"Nous avons le devoir de sortir notre pays de cet enlisement dans lequel il s'enfonce"
François Bayrou était en meeting à Caen, vendredi 6 avril, face à plus de 1.500 de ses soutiens.
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Avant de débuter son discours, le candidat à la présidence de la République a tenu à se mettre au diapason de cette "ambiance si chaleureuse" et surtout à remercier les nombreux élus locaux présents qui font "un travail formidable au quotidien". Après cette courtoisie républicaine, François Bayrou a rendu compte de sa journée en Normandie et de sa rencontre avec des pêcheurs plus tôt dans la journée, à quelques encablures de là, à Granville : "J'ai rencontré des hommes qui travaillent et j'ai ressenti un sentiment ambivalent: à la fois un sentiment de fierté pour notre pays de voir qu'il disposait d'une telle force de travail et d'une générosité à nul autre pareil et un sentiment plus amer, à savoir, le regret de voir un pays qui a tant de force en lui se retrouver dans la situation dans laquelle il est actuellement", a regretté le député des Pyrénées-Atlantiques.
Un constat implacable qui rappelle une anecdote "douloureuse" à François Bayrou mais pas moins révélatrice du malaise du pays : "J'ai le souvenir, dans ma circonscription, d'une femme marocaine, mère de famille nombreuse, qui est venue me voir en disant, qu'elle ne savait ni lire ni écrire, mais que son fils avait un doctorat de philosophie mais qu'il n'arrivait même pas à trouver le moindre stage et qu'il est d'ailleurs parti tenter sa chance en Grande-Bretagne". François Bayrou a ainsi pointé la désuétude dans laquelle tombe la Nation, tout en tirant des perspectives : "Notre pays ne peut pas en rester là. Ce que nous vivons n'est pas une fatalité. On a expliqué que c'était la faute de la mondialisation, de la globalisation et de nombreux responsables politiques l'ont cru également. On a baissé les bras et inventé des prétextes. J'ai du faire ce long travail pour découvrir que ce qu'on nous présentait comme la fatalité du monde et de l'Europe, c'était seulement le bilan de l'échec français", a estimé le candidat à la présidence de la République.
"Depuis une dizaine d'années, la France a lentement glissé et décroché"
François Bayrou a tenu ensuite à revenir sur la chronologie des faits qui ont conduit le pays dans l'abîme dans lequel il est plongé. Un déclin amorcé, selon lui, il y a une dizaine d'années : "Je reprends l'histoire de ces dix ou quinze dernières années à partir desquelles la France a lentement glissé et décroché. Avant cela, elle était estimée et respectée du monde entier. En 2003, la France est un pays à l'équilibre, excédentaire. Ce n'était pas non plus la gloire mais on y arrivait, tant bien que mal", a-t-il souligné, tout en assénant au passage un coup de griffe aux 35 heures : "Je pense par ailleurs que les 35 heures ont joué un rôle dans cette déconnexion du pays". A partir de 2005, la situation se tarit : " A partir de ce moment là, notre pays commence à être déficitaire. La France achète plus qu'elle ne vend, et ce, malgré des réussites industrielles formidables, malgré Airbus. malgré la fusée Ariane , malgré le TGV et le nucléaire. En 2005, le déficit de la France se chiffre à 10 milliards d'euros et cela va aller de mal en pis puisque cette année, le déficit est de 70 milliards d'euros". L'occasion pour le candidat d'évoquer un exemple concret, révélateur de la mauvaise santé financière de la Nation : "Un montant qui représente, ni plus, ni moins que la totalité des salaires annuels, charges comprises, de trois millions de Français".
Mais François Bayrou refuse d'accuser la fatalité et de rendre responsable de tous les maux la mondialisation : "Pendant que la France dégringolait, l'Allemagne nous a fourni un formidable contre-exemple, en prouvant que les responsables d'un tel déclin n'était ni l'Europe, ni la mondialisation, ni l'immigration, ni la finance". Le député des Pyrénées-Atlantiques ajoute, malicieux: "vous aurez bien entendu remarqué là les marottes des autres candidats à l'élection présidentielle". Avant de reprendre, sur un ton plus grave : "L'Allemagne qui était derrière nous en 2005, est passé de 5 à 160 milliards d'euros d’excédent". Un silence de cathédrale s'est alors emparé de la salle.
La question qui m'occupe est celle de notre pays, celle de mes enfants, de vos enfants"
François Bayrou, toujours empreint de cette gravité, et fort de son statut de "candidat de la vérité" poursuit sa démonstration : "Si cette situation perdure, le temps qui reste à la France, avant d'avoir un accident, ne se comptera plus en années, mais en mois. Et si cette absence de vérité des discours persiste, alors peut-être que cela se comptera en semaines. Celui qui vous parle ne fait pas de la politique partisane". Le candidat à la présidence de la République choisit alors ce moment pour évoquer les oeillades mais aussi les menaces qui ont jalonné sa carrière et son parcours politique : " Les propositions ont été nombreuses et flatteuses et les menaces et intimidations, tout autant", a souligné avec vigueur François Bayrou qui prône un retour aux fondamentaux, afin de préserver l'avenir de nos enfants : "Je ne me rendrais pas coupable de non-assistance à pays en danger. Je veux que cette élection traite les questions majeures. La situation des jeunes français devrait être un motif de honte pour ceux qui nous dirigent. Ces mêmes, qui ont eu la légèreté et le laxisme d'accumuler sur la tête de nos enfants, des dettes malsaines". François Bayrou prend alors grand soin de faire le distinguo entre des "dettes saines", qui concernent la construction d’hôpitaux, d'universités ou encore d'équipements publics, et des "dettes malsaines" qui ont pour dessein d'emprunter sur des générations afin de payer les salaires des fonctionnaires, de payer des retraites toujours plus nombreuses. Et le candidat à la présidence de la République de s'emporter : "C'est totalement immoral". Mais François Bayrou demeure persuadé que le salut du pays passe par un autre mode de gouvernance, moins dispendieux : "Nous devons alléger les enfants de ce poids-là. Je suis persuadé que c'est possible, sans pour autant que cela représente du sang et des larmes. Nous pouvons, et nous devons débarrasser le pays de son endettement excessif. Nous pouvons le faire en choisissant des règles de conduites. Est-ce que vous savez que c'est chez nous que les dépenses publiques sont les plus grandes, nous allons combattre les gaspillages innombrables afin de mieux servir les français". Et de rappeler la cruelle réalité des chiffres : "Selon les chiffres de l'OCDE, La dépense publique moyenne dans les pays européens est, en moyenne, de l'ordre de 43% de la production annuelle. En France, cette moyenne flirte avec les 57%. Nous pouvons faire plus d’économies tout en apportant davantage de services aux gens".
Avant de quitter la salle, François Bayrou rappelle, à juste titre, d'où il puise la quintessence qui fait de lui, le seul candidat de cette élection qui regarde les problèmes en face et dit "la vérité" aux français : "Peut-être, parce que j'ai plus souvent pratiqué, plus qu'aucun autre, la langue de la vie de tous les jours, la langue des gens" avant de recevoir les applaudissements nourris d'une salle conquise.
Le discours intégral
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Merci de votre présence amicale, nombreuse, chaleureuse !
Merci des mots qui ont été prononcés -je les ai entendus depuis la coulisse, parce que je surveille, j'ai l'œil, plutôt l'oreille à tout…- par mes amis qui se sont succédé à la tribune avant moi.
Permettez-moi de vous dire mon amitié. On a passé la journée en Normandie, permettez-moi de saluer, comme il se doit, Rodolphe Thomas, qui est l'élu si brillant de cette agglomération.
