"Nos institutions seront puissantes, le jour où elles représenteront la diversité des Français"
François Bayrou a appelé à "changer les structures politiques du pays", jeudi sur le plateau du Talk Orange Le Figaro. "Tant que la moitié des Français ne sera pas représentée à l'Assemblée, les débats resteront sans puissance", a-t-il prévenu.
Yves Thréard - Les opposants au mariage homosexuel doivent-ils arrêter leurs manifestations ?
François Bayrou – Le droit de manifestation est un droit constitutionnel. Se faire entendre, c’est un droit qu’on ne peut enlever à personne. Ce qui est inquiétant, c’est la dégradation du climat, la montée d’affrontements très importants. Je crois que l’accélération du calendrier par le Président de la République risque de faire boomerang.
Y a-t-il oui ou non un climat pré-insurrectionnel en France aujourd’hui ?
Insurrectionnel, c’est trop dire. Mais il y a un climat très inquiétant.
François Hollande court-il à l’échec ?
Si François Hollande ne prend pas les responsabilités qui devraient être celles d’un Président de la République, et qui sont très différentes de celles d’un premier secrétaire du Parti Socialiste, en effet il ne résoudra pas les difficultés. La réponse lui appartient.
Une question que nous posons à nos internautes et que je vous pose également : souhaitez-vous que Nicolas Sarkozy revienne ? Ça ne manque pas de sel, tout de même…
Nicolas Sarkozy est évidemment dans cette idée, mais la question qui se pose à lui et à ceux qui l’entourent, c’est de se demander quel est son bilan. Nous voyons sortir aujourd’hui des affaires, je pense à l’affaire Tapie qui a été pour moi un des éléments les plus inquiétants de son quinquennat.
À propos de l’affaire Tapie, vous aviez été un des premiers à la dénoncer, aujourd’hui nous apprenons que Mme Lagarde, qui est la patronne du FMI, va être entendue par la Cour de justice de la République. Si jamais elle mise en examen, elle ne peut plus être directrice générale du FMI ?
En tout cas, c’est très problématique, parce que l’accusation que porte la Cour de justice de la République, je ne sais pas quelles sont les décisions prises, c’est "complicité de détournements d’argent public". Je me suis battu pendant des années sur ce sujet, on a installé au cœur de l’Etat un système qui est un système pour spolier le contribuable et la Nation au bénéfice d’une opération d’une personne privée. Et c’est l’Etat qui l’a fait. Cela pose des questions très importantes.
Au micro de France Info ce matin, Valérie Pécresse a dit : "Le gouvernement, à aucun moment, n’a eu le moindre geste d’apaisement et de pacification sur ce texte, et en accélérant le calendrier, il provoque évidemment la crispation. Donc cela aurait valu que François Hollande écoute, fasse des gestes, qu’il cherche le consensus. Il n’a jamais, à aucun moment, voulu tendre la main." A-t-elle raison ? Il n’a jamais voulu tendre la main ?
Il a voulu faire de ce sujet un sujet emblématique de la gauche au pouvoir.
Un sujet de division aussi ?
C’est un sujet de division et d’affrontement. Vous connaissez ma position sur ce sujet. Je pense que dans un pays en crise, dans un pays qui a besoin de vivre les changements si importants que nous avons à vivre, la confrontation, la montée des tensions entre Français est un élément extrêmement négatif.
Vous n’excluez pas que cela finisse mal puisque vous avez dit tout à l’heure que François Hollande court à l’échec ? Ou qu’il peut courir à l’échec.
C’est très bien que vous essayiez de trouver des formules, mais j’essaie de choisir mes mots. Je n’ai jamais utilisé ce mot là, j’ai dit que s’il n’y avait pas de prise en compte par le Président de la République des nécessités qui sont devant nous, en effet les risques ne pas répondre aux questions seraient très grands.
Vous avez écouté Arnaud Montebourg ce matin chez Jean-Michel Aphatie ?
Non.
Il a parlé de Petroplus, cette raffinerie dont François Hollande et Arnaud Montebourg pendant la campagne disait qu’elle ne fermerait jamais avec eux. Aujourd’hui, elle ferme, décision du tribunal de commerce. Et Arnaud Montebourg dit ce matin : "L’Etat peut beaucoup, mais il ne peut pas faire de miracle". Est-ce que le problème dans ce pays ce n’est pas le mensonge ? On dit des choses et on ne les tient pas.
M. Thréard, je viens d’écrire un livre qui est sorti il y a quatre semaines en librairie et qui s’appelle De la vérité en politique. La thèse de ce livre est celle-ci : il est impossible de conduire les réformes nécessaires dans un pays comme le nôtre si ces réformes n’ont pas été présentées avec vérité et authenticité dans le contrat de gouvernement qui est signé avec les Français.
