction parlementaire.

Mais vous entendez ce que répondent les avocats, en tout cas d’affaires, "on ne découpe pas en rondelles notre métier, on est avocat ou pas". 

Vous voyez bien que ce n’est pas du tout la même chose. Défendre la veuve et l’orphelin pour avoir une part à un mouvement de justice, c’est tout à fait imaginable, mais prendre un intérêt personnel à des décisions ou à des organismes qui peuvent un jour vous demander ou vous influencer pour obtenir un avantage dans un texte, c’est inacceptable. Or, disons la vérité, cela se pratique. Hélas, plus qu’on ne le croirait ou qu’on ne le voudrait.

Une question, pas sur la transparence mais sur le fonctionnement de la République. Lorsque le Président de l’Assemblée Nationale s’oppose aussi rapidement et ouvertement à ce que vient d’annoncer le Président de la République, et que nous ne sommes pas en période de cohabitation, est-ce que c’est un exercice normal, sain, de la démocratie ou un dysfonctionnement de la Vème République ?

Non, c’est absolument classique. Les présidents de l’Assemblée Nationale défendent l’opinion majoritaire des membres de l’Assemblée Nationale, les présidents du Sénat défendent l’opinion majoritaire des membres du Sénat… 

Ce n’est pas grave ? 

Non, ce sont des petites choses. Ce qui est grave pour tous ceux qui nous écoutent, c’est que l’Assemblée Nationale ne représente pas les Français. On a eu la publication de sondages d’intentions de vote potentielles à une élection présidentielle cette semaine. Si vous regardez le score que représentent ensemble l’UMP et le PS, par hypothèse Nicolas Sarkozy et François Hollande, on arrive à peine à 50%. Ils ont tous les sièges. Mais si vous additionnez les scores de Jean-Luc Mélenchon…

François Bayrou, tout le monde sait que vous voulez instiller de la proportionnelle. 

Laissez-moi finir ma phrase. Si vous additionner les scores de Jean-Luc Mélenchon, de Marine Le Pen et le mien, nous sommes au-delà de 40%, presque 45% et nous n’avons aucun siège. Vous trouvez ça normal ? Je m’arrête et je vous interroge. Comme citoyen, vous trouvez ça normal ? Les uns qui font à peine 50% ont la totalité des sièges, à quelques unités près, et les autres n’en ont aucun. Ceci empêche que le Parlement joue son rôle. Là vous avez un changement beaucoup plus important à apporter que la publication des patrimoines.

Nous savons quel a été cette semaine le plus grand et inattendu sujet de dispute, ce n’est pas cela, ce n’est pas non plus la publication des patrimoines, c’est un mur des cons affiché dans les locaux du syndicat de la magistrature et qu’on retrouve sur Internet. Est-ce que vous pensez que les magistrats, quand ils font du syndicalisme, parce qu’ils sont magistrats, ne doivent pas être des syndicalistes comme les autres ? Est-ce que vous pensez qu’ils ont des obligations ou des contraintes particulières ? 

Oui, je pense qu’ils ont des obligations, un devoir qui est un devoir de réserve, d’équilibre et de civisme, même quand ils sont dans l’exercice de leur droit syndical. Je pense que, en effet, ça a beaucoup choqué, et je pense que ça fait peser un soupçon qui est un soupçon évidemment insupportable. Ce soupçon est que les magistrats, quand ils jugent, pourraient avoir à l’esprit que, ceux qu’ils jugent, ils les ont désignés comme ennemis de leurs principe, comme des adversaires ou comme des condamnables. Quelquefois en deux mots, con-damnables…

Sauf qu’ils vous répondent que, quand ils jugent, ils deviennent autres. 

Je l’espère bien. Mais vous voyez bien à quel point ça a troublé et à quel point c’est en effet très bouleversant, y compris quand il s’agit d’autres magistrats puisque le président de l’union syndicale des magistrats, c’est-à-dire l’autre syndicat, était lui-même pointé du doigt et désigné sur ce mur des cons, comme ils disent. J’ai trouvé qu’il y avait là de quoi réfléchir.

Au Conseil supérieur de la magistrature qui a été saisi par Christiane Taubira, les magistrats sont en majorité. Ils le resteront même dans le nouveau conseil si la réforme de la Constitution est votée. Est-ce que c’est une bonne chose ? 