Permettez-moi de joindre à ce salut Philippe Lailler, qui fait un travail formidable. Permettez-moi de saluer Bruno Joncour, maire de Saint-Brieuc, et mon ami Alain Lambert -tous les trois font partie de cette équipe formidable- Alain Lambert qui a exercé les responsabilités éminentes de ministre des Finances et qui est un des hommes les plus respectés de France s'agissant de l'équilibre financier de notre pays. Merci Alain d'être là.
L'ambiance est suffisamment chaleureuse pour que je me mette au diapason et permettez-moi donc de saluer les nombreux conseillers généraux et maires de la Manche, de l'Orne, du Calvados qui sont là, que je salue, que je remercie d'avoir été auprès de moi pendant ces années et cette journée.
C'est une visite très intéressante que nous avons faite aujourd'hui à Grandville autour du thème de la pêche, de ces hommes qui travaillent dur, qui ont des projets pour leurs pays et pour leur vie et cela n'a cessé de faire naître en moi un double sentiment : un premier sentiment de fierté pour mon pays, de voir ce que nous avons comme atouts, comme traditions, comme capacités, comme forces de travail, comme générosité, et en même temps, l'autre face de ce sentiment, le regret qui est le mien de voir un pays qui a autant de forces en lui se trouver dans une situation aussi difficile que celle qui est la nôtre aujourd'hui, comme si nous avions un extraordinaire jeu de cartes et que nous ne savions pas jouer les atouts qui sont les nôtres.
Quand je regarde, nous le faisons avec Alain Lambert à peu près tous les jours, la dégradation de la situation du pays, mais pas seulement de la situation dans les chiffres, pas de la situation dans les pages des journaux économiques, mais la dégradation de la situation dans les familles, ce crève-cœur que représente, pour des parents et peut-être encore d'avantage pour des parents de situation modeste, et peut-être encore d'avantage pour des parents de situation sociale difficile, le fait d'avoir des enfants, y compris des enfants qui ont fait des études et que ces enfants-là ne trouvent pas d'emploi…
J'ai le souvenir précis dans ma circonscription d'un moment que j'aurais du mal à oublier. Il s'agissait d'une femme marocaine, mère de famille nombreuse, avec huit enfants, qui est venue me voir en disant : "Monsieur, moi, je ne sais pas lire, mais mon fils a un doctorat de philosophie et il ne trouve même pas un stage. Il est d'ailleurs parti tenter sa chance en Grande-Bretagne". Et je me dis ; notre pays, notre nation, ce que nous avons fait ensemble pendant des siècles et des décennies, ne peut pas en rester là !
La conviction profonde qui est la mienne est que ce que nous vivons n'est pas une fatalité. On l'a cru. On nous l'a fait croire, on nous a expliqué à mille reprises que c'était, disait-on, la mondialisation, que c'était la globalisation, que c'était la Chine, l'Inde ou la Roumanie, et nombreux sont les responsables français qui l'ont cru. Je parle même des plus éminents commentateurs et ils ont cru que, au fond, la spirale descendante du chômage, qui, dans notre pays, depuis des années, fait des ravages et les délocalisations, comme on disait, c'était dû à cela, ce n'était pas notre faute, c'était le monde qui évoluait sous cette forme.
Vous l'avez entendu et peut-être l'avez-vous cru.
Eh bien la plus saisissante et peut-être la meilleure nouvelle, c'est que l'on nous a raconté des histoires pendant toutes ces années-là. On a baissé les bras, on a inventé des prétextes pour justifier cet abandon, mais excusez-moi, ce n'était pas vrai et il a fallu que nous fassions le long travail, et que je fasse moi-même ce long travail pendant des années pour découvrir tout d'un coup que ce que l'on nous présentait comme étant la fatalité de la situation du monde et de l'Europe, c'était seulement le bilan de l'échec français.
Ceci est sans contestation possible et doit être prouvé par les faits devant l'ensemble des Français.
Je reprends l'histoire de ces dix dernières années, parce qu'il y a dix ou quinze ans que tout cela a commencé à basculer. Dans ces dix ou quinze dernières années, on a vu une France qui était au niveau, qui était respectée, commencer lentement à glisser et à décrocher.
Je ne prendrai même pas les chiffres du chômage, parce que vous les connaissez tous. Il suffit de rappeler que, sur les cinq dernières années, c'est un million de chômeurs de plus que nous avons eu en France.
Et cela touche chacune de nos familles. Nous connaissons tous autour de nous des situations de cet ordre, des jeunes, je le disais, peut-être plus douloureux encore des adultes ayant charge de famille qui, eux non plus, ne trouvent pas à s'insérer, à retrouver dans la société la situation et les responsabilités qui devraient être les leurs.
Je dis il y a à peu près une dizaine d'années, en 2003 ou 2004 encore, la France est un pays à l'équilibre et même un pays qui réussit à vendre plus qu'il n'achète, ce qui fait que, comme une boutique, comme une famille, on est en situation équilibrée, bénéficiaire. La capacité du pays fait que, oh ce n'est pas la gloire, mais on y arrive.
Et puis, tout d'un coup, il y a sept ou huit ans, et c'était amorcé sans doute avant, et peut-être, je le dis comme je le pense, ce qui s'est passé, par exemple autour des 35 heures, a-t-il joué un rôle dans cette espèce tout d'un coup de déconnexion du pays, avec les grands enjeux, les grands défis du monde tel qu'il était.
Il y a sept ou huit ans encore, nous sommes excédentaires et puis, tout d'un coup -ceux que cela intéresse trouveront cette courbe aisément sur Internet ou ailleurs- on voit se déplier sous les pieds de la France un escalier où chaque marche est une descente.
En 2005, la France commence à être déficitaire. Elle est obligée d'acheter à l'extérieur plus qu'elle ne vend pour son propre marché, chez elle et parce qu'elle ne peut plus gagner des parts de marché à l'extérieur.
Malgré des réussites industrielles formidables, malgré Airbus -ah si nous n'avions pas Airbus, et le sud-ouest de la France est très heureux d'avoir apporté Airbus à notre pays…- malgré la fusée Ariane, malgré les TGV, malgré le nucléaire, malgré les réussites industrielles extraordinaires qui sont devant nous, que nous avons montrées au monde, à partir de cette année, il y a peu de temps, il y a sept ans, en 2005, on décroche.
On décroche d'abord lentement. La première année, c'est un déficit de 10 milliards et puis, la deuxième année, 20 milliards et puis on passe à 30 milliards et puis on passe à 50 milliards. En 2011, le déficit de la France aura été de 70 milliards d'euros.
Traduisons… 70 milliards d'euros de ressources du pays, les vôtres, celle de nos familles, prises sur le travail des français, pour aller soutenir l'économie des pays qui nous entourent et pas que la Chine, un peu de la Chine, et pas de l'Inde, très peu de l'Inde, mais de l'Allemagne, de la Belgique, de l'Italie, des Pays-Bas, des pays en bonne santé qui se situent dans le même ensemble européen que le nôtre.
