"Nous sommes les Européens de cette élection !"
Au cours d'une émission enregistrée au Parlement européen à Strasbourg, Nicolas Kirilowits a reçu Marielle de Sarnez, députée européenne, dans "l'hebdo politique" de Radio sensations.
Nicolas Kirilowits - Marielle de Sarnez, bonsoir !
Marielle de Sarnez - Bonsoir !
Vous êtes née le 27 mars 1951, vous avez donc 63 ans. Votre carrière politique vous l’avez commencée lors de l’élection présidentielle de 1974, vous souteniez alors la candidature de Valéry Giscard d’Estaing. Vous avez ensuite collaboré à la création de l’UDF où vous avez travaillez pendant des années aux côtés des responsables du parti. C’est à cette époque que vous avez rencontré François Bayrou dont vous êtes proche politiquement. Est-ce que l’on peut même dire que vous êtes amie avec François Bayrou aujourd’hui ?
Oui, bien sûr, nous sommes amis. On a fait un long chemin ensemble et c’est quelqu’un pour qui j’ai beaucoup d’estime.
Vous l’avez suivi lors de son passage au ministère de 1993 à 1997. Députée européenne depuis 1999, vous êtes également l’une des fondatrices du Parti démocrate européen dont vous êtes aujourd’hui secrétaire générale et du Mouvement Démocrate. Directrice de campagne de François Bayrou en 2007 et 2012, vous avez soutenu Nathalie Kosciusko-Morizet lors des municipales de mars dernier à Paris. Avec vous, nous aborderons les objectifs du centre lors de ces élections européennes et les accords de libre-échange Europe – Etats-Unis actuellement en négociation.
Mais pour commencer cette émission, place à une série de questions-réponses rapides. Le but : apprendre à mieux vous connaître et voir si vous suivez l’actualité de près. Vous êtes prête ?
Oui !
Harlem Désir a été nommé secrétaire d’État chargé des affaires européennes, s’agit-il d’une nomination de complaisance selon vous ?
C’est le douzième à ce poste en douze ans, c’est dire que les questions européennes sont vraiment en France la variable d’ajustements des gouvernements et c’est bien triste.
Et lui, en tant que personne ?
Moi je ne critique jamais les personnes, ce n’est pas dans ma manière d’être. Ce que je critique, c’est que la France, gouvernée par un gouvernement de gauche ou de droite considère l’Europe comme une question secondaire et moi je pense que c’est exactement l’inverse.
On a pu constater lors des municipales une percée du Front national dans les Yvelines et par ailleurs en France aussi. D’après un sondage, 35 % des Français se disent racistes, est-ce que c’est un chiffre qui vous inquiète ou que vous comprenez en l’état actuel économique des choses ?
On ne peut pas comprendre un chiffre comme celui-là. Et il y a quelque chose contre laquelle je me bats profondément de toute ma vie de femme engagée en politique : c’est contre la stratégie des boucs émissaires. Pour certains, ce n’est jamais de notre faute, c’est toujours de la faute des autres. Alors il y a le bouc émissaire de la finance mondiale, le bouc émissaire de l’Europe que l’on connaît bien et le bouc émissaire de l’étranger. Et bien moi je crois que les difficultés d’un pays commencent quand vous faires rejeter sur les autres vos propres problèmes.
Pour passer une bonne soirée, vous inviteriez François Bayrou ou Valéry Giscard d’Estaing ?
J’aime beaucoup Valéry Giscard d’Estaing. J’ai travaillé à ses côtés pour lui avant la campagne présidentielle dès 1973. À l’époque, pendant la campagne présidentielle, je vendais des t-shirts qui sont devenus fameux, sur lesquels il y avait écrit « Giscard à la barre » et il a été un Président de la République extrêmement moderne. Il faut se souvenir de cela. Il a fait nombre de réformes sociétales en France et je trouve que l’on devrait lui rendre un peu plus justice de cette action.
Et pour passer une soirée, du coup ?
Pour passer une soirée : François Bayrou et Valéry Giscard d’Estaing, je pense que ce serait très agréable.
En moyenne, une femme est payée 20 à 25 % de moins qu’un homme. Quand un homme touche 2 300 euros, une femme touche 1 850 euros. Comment expliquez-vous aujourd’hui, en 2014, encore ces disparités ?