Pour l’instant ils ne sont pas en majorité.

Si, ils sont déjà en majorité. 

Ah bon. Je croyais qu’ils demandaient à être en majorité d’une voix et qu’ils étaient à égalité. Je vérifierai le texte. 

En tout cas dans le nouveau Conseil supérieur de la magistrature, ils seront en majorité, est-ce que c’est une bonne chose ? 

Ils seront en majorité d’une voix, huit contre sept. Je pense que la connaissance interne de la carrière, de l’exercice du métier de magistrat, l’expérience qui est la leur – ce ne sont pas des magistrats élus par hasard – tout cela justifie que cette expérience se fasse entendre. Moi en tout cas je ne suis pas choqué par le fait que les magistrats aient une voix de majorité au sein du Conseil supérieur de la magistrature. Ils connaissent mieux que d’autres les contraintes, les cheminements de carrière qui sont ceux des magistrats. Je n’aurais pas aimé qu’ils aient une trop large majorité, mais une voix de majorité je pense que cela peut donner une coloration professionnelle aux décisions qu’ils prennent.

Parlons du chômage, de son importance, et de l’appel que François Hollande, avant même de partir en Chine, a lancé sur le perron de l’Elysée. "L’emploi, le redressement, la confiance" et l’appel au rassemblement sur l’emploi. Est-ce que vous, vous dites oui, François Bayrou, au rassemblement sur l’emploi ? 

Je milite depuis des années pour que le pays se rassemble sur les objectifs essentiels de son avenir, au premier rang desquels il y a la création de richesses et d’emplois. Je ne distingue pas les richesses et l’emploi parce que les richesses permettent d’alimenter le modèle social qui est le nôtre ou les services publics qui sont les nôtres.

Donc vous dites oui au Président ? 

Donc, ce principe-là, c’est un principe que je soutiens. Encore faudrait-il que les orientations soient clairement expliquées et encore faudrait-il que la pratique gouvernementale aille dans le sens de ce rassemblement. Or, un certain nombre de décisions qui sont prises ne vont pas dans ce sens. Par exemple, quand vous regardez l’ensemble des nominations qui sont faites par le gouvernement, elles sont très nombreuses, alors vous vous apercevez que rien n’a changé des pratiques antérieures, et vous avez absolument les mêmes nominations parmi les proches de la famille politique.

Cela interdit le rassemblement sur l’emploi ?

En tout cas cela ne le favorise pas. Il faut que vous compreniez que c’est tout un. Si on veut le rassemblement, il faut que les attitudes soient des attitudes de respect des sensibilités différentes et des attitudes d’équilibre, d’équité, dans la manière dont les gouvernements se comportent. 

Est-ce que vous pensez qu’au bout de dix mois de pouvoir, le Président Hollande aurait pu empêcher que le chômage atteigne ce niveau ? Est-ce que vous pensez que c’est désormais son échec ? 

En tout cas, bien sûr que c’est son bilan ou une partie de son bilan. Il faut voir que le chômage a commencé à se dégrader il y a vingt-deux mois. C’est en février 2011, c’est-à-dire plus d’un an avant l’alternance, que le chômage a commencé à croître, que les chiffres de l’emploi se sont détériorés en France, et ils se sont détériorés de manière ininterrompue pendant vingt-deux mois. Donc il y a une part de responsabilité qui est celle du pouvoir actuel et il y a une part de responsabilité qui est celle du pouvoir précédent.

Mais devant l’ampleur, il y a urgence. Qu’est-ce que vous feriez d’autre que ce qui a été fait ? Les emplois d’avenir, les contrats de génération, la réforme du marché du travail… Qu’est-ce que vous feriez d’autre ? 

Ce qui a été fait est à mes yeux insuffisant ou mal réfléchi, pour l’essentiel. Qu’est-ce qu’il y a à faire ? Il y a à faire sauter ou à écarter tous les obstacles, et ils sont très nombreux, qui empêchent en France les entreprises ou les entrepreneurs, les inventeurs, les innovateurs et les chercheurs de créer des activités nouvelles.

Qu’est-ce qui les en empêche ? 

Il y en a beaucoup. L’extrême complexité de la réglementation qu’on ne cesse de rendre plus complexe.

Il y a le choc de simplification annoncé.