J'ai dit 70 milliards. Alors, il faut que vous sachiez que j'ai une "marotte", peut-être même une obsession et j'avoue que cela agace parfois un certain nombre de mes amis. Je suis le défenseur du calcul mental en France. Quand il est venu me rejoindre, Alain Lambert, comme tout le monde, croyait que j'étais un homme de lettres… En réalité, j'aime naturellement beaucoup les lettres, mais le vrai fond de ma nature est que je suis un homme de chiffres et je prétends même être le fondateur, le seul adhérent, le président et le trésorier de l'association pour la défense du calcul mental en France… et j'ajoute même quelquefois pour la défense du calcul mental en France et la mise en prison pour quelques jours de ceux qui l'ont abandonné, parce que je suis persuadé que c'est une mauvaise action du point de vue de l'école, du point de vue culturel, mais également du point de vue civique, parce que, si les Français avaient su ce qu'étaient réellement les sommes qu'ils entendaient à la télévision prononcées par les uns et par les autres, les milliards de déficit, les milliards de dette, les dizaines de milliards de déficit et les milliers de milliards de dette, jamais ils n'auraient laissé leurs dirigeants inconscients, laxistes, se livrer à un tel attentat contre la nation. Jamais ils n'auraient accepté s'ils avaient eu en tête les chiffres.
Alors, 70 milliards de déficit de notre pays, ce qui oblige notre pays à aller acheter à l'extérieur ce qu'il ne produit plus chez lui, c'est 70 mille millions d'euros et, 70 mille millions d'euros, mes chers amis, c'est l'équivalent de la totalité des salaires annuels, charges comprises, de trois millions de Français !
Alors, ne cherchez pas plus loin, pour les chômeurs qui sont sur notre sol… Et, pendant que la France dégringolait, il faut regarder ce qui se passait chez nos voisins et le plus commun est de prendre l'Allemagne, de l'autre côté du Rhin.
Pourquoi est-il intéressant de prendre l'Allemagne ? Non pas parce que je veux adopter ou adapter le modèle allemand en France, chacun des deux peuples a son génie, mais parce que c'est le démenti le plus cinglant à tous ceux qui nous racontent que c'est la mondialisation, c'est la globalisation, le capitalisme international, c'est l'Europe, c'est l'Euro, c'est l'immigration qui nous ont conduits où nous sommes. Et vous avez reconnu là la palette de ceux qui se présentent dans cette élection parce que, l'Allemagne c'est dans l'Europe, c'est dans l'Euro, c'est dans la mondialisation, c'est les mêmes règles et les mêmes contraintes que les nôtres et, s'agissant de ceux qui pointent l'immigration, il y a environ 40 % d'immigrés de plus en Allemagne qu'il n'y en a en France.
C'est donc que le problème est ailleurs car, pendant que nous descendions la pente, que nous dévalions l'escalier, pendant ce temps, l'Allemagne, elle, qui était derrière nous en 2005, au lieu de passer de plus 10 à moins 70 comme nous l'avons fait, elle est passée de plus 5 à ... écoutez bien, cette année 160 milliards d'euros d'excédents.
Un peuple ayant les mêmes caractéristiques que le nôtre, le même modèle social ou à peu près, le même niveau de vie ou à peu près, les mêmes niveaux de salaires que les nôtres. Je n'accepte pas la chanson qu'on nous chante tout le temps et qui consiste à dire que le travail est trop payé en France. Je n'accepte pas cela.
Je dis que le travail en France dans le pays que je veux construire, le travail doit être payé à son prix, et assez souvent quand je visite une entreprise, je pense à une entreprise particulière dans l'Orne, Alain, que tu m'as fait visiter qui fait des miracles, une entreprise dans l'Orne, elle se bat dans le secteur des autocars contre Iveco ou Mercedes et elle gagne des marchés. Et elle devrait en gagner d'avantage si nous étions sérieux et dans la ligne que je propose aux Français.
Et à la sortie, un jeune homme est venu me voir et m'a dit : "Monsieur François Bayrou, vraiment je suis content que vous soyez venu, mais je suis dans cette entreprise depuis plus de quinze ans et je gagne toujours 1080 euros par mois."
Eh bien, je suis du côté de ceux qui pensent que la France, elle mérite d'avoir un travail mieux payé, de faire comme nos voisins, d'avoir des succès industriels et cependant de bien payer le travail.
Je prends un exemple très simple. Volkswagen et Renault, deux entreprises automobiles, toutes les deux de réputation, toutes les deux ayant, dans leur capital, des actionnaires publics, l'État en France -cela ne se voit pas, on n'a pas l'impression qu'on influe beaucoup sur les décisions de l'entreprise, mais cependant l'État a 15% de l'actionnariat de Renault- et s'agissant de Volkswagen, l'État de Bavière.
Eh bien, en 2005, toujours pareil, Renault et Volkswagen fabriquent en France et en Allemagne le même nombre de voitures. Volkswagen en Allemagne 1 200 000 voitures, Renault en France 1 200 000 voitures. Vous revenez sept ans après, cette année Renault ne fabriquera plus en France que 440 000 véhicules, on a divisé par trois le nombre de véhicules fabriqués sur notre sol et vous en savez quelque chose dans la grande Région Ouest. Et, pendant ce temps, cette année Volkswagen fabriquera en Allemagne 2 200 000 voitures, ils ont multiplié par deux là où nous divisions par trois. Et le prix du travail est cependant légèrement plus élevé en Allemagne qu'il ne l'est en France et la réussite de l'entreprise est telle qu'on a annoncé il y a quinze jours que Volkswagen allait distribuer à chacun de ses ouvriers une prime pour résultats exceptionnels de 7500 euros pour l'année !
Eh bien excusez-moi de vous dire, je conclus de cette série d'exemples, qu'il n'y a pas de problème spécialement européen, il n'y a pas de problème spécialement lié à l'Euro, il n'y a pas de problème spécialement lié à l'organisation de l'économie du monde, ou plus exactement s'il y en a, il faut les examiner à part.
La question principale de notre pays, c'est que nous avons laissé s'en aller l'activité de production de notre sol. C'est chez nous que ça s'est passé.
Et excusez-moi de vous le dire, si j'ai raison -et je demande confrontation avec ceux qui se présentent dans cette élection sur ce sujet- mais si j'ai raison, alors nous devons avoir là le sujet de l'élection présidentielle française, le seul, le sujet dominant, le sujet autour duquel on doit concentrer la réflexion, l'action, l'imagination, la volonté d'un peuple.
Moi je vous dis ceci : si nous ne résolvons pas cette question dans les cinq années qui viennent, et j'ajoute à voix basse, à mon avis c'est le dernier moment… Je faisais, comme Alain Lambert vous l'a rappelé, en 2007 la campagne en montrant à nos concitoyens quel était le danger et le risque de la dette et je savais que ce danger venait, mais je savais aussi qu'il restait ... allez ... deux ans où on pouvait encore imaginer que le risque soit conjuré.
Cette fois-ci je vous dis : le temps qui reste à la France avant d'avoir un accident très important que je vais essayer de décrire devant vous, le temps qui reste à la France ne se compte plus en années, il se compte en mois et si je dois dire tout ce que je pense, si nous ne faisons pas attention au résultat de l'élection présidentielle, aux promesses absurdes qui sont faites, à la légèreté qui est arborée par les candidats principaux, à l'absence de vérité des discours, peut-être cela se compte-t-il en semaines.
J'espère que vous entendez, comprenez que celui qui vous parle ne fait pas de la politique partisane en disant cela. Si j'avais voulu faire de la politique partisane, cela aurait été beaucoup plus facile et beaucoup plus fructueux pour quelqu'un qui aurait voulu faire une carrière, comme on dit.
Les propositions ont été nombreuses et flatteuses et les menaces et les intimidations n'ont pas été moins nombreuses.