Mais je ne l’explique pas ! Je trouve que c’est scandaleux, je trouve que c’est consternant. Je trouve que mon pays, la France, ne s’honore absolument pas d’avoir ce type de politique. J’ajoute que l’on a une discrimination salariale, vous venez de le dire. On a une discrimination dans le type d’emploi ou de job, c’est-à-dire les emplois à temps précaire, les caissières, les emplois à grande pénibilité avec des roulements que l’on impose et des horaires qui sont absolument absurdes pour des femmes qui ont par ailleurs la charge de leurs enfants. J’ajoute que j’ai honte que mon pays, son Parlement national, soit à plus de la 65ème position des Parlements du monde pour la place des femmes. Donc c’est une honte absolue, il faut que l’on change le mode de scrutin en France, il faut qu’il y ait autant de femmes que d’hommes à l’Assemblée nationale, que l’on ait une Assemblée qui ressemble au pays et peut-être que là on règlera définitivement la question des discriminations au travail.
Quel est le dernier film que vous êtes allée voir au cinéma ?
Le dernier film que je suis allée voir est Au bout du monde. C’est un film sur les sans domicile fixe de Paris, qui est un film qu’il faut aller voir.
On rentre désormais dans le vif du sujet, on va aborder les élections européennes, des élections qui sont l’une des causes du rapprochement en France entre l’UDI et le MoDem ces derniers mois. Les deux partis du centre ont monté ensemble des listes. Vous êtes d’ailleurs tête de liste en Île-de-France. L’objectif annoncé est clair : un score à deux chiffres le 25 mai prochain. Pour l’instant, les instituts de sondage vous donnent entre 9 et 10 % des intentions de vote. Vous regardez ces intentions de vote, ou vous passez outre ?
Ce sont des bonnes intentions de vote de début de campagne. La campagne démarre, cela veut dire que l’on a quelque chose de stable autour de deux chiffres. Cela nous va à Jean-Marie Cavada et à moi-même, ainsi qu’à Chantal Jouanno qui est sur la liste. Cette liste est une équipe de personnalités : par exemple, Patricia Lalonde est aussi très engagée pour la cause des femmes en Europe et en dehors de l’Europe. On a une équipe de personnalités compétentes, chacune différente avec sa vie, son propre parcours et je suis très heureuse de faire équipe avec tous.
Un score à deux chiffres, cela veut dire quoi ? 10 % ou beaucoup plus ?
Un score à deux chiffres, cela peut aller de 10 à 99 !
Il y a un objectif fixé ?
Le meilleur objectif possible, le plus grand nombre d’élus possibles ! Nous sommes les Européens de cette élection, nous sommes clairs, cohérents dans nos convictions européennes, il n’y a pas de loups, pas de lézards chez nous. Nous sommes engagés pour l’Europe, nous sommes engagés pour réformer ce qui mérite d’être réformé, mais nous sommes clairement européens et en cohérence.
Aujourd’hui vous êtes en quatrième position derrière le FN, l’UMP et le PS.
Mais ça peut changer !
Qu’est-ce qu’il faut faire pour ça ?
Il faut faire la meilleure campagne possible, essayer de convaincre et parler de l’Europe. Il faut faire en sorte que les Franciliens sachent que nous allons voter le 25 mai – un seul tour – pour choisir l’orientation politique que nous voulons imprimer à l’Europe dans les cinq dernières années. Je viens de sortir un livre qui s’appelle L’urgence européenne. Je considère qu’il y a une urgence européenne. Il y a une urgence européenne d’abord à avoir une Europe unie et forte pour préserver notre modèle social qui est le plus avancé au monde, pour préserver notre façon de vivre. Il y a une urgence européenne aussi à mettre de la démocratie dans le fonctionnement de l’Europe et c’est quelque chose qui va être vraiment notre cheval de bataille.
Le retrait de Jean-Louis Borloo pour des raisons de santé de la campagne pour ces européennes, est-ce un obstacle ?
D’abord, je souhaite qu’il se remette vite sur pieds, ça c’est la première des choses et le premier message amical que j’aie à sa destination. Par ailleurs, je suis absolument persuadée qu’aussi bien Jean-Louis Borloo que François Bayrou, ils seront à notre côté pendant cette campagne. Nous allons essayer de trouver des formes qui soient appropriées, mais je connais leur engagement, il est absolument total de l’un comme de l’autre.
