"Nous sommes contre le cumul des mandats. Il faut des parlementaires à plein temps"
Marielle de Sarnez a estimé qu'un "changement profond de nos institutions" était nécessaire pour retrouver "la confiance des citoyens" et mener "les réformes nécessaire pour le redressement du pays", sur le plateau du Talk Orange-Le Figaro mercredi.
Judith Waintraub - Dans cette actualité très tourmentée, quatre questions oui/non pour commencer et une qui vous concerne directement. Est-ce que vous êtes bien candidate aux municipales à Paris ?
Marielle de Sarnez - Oui, je serai candidate. Je dis "je serai" car je pense que le temps de la campagne n’est pas tout à fait venu. Les Parisiens sont plutôt dans leurs difficultés que dans l’idée d’une campagne électorale. Mais, oui, je serai candidate, je porterai un projet pour Paris. Je crois que Paris a besoin de renouvellement et je serai là pour faire un certain nombre de propositions.
Nathalie Kosciusko-Morizet, qui n’est pas encore candidat puisqu’elle doit passer l’épreuve des primaires, a-t-elle raison de vouloir écarter de ses listes des personnes qui auraient été lourdement condamnées comme Jean Tibéri ?
C’est l’affaire de l’UMP, comme c’est l’affaire du PS. La composition des listes viendra en son temps. Ce que dit Nathalie Kosciusko-Morizet, c’est son affaire, ce n’est pas la mienne.
Vous ferez pareil ?
C’est une évidence pour moi. Mais il y a vraiment besoin pour Paris, je crois, d’attitudes politiques nouvelles, d’un projet nouveau, d’un souffle nouveau, et c’est cela qui m’intéresse.
"QUAND IL N’Y A PLUS DE CONFIANCE, VOUS NE POUVEZ PLUS AGIR"
Assistons-nous à une crise de régime comme François Fillon l’avait dit, avant même les aveux de Jérôme Cahuzac ?
Nous assistons à une crise politique très lourde, à une crise morale que François Bayrou avait d’ailleurs signalée en son temps. Lourde parce que, quand il n’y a plus de confiance entre le monde politique et les citoyens, et c’est cela qui est en train de se produire, vous ne pouvez plus agir, vous ne pouvez pas redresser le pays.
Nous allons en reparler. Est-ce que c’est la faillite de la République exemplaire ?
En tous les cas ce n’est pas l’illustration de la République exemplaire.
François Hollande vient tout juste de parler. Nous n’avons pas pu avoir les images mais vous savez ce qu’il a dit. Il a dit notamment que Jérôme Cahuzac n’avait bénéficié d’aucune protection.
J’espère bien, vraiment.
Selon Edwy Plenel qui est le directeur de Mediapart, François Hollande n’a pas d’excuse puisque Mediapart avait tout mis sur la table dès décembre. Est-ce que vous partagez la sévérité de ce jugement ?
En tous les cas, je pense que l’on peut être sévère, oui. Je crois que c’est une crise politique extrêmement lourde, et d’autant plus dommageable que nous sommes dans une situation économique extrêmement grave. Je crois une chose, qu’il ne peut pas y avoir de redressement économique du pays sans une moralisation de la vie publique. Les deux sont absolument liés, c’est donc cela toute la question
"IL FAUT UNE REFORME CONSTITUTIONNELLE IMPORTANTE"
Sur cette moralisation, François Hollande propose que soient privés de tout mandat public les élus condamnés pour corruption…
C’est la moindre des choses ! Mais il faut aller plus loin maintenant, il faut une rupture. Il faut que l’on tourne la page définitivement.
Plus loin, c’est-à-dire ?
Faisons vraiment la moralisation de la vie publique. François Bayrou en avait fait un des thèmes principaux de sa campagne.
Concrètement, cela veut dire ?
Concrètement, cela veut dire une réforme constitutionnelle importante. Vous savez, les hommes sont ce qu’ils sont. Jean Monnet disait "Il faut de bonnes institutions parce qu’on connaît la faiblesse des hommes". Et nos institutions sont de ce point vue peut-être un peu à bout de souffle. Donc je crois qu’elles doivent être changées, transformées. Nous devons par exemple diminuer le nombre de parlementaires. Nous devons réformer les collectivités locales pour que là aussi il y ait moins de strates et que nous en finissions avec le mille-feuilles administratif. Il faut du pluralisme et donc une réforme du mode de scrutin parce que, quand il y a plusieurs courants politiques, plusieurs sensibilités politiques, cela fait des contre-pouvoirs et l’on se trompe en général moins. Et nous devons en finir évidemment avec les conflits d’intérêts.