Simplement, la question qui m'occupe est celle de notre pays, la question qui m'occupe est celle de nos enfants, des miens qui sont nombreux, des nôtres qui sont inquiets et, à force de ne rien traiter des sujets qui concernent l'avenir d'une nation, à force de raconter des blagues, à force de promesses illusoires, c'est les enfants qu'on trahit, c'est les enfants qu'on abandonne et moi je ne me rendrai pas coupable de non-assistance à pays en danger.
Je veux que cette élection présidentielle serve à traiter les questions majeures.
La situation des jeunes français devrait être un motif de honte pour les responsables qui se sont succédé au pouvoir depuis quinze ans parce qu'avoir osé, avoir eu la légèreté, avoir eu l'insouciance, avoir eu le laxisme d'accumuler sur la tête des enfants des dettes malsaines.
e fais la différence entre dettes saines et dettes malsaines, je ne suis pas quelqu'un qui soit uniquement expert-comptable des comptes de la nation, c'est bien, cela sert, c'est utile, c'est formidable, mais je suis tout à fait prêt à dire que, quand on emprunte pour l'avenir, alors la dette est légitime. Si par exemple j'emprunte pour construire un hôpital, il va être utilisé par les générations qui viennent, si je dois emprunter pour construire une université, pour des laboratoires de recherche qui vont être utilisés par les générations qui viennent, si j'emprunte pour des grands équipements de transport, TGV par exemple, je trouve que la dette est normale parce que ceux qui viennent vont utiliser ces équipements.
Je note au passage que notre génération a reçu le pays équipé sans avoir à rembourser de dettes.
J'admire beaucoup la IIIe République qui a construit toutes ces écoles de village, toutes ces écoles de quartier, et les universités, et les hôpitaux avec les coins de briques rouges et qui les ont transmis sans dette aux générations précédentes. Il y a des explications historiques, je ne veux pas m'étendre sur le sujet.
Mais ce ne sont pas des dettes saines qui ont été transmises, c'est pour l'essentiel à 80% des dettes malsaines. Et qu'est-ce que j'appelle dettes malsaines ? Ah ! c'est la désinvolture de ceux qui empruntent sur la tête de leurs enfants pour payer le fonctionnement normal de leur vie de tous les jours !
Nous avons emprunté, c'est honteux, pour payer les fonctionnaires, nous avons emprunté, c'est honteux, pour rembourser les feuilles de Sécurité sociale, nous avons emprunté sur la tête des enfants pour payer les retraites alors qu’ils vont avoir à assumer en plus les retraites des générations nombreuses qui viennent.
C'est honteux. Vous comprenez, c'est immoral !
Dans la vie de tous les jours, vous avez le droit, si vous êtes un homme ou une femme qui reçoit un héritage, de refuser l'héritage si jamais il y a trop de dettes par rapport aux actifs, mais quand il s'agit d'un pays, vous ne pouvez pas refuser l'héritage, vous êtes obligés de l'assumer.
C'est pourquoi les jeunes, y compris ceux très nombreux qui sont dans cette salle et que je salue particulièrement chaleureusement, les jeunes devraient manifester devant les sièges des ministères, devant les sièges de l'Assemblée Nationale et du Sénat, devant ces adultes irresponsables qui leur ont mis sur le dos un poids qu'aucune génération avant eux n'avait eu à assumer.
Eh bien, je dis, j'affirme devant vous que nous avons le devoir de sortir notre pays de cette impasse, de cet enlisement dans lequel il s'enfonce, d'alléger nos enfants de ce poids-là. Et nous l'avons montré c'est possible, et c'est possible sans que cela représente du sang et des larmes comme tant de journalistes essayent parfois de le dire.
Je suis, nous sommes persuadés qu'il est possible, dans un pays comme la France, de débarrasser le pays en quelques années de son endettement excessif à condition de supprimer les déficits anormaux. Nous pouvons le faire, je le dis devant Alain Lambert qui a beaucoup travaillé avec moi à ce sujet, nous pouvons le faire en choisissant des règles de conduite qui, pour une fois, feront de nous un pays sérieux pour une raison simple et profonde, c'est que c'est chez nous dans le monde que les dépenses d'argent public sont les plus grandes pour ne pas obtenir des résultats meilleurs en matière sociale, en matière de solidarité qu'ils ne le sont ailleurs.
Et je dis que la ligne que nous nous fixons, c'est que, oui, nous allons combattre les gaspillages qui sont innombrables et nous allons servir mieux les Français, pas moins bien.
Regardez, dans l'ensemble des pays développés de la planète, ce que l'on appelle l'OCDE, dans cet ensemble de pays développés, la dépense publique moyenne est de l'ordre de 43% de la production annuelle. En France, c'est 57%. Il y a 14 points de différence. Avec l'Allemagne, nous avons 10 points de différence et si vous franchissez le Rhin, vous n'avez pas l'impression d'être dans un pays à l'abandon dans lequel il n'y a pas de services publics, dans lequel l'ordre dans la société ne soit pas assuré, dans lequel les étudiants ne fassent pas des études ou la santé ne soit pas elle-même assumée. Je suis persuadé que nous sommes dans un des pays, en raison de son organisation et dans lequel on peut faire le plus d'économies et, cependant, apporter davantage de services aux gens.
Je vais prendre quelques exemples devant vous. Je les choisis exprès dans le secteur le plus difficile qui est celui de la santé. Nous avons essayé de tracer des pistes. Il faut faire, dans le secteur de la santé, pour retrouver l'équilibre de la Sécurité Sociale, quelque chose comme un effort d'une vingtaine de milliards par an, sur 500, ce n'est pas hors de portée. Une famille qui dépenserait 1 000 € et qui ne devrait plus, l'année suivante, qu'en dépenser 960. Bon, elle ne serait pas à la rue, elle n'aurait pas le sentiment, si c'est un effort mesuré de deux ans, qu’elle va être dans une situation de détresse. Elle ferait attention.
Dans le domaine de la santé, nous avons regardé l'organisation des urgences. Vous savez que, maintenant, en raison des nouvelles pratiques médicales, il est très difficile de trouver des médecins de garde la nuit et que la plupart des familles, notamment en ville, vont aux urgences lorsqu'elles ont une inquiétude de santé. C'est une décision, maintenant les urgences, de premiers recours.
Alors, nous nous sommes interrogés sur les urgences. Il y a 15 millions de visites aux urgences par an en France et vous savez que l'accueil est difficile, que, quelquefois, on attend longtemps, qu'il y a des civières dans les couloirs. J'ai visité les urgences de grands hôpitaux parisiens et en parlant avec les médecins, nous nous sommes aperçus que, sur ces 15 millions d'urgences-là, il y en a plus de la moitié qui sont des pathologies banales. Les médecins disent quelquefois entre eux "bobologie", celles qui relèvent des pharmaciens. Et alors on se dit : est-ce qu’il n'y aurait pas une organisation différente à mettre en place, qui serait plus efficace, plus accueillante et qui coûterait moins cher ? Et l'idée que nous avons avancée, c'est que tous les services d'urgence des hôpitaux puissent être précédés, avant l'entrée du malade, par une maison médicale avec des médecins de ville et des médecins hospitaliers, peut-être des infirmières travaillant ensemble et qui disent : « ceci est une otite, ceci est une angine, on va vous faire une ordonnance ; là j’entends quelque chose au cœur qui n'est pas sain : urgences de l'hôpital. »
Or, il se trouve que l'urgence médicale est facturée à la Sécurité Sociale 250 € lorsque c'est l'hôpital et 60 € lorsque c'est une maison médicale avec des médecins de ville. Si mon calcul est exact et je vous demande de le vérifier, plus de 50 %, cela fait 8 millions de patients sur 15 millions et 8 millions de fois une facture de 60 € au lieu de 250 €, c'est presque 2 milliards d’euros que l'on économiserait en rendant un meilleur service aux patients. Ceci est du concret. Je ne parle pas de choses inaccessibles, des maisons médicales d'accueil et d'urgence, il y en a quelques dizaines en France. Eh bien, il n'y a rien de plus simple que de les consolider et de les répandre.