Aujourd’hui le chef, c’est François Bayrou clairement ?
Aujourd’hui il y a deux partis, avec un Jean-Louis Borloo qui j’espère va se remettre le plus vite possible et puis le MoDem avec François Bayrou et toute son équipe.
L’alliance entre l’UDI et le MoDem pour ces européennes peut-elle être mise à mal en cas de mauvais résultat, ou alors est-ce une alliance qui va durer dans le temps ?
Les raisons qui nous ont semblé nécessaires d’opérer à un rassemblement du centre sont des raisons qui existaient déjà il y a six mois et qui existent plus encore aujourd’hui. Nous avons besoin de diversifier l’offre politique en France. Nous avons besoin de ne pas être enfermés entre choisir l’UMP ou le Parti socialiste. On le voit bien quand on regarde la politique nationale tous les jours. On a besoin d’un parti qui ne soit pas sectaire, d’un parti qui soit capable de porter un certain nombre de jugements sur l’action publique et politique en cours sans compromission mais en même temps avec une capacité de soutenir quand ça va dans le bon sens. Qui d’autres peut le faire que le centre et les centristes ?
On pense déjà à 2017 ou pas au centre ?
Au centre, on pense à une chose : la France et l’Europe. À notre pays. Et moi je n’ai pas du tout envie de m’omnubiler sur 2017 alors que c’est dans trois ans et que c’est maintenant qu’il faut faire des efforts pour redresser notre pays. Jean Lassalle, notre député MoDem, a pris la parole à l’Assemblée nationale pour souhaiter bonne chance à Manuel Valls. Nous souhaitons tous qu’il y ait une possibilité de succès ou de réussite. Alors on peut considérer que cela aurait été mieux que Manuel Valls ait été nommé il y a deux ans, que cela aurait été mieux que François Hollande clarifie sa politique depuis le début… Tout cela est juste, tout cela est vrai ! Mais en même si Manuel Valls peut avancer d’une façon positive sur un certain nombre de réformes qui sont incontournables et nécessaires pour notre pays et bien nous dirons évidemment que nous approuvons cette direction.
Une partie des forces du centre en Europe sont réunies sous la bannière Alliance des Démocrates et des Libéraux de l’Europe. Vous en êtes la vice-présidente, vous avez actuellement 84 députés européens sur 766. Là aussi, est-ce qu’il y a un objectif de nombre de députés, est-ce que le minimum c’est de faire au moins aussi bien ?
Il y a deux objectifs : un, consolider notre place et notre rôle central sur l'échiquier politique du Parlement européen. D'un côté, il y a les conservateurs - la droite - et de l'autre côté il y a les socialistes. Et nous, au centre, nous formons cette alliance des démocrates et des libéraux.
Il faut rester la troisième force politique ?
Mais c’est important, parce que ça veut dire qu’il y a d’autres choix que la simple « majorité – opposition » - « droite – gauche », que la question de l’Europe n’est pas simplement une question de droite ou de gauche, que c’est une question où les Européens ont à dire un certain nombre de choses et à porter des réformes. La deuxième chose que je veux dire, c’est que nous soutenons comme candidat à la présidence de la Commission européenne, Guy Verhofstadt qui est le président de ce groupe au Parlement européen et qui a toutes les qualités pour être l’homme de la situation à la tête de la Commission.
Malheureusement il est peu connu aujourd’hui face aux autres candidats.
Il est d’abord beaucoup plus connu que les autres candidats, vous vous trompez ! Il parle parfaitement bien français, il est polyglotte, il va d’ailleurs venir en France faire la campagne, il va venir nous soutenir – nous, la liste UDI – MoDem – le 13 mai en Île-de-France, je vous donne rendez-vous pour passer un moment avec lui ! Il sera présent au grand meeting que nous organisons le 18 mai en région parisienne. Il va être très impliqué pendant la campagne, c’est un homme d’expérience : dix ans Premier ministre de Belgique, et donc c’est une grande et bonne expérience. Du dynamisme, de l’énergie, de l’empathie, du volontarisme : vous verrez dans les débats télévisés, entre le candidat du PSE, le candidat du PPE et Guy Verhofstadt, pour moi il n’y aura pas photo !