Est-ce qu’il faut éviter ou interdire les allers et retours ?
Aujourd’hui, si vous êtes parlementaire, vous pouvez être avocat en même temps. Honnêtement, je vous le dis, je trouve cela surréaliste. Cela fait longtemps que nous le disons. On ne doit pas pouvoir cumuler un mandat parlementaire avec, par exemple, la responsabilité d’avocat. Parce que, quand on est avocat, on peut évidemment représenter des intérêts donc on n’est pas loin, potentiellement, de conflits d’intérêts. Nous devons donc mettre fin à un certain nombre de cumuls. Evidemment, il faut rendre publique la déclaration de patrimoine comme nous le faisons pour nous au Parlement européen. Et nous devons changer de mode de scrutin, je vous l’ai dit, parce qu’il faut du pluralisme. Donc, nous devons aller beaucoup plus loin, nous avons besoin d’une rupture pour retrouver de la confiance.
"JE SUIS POUR QUE LES PARLEMENTAIRES SOIENT PARLEMENTAIRES À PLEIN TEMPS"
C’est-à-dire, par exemple, allonger la liste des incompatibilités avec l’exercice d’un mandat public, je rappelle que Jérôme Cahuzac était médecin d’origine, a travaillé au ministère de la santé, a eu vraisemblablement des relations avec des laboratoires.
Je suis contre le cumul et je suis pour que les parlementaires soient parlementaires à plein temps. En vérité, je me demande comment un parlementaire fait, s’il fait vraiment son boulot de parlementaire, pour être en même temps avocat ou médecin.
Il y a aussi une histoire de pantouflages. De gens qui ont travaillé dans les ministères et qui ensuite vont vendre leurs relations et leurs compétences.
Clarifions tout cela, il n’est que temps ! Il y a exactement un an aujourd’hui, c’était la campagne pour l’élection présidentielle, François Bayrou faisait son discours sur la moralisation nécessaire de la vie publique. Que n’a-t-on agi avant ?
Jean-Luc Mélenchon a dit hier que l’affaire Cahuzac profiterait vraisemblablement au FN. Il a ajouté « et j’espère que cela profitera à nous aussi ».
D’abord, je n’aime pas ce genre de formule, « profiter », cela ne profite à personne. Quand il y a un phénomène de défiance comme cela entre les citoyens et le monde public, politique, imaginer que cela pourrait profiter à certains est absolument grotesque. Nous ne reconstruirons pas le pays sans retrouver de la confiance. Nous ne retrouverons pas la confiance sans une rupture profonde et un changement profond de nos institutions.
"LA QUESTION IMPORTANTE, CE SONT LES REFORMES À CONDUIRE POUR LE PAYS"
Est-ce qu’il faut aussi un choc politique – vous allez sûrement me répondre « oui » – comme un remaniement, ou même, comme Jean-Louis Borloo le proposait hier encore, une dissolution de l’Assemblée ?
Imaginer que François Hollande va dissoudre l’Assemblée, cela ne me semble pas crédible.
Et pas nécessaire ? Ne faut-il pas un choc politique ?
Vous pensez qu’avoir des élections législatives avec des institutions inchangées règlera la question ? Non. Moi je vous propose de changer les institutions. Pourquoi pas, d’ailleurs, par référendum ? Je trouve que François Hollande aurait dû faire un référendum sur la moralisation de la vie publique quasiment dès son entrée en fonction. Parce que, je vous dis mon intime conviction, la question du pays est une question économique et sociale, nous sommes devant des difficultés extrêmement importantes. Nous ne redresserons pas ce pays sans faire, en même temps, redressement économique et moralisation de la vie publique. Les deux sont liés.
C’est la capacité à agir du pouvoir qui se pose. Donc il faut au minimum un remaniement, un changement d’équipe ?
Moi, vous savez, j’étais par exemple pour un gouvernement restreint depuis le premier jour.
Et si l’on proposait demain au MoDem d’entrer dans un gouvernement, vous diriez oui ?
Non, ni ralliement, ni rien du tout. Ce n’est pas du tout cela la question. La question c’est qu’il va y avoir des réformes extrêmement conséquentes à conduire pour le pays, par exemple la réforme des retraites, la réforme de l’Etat, la réforme que j’appelle de mes vœux des collectivités locales. Toutes ces réformes nous devons les faire parce que, en particulier, la droite ne les a pas faites suffisamment depuis dix ans. Et c’est cela que nous sommes en droit d’attendre et que les Français sont en droit d’attendre.