Otages: "Payer des rançons, c'est exposer encore davantage nos ressortissants"
François Bayrou a estimé "juste dans son principe que la France ne paie pas de rançon" pour ses otages, jeudi matin sur i>télé.
Christophe Barbier - Faut-il payer des rançons pour nos otages ?
François Bayrou - C'est très difficile de s'exprimer sur ce sujet. Ma ligne, c'est la solidarité avec le gouvernement et c'était ma ligne avant, avec les gouvernements précédents. Les gouvernements ont des informations, notamment des informations secrètes, qu'ils traitent et analysent en temps réel. Ensuite, si on observe la carte des pays qui ont des ressortissants pris en otages, on s'aperçoit d'une chose : ceux qui en ont de très loin le plus, ce sont ceux qui paient. Parce que, si on sait que vous allez accepter de payer, directement ou par intermédiaire, des rançons considérables, alors les preneurs d'otages vous considèrent comme une vache à lait et ce sont vos ressortissants que l'on cible. L'idée qu'il faille affirmer que la France ne paie pas, est une idée que je trouve juste dans son principe. Après, il y a naturellement beaucoup d'influences que l'on peut rechercher sur les preneurs d'otages, mais je n'ai aucun doute que le gouvernement et les services spéciaux font ça.
Vous n'auriez pas voté la motion de censure avez-vous déclaré hier, parce que le bilan est largement celui de la droite autant que de la gauche. Mais les 35h, le jour de carence, la dette, n'est-ce pas la gauche ?
La dette, sur les dix dernières années c'était sous des gouvernements UMP ! Ce que je n'aime pas, c'est le rituel parlementaire qui ne sert à rien : une mise en scène dont on sait très bien que ça ne fera pas avancer le pays en quoi que ce soit. C'est aussi le jeu habituel de la politique française qui consiste à dire "c'est de ta faute". Le gouvernement qui dit que c'est de la faute de ceux qui nous précédaient, de la droite. Et la droite qui dit que c'est de la faute de la gauche au pouvoir. C'est faux dans son principe ! Les deux mouvements, les deux idéologies sont co-responsables de la situation du pays. Si on ne comprend pas que c'est l'organisation profonde de la société française qui demande à être revue, qu'il faut un changement de ligne qui n'est pas seulement le changement de l'un ou de l'autre, on ne comprend pas la situation du pays !
Quand Copé dit "tout pour les producteurs", on croirait lire du Bayrou !
Absolument, c'est ma ligne et ce que je défends dans le livre que je publie ce mois-ci. Mais que ne l'ont-ils fait quand ils étaient au gouvernement ?
Quand Ayrault dit qu'il veut "un compromis historique de tous les Français", c'est aussi votre ligne !
Ce qui veut dire que le combat des idées est essentiel ! Quand on défend ses idées avec suffisamment de force, on s'aperçoit que ses idées essaiment, qu'elles se répandent dans la vie politique.
Encore faut-il passer à l'acte ?
Le plus vite possible, le gouvernement doit clarifier ses positions et prendre les risques nécessaires pour que la situation du pays se redresse.
Les risques, c'est changer les alliances politiques ?
Je ne parle même pas de ça. Je parle de la ligne politique du gouvernement.
"Je sais où je vais" dit Jean-Marc Ayrault.
Ce n'est pas très rassurant quand un premier ministre dit "je sais où je vais", mais ne dit pas où. Je comprends très bien la situation dans laquelle JM Ayrault était : il essayait hier de reprendre une autorité sur sa majorité, qu'on lui contestait ou qu'on lui discutait depuis quelques semaines.
Et c'est réussi ?
Ceux qui sont pour lui, diront oui. Ceux qui doutent, continueront à douter. Il n'y a pas de changement.
Vous, vous doutez ?
Jean-Marc Ayrault est quelqu'un d'estimable. Je sais bien qu'il est très critiqué... Mais je trouve qu'il se tient aux valeurs qui sont les siennes. Mais il n'y a pas l'élan, dont un pays en crise comme la France aurait besoin pour s'en sortir. C'est la responsabilité, plus que du premier ministre, du président de la République.
Jean-Louis Borloo et l'UDI ont voté la motion de censure. Ont-ils tort de s'arrimer à l'UMP ?
Il n'y avait pas de doute qu'il la voterait. En tout cas, moi, je n'avais pas de doute. Tout cela, c'est le jeu parlementaire, ce n'est pas l'essentiel.
Jean-Louis Borloo disait ce matin sur Canal Plus : "François Bayrou était le patron du centre il y a vingt ans, c'était la première force politique du pays. Aujourd'hui, ça n'existe pas car il y a un problème de clarté".
Il y a vingt ans, si je compte bien, c'était 1993. Le Centre avait pour président Valéry Giscard d'Estaing. La rupture, Jean-Louis Borloo y a participé de premier chef. L'affaiblissement du Centre, il s'est passé en 2002 quand Jean-Louis Borloo et ses amis sont partis à l'UMP. C'est ça, l'affaiblissement du Centre. Depuis, il a fallu se battre avec une volonté de fer pour que empêcher que cette famille politique ne disparaisse, absorbée par l'UMP et par la droite. Jean-Louis Borloo et ses amis, ils ont tous été élus par l'UMP. De ce point de vue là, ils ont une responsabilité qu'ils ne peuvent pas éluder.
Quand vous dites que vous avez choisi Hollande contre Sarkozy, car vous préfériez l'illusion à la division...
Préférer, n'est pas le mot. Il fallait choisir. Ce qui a été très bouleversant dans la campagne de Nicolas Sarkozy, c'est qu'il a fait de la violence en politique et de la division du pays le principal argument de sa campagne, sa rampe de lancement. Un pays en crise, ne peut pas se permettre cette violence là.
Nous n'avons pas aujourd'hui, avec la politique économique, la même cassure ?
Le climat républicain est plus serein. Mais la responsabilité de François Hollande, c'est qu'il donne au pays la direction et l'élan nécessaires pour que se regroupent toutes les forces qui veulent défendre la création, la production, l'entreprise et l'innovation dans le pays. Pour l'instant, ces entrepreneurs là doutent et se sentent soupçonnés au lieu d'être soutenus.