Très bien, qu’on le fasse ! Je serai l’un de ceux qui applaudiront de toutes leurs forces.

Quoi d’autre ? 

Deuxièmement, on a une fiscalité qui est extrêmement pénalisante et qui a été aggravée pour les entreprises. Troisièmement, ce qu’on a appelé le crédit impôt compétitivité est une usine à gaz qui ne produira pas ses effets. Les contrats de génération, cela ne marchera pas parce que ce sont des contraintes trop lourdes, Martine Aubry je crois l’avait dit aussi.

Les contrats d’avenir, Laurence Parisot voudrait qu’ils soient appliqués aux entreprises. 

Cela pourrait peut-être ouvrir un certain nombre de portes, mais le gouvernement a dit non. Donc, quand vous prenez, ce que François Hollande a appelé d’un terme, je ne sais pas s’il faut dire "malheureux", ou en tout que l’on a retenu, la boîte à outils, les outils sont inadaptés à la situation du pays. Il faudra poser des questions qui sont des questions très importantes, qui touchent à la complexité du droit, à la complexité de la fiscalité, au poids qui pèse en France sur les entreprises. Au lieu de les aider, dans un très grand nombre de cas, on les bloque ou on fait obstacle.

François Fillon propose de faire du retour aux 39 heures payées 35 la règle, au moins pendant deux ans, sauf négociation dans l’entreprise. Est-ce que vous iriez jusque là ? 

Je pense qu’il faut que nous réfléchissions au temps de travail.

Il fait une proposition précise là. 

Je vais dire ce que je pense moi. La réflexion qui s’impose est celle-ci : il y a un certain nombre de gens qui voudraient que l’on baisse les salaires et qui font pression pour cela. Je pense que ce serait une très grave erreur. Baisser les salaires, baisser les retraites, cela veut dire que vous portez immédiatement atteinte au moral du pays et à sa capacité de consommation. En revanche, j’ai toujours pensé vous le savez que les 35 heures était une erreur, le fait que nous ayons des contraintes si lourdes, cela mérite qu’on le remette sur la table et qu’on y réfléchisse. Alors, je ne sais pas si c’est 37, 38 ou 39, je ne sais pas si les 39 heures, on ne peut pas imaginer les payer un peu plus que 35 heures. Mais vous voyez bien que nous avons le devoir impérieux de rendre plus faciles l’activité et l’organisation des entreprises, c’est vital. On ne peut pas accepter que le chômage augmente en moyenne de 30 à 40.000 chômeurs supplémentaires par mois sans faire quelque chose qui permette de créer de nouveaux emplois.

Dans votre livre De la vérité en politique, vous défendez la thèse qu’il y a en politique des vérités établies, des vérités d’évidence. 

Des vérités du réel.

Vous dites par exemple qu’il n’est pas vrai que la France peut se fermer face au monde. Vous dites qu’il n’est pas vrai qu’on pourrait renoncer à rembourser notre dette. Vous le pensez, il y en a d’autres qui ne le pensent pas, vous n’allez pas les accuser d’être des menteurs ?

C’est un fait extrêmement important. Est-ce qu’un pays comme la France peut annoncer au monde qu’il ne remboursera pas sa dette ? 

C’est un autre sujet. C’est une question, on peut en débattre.

Non, c’est exactement le sujet. On peut en débattre naturellement, on peut défendre n’importe quelle thèse, même les plus loin de la réalité. Suivez-moi bien, nous allons prendre un exemple. Si vous allez chez votre banquier, vous allez à la BNP ou au Crédit Agricole et vous leur dites "Mon cher banquier, je suis venu vous voir parce que vous m’avez prêté 200.000 euros. Je viens vous demander deux choses. La première, c’est que je ne vous rembourserai pas les 200.000 euros, et la deuxième c’est que je viens vous demander de me prêter 200.000 euros de plus." Quelle est la chance que cette manœuvre hardie et sans doute sympathique peut avoir comme succès ? Aucune. 

François Bayrou… 

Non ! Si vous posez les questions, il faut écouter les réponses.

Et les objections ? 

Il n’y a aucune objection possible.

Si, il y en a une, vous voulez l’entendre ?