Le Front national est placé en tête des sondages pour le moment avec à peu près 24 % des voix. Il propose notamment une refonde complète de l’Europe, un retour à la souveraineté nationale. Pour vous, le FN et les partis populistes d’Europe ne sont pas compatibles avec l’Europe ?
Pour moi d’abord, le choix européen est un choix de souveraineté. Comment on veut peser dans le monde ? Comment on veut peser dans la mondialisation ? Comment on veut se battre à armes égales avec les grands géants de ce monde, que ce soit la Chine ou les Etats-Unis ? Ou l’ensemble des pays émergents ? Il est évident qu’en étant unis au sein de l’Europe, on sera plus forts ! Simplement cette Europe, il faut la rendre efficace et démocratique. C’est une différence énorme avec les thèses que véhicule le Front national qui est pour la sortie de l’Europe. Tout ça, ce sont des impasses : ça ne peut pas exister et ça n’existera pas. On raconte des histoires au peuple ! Évidemment, parfois, la démagogie et le populisme fonctionnent. C’est à nous de nous battre, à nous Européens de relever ce challenge. Et pour moi je vous le redis : le choix européen est vraiment un choix de souveraineté.
Vous êtes pour toujours plus d’Europe, plus de fédéralisme, c’est ça ?
Non, je suis pour mieux d’Europe et plus d’Europe là où il en faut plus. Je veux que l’Europe se recentre sur l’essentiel et redonne aux territoires, aux régions, aux villes et aux États-membres du pouvoir normatif. On a assez de normes, il faut que l’Europe arrête de décider des normes matin, midi et soir. On n’a pas besoin de tout réguler, de tout contrôler, de tout prévoir, de tout décrire… Il faut que l’Europe se recentre sur l’essentiel. L’essentiel c’est la croissance et l’emploi ! Il faut se concentrer sur les nouveaux outils que l’on peut mettre à disposition pour aider à créer la croissance européenne et à favoriser l’emploi. Il faut que l’on se concentre sur les grandes questions de développement durable, parce que là on est mieux à même, ensemble, de faire changer les choses dans le monde. Il faut que l’on se concentre sur les grands enjeux de politique énergétique, de flux migratoires, de relations avec les pays et les continents comme l’Afrique. Il faut enfin que l’on se concentre sur les grands enjeux de diplomatie et de défense. Pour le reste, je prône le principe de subsidiarité : ce qui peut être fait au plus près du citoyen doit être fait prioritairement au plus près du citoyen, dans les villes, dans les régions ou dans les États.
Quelles sont les principales propositions du centre pour ces européennes ? Est-ce que vous voulez toujours l’élection d’un Président de l’Union européenne au suffrage universel notamment ?
Moi je pense que la grande question de l’Union européenne et la manière de faire reculer les populismes, c’est d’arrêter de faire l’Europe entre spécialistes – c’est ça le sentiment qu’ont les gens quand ils regardent comment cela fonctionne ! Il faut que l’Europe devienne enfin l’affaire des peuples ! Et pour que ça devienne l’affaire des peuples, il faut que les citoyens pèsent sur les choix qui sont faits et qui se feront en Europe. Il faut qu’ils pèsent par le biais de leurs Parlements nationaux et que ces derniers soient en coopération avec nous, en codécision avec nous au Parlement européen. On ne peut pas considérer que l’Europe est l’affaire de Bruxelles. Ce sont nos affaires, à nous Français. Et il faut que l’on s’en saisisse. Et puis il faut qu’un jour à terme, les peuples européens puissent choisir un Président ou une Présidente pour l’Europe avec les orientations politiques qui iront avec.
On parle aussi de l’instauration d’un SMIC européen au centre. C’est vrai, c’est réalisable ?
Il y a quelque chose de très important pour nous, c’est de mettre fin si possible en cinq ans à toutes les disparités fiscales et sociales que nous avons au cœur de la zone euro. On a une monnaie en partage pour un certain nombre de pays, et on ne peut plus supporter ou tolérer des disparités fiscales, comme par exemple en France avoir un impôt sur les sociétés à 35 % et en Irlande à 12 %. Cela veut dire que probablement en France, il y a certains impôts qu’il faut baisser et que probablement dans d’autres pays il y a certains impôts qu’il faut augmenter. C’est la même chose pour les charges sociales. Il faut que les chefs d’État et de gouvernement à l’issue des élections se mettent autour de la table, qu’ils aient reçu le message populaire des peuples d’Europe et qu’ils mettent fin aux disparités sociales et fiscales, et donc qu’ils mettent fin – enfin – à tous les dumping qui sont pratiqués au sein même de l’Union européenne.