Cela fait des années que l'on nous parle, toujours dans le domaine de la santé, du dossier médical personnel. Vous avez entendu parler de cela, cela fait huit ans. C'est Philippe Douste-Blazy qui, le premier, avait lancé cela à une époque où, je vous prie de le croire, il n'était pas de mes soutiens… Et je lui suis reconnaissant d'avoir dit : « Au fond, au bout de dix ans, je me suis trompé et c'était lui qui avait raison » parce qu'il est plus courageux de dire « Je me suis trompé » que de continuer dans son erreur. C'était lui qui avait lancé cela.
Au bout de huit ans, qu'est-ce qu'on a fait ? Rien. Et donc on continue éternellement chaque fois que l'on renvoie quelqu'un à l'hôpital à refaire la totalité des examens qui sont liés à son entrée dans l'hôpital, la totalité des examens sanguins, la totalité des radios, la totalité des IRM, toutes ces choses-là.
Si on pouvait, grâce à la carte Vitale, permettre aux médecins de consulter le dossier médical du malade qu'il a devant lui, on économiserait des milliards, 3 ou 4 milliards, et on soignerait mieux parce que le médecin aurait devant lui l'historique du parcours du malade qu'il a devant lui.
Vous voyez la réflexion qui est la mienne ? Ma réflexion, c'est : je suis déterminé à faire les deux choses en même temps : économiser parce qu'on en a besoin et servir mieux dans le domaine de la santé, dans le domaine des services publics, mieux organiser ces extraordinaires instruments que nous avons bâtis au travers du temps et rééquilibrer les finances du pays.
Je viens de parler de la carte Vitale. Peut-être certains d'entre vous m'ont entendu me mettre en colère à ce propos dans des émissions. On fait fabriquer la carte Vitale des Français en Inde et je dis, m'adressant à la Sécurité sociale : madame la Sécurité Sociale, vous marchez sur la tête parce que vous ne vous rendez pas compte, vous marchez sur la tête pour plein de raisons ; bien sûr, je ne doute pas que la filiale que vous avez créée pour faire les documents et les cartes Vitale ait gagné 8 ou 9 % sur la fabrication de la carte en allant faire fabriquer celle-ci en Inde, mais vous ne voyez pas plus loin que le bout de notre nez, Madame la Sécu parce que si vous aviez fait fabriquer en France, la moitié de la facture revenait dans vos caisses, car les charges sociales des salaires donnés par les employeurs français seraient revenues dans vos caisses, la CSG prélevée sur les salaires des travailleurs français serait revenue dans vos caisses, l'impôt sur les sociétés de la société qui aurait fabriqué ces cartes serait revenu dans vos caisses ; au bas mot, 50 % de ce que vous auriez dépensé, vous l'auriez en fait économisé !
Alors, qu’est-ce que c'est que ce pays où les décideurs ne regardent plus la question centrale qui est : nous avons entre les mains un pays et nous avons besoin que ce pays-là soit actif, créateur, qu'il ait des entreprises, qu'il ait des emplois à offrir aux jeunes, qu'il puisse inventer des services, améliorer la totalité de ces services.
Tiens, je vous donne un exemple toujours pour la carte Vitale. Faire fabriquer la carte Vitale en Inde, d'abord, cela prend plusieurs mois. Une de mes amies me racontait qu'elle venait de faire changer sa carte parce qu'elle l'avait perdue : quatre mois pour obtenir une carte Vitale.
En Corée du Sud, j'admire beaucoup la Corée du Sud, non pas que je veuille que le modèle de société de la Corée du Sud s'impose à nous, mais j'aime à regarder ceux qui réussissent des exploits dans le monde... La Corée du Sud, il y a 40 ans, c'est le pays le plus pauvre de la planète. D'ailleurs, il suffit de regarder la Corée du Nord aujourd'hui pour avoir une idée de ce que tout n'était pas joué à l'avance. Au passage, comme il y a un certain nombre de candidats qui nous expliquent que, au fond, les régimes soviétiques, communistes d'autrefois, c'était très très bien, j'ai déjà entendu cela dans les débats récemment, alors je leur demande de bien vouloir jeter un coup d'œil sur ce qui se passe en Corée. Il y a 40 ou 50 ans, la Corée est coupée en deux : la Corée du Nord passe sous régime soviétique, la Corée du Sud passe sous régime de liberté. Je leur demande d'aller faire un tour, ce n'est pas si loin, qu'ils aillent voir ce qu'il en est et qu'ils viennent nous expliquer de quel côté est la prospérité, l'équilibre, la liberté, la créativité, la force de conviction et de création d'un pays parti de zéro -parti de zéro !- au niveau du Malawi aujourd'hui et qui est, aujourd'hui, en quelques décennies, le pays leader dans le monde pour l'électronique, pour les écrans plats, pour les aciers, pour les chantiers navals, pour les automobiles -regardez dans vos rues les automobiles- qui a capté la totalité de la fabrication des écrans plats de la planète, tout ce que nous avons là, les tablettes, les téléphones portables, les téléviseurs, les écrans d'ordinateurs. C'est terrible, on n'en fabrique plus un seul en Europe parce qu'il y a des secteurs où l'Europe non plus n'a pas su se battre, aucun des pays européens, mais hélas, ils sont plus nombreux en France.
Donc, je disais que, en Corée du Sud, pour obtenir n'importe quel document administratif, trois heures, jour et nuit, 24h/24 et, pourtant, ils ont une administration beaucoup moins importante et beaucoup moins lourde que la nôtre. Donc, revenant à la carte Vitale, cette amie me dit : "Il me faut quatre mois." Alors, je me renseigne parce que j'essaye de comprendre les situations du pays et j'apprends que les cartes Vitale que nous faisons fabriquer en Inde ne sont pas sécurisées et que donc la fraude à la carte Vitale qui représente des milliards de détournement à la Sécu, elle passe par le fait que nous avons choisi le produit le moins cher fabriqué en Inde au lieu de choisir le produit élaboré dont les entreprises françaises sont les championnes du monde. C'est cela qui est formidable, incroyable, inadmissible, car nous avons des entreprises qui sont les championnes du monde des documents infalsifiables, qui fabriquent les cartes d'identité de beaucoup de pays dans le monde, sauf un : la France !
Ne croyez pas que je noircisse le trait et je suis certain que, ayant essayé d’explorer ce continent-là, des occasions ratées, des atouts que nous ne jouons pas, je suis persuadé que je n'en ai vu qu'un millième ou un centième. Plus j'avance, plus je vois les blocages internes, l'absence de résolution, l'absence de volonté, l'absence de sens pratique des dirigeants, l'absence de calcul mental des dirigeants ! J'ai écouté hier -il était notre voisin cet après-midi- la conférence de presse de Nicolas Sarkozy. J'ai écouté hier à la télévision sans avoir la moindre mauvaise pensée, car je me disais que, après tout, il allait dire des choses… Il avait annoncé son programme chiffré, a-t-il dit, jusqu'au dernier euro. Alors, j'ai regardé avec curiosité et sans l'ombre d'une mauvaise intention.