Après. Il y aurait une objection possible si nous étions un pays qui n’a plus besoin d’emprunter. Si nous étions un pays qui vivait tout seul et qui pouvait écarter ceux qui lui ont payé de l’argent en étant sûr de financer sa propre vie, ce serait absurde mais il y aurait une objection. Tandis que là, nous sommes un pays qui est obligé d’emprunter un milliard d’euros, c’est-à-dire mille millions d’euros, par jour ouvrable pour vivre, pour payer les retraites, pour payer les feuilles de sécu, pour payer les fonctionnaires. Donc, nous avons besoin d’avoir une bonne image aux yeux de ceux qui nous prêtent, autrement nous allons faire faillite.

L’objection, François Bayrou, vous allez être surpris, imaginez-vous que je l’ai trouvée chez vous, dans votre bouche, dans un de vos discours. Vous allez être étonné, c’était juste avant la naissance de l’UMP, février 2002, vous aviez fait irruption à Toulouse au Congrès qui préparait cet événement, où étaient rassemblés des adhérents RPR et UDF. Sans y avoir été invité, vous aviez fait front. Voici vos mots : "Je voudrais vous dire ceci. On entend dire ici ou là que désormais nous penserons tous la même chose. Si nous pensons tous la même chose, c’est que nous ne pensons plus rien". Cela, c’est vous-même qui le dites.

Heureusement ! Je suis le défenseur du pluralisme, sauf quand on défend des thèses insensées. Vous qui êtes un excellent nageur, si vous me dites que vous allez traverser la Manche à la nage, je dis que ça se discute. Il faut beaucoup d’entrainement, il faut un bateau qui vous suit et qui soit sérieux. Peut-être que vous y arriveriez, parce qu’il y en a d’autres qui y sont arrivés. Mais si vous me dites "Je vais traverser l’Atlantique à la nage", alors je vous dis non, là franchement il faut prendre des mesures pour regarder la réalité et vos propres forces. Vous comprenez ce que je vous dis ? 

Je vous cite : "La nature du centre c’est de postuler qu’il existe une vérité politique une et indivisible". Mais comme vous dites, c’est un postulat. 

Comprenez bien, nous sommes un pays qui depuis vingt ans s’épuise à la poursuite de projets politiques qui sont des projets politiques illusoires. Cela a commencé en 1995, peut-être qu’il y avait des exemples avant, sûrement. Mais en tout cas pendant les vingt dernières années que nous avons vécues vous et moi d’assez près, on a fait croire qu’il suffisait de changer les gouvernants pour que la réalité change ou de changer de manière de pensée pour que la réalité change. Mais le réel résiste.

Alors parlons d’aujourd’hui. Ce matin, ce samedi, Le Figaro titre "Le Parti socialiste déclare la guerre à l’Allemagne" et précise que le Parti socialiste s’apprêterait, dans un texte qui sera public mardi, à appeler à un affrontement démocratique avec l’Allemagne. 

On a le droit d’avoir des idées différentes de l’Allemagne. Mais vous le savez j’ai fait une tribune dans Le Monde pour critiquer cette idée et cette thèse. Pourquoi ? La principale faiblesse française, depuis des décennies, c’est qu’on nous fait croire ou nous, nous faisons croire que les problèmes de la France viennent de l’extérieur, que les problèmes que nous avons à résoudre nous viennent de l’Europe, de la mondialisation, de l’Euro, maintenant de l’Allemagne. Or, écoutez-moi bien Dominique Souchier, ce n’est pas vrai. Ce n’est pas l’Allemagne qui nous empêche d’apprendre à lire à nos enfants. Ce n’est pas l’Allemagne qui fait que notre industrie s’est effondrée alors que la leur au contraire a progressé. Ce sont nos faiblesses.

Si l’on cherchait la confrontation avec l’Allemagne, vous êtes absolument certain que la France perdrait à tous les coups ? 

Non, on a le droit d’avoir des confrontations quand on est en désaccord.

Et il n’y a pas que la France qui est en désaccord avec l’Allemagne. Le nouveau Président du Conseil italien… 

Qui est quelqu’un que j’estime.

… à peine chargé de former un nouveau gouvernement, dit que les politiques d’austérité ne suffisent plus, qu’il faut changer de direction. 