Si le projet d’accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis aboutit d’ici un an normalement, il s’agira de la plus importante zone de libre-échange de l’histoire, couvrant plus de 46 % du PIB mondial ; et pourtant l’opinion publique ne connaît quasiment rien de cet accord en cours de négociation. Comment est-ce possible ?
Ce ne devrait pas être possible. Quand je vous dis qu’il faut que l’Europe devienne démocratique, c’est absolument vital ! On ne peut pas négocier un accord avec les Américains, sans que les Parlements nationaux, sans que les chefs d’État soient consultés. Quand le Président de la République française vient de temps en temps s’adresser aux Français, est-ce qu’il nous parle en détail de ce qui va peut-être se faire avec les Américains ? Est-ce qu’il nous dit quels sont les enjeux, quels sont les risques, quelles sont les lignes à ne pas franchir ? Non, pas du tout, pas un mot. Est-ce qu’on a eu des débats au Parlement national français ? Est-ce que les parlementaires français – députés et sénateurs – se sont saisis de cet accord de partenariat transatlantique ? Non. Tout ça ne va pas. Il faut faire exactement la même chose en Europe que ce qui se passe aux Etats-Unis pour cette question-là. Aux Etats-Unis, vous allez au Congrès américain, tous les jours vous avez les femmes et les hommes au Congrès américain qui défendent les intérêts des Américains. Ils disent « oui, on peut passer un accord de libre-échange, on peut passer un accord de partenariat avec les Européens, mais nous avons des intérêts à défendre ! » Où est-ce que l’on entend cela de la part des Européens ? On l’entend un peu au Parlement européen, on ne l’entend absolument pas ni au Conseil des ministres, ni dans la bouche de chefs d’État et de gouvernement des États-membres de l’Union européenne, ni dans les Parlements nationaux ! Ceci ne peut plus durer. Il faut que ce soit exactement les travaux pratiques d’une nouvelle Europe démocratique et qu’au lendemain de l’élection les corps intermédiaires, les Parlements nationaux, les chefs d’État et de gouvernement, les responsables, les gouvernements, les gouvernants se saisissent de cette question pour que ça fasse écho aux préoccupations des opinions publiques.
Vous pensez qu’aujourd’hui le sujet est trop sensible et que finalement on a trop à perdre – nous Européens – pour le mettre sur le devant de la table, et qu’on cherche finalement à l’étouffer ?
On en est qu’au tout début des prémices, donc je ne vais pas créer la peur pour rien. Après on a des intérêts à défendre ! Et c’est légitime de défendre les intérêts des Européens, comme les Américains sont légitimes à défendre les intérêts des Américains. Il faut que l’on cerne quels sont nos intérêts en matière agricole, en matière de respect des normes. On a des normes très exigeantes en Europe ! Il ne faut pas du tout que le niveau d’exigence de ces normes soit abaissé pour accueillir un certain nombre de produits américains qui ne respecteraient pas les mêmes normes. En même temps aux Etats-Unis il y a des choses intéressantes comme ce qu’on appelle le Small business act qui est une protection de leurs entreprises pour les marchés publics. Elles sont privilégiées pour l’accès au marché public. Pourquoi ne pas faire la même chose en Europe ? En tout cas, la première des choses, c’est que tout cela doit être l’objet d’un débat démocratique approfondi le plus large possible avant de trancher la question.
D’après ceux qui font l’éloge de cet accord de libre-échange, on peut espérer jusqu’à un point de croissance en plus, beaucoup d’embauches et 120 milliards d’euros injectés tous les ans dans l’économie européenne. Finalement, c’est une bonne nouvelle cet accord ?
Non, cela c’est un peu de la méthode Coué, un peu des plans sur la commette. On verra où l’on en sera dans un an, deux ans ou trois ans. Il ne faut pas que cela se fasse au détriment des intérêts européens. Je le répète car pour moi c’est simple, c’est ma ligne rouge. On doit défendre nous, parlementaires européens et français, l’intérêt des Européens dans ces futures négociations. Et l’ensemble des chefs de gouvernement doit s’impliquer dans cette négociation ! J’aimerais entendre le gouvernement français davantage sur cette question. Après, en général la Commission donne des chiffres faramineux. Dès que la Commission dit « on va faire un accord de libre-échange ou de partenariat avec tel ou tel pays, on va créer des emplois tout de suite derrière ». Non, ce n’est pas non plus obligatoire et ce n’est pas si simple que ça. Après il y a probablement beaucoup d’entreprises qui aimeraient pouvoir accéder au marché américain donc il faut regarder tout ça dans la sérénité mais dans la transparence la plus absolue.