C'est vrai ! Bon, il y a des jours où on est compétition, en confrontation, de mauvaise humeur, mais, hier, ce n'était pas le cas, j'étais de bonne humeur et j'ai entendu cette phrase formidable que, peut-être, certains d'entre vous ont entendue. Nicolas Sarkozy a dit : "Nous avons 103 milliards de déficit -il a dit cela très vite, j'ai souvent envie de lui demander combien cela représente en millions mais...- nous avons 103 milliards de déficit, j'ai ajouté 12 milliards de dépenses, cela fait 115 milliards. On va l'effacer en deux ans, j'ai trouvé 53 milliards."
Je vous assure, ceci est la vérité, aussi sûr que je m'appelle François !
Et alors, respectueusement, je dis : "Monsieur le Président de la République sortant, si vous avez à effacer un déficit de 115 milliards et si vous en avez trouvé 53, il vous en manque 62 ! Et 62 milliards, c'est 62 000 millions d'euros !" Toujours la même histoire, président, créateur, adhérent, trésorier de l'association pour la défense du calcul mental en France…
Eh bien, que le président de la République française, au bout de cinq ans de mandat, après l'exercice des responsabilités -et là je ne souris pas- lourdes qui sont les siennes puisse simplement oublier 62 milliards dans une addition qui concerne le déficit de son pays, d'abord, ce n'est pas rassurant pour la gestion de la France, mais ce qui m'a inquiété encore plus, c'est que pas un journaliste économique du pays n'a relevé cette affaire de simple arithmétique.
Non, ne les prenez pas à partie, j’essaye de comprendre, je vous assure, j'essaye de comprendre ce qui se passe en France et comment il se fait qu'un grand pays citoyen comme le nôtre soit en train de voir se dérouler sous ses yeux une élection présidentielle dans laquelle aucun, à part nous, des candidats principaux ne traite le moindre sujet qui concerne la survie du pays et du modèle qu'il a proposé à l'Europe et au monde !
Comment cela se fait ? Où est la responsabilité ?
Je vous assure, je dis cela avec gravité, je me demande s'il n'y a pas responsabilité de l'éducation dans tout cela, l'idée qu'on a laissé croire aux Français que l'économie, c'était tellement compliqué qu'ils ne pouvaient rien y comprendre, que les chiffres, c'était tellement inaccessible qu'ils ne pouvaient rien y comprendre. J'avais l'air de faire une plaisanterie avec mon calcul mental, ce n'est pas vrai. Je pense que l'éducation civique a failli, pas seulement l'éducation civique au sens ordinaire du terme, qui est institutions, Assemblée Nationale, Sénat, cela, on a à peu près réussi à le transmettre, mais l'éducation civique au sens profond du terme, comme je l'entends, qui est de tirer chacun des citoyens vers la question de sa responsabilité à lui.
Hier, dans une interview, on m'a dit : "Vous dites que la campagne ne traite pas des véritables sujets. Sans doute est-ce vrai. Est-ce à dire que, pour vous -il reprenait la phrase du général de Gaulle- les Français sont des veaux ?" Non ! Je suis un démocrate qui croit à la démocratie, donc je suis un responsable politique qui croit au peuple, au peuple des citoyens, qui pense que la démocratie, cela commence à partir du moment où on considère chaque citoyenne, chaque citoyen comme responsable, comme coresponsable.
Il est écrit dans la Constitution que c'est le pouvoir du peuple pour le peuple par le peuple et on dit que le peuple est souverain. Moi, je prends ce mot au sens propre. Je considère qu'il est juste que le peuple se prononce en dernier ressort, à condition qu'on lui donne les éléments, les informations parce que le ministre qui ne donnerait pas à son souverain, au roi quand on est en monarchie, les éléments d'information pour qu’il tranche, alors, il trahirait le devoir qui est le sien à l'égard du souverain.
Et moi je vous dis : les responsables politiques, les ministres et les présidents qui ne donnent pas au peuple les éléments d'information pour qu’il sache où il en est, ils trahissent le peuple souverain, ils l'abandonnent à la déliquescence, il le laisse aller. Ce n'est pas juste, ce n'est pas bien et ce n'est pas notre choix.
Et donc la conviction qui est la mienne devant vous, c'est que la question de notre pays, la question profonde qui se pose à lui, c'est : est-ce que nous pouvons nous en sortir, sortir de ces impasses, sortir de ces ornières dans lesquelles nous sommes enlisés ?
Et ma réponse est : oui, nous pouvons et nous allons nous en sortir à condition qu'on fasse les vrais, grands et bons choix pour l'avenir de la France !
Et je vais, en quelques phrases, vous dire quels sont les vrais, grands et bons choix que je considère comme nécessaires pour notre pays.
Le premier, je l'ai évoqué devant vous en commençant. Question principale, question d'obsession familiale et d'obsession nationale : il nous faut recréer les emplois qui sont partis, les emplois qu'on a laissé disparaître, que les autres ont récupérés, nos voisins, nos voisins allemands, nos voisins suisses, nos voisins des Pays-Bas, nos voisins belges qui tous produisent, implantent des entreprises, exportent jusqu'à chez nous.
Nous allons à nouveau produire en France, produire chez nous et ce sera le premier point de mon programme.
Il faut mettre tout le monde au travail, les grandes entreprises, on a la chance d'avoir des grandes entreprises en France, avec beaucoup de brevets, beaucoup de processus de fabrication, de très importants réseaux de commercialisation. Eh bien, il faut qu'elles acceptent de travailler avec des moyennes et des petites entreprises pour que, dans chaque filière du pays, on se demande comment on peut regagner ce que l'on a perdu.
J'étais récemment à visiter des forestiers. La forêt française, c'est une des trois plus grandes forêts d'Europe. C'est 20% de surface en plus que la forêt allemande. Eh bien, dans ce pays qui a planté des forêts… parce que c'est notre État français au travers du temps, de la monarchie d'abord, et c'est l'héritier d'Henri IV et de Sully qui parle devant vous, j'accepte cet héritage, pas seulement pour labourages et pâturages, la manière qu'on avait à l'époque de dire « production en France » mais aussi parce que je considère comme un honneur d'être devant les Français et au sein du peuple français, le représentant de la famille politique qui a mis la réconciliation entre Français comme le sujet le plus important de tous ceux que nous avons à traiter pour nous redresser…
Eh bien, avec une surface de 20 % supérieure à la forêt allemande, nous avons moitié moins d'emplois dans la filière bois et dans la filière forêt que les Allemands. Nous en avons 400 000, ils en ont 800 000. Si nous avions le même nombre d'emplois par hectare de forêt, nous aurions un million d'emplois. Il nous manque 600 000 emplois !
Eh bien, nous allons proposer à tous les acteurs de cette filière de comprendre pourquoi les Allemands y arrivent avec le même coût du travail et la même monnaie et pourquoi nous, nous échouons, pourquoi nous ne replantons plus. Ils m'ont donné des chiffres extravagants : L'an dernier, on a replanté en France 40 millions d'arbres à peine. Les Allemands, avec 20% de forêt en moins, en ont replanté 450 millions et les Polonais en ont replanté 1 milliard. Et tous les jeunes qui sont là et qui s'intéressent à l'écologie savent qu'un arbre planté, c'est le meilleur moyen de capter le carbone qu'il y a dans l'atmosphère, de l'absorber. Ce sont des puits à carbone, c'est le meilleur moyen de lutter contre le réchauffement de la planète et contre la multiplication des gaz à effets de serre.