Mais les politiques d’austérité ne suffisent pas ! C’est pourquoi je vous ai dit, chaque fois que nous avons abordé cette question, que la première des choses à faire, ce n’est pas de se concentrer ou de s’obséder sur les coupes. Il faut le faire, il faut avoir une politique d’utilisation de l’argent public. La première des choses à faire, c’est de réfléchir à la manière dont nous pouvons de nouveau créer des productions, des services, des richesses et des emplois. C’est cela la première des choses à faire. Nous ne jouons pas les cartes qui sont les nôtres.

Est-ce que vous ne demandez pas à François Hollande de faire très exactement ce que vous condamnez dans votre livre, les hommes politiques qui se font élire sur un programme et qui ensuite font autre chose. Est-ce que ce n’est pas cela que vous lui demandez, sincèrement ? 

C’est une objection.

Ah, quand même ! C’est une objection sérieuse parce que vous dites "Les peuples ne se laisseront plus gouverner par ceux qui les trompent". 

C’est une objection sérieuse et c’est pourquoi j’ai pendant toute la campagne présidentielle dit que la politique qui avait été définie était insoutenable, c’est l’adjectif que j’ai utilisé.

Exactement.

Et elle l’est. Et nous découvrons tous les jours qu’elle l’était, et qu’il y a une révolution très importante à conduire qui fait que la gauche française va être obligée de revoir sa manière de voir le monde. Je pense que ça peut initier ou faire naître une rupture au sein de la gauche française, qui est en cours, qui est en train de se faire.

Vous voulez provoquer la rupture ? 

Non. Je veux que, en France, on ne fasse plus de la générosité et de l’esprit de justice une illusion. Quand on parle de générosité et de justice, je veux qu’on soit dans le réel. L’injustice à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui, c’est qu’il y a cinq millions de jeunes et de plus âgés qui n’ont plus l’emploi qu’ils mériteraient. Cela c’est la vraie générosité et la vraie justice. Si j’ai la certitude que le réel ne supporte pas ces illusions, je le dis et je me bats pour ça. Et je serai heureux le jour où, en effet, la gauche, la droite et le centre, accepteront de considérer qu’il y a un réel avec lequel on ne peut pas tricher. Parce que chaque fois qu’on triche avec ce réel, on se retrouve dans le mensonge établi, dans le mensonge d’Etat qui fait que les citoyens sont révoltés qu’on leur ait dit quelque chose et qu’on fasse le contraire.

Alors, puisque c’est une fois pour toutes la question, si le Président Hollande faisait une ouverture vers vous, vers ceux que vous représentez, ce serait de votre propre aveu l’explosion de sa majorité, peut-être du Parti socialiste, pour gagner quoi en échange ? 

Mais je ne demande aucune ouverture. Où avez-vous trouvé que je demande une ouverture ?

Vous demandez un renoncement, c’est encore pire.

D’abord, je considère que le mot "ouverture" est un mot truqué. 

Au temps pour moi, ce n’est pas "ouverture".

Je n’ai jamais utilisé cette expression. Je dis que nous ne pouvons en rester à la situation d’un pays qui, à chaque élection, entraine le peuple des citoyens vers des horizons sur lesquels il se fracasse. Vous comprenez cela ? Ce dévoiement, qui est celui de notre République dans laquelle chaque élection est une illusion et la désillusion suit ensuite, nous ne pouvons pas durer avec ça. Ecoutez-moi bien, il faut que nous rompions, il faut que nous ayons une rupture franche entre cette politique-là qui est une politique de l’abus, de promesses sur les citoyens qui les croient et qui après sont déçus, c’est pour moi un ennemi personnel. C’est pour moi une cible que je n’accepte pas.

Un mot sur la politique, est-ce que l’an prochain aux municipales vous pourriez être candidat à Pau ? 

D’abord cela regarde les Palois et moi.

Donc vous ne dites pas non. 

Non, c’est franchement à côté du sujet que nous traitions.

Mais vous savez ce que certains disent : "François Bayrou n’a jamais rêvé que de deux choses, être Président de la République ou maire de Pau". 

Cela n’a franchement aucune importance et il serait déplacé que je parle de ce sujet ici. Les Palois, les Béarnais, les citoyens des Pyrénées, ce sont des gens qui aiment bien que l’on traite localement des affaires locales. Donc c’est là-bas que je parle avec eux et j’essaie en ce moment de leur parler de manière sérieuse. 

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