"Nous devons être aux côtés des Ukrainiens pour défendre la démocratie"
Marielle de Sarnez a appelé tous les Européens à se mobiliser pour que l'Ukraine devienne un État de droit, lundi sur le plateau de La Nouvelle Édition, sur Canal+.
Pour aller plus loin : revivez le déplacement de Marielle de Sarnez, ce week-end à Kiev.
Ali Baddou - Vous étiez ce week-end aux côtés des Ukrainiens qui manifestent pour l'Europe, à l'heure où ici on regarde l'Europe avec indifférence voire hostilité...
Marielle de Sarnez - C'est cela le plus intéressant. On va parler de l'Ukraine, mais la première leçon, c'est celle là : voir comment l'Europe est décriée chez nous - il n'y a pas un jour sans que l'on dise que l'Europe est une abomination, que l'Europe est responsable - et là il y a un peuple entier qui dit qu'il veut se rapprocher de l'Europe. C'est 70% des Ukrainiens, selon le dernier sondage, dont 50% dans la partie dite "russophone", qui disent vouloir se rapprocher de l'Europe. C'est quelque chose qui impressionne.
Vous avez pris la parole à Kiev, sur scène, face à la foule. En quelle langue ?
En Français. J'aurais pu parler en anglais, mais de toute façon il fallait que ce soit traduit en ukrainien. Les manifestants sont très heureux d'avoir des messages portés par des députés européens, en particulier français. C'était impressionnant de voir les Ukrainiens crier "merci" à la France. C'est un pays qui va très mal, qui est dans une crise économique absolument terrible. Il a des ressources naturelles, il est probablement l'un des pays les plus riches du continent européen, mais il est dans d'immenses difficultés. Pour les Ukrainiens, l'Europe est une sorte de levier de modernisation sociale, pour avoir une économie qui se porte mieux et pour entrer dans un État de droit, ce qui n'est pas le cas.
Ceux qui sont dans la rue réclament plus d'État de droit, plus de liberté, plus de démocratie. Mais au sein de l'Union européenne, au sein des vingt-sept États membres, on a l'impression que ce combat est dépassé. Les Ukrainiens ne sont-ils pas pour l'Europe... parce qu'ils n'y vivent pas ?
Je sais que notre avenir, mon avenir, l'avenir de mon pays, s'inscrit forcément dans un horizon européen. Pour moi, c'est une évidence. Simplement, l'Europe doit être plus démocratique, plus politique. C'est cela qu'il faut porter et qu'il faut défendre.
Vous avez les étoiles européennes dans les yeux Marielle de Sarnez (rires).
Oui. Mais c'est la vérité ! Soyons sérieux, n'oublions pas que dans l'accord qui devait être passé entre l'Ukraine et l'Union européenne, il y avait aussi la libération de Ioulia Tymochenko, qu'elle puisse être soignée dans un hôpital en Allemagne. La non signature de l'accord remet aussi cela en cause.
Est-ce que Poutine tient les Ukrainiens par le gaz ? Est-ce qu'on pourra en sortir ?
Oui, Poutine tient les Ukrainiens par le gaz. Pendant dix années, les Ukrainiens n'ont quasiment pas payé leur gaz, ils avaient presque le gaz gratuit. Malheureusement, ils n'ont pas profité de cela pour développer leur économie. Depuis 2010, les Ukrainiens payent le prix du gaz au prix le plus fort dans toute l'Europe. Il est paradoxalement moins cher d'acheter le gaz qui vient de la Russie, en passant par l'Allemagne et la Hongrie, que de l'acheter près de chez eux. Évidemment, c'est un prix politique, c'est un chantage politique que Poutine place sur l'Ukraine. Il faut que nous tenions bon, que nous soyons aux côtés des Ukrainiens, nous les Européens.
Vous dites "nous", mais on n'entend pas la classe politique française se mobiliser sur la question, alors que ce sont des milliers de démocrates qui sont dans la rue. Il y a des élections européennes qui arrivent dans quelques mois et, vraisemblablement, ce sont les eurosceptiques qui l'emporteront...
Ils l'emporteront si les Européens ont l'Europe honteuse, si les Européens ne proposent pas un projet et les changements nécessaires pour l'Europe. Moi, je n'ai pas envie de regarder passer le train. Oui, il faut que les Européens se mobilisent, c'est notre responsabilité. Puis-je dire un mot de plus sur ces jeunes étudiants qui ont été agressés le 30 novembre, en Ukraine, alors qu'ils étaient pacifiquement installés sur la place. Ils sont aujourd'hui en prison et dans des hôpitaux, leurs familles ne peuvent pas les voir, je demande aussi qu'on se mobilise pour cela.
Pour aller plus loin : revivez le déplacement de Marielle de Sarnez, ce week-end à Kiev.