"Maintenant, François Hollande doit passer des intentions aux actes"

Marielle de Sarnez était mardi soir l'invitée de PPDA sur Radio Classique, pour réagir à la conférence de presse du président de la République. Elle appelle à ce que "le tournant dans les mots" se traduise par "un tournant dans les actes".
Le congrès du Mouvement Démocrate se tiendra le samedi 18 janvier à Paris. Pensez à vous inscrire !
PPDA - Quelle est votre impression sur la conférence de presse de François Hollande ?
Marielle de Sarnez - En venant à votre émission, je me remémorais la chanson de Barbara : "Le temps qui passe ne se rattrape guère, le temps perdu ne se rattrape plus". Je pensais vraiment à cela en écoutant François Hollande ce soir.
Vous pensez qu'il a raté son début de quinquennat ?
Quel gâchis ! Il se dit aujourd'hui social-démocrate, il nous dit qu'il faut réduire les déficits, qu'il faut faire des réformes structurelles, qu'il faut privilégier la production. Vous vous rendez compte ? Dix-huit mois de perdus. Que n'a-t-il assumé cette ligne là dès le début, dès les premiers jours ? Ne l'assumant pas, il a dit aux Français que nous allions nous en sortir sans faire aucune réforme, aucun effort, que la croissance allait arriver, que les questions et les problèmes allaient trouver des réponses tous seuls.
Il a tout de même avancé des chiffres, notamment sur la réduction des déficits...
Depuis dix-huit mois, j'aurais aimé que François Hollande prenne à bras le corps les problèmes du pays. Nous ne les avions pas sous-estimés, avec François Bayrou pendant la dernière élection présidentielle. À force de raconter que les difficultés ne sont pas là, on ne prépare pas les peuples aux efforts qui sont parfois difficiles mais auxquels il faut pourtant consentir.
Il y a dix-huit mois, François Bayrou avait appelé à l'élection de François Hollande. Vous le regrettez ?
Il pensait qu'il fallait un changement. Il ne faut jamais rien regretter. Je ne regrette qu'une chose : que François Hollande n'ait pas, au lendemain de son élection, mis à crédit cette élection pour réformer, pour avancer, pour redresser le pays. Nous n'aurions pas eu, dix-huit mois après, un président qui au cours de ces vœux nous disait lui-même avoir sous-estimé la situation et la crise économique. Dix-huit mois ça fait beaucoup. Alors, oui je me retrouve dans les intentions annoncées aujourd'hui par François Hollande : réduire les déficits, faire des réformes structurelles, soutenir la production, réduire le nombre de régions. C'est très bien. On peut même aller plus loin, fusionner les départements et les régions, réduire le nombre de parlementaires. Il y a de nombreuses réformes à faire pour montrer que le pouvoir politique aussi prend sa part dans les réformes qui sont en cours. On sait bien qu'il faut réformer l'État et les collectivités locales, regarder tout notre système de protection et en particulier notre dépense publique. Cela ne peut pas se faire dans la situation politique dans laquelle on est : droite contre gauche, avec une gauche qui a cru aux promesses de François Hollande, c'est-à-dire que les choses se règleraient d'elles-mêmes.
Dans la mesure où l'extrême-gauche va se détacher de lui, qu'elle va hurler, n'est-ce pas le moment de venir donner un coup de main à François Hollande, pour le recentrer ?
Puis-je dire quelque chose avant ? Je suis du Centre et j'ai envie que mon pays se redresse, que ça marche. Je ne suis pas dans une opposition qui espère que l'on va se planter demain. C'est absolument une certitude. Ce qu'il faut maintenant, c'est que François Hollande sorte des mots et des discours et qu'il pose des actes. J'ai entendu qu'il allait s'entourer d'un certain nombre de comités pour regarder notamment la question de la dépense publique. Il y aura des réformes difficiles à faire et il faudra qu'il les assume. S'il les fait, si les actes sont là, qu'ils vont dans le bon sens, nous les soutiendrons. Mais il faut que cela se fasse ! Il y a deux choses que les Français ne supportent plus : d'abord qu'on leur raconte des histoires, puis qu'on parle mais qu'on n'agisse pas. Maintenant, il faut que les choses se fassent.
Votre ami Jean-Louis Borloo se dit prêt à soutenir ce pacte de responsabilité de François Hollande, s'il est concret. Il reste trois ans et demi de quinquennat. Vous pouvez l'aider à réussir ?
Je viens de vous le dire. S'il agit dans le bon sens, pour l'intérêt général du pays, s'il a le courage de proposer un certain nombre de réformes, je considère qu'il faudra que le Centre soit aux côtés de cette possibilité de redressement du pays. Avec nos exigences. Si cela va dans la bonne direction, je l'approuverais. Mais j'attends des actes, c'est cela qui est très important. Je ne veux pas juger sur des paroles, je ne veux plus juger sur des discours. D'ailleurs, les Français ne veulent plus juger sur des discours. Qu'il propose à l'ensemble des formations politiques de regarder avec lui quelles réformes pourraient faire consensus, quelles réformes seraient indispensables. Est-ce qu'on pourrait imaginer de fusionner nos départements et nos régions ? De supprimer un échelon territorial ? De réduire notre nombre d'élus, notamment de parlementaires ? Moi, je signe dès demain s'il met ce type de propositions sur la table.
Et vous pensez qu'il n'ira pas jusqu'au bout ? Qu'il est plutôt dans la posture ?
Je souhaite qu'il aille jusqu'au bout. Simplement, la manière dont il a gouverné depuis dix-huit mois me laisse un petit peu sceptique.
On sent que vous avez eu l'espoir qu'il aille voir du côté du Centre et qu'il appelle François Bayrou à Matignon...
Ce n'était pas ça le sujet. Le sujet c'était le pays. François Bayrou a fait toute sa campagne présidentielle sur les difficultés du pays et les réformes importantes, pas forcément faciles, pas forcément populaires, qu'il fallait mettre en oeuvre. Si François Hollande avait eu ce courage là dès le lendemain de son élection, nous l'aurions aidé et soutenu. Ce que Gerard Schröder a fait en Allemagne, il y a presque dix ans, c'était avec l'ensemble des formations politiques du champ démocratique allemand. C'est pourquoi l'Allemagne est un pays qui, aujourd'hui, se porte formidablement bien. Je ne crois pas que l'on réussira les réformes dans le pays sans un président qui aura le courage et la volonté des les mener, et une classe politique qui devra être, dans son ensemble, associée à ces réformes.
Vous êtes candidate aux prochaines municipales à Paris. On disait que la campagne de NKM patinait. Un sondage a redonné espoir. Vous pensez que c'est encore jouable ?
Il y a eu un bon sondage qui a montré que le rassemblement que nous avons voulu, avec Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet, commence à porter ses fruits. Je suis heureuse de faire campagne avec NKM. Je trouve que c'est une personnalité attachante et qu'elle sera un très grand maire de Paris si nous réussissons dans cette campagne à convaincre les Parisiens de voter pour le renouvellement. Elle porte l'idée que l'on n'a pas seulement besoin de remplacer une équipe par une autre, mais de changer aussi les habitudes, d'avoir une vie et une gouvernance parisiennes qui soient moins partisanes, moins clivantes. Le Maire de Paris doit être le Maire de tous les Parisiens, quels que soient leurs sensibilités.
Dans son entourage, un certain nombre de barons de l'UMP ont tordu le nez car ils trouvaient que NKM faisait une part un peu trop belle aux centristes.
Je ne peux pas croire une chose pareille. Tous ces barons savent que la condition du succès, c'est le rassemblement. Ils l'ont vu aux dernières élections.