"Le seul vrai combat politique international, c'est la taxe sur les transactions financières !"

Philippe Douste-Blazy était l'invité de Public Sénat, vendredi 30 novembre. Le secrétaire général adjoint de l'ONU, proche de François Bayrou, a défendu la taxe sur les transactions financières comme le « premier mécanisme mondial de solidarité ».
Aux yeux de l'ancien ministre des Affaires étrangères, « le drame, c'est que l'occident n'a pas compris la nature de la crise ». « Le capitalisme social a été remplacé par le capitalisme financier. Ce n'est plus l'homme, mais l'argent, qui est au cœur du capitalisme. Rien n'a changé depuis Lehman Brothers, tout continue de la même manière. Cela entraine une globalisation où les pauvres sont toujours aussi pauvres et où les très riches sont toujours immensément riches », a-t-il déploré en début d'émission.
C'est pourquoi « le vrai combat politique aujourd'hui, c'est si oui ou non nous mettons en place une taxe sur les transactions financières, même microscopique ». « Si tous les pays du monde taxent seulement de 0,01 pour cent tous leurs produits dérivés et que la moitié de cela est affecté aux biens publics mondiaux, nous règlerons l'accès à l'eau, à la nourriture, à la santé et à l'éducation, nous changeront réellement le monde » a-t-il prôné avec conviction.
« La France est au cœur de ces sujets, car Nicolas Sarkozy avant de partir avait mis en place une taxe sur les transactions financières, que François Hollande a multiplié par deux à son arrivée », a-t-il rappelé. Mais cette mesure tarde à être suivie par nos homologues européens. « Je crois toutefois que, un à un, tous les pays occidentaux vont mettre en place cette taxe sur les transactions financières. Il y a dix ans, tout le monde me disait : 'Vous êtes cardiologue, pas économiste, vous devez comprendre que ce n'est pas possible'. Aujourd'hui, les mêmes me disent : on va le faire. Mme Merkel va la mettre en place d'ici un an en Allemagne, M. Monti la semaine prochaine en Italie. Au-delà de soigner le sida, le paludisme ou la tuberculose, vous pouvez ainsi créer le premier mécanisme mondial de solidarité », a détaillé ce proche de François Bayrou.
L'ancien ministre de la Santé a rappelé le mécanisme mis en place par la France : « C'est 0,01 pour cent des produits dérivés et 0,02 pour cent des actions et des obligations. C'est en fonction et ça rapporte de l'argent depuis le 1er août. La question est de savoir si cet argent va permettre d'aider les pauvres en France et dans le monde, ou si on l'affecte au budget de l'État pour mieux retarder les réformes nécessaires ? Pour l'instant, 90 pour cent de cette taxe vont à Bercy et 10 pour cent vont aux pays les plus pauvres. C'est terrible car la faire abonder au budget de l'État, n'en était pas l'objet. Mais c'est un début : si tous les pays du monde donnent 10 pour cent de cette taxe, on règle les problèmes des famines et de l'eau potable », a-t-il détaillé.
« Un enfant meurt toutes les trois secondes dans le monde, d'une maladie évitable et curable. Si nous ne le faisons pas pour des raisons éthiques et morales, faisons-le au moins pour des raisons politiques ! Croyez-vous que 1,5 milliards de gens qui n'ont rien et accès à rien, vont rester pendant tout le 21e siècle à regarder la différence entre notre style de vie et le leur ? Bien sûr que non ! », a-il averti.
Interrogé sur la responsabilité des laboratoires occidentaux dans la mise à disposition tardive des médicaments à bas prix, le secrétaire général adjoint de l'ONU a jugé « qu'on ne pouvait pas leur reprocher ». « Cela peut être choquant, mais ils sont comme toute compagnie privée : leur objectif est de faire du profit », a-t-il souligné avec pragmatisme. « Le sujet, c'est les hommes politiques et les citoyens. Nous ne pouvons pas accepter, quand il y a un progrès ou une découverte, qu'elle nous soit disponible en pharmacie tandis qu'elle n'est autorisée que dix ans plus tard à Bamako. À Unitaid, nous sommes en train de faire en sorte que la propriété intellectuelle des nouveaux brevets puisse être non seulement pour les pays riches mais aussi pour les pays pauvres, au même moment. Car un être humain est sacré, où qu'il vive dans le monde », a martelé le soutien du candidat centriste à la présidentielle.
Alors que Guillaume Durand lui demandait s'il ne regrettait pas la politique nationale, Philippe Douste-Blazy n'a pas hésité un instant : « J'ai été une caricature d'homme politique un moment donné. Je venais dans les émissions du matin vous expliquer ce que je n'avais pas encore fait. Aujourd'hui, je me consacre à ce qui me paraît être le premier sujet du monde. Lula disait que la seule arme nucléaire, c'est la faim dans le monde aujourd'hui. Je préfère donc travailler tranquillement et ne venir vous voir qu'avec des résultats ».