Loi Valls : "Des mesures justes pour les communes, mais un mode de scrutin départemental inapproprié"

Alors que l'Assemblée nationale entame ses débats sur la réforme des modes de scrutin et du calendrier électoral, Jacqueline Gourault revient sur les enjeux du texte de loi et les raisons de son abstention lors de son vote au Sénat.
Quelles modifications apporte la loi Valls pour les communes ?
Jacqueline Gourault - Elle propose de flécher les délégués communautaires sur les listes présentées aux élections municipales. Cela permettrait aux citoyens de connaître, avant de voter, qui des candidats seront amenés à siéger au conseil communautaire. Ce principe, qui avait été acté dans la loi de réforme des collectivités territoriales de décembre 2012, garantie une plus grande lisibilité aux habitants, sachant qu'ils n'ont pas de prise sur le choix des délégués.
Pourquoi ne pas élire directement les délégués communautaires au suffrage universel direct ?
L'élection au suffrage universel direct est une idée, mais peut-être est-elle un peu en avance sur son temps. Les élus ne sont pas encore prêts à ça, car cela signifierait d'une certaine manière que les communes deviendraient des quartiers des intercommunalités. Le fléchage, c'est un bon compromis, une étape indispensable.
Qu'en est-il des petites communes, qui ne pratiquent pas le scrutin de liste mais le panachage ?
Le scrutin de liste serait désormais obligatoire dans toutes les villes de plus de 1.000 habitants, contre 3.500 habitants aujourd'hui. En dessous de ce seuil, nous garderions le panachage et donc la libre désignation par le Conseil municipal des délégués intercommunaux. Étendre le scrutin de liste à un autre impact : l'amélioration de la parité. Dans toutes les villes de plus de 1.000 habitants, vous auriez obligation de construire des listes paritaires et d'avoir des exécutifs paritaires.
Les vocations municipales sont parfois rares dans les petites communes. La parité ne risque-t-elle pas de compliquer les candidatures ?
Non, d'autant plus que le Sénat et l'Assemblée nationale ont diminué le nombre de conseillers municipaux dans chaque strate. Par exemple, les plus petites communes n'auront plus neuf conseillers, mais sept. Cette réduction se justifie par le fait que toutes les communes seront en intercommunalités et transférerons des compétences. La charge de travail s'en trouve réduite d'autant, ce qui était fait à neuf pourra à présent l'être à sept.
Bien que vous souteniez ces mesures, vous vous êtes abstenue lors du vote du projet de loi, pourquoi ?
J'ai voté tous les articles sur le scrutin communal et intercommunal. Mais le projet de loi comporte un second bloc, qui fait davantage polémique : le nouveau mode de scrutin départemental. Le Conseil constitutionnel nous oblige à revoir le découpage des cantons, qui est aujourd'hui trop inégal. Or, le gouvernement s'est dit : "Nous allons profiter de cette occasion pour faire la parité". Pour cela, il propose de diviser par deux le nombre de cantons, mais de maintenir le même nombre de conseillers généraux, et transforme le scrutin uninominal en scrutin binominal, avec chaque fois un tandem d'un homme et d'une femme. L'inconvénient majeur de ce mode de scrutin, surtout en milieu rural, serait d'avoir des cantons beaucoup plus grands. Dans la tradition française, le conseiller général a toujours été un élu de proximité. Avec ce redécoupage, il s'éloignerait considérablement du terrain.
Quel mode de scrutin préféreriez-vous ?
Un scrutin de liste à la proportionnelle et par arrondissements, qui est l'une des subdivisions administratives du département. Nous répartissions dans chaque arrondissement le nombre adéquat de conseillers généraux. Nous avions la parité et le pluralisme. Mais les deux grands partis ont freiné des quatre fers contre un tel système : ils savent bien que le scrutin uninominal à deux tours leur est bien plus favorable.