Et vous voyez que tout se tient, l'emploi, l'activité, la lutte écologique, tout se tient dans un pays vivant, dans un pays qui a envie d'avancer et qui se débarrasse -c'est nécessaire, je vous conjure de le croire- des habitudes de pensée dans lesquelles les partis au pouvoir depuis des décennies nous ont enfermés.
Ils pensent tous pareil parce qu'ils ont exercé le pouvoir, les uns après les autres, et l'appareil administratif du pays s'embauche alternativement chez les uns et chez les autres, ce sont les mêmes qui pensent, les mêmes qui appliquent les politiques. Je vous demande de réfléchir à cela. On a besoin de tourner la page et d'avoir une vision nouvelle.
J'étais cet après-midi à Grandville. Je parlais avec les pêcheurs de Grandville, vaillants, brillants, honnêtement, les représentants qui étaient là, le vice-président du comité des pêches qui était là, brillants, puissants. Il y avait des jeunes de 25 ans et ils disaient leur tristesse de ne jamais pouvoir se faire entendre d'aucune administration ni nationale ni européenne, d'avoir en face d'eux un mur qui se dresse et je sais pourquoi : les habitudes de pensée sont prises une fois pour toutes, les dossiers sont les mêmes, le pouvoir politique entre UMP et PS change, mais l'organisation administrative demeure exactement la même, les habitudes de pensée demeurent exactement les mêmes. C'est simplement, comme on dit dans les troupeaux, la transhumance : ils étaient d'un côté et ils passent de l'autre et les responsables politiques l'admettent.
J'ai été stupéfait. François Hollande, l'autre jour, a réuni des centaines d’experts de la haute administration, les mêmes qui étaient aux réunions de l'UMP cinq ans avant. Je dis cela sans vouloir en dire du mal, moi je dis cela, je ne dis rien et la vie privée ne nous regarde pas ! Mais enfin ! Il leur a dit cette phrase incroyable : "Je sais que beaucoup d'entre vous sont là pour avoir des postes et vous avez bien raison parce que des postes, il va y en avoir beaucoup."
Eh bien, ceci n'est pas ma vision de la République et de l’État en France et, toute ma vie, j'ai prouvé le contraire. J'ai dirigé le ministère de l’Éducation nationale qui ne passe pas pour un ministère dans lequel il n'y ait pas un certain nombre d'opinions politiques affirmées et généralisées, si vous voyez ce que je veux dire. Eh bien, je n'ai jamais tranché du destin professionnel d'un des fonctionnaires ou d'un des hauts fonctionnaires qui était là en réfléchissant à la carte de parti qu'il avait dans la poche. Je n'ai posé que la question de la compétence, que la question de l'expérience et que la question de la loyauté.
J'ai été l’ami et l'admirateur de Raymond Barre et Raymond Barre a fait sa campagne électorale en 1988 en disant qu'il serait le défenseur de l’État impartial, c'est-à-dire de l’État juste, de l’État qui ne s'accommode pas de ces dépendances-là, de ces soumissions-là. J'ai la fierté de dire la même chose encore aujourd'hui.
Quand François Hollande disait cela, c'est d'ailleurs la même phrase qu'il a prononcée en disant qu'il allait falloir changer beaucoup de gens qui étaient dans la haute administration, il ne change pas la manière de penser, il continue dans la même manière de penser de gens qui sont dans ce moule-là et qui s'accommodent d'avoir à faire allégeance à un pouvoir pour obtenir la carrière qu'ils souhaitent.
Je veux le contraire pour la France. Je veux des gens qui soient courageux, qui sachent dire non quand ils ne sont pas d'accord, qui parlent le langage de la vérité aux ministres qu'ils ont devant eux et je veux des gens qui respectent les hommes et femmes de terrain et non pas qui envisagent de les écraser sous les obligations administratives diverses et variées. Je veux que l'on comprenne et que l'on soutienne…
Et les pêcheurs que j'ai vus cet après-midi, leur désespoir est que personne ne peut les entendre. Par exemple, il y a une espèce de poisson qui est surabondant dans leurs zones et qu'on les empêche de pêcher parce qu'il y a, quelque part, une espèce qui lui ressemble et qui a été déclarée en danger. Ils n'arrivent pas à faire la différence entre les deux : les surabondants et les autres ! Qu'ils viennent, qu'ils demandent aux pêcheurs de les conduire sur les zones de pêche, qu'ils fassent vérifier par des scientifiques, que tout le monde comprenne que, dans notre pays, la pêche artisanale, ce n'est pas la même chose que la grosse pêche industrielle avec d'énormes bateaux et d'énormes filets, que l'une respecte la mer et respecte la ressource et fait vivre beaucoup plus de gens !
Ce que je propose devant vous, c'est un changement de mode de pensée au service de la réalité, de la production dans notre pays. C'est toutes ces mauvaises habitudes qui nous empêchent de jouer les cartes de la France.
Demandez aux artisans, demandez aux agriculteurs, demandez aux commerçants le nombre de paperasses absolument inutiles qu'on leur fait remplir tout le temps. Cela suffit ! On a besoin de soutenir l'activité du pays et pas de la contraindre et de l'arrêter et de l'écraser, comme on le fait depuis des décennies.
Je rencontrais des éleveurs, ils me disaient la terreur qui était la leur devant les contrôles. Vous parlez des trucages que l'on peut faire ! Les vaches ont deux oreillettes à chaque oreille avec un numéro minéralogique. Qui croit que l'on peut tricher avec le nombre de vaches et qui imagine que l'on peut tricher avec les récoltes, alors que le satellite photographie au décimètre près, dix centimètres, la totalité des surfaces avec une analyse en couleur qui permet de savoir ce qui est semé, ce qui pousse, ce qu'on va récolter sur le territoire français !
Arrêtez d'embêter les gens ! Remplissez les papiers vous-mêmes, puisque vous êtes l'administration.
Vous voyez, tout cela, c'est du concret, c'est la langue de la vie de tous les jours. Peut-être si j'ai une différence avec les autres, c'est que j'ai plus pratiqué la langue de la vie de tous les jours parce que la vie, c'est comme cela, quelquefois cela vous oblige à découvrir la réalité, même plus tôt et même plus douloureusement qu'on ne le voudrait. Parler la langue de la vie de tous les jours, la langue des gens, être capable de les écouter, de les entendre.
Les pêcheurs me disaient : "Vous êtes là depuis une heure et demie, vous nous écoutez, on peut parler avec vous. La haute administration et la commissaire européenne qui est venue nous voir, elle est restée un quart d'heure et elle nous a envoyés bouler."
Eh bien, moi, je veux qu'il y ait désormais en France un président de la République qui fasse respecter le droit des gens à être écoutés par ceux qui ont la charge de les gouverner et de les administrer. Le droit à être écouté et cela soutiendra, cela reconstituera la confiance du pays.
Produire chez nous avec un État qui soutienne au lieu d'un État qui embarrasse ou d'un État qui empêche ou d'un État qui met des obstacles.
La deuxième chose (…) c'est la chose principale. Je vous propose d'y consacrer les cinq années qui viennent. Toutes les forces du pays, toute la compréhension de gouvernants nouveaux, d'un président nouveau, d'un État nouveau. Toutes les forces dirigées vers cela, parce que si l’on ne rend pas l'emploi aux familles et aux jeunes et les ressources à notre pays, si l’on n'efface pas ce déficit du commerce extérieur dont je parlais, si l’on ne soulage pas le pays de son surendettement, on va y laisser la peau.
Cette année, la totalité de l'impôt sur le revenu payé par les Français ne suffira pas, et de loin, à payer les intérêts de la dette. La totalité de votre impôt, de notre impôt sur le revenu payé par la totalité des familles françaises ne suffira pas, et de loin, à payer les intérêts de la dette.
