« Le président de la République a eu des mots justes et forts. »

Marielle de Sarnez, présidente de la commission des Affaires étrangères à l'Assemblée nationale, et première vice-présidente du Mouvement Démocrate, était l'invitée de la matinale de Public Sénat, ce mercredi 17 avril.


Voici la retranscription de l'émission :

Marielle de Sarnez, bonjour et merci d’être avec nous ce matin. Vous êtes présidente de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, et vous êtes vice-présidente du MoDem. Marielle de Sarnez, on va revenir sur ce qu’a dit le président de la République hier soir dans son allocution télévisée : « il nous revient de retrouver le fil de notre projet national ». Est-ce que vous y avez vu, comme moi, comme nous tous, un message sous-jacent qui concernerait la crise que la France traverse depuis 23 semaines maintenant ?

C’est vrai que la France est un peuple de bâtisseurs, et de constructeurs. Et c’est vrai qu’on est dans un moment tragique. On a tous vécu cette nuit du 15 avril qui restera dans nos mémoires pour toujours. On a tous eu une émotion absolument incroyable devant ces images terribles. Et le lendemain, nous dire qu’on va rebâtir, qu’on va reconstruire, et qu’on va le faire vite, parce que c’est notre histoire, c’est notre responsabilité, c’est là d’où on vient, oui, c’est quelque chose qui est puissant, qui est fort, qui est inspirant. En tout cas, moi, je le prends comme tel. Et qui concerne ce peuple que nous aimons, notre peuple, la France. Et moi j’ai eu dans mes fonctions de présidente de la commission des Affaires étrangères, hier, des témoignages toute la journée, extrêmement émouvants, de représentants de grands pays que j’ai reçus. Des messages écrits… Il y a des gens m’ont dit on a pleuré devant ces images. Et qui me disent notre peuple est à votre côté, ce que vous vivez nous l’avons ressenti, nous le ressentons profondément.

Ça a déjà été le cas lors des attentats, ces marques de soutien à l’international.

Oui, bien sûr, et heureusement. Pour moi il n’y a pas de comparaison, mais ce qui s’est passé lundi, c’est quelque chose qui nous a bouleversés au plus profond de nous-mêmes. Chacun d’entre nous, nous avons été bouleversés. Et je trouve que le président de la République a eu les mots extrêmement justes, et forts, hier soir. Oui, ça va être le temps de rebâtir. Oui, nous sommes un peuple de bâtisseurs, il ne faut jamais l’oublier. Et ce drame est là pour qu’on ne l’oublie pas, jamais. 

Est-ce qu’il n’y a pas quand même une contradiction dans le discours d’Emmanuel Macron hier ? Il a fustigé l’impatience, et en même temps il a dit qu’il fallait reconstruire vite cette cathédrale qui est le symbole du temps long.

Il n’a pas fustigé l’impatience. Il a dit il y a un temps long, moi je me préoccupe du temps long, et évidemment il faut être des bâtisseurs, et les réponses – on parle du Grand débat – viendront au Grand débat. Je pense qu’il s’exprimera la semaine prochaine, et il est évident que dans ces quelques jours qui ont suivi ce que nous avons tous vécu ensemble comme une émotion collective, française et pas seulement française, c’est ça qui est très touchant, et pas seulement des chrétiens. Il faut le temps de cette émotion, il faut le temps des décisions pour rebâtir. J’ai été heureuse de l’entendre fixer cet horizon de cinq ans, parce que toute la journée on avait entendu des gens dire ça va prendre dix ans, vingt ans, trente ans… et là du coup on baisse les bras, on se résigne, et je pense que la France ne doit pas se résigner.

De nombreux dons ont afflué hier, les familles Arnault, Pinault, Bettencourt, mais aussi de nombreux Français, de nombreuses collectivités. Hier Emmanuel Macron n’a pas dit un mot du financement. Est-ce que pour vous il aurait dû annoncer une contribution exceptionnelle de l’État ?

Je pense que ça va être à l’ordre du jour du Conseil des ministres de ce matin. Je suis même absolument sûre que cette question va être abordée, je pense qu’ils vont probablement lancer une souscription nationale ou quelque chose comme ça. Tout le monde a envie de participer. Chacun a envie de participer. Moi, je crois que l’État doit prendre en charge cette rénovation, cette réhabilitation. C’est à l’État de rebâtir avec tous ces formidables artisans, ces savoir-faire français, que nous avons, qui doivent être absolument mobilisés.

C’est à l’État d’être le donneur d’ordre, est-ce qu’il doit participer financièrement d’une manière ou d’une autre ?

Il participera, puisque quand vous faites des dons, c’est fiscalisé pour une partie, et donc c’est l’État qui participe de cette façon-là. Puisque c’est une rentrée fiscale qui est moindre.

Il y a tout un débat sur les exonérations fiscales. Est-ce qu’on peut aller plus loin ?

Je trouve que la loi actuelle est parfaitement suffisante, aller plus loin ne me semble absolument pas raisonnable.

C’est vrai qu’on est un des seuls pays du monde où c’est à ce point-là, l’exonération.