La crainte semble prendre le pas sur l’enthousiasme clairement. Est-ce que libre-échange ça signifie toujours plus de produits américains en Europe ?
Ça peut signifier aussi davantage de pays européens aux Etats-Unis ! Mais il faut voir à quelles conditions. Moi je n’ai pas du tout envie d’ouvrir nos frontières et de déstabiliser notre agriculture européenne qui est un de nos atouts absolument majeur et faire entrer chez nous des produits qui ne respecteraient pas les normes sanitaires ou environnementales dont nous nous sommes dotés en Europe ! Donc une grande prudence, ne créons pas de peur pour rien mais en même temps il faut absolument tout mettre à plat et savoir quels sont les intérêts des Européens que nous devons défendre les uns et les autres.
Est-ce que demain, concrètement, on pourra avoir de la viande traitée aux hormones dans nos assiettes comme aux Etats-Unis ?
Non, il faut s’y opposer ! On s’y est opposé avec le Canada dans l’accord Canada – Union européenne. Quand l’Union européenne dit « non », elle dit « non ». En tout cas, on ne peut pas laisser passer chez nous des produits alimentaires qui ne respecteraient pas les normes sanitaires dont nous nous sommes dotés.
Même chose pour les produits OGM du coup ?
Pareil ! La même chose ! On a nos normes, on a des exigences chez nous. On a une excellence dans l’exigence souvent dans l’Union européenne, il s’agit en aucun cas de la rabaisser. Il faut la préserver. Cela fait aussi partie de la souveraineté européenne de décider de préserver une façon de vivre, un modèle de société et une certaine qualité dans ce que nous produisons et faisons.
Un mot enfin sur la proposition des Etats-Unis qui visent à autoriser les entreprises à attaquer les gouvernements s’ils mettent en place des politiques contraires à leurs intérêts : c’est probablement le sujet d’inquiétudes numéro un en Europe. Est-ce que cela risque d’arriver aussi ?
Je n’y suis pas du tout favorable.
Mais la Commission a…
Non, mais la Commission peut dire ce qu’elle veut ! Elle propose, elle a un pouvoir d’initiative mais ce n’est pas elle qui a le dernier mot ! Cela revient en partie au Parlement européen qui est un peu en codécision pour toutes ces questions, ça revient aux chefs d’État et de gouvernement, ça revient aux Parlements nationaux, c’est pour cela que je dis qu’il faut se saisir du débat ! C’est évidemment très problématique d’imaginer que des entreprises puissent aller imposer quelque chose à un État, qu’un tribunal puisse conclure que telle grande entreprise a le droit de faire telle ou telle chose… Ce n’est pas admissible si l’on veut conserver notre souveraineté. Et moi je ne veux simplement conserver notre souveraineté, je veux même la garantir ! La renforcer ! C’est pour ça que je crois à l’Europe, et c’est pour ça que je veux une Europe unie, forte et politique !
Est-ce que le but de cet accord c’est aussi de contrer la puissance chinoise et de garder un certain monopole occidental ?
Il y a certainement des tas d’arrière-pensées, simplement moi je ne crois pas du tout ça. L’Europe est faite pour exister en tant que telle et pour que le monde ne soit pas binaire entre grosso modo l’Occident - les Etats-Unis d’un côté et puis le reste du monde, l’Asie, la Chine de l’autre côté. C’est pour ça que je pense que l’on a besoin d’une Europe forte ! Pas seulement au plan économique – il faut que l’on retrouve nos croissances, que l’on mobilise l’épargne européenne, que l’on fasse des investissements pour préparer l’avenir – et en même temps il faut qu’on soit fort pour participer de l’équilibre du monde. Selon que l’Europe existera ou pas, l’équilibre du monde ne sera pas le même. Et moi je n’ai pas du tout envie d’un monde qui se résume à un face-à-face Chine – Etats-Unis.