Et vous croyez qu'on va laisser le pays comme cela ?
Et ils nous disent que cela va bien ! Et Nicolas Sarkozy nous explique que la crise est derrière nous ! Et François Hollande dit qu'il va dépenser 30 milliards de plus par an et créer des dizaines de milliers de postes et des allocations et des milliards de ceci et des 120 000 de cela ! Ils sont irresponsables, ils ne voient pas l'état du pays et, surtout, ils ne voient pas le besoin de courage qui est celui des Français.
Pour autant que je connaisse de l'intérieur le peuple de France, il n’a besoin que d'une seule chose aujourd'hui : c'est de dirigeants courageux qui montrent à ce peuple le chemin du courage pour qu’il l'emprunte, parce que le courage, c'est en réalité, le plus grand optimisme, l'effort, c'est l'espoir.
Si on sait où l'on va, alors c'est bien de prendre le chemin. On sait que, pendant un an, pendant deux ans, on va consentir les efforts nécessaires et après l'horizon s'ouvrira. C'est de cela que les Français ont besoin. C'est de cela que les familles ont besoin. C'est pour cela qu'elles se désespèrent.
Une de mes amies me disait : "C'est épouvantable, vous ne vous rendez pas compte, on ne sait même pas de quoi parle la campagne électorale. Ils échangent des injures d'un côté, de l'autre... Il n'y a pas un Français qui puisse savoir quel est le sujet."
Je vous donne le sujet : choisir ce chemin-là pour que de nouveau notre pays se rééquilibre. Autrement, le modèle social français va exploser parce qu'on ne pourra pas le financer. Ni les retraites, ni la sécu ni les allocations familiales, ni les salaires des fonctionnaires.
Regardez autour de nous :
Grèce. Je suis très inquiet pour la Grèce, je dis cela au passage. Je l'ai dit depuis le premier jour, je trouve que les décisions qui ont été prises pour acculer ce pays, je dis cela avec crainte, je ne vois pas comment elles pourraient porter de bons fruits. Vous avez vu ce retraité qui s'est suicidé devant le Parlement hier... Cela serre le cœur de tous les Grecs et, à mon avis, de tous les Européens. J'aurais préféré qu'on leur fasse un plan raisonnable, de 30 ans, en les aidant à financer leur dette pendant cette période à des taux d'intérêt raisonnables avec un plan de réforme digérable. Les dirigeants européens et particulièrement Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont pris une autre décision. J'ai dit depuis le premier jour mon inquiétude sur ce sujet.
La Grèce. L'Espagne. Et ne vous trompez pas, l'Espagne, il y a 20% de dette de moins que nous. Alors, leur équilibre n'est pas le même. Mais tous ces pays-là ont coupé dans leur modèle social, et ce n'était pas le nôtre… Nous, nous avons le plus haut standard, le plus cher standard.
Je vous dis cela, je l'ai déjà dit au cours de cette heure, c'est une affaire cruciale : c'est le dernier moment où nous pouvons redresser les choses par la volonté du peuple.
Après, si le peuple français était égaré par toute cette campagne qui n'a pas de sens, et pas de vérité, et pas de sujet réel, si le peuple français était égaré, après, cela se ferait sous la contrainte. Et je n'ai pas envie de voir cela dans mon pays. Je me suis battu toute ma vie pour empêcher de voir cela. Depuis dix ans.
Et donc le modèle social français, le modèle républicain, le modèle de service public qui est le nôtre, c'est ce qui est le plus en danger dans les semaines que nous vivons devant cette légèreté.
Donc voilà le premier sujet : reconstruire la force de production de la France pour avoir des emplois et des ressources. Cela, c'est un sujet.
Je vous donne le deuxième, je n'ai pas le temps de m'y attarder : on doit reconstruire l'Éducation nationale française.
Ne croyez pas que je dise cela par préférence, par marotte personnelle. Bien sûr, j'aime l'éducation. J'en ai fait mon métier, plusieurs de mes enfants en ont fait leur métier. L'école m'a tout apporté comme un enfant de paysans des Pyrénées, boursier de la République, tout ce que vous savez d'une histoire d'homme qui est là même que l'histoire de dizaine et de dizaine parmi vous. Donc, je dois tout à l'école.
J'ai été, je sais que c'est une espèce absolument rare, un ministre de l'Education heureux -et bien des enseignants français s'en souviennent- ce qui pour quelqu'un qui était du bord où j'étais réputé être à l'époque n'était pas absolument évident, parce que, à l'Éducation nationale, il est plus facile d'être de gauche que de ne pas l'être, comme vous savez…
Mais on ne peut pas laisser l'école, le collège, le lycée et l'université en l'état où ils se trouvent aujourd'hui. C'est impossible ! Je dis cela avec le soutien absolu que j'apporte aux enseignants. Mais on ne peut pas accepter qu'il y ait 20 % des enfants qui rentrent en sixième sans savoir lire. C'est impossible !
Et je dis cela tout bas, 30% des garçons ! On ne peut pas accepter que dans un pays comme le nôtre, un garçon sur trois rentrant en sixième ne sache pas lire… Parce que, après, vous entrez en sixième, vous montez de classe en classe, mais vous n'arrivez pas à suivre, sauf exception. Vous ne rattrapez pas le retard. C'est donc une relégation déguisée. Ça aussi, c'est de la non-assistance à enfant en danger.
Et donc je vous dis, je fixe comme objectif absolu l'Éducation nationale, en protégeant ses moyens, en lui garantissant, non pas que l'on va recréer 60 000 postes… c'est une blague et c'est un mensonge qu'on profère devant la nation. Ce n'est pas vrai, il n'y aura pas les moyens. Et quand bien même il y aurait les moyens, où trouveriez-vous les enseignants ? Il n'y a plus de candidats aux concours tellement on les a mal traités ces dernières années.
L'an dernier, alors que l’on en était au un sur deux de remplacement des enseignants partant à la retraite, il y avait 16 000 enseignants de l'enseignement secondaire qui partaient en retraite. On a donc mis au concours 8 000 postes. Sur ces 8 000, 1 000 n'ont pas pu être affectés faute de candidats au niveau !
Alors, qu’est-ce qu'on vient nous raconter ? Qu'on va en recruter 12 000 de plus ? 20 000 au lieu de 8 000 ? Où va-t-on les trouver ? Cela aussi, c'est une escroquerie de plus !
Moi qui veux que l'on dise la vérité au pays pour qu’il s'en sorte, je dis que l'on va protéger les moyens, mais que l'on va en même temps faire un contrat absolu, vérifiable par tous les Français qui fait que, dans les cinq années qui viennent, l'école française doit redevenir ce qu'elle n'aurait jamais dû cessé d'être : l'une des meilleures écoles au monde.
Et c'est possible, et j'en apporte la preuve, nous sommes effondrés dans les profondeurs du classement. J'ai quitté le ministère de l'éducation il y a 15 ans. Depuis la France a reculé de 15 places dans le classement des nations. Elle se trouve aujourd'hui en compréhension de l'écrit sur les 35 pays développés 24ème, en calcul 25ème et, écoutez bien, en inégalités scolaires, 34ème !
Je dis que ceci est purement et simplement indigne de notre pays, que moralement nous ne pouvons pas l'accepter et que, pour notre avenir, c'est un devoir absolu d'y porter remède et de ne plus accepter une seule fois que la France soit ainsi reléguée dans les profondeurs du classement. Et