Personne ne l’a fait ?
Non, personne ne l’a fait. Il suffit de prendre, c’est dérisoire aujourd’hui, les chiffres de la croissance annoncés par Hollande et par Sarkozy. Les chiffres de François Hollande étaient de 1,7% et ceux de Nicolas Sarkozy de 2%. Les uns et les autres disaient qu’on ne créerait pas d’impôts, que les économies étaient derrière nous… Tout cela était une vaste illusion présentée aux Français. Donc, ce n’est pas étonnant qu’on ne puisse pas entrainer un pays à ses réformes lorsqu’on ne lui a pas dit la vérité. C’est désormais la vérité qui est la clef de tout redressement du pays.
Justement, nous sommes un an après le premier tour de la présidentielle de 2012 et il y a un sondage Ifop-Fiducial pour Europe 1 qui a été réalisé. Ce sondage nous dit que si les Français devaient voter dimanche, les scores seraient : 30% pour Nicolas Sarkozy, 22% pour François Hollande et Marine Le Pen, 11% pour Jean-Luc Mélenchon, et 10% pour vous. Ce qui veut dire, à peu près, le score que vous avez fait à 1% près. Un peu mieux que ce que vous avez fait l’année dernière.
Ce sont des sondages…
Oui c’est un sondage. Mais qu’est-ce que cela vous inspire ?
D’abord, c’est une bonne base. Cela prouve qu’il y a un courant important et solide autour des idées que je défends et dont vous voyez à quel point aujourd’hui elles se réalisent sous nos yeux. Le scénario, ligne à ligne. Ce courant est un des seuls, je crois même le seul, autour duquel puisse se construire le nouveau paysage politique dont la France a besoin. L’affrontement droite-gauche dans lequel nous avons vécu…
Il est obsolète pour vous ?
Comme vous le voyez, il explose de partout. On ne peut pas construire la politique dont le pays a besoin si on ne change pas les structures politiques du pays. Cette Assemblée représente à peine un Français sur deux…
Vous voulez en réduire le nombre de députés ?
Si vous faites le bilan des scores que vous venez de dire, PS et UMP font 50%. Les cinquante autres, ils n’ont pas le droit d’être représentés ? Les 20% de l’extrême-droite, les 10% de l’extrême-gauche, les 10% du centre ? Ils n’ont pas le droit, ce ne sont pas des citoyens comme les autres ? Ce sont des sous-citoyens français ? Tant qu’on ne leur donnera pas la représentation à laquelle ils ont droit, les débats de l’Assemblée Nationale ou du Sénat qu’on montrera à la télévision seront des débats sans puissance, sans force, un théâtre d’ombres.
François Bayrou, vous nous dites qu’il n’y a plus de droite et plus de gauche.
Non, je n’ai pas dit cela.
Vous n’avez pas dit ça, vous avez dit qu’il faut se rassembler.
Je dis qu’il y a deux droites, deux gauches, et un centre.
Un centre, effectivement. Est-ce François Bayrou peut-être le Premier ministre de François Hollande ?
L’idée que je mènerais ce combat depuis des années pour trouver un moyen de me rallier, pour trouver une place, un poste, une responsabilité, des galons et des chapeaux à plumes, vous pouvez la remballer.
Vous ne serez jamais Premier ministre de François Hollande ?
Je n’ai pas donné ma vie pour me travestir. Je dis que la France a besoin de changer profondément son organisation politique et sa politique économique et sociale. Ces changements constituent l’horizon d’une nouvelle époque politique pour notre pays. C’est dans cette nouvelle époque qu’il faut entrer.
Mais, si jamais François Hollande était contraint de changer complètement la donne, et de se recentrer par exemple, est-ce que François Bayrou pourrait être l’homme providentiel à Matignon ?
Avec des si, on mettrait Paris en bouteille. Je vous dis que je servirai de toutes mes forces les orientations que je trouverai justes pour notre pays. Pour l’instant ces orientations n’y sont pas.
Donc nous pourrions imaginer François Hollande à l’Elysée et François Bayrou à Matignon, mais avec des conditions ?
Je ne le ferai pas pour un poste, une responsabilité, pour me rallier. Comprenez-moi bien, je veux changer la politique de mon pays pour que mon pays se sauve. Ce dont nous sommes menacés, je ne sais pas si ceux qui nous écoutent pensent la même chose, c’est d’un effondrement intérieur de la France. D’une implosion et d’une explosion.
Donc, pour cela, il faut une espèce d’union nationale ?
L’union nationale est secondaire. La question c’est : quelle politique veut-on suivre ? Si vous voulez suivre la politique au fil de l’eau que nous avons depuis quinze ans en France, continuez comme cela et vous allez voir où vous allez finir. Moi, en tout cas, je n’en serai pas.