Oui, elle est très forte, c’est une exonération très incitative donc l’État va avoir un coût à régler, puisqu’il va y avoir une partie de défiscalisation, donc de rentrées fiscales moindres qui se font.

C’est seulement 300 millions par an, le budget consacré au patrimoine. Est-ce qu’il faut l’augmenter ?

On a devant nous Notre-Dame à reconstruire. Concentrons-nous sur la reconstruction. Je suis absolument convaincue que chaque Français fera un geste, et que dans le monde entier, nombreux seront les citoyens qui feront des gestes, je n’ai aucun doute là-dessus. J’étais hier sur les quais pour voir Notre-Dame. Il y avait des milliers de personnes qui étaient là, il y avait une émotion considérable, et c’est comme si Notre-Dame appartenait à tous.

Marielle de Sarnez, on va parler des annonces non-annoncées mais quand même annoncées, et qui sont annoncées. Pour revenir au Grand débat, Emmanuel Macron a estimé qu’il n’était pas temps d’annoncer les pistes, mais est-ce qu’il doit le faire rapidement ?

Oui, il doit le faire la semaine prochaine. On est dans cette séquence d’émotion nationale. La semaine prochaine serait le bon moment.

Les pistes ont déjà largement fuité. Trouvez-vous normal qu’elles aient fuité de cette manière ?

C’est un débat que vous aurez entre journalistes sur la déontologie des journalistes. Je pense que ce n’est pas mon sujet. Posez-vous la question entre journalistes, est-ce qu’il fallait faire fuiter, pas faire fuiter… Je suis persuadée que vous aurez de nombreuses discussions et tables rondes sur ce sujet, mais ça n’est pas le mien.

Vous étiez à l’Élysée dimanche soir aux côtés d’Emmanuel Macron. Est-ce que ce qui a fuité, c’est ce qu’il comptait faire ?

J’ai retrouvé quelques-uns des points dont il avait parlé dimanche soir oui, bien sûr.

Lesquels ?

Je ne vais pas commenter des fuites de ce qui n’a pas été dit, vous allez attendre la semaine prochaine. La semaine prochaine, il va redire quel est ce projet national de la France, quelle est sa vision de la France, qu’est-ce qu’il a entendu de ce que les Français ont exprimé au plus profond d’eux-mêmes, pas seulement les mesures. Ce que le peuple de France attend, et veut dire, et à quoi il aspire. Et puis il va dire quels sont les objectifs, quels sont les principes qui guideront son action, il va dire les grands chantiers qu’il va ouvrir, à quel terme et comment il les conduira, et je pense qu’il donnera un certain nombre de pistes concrètes, en tout cas je le souhaite.

Visiblement, il comptait annoncer des mesures en faveur des classes moyennes, des retraités, des mères célibataires. Est-ce qu’on doit voir là le tournant social du quinquennat qui a été plusieurs fois annoncé, et que vous portiez de vos vœux ?

Moi, j’ai toujours pensé qu’Emmanuel Macron avait été élu parce qu’il voulait un appareil productif économique fort, parce qu’il faut du travail et il faut de l’emploi, et en même temps il voulait une solidarité nationale. Il faut faire les deux, c’est une évidence, et c’était bien dans le projet d’Emmanuel Macron candidat. Et je trouve que c’est très bien aussi de retrouver des constances, de garder une cohérence sur les grands choix, et en même temps d’être en capacité d’entendre, quelquefois peut-être de corriger, parce que c’est ça aussi la responsabilité des hommes publics, des hommes politiques. C’est de prendre en compte les attentes des peuples dont ils ont la charge, tout en gardant la vision qui est la leur. 

Dans ces annonces qui ont fuité, il y a l’évaluation par rapport à l’ISF qui sera faite.

Ça, c’est prévu. Elle est prévue à l’Assemblée.

Souhaitez-vous toujours ce retour de l’ISF ?

Moi, je n’ai jamais souhaité le retour de l’ISF. Je pense qu’il fallait sortir tout ce qui était investissement productif, pour nourrir le travail, l’économie, l’emploi, c’est le cas. Après il faut voir si sur d’autres choses (lingots d’or, obligations, etc.) si tout ceci a été pertinent, positif. Le parlement va faire son travail. Et moi, qui souhaite un parlement fort, plus fort que celui que nous avons aujourd’hui, qui ressemble aux parlements qui pèsent davantage dans les autres démocraties qui nous entourent, je suis très heureuse que sur cette question, la question sensible de la justice fiscale, que le parlement fasse son travail, qu’il conduise son évaluation. On regardera si l’IFI, ça a marché sur l’investissement. S’il y a des choses qui ont marché, on les validera. S’il y a des choses qui ne marchent pas, qui sont à améliorer, on les améliorera. Là aussi, c’est de notre responsabilité.

Ça veut dire que le parlement n’a pas assez de poids à vos yeux ?

D’une manière générale, je trouve que l’Assemblée nationale, le parlement français ne pèse pas suffisamment, et qu’il doit avoir plus de poids. Je pense qu’il faut un exécutif fort – la Ve République, et à côté de cet exécutif fort, il faut un parlement fort, parce qu’avoir des pouvoirs qui se respectent, des partenariats, c’est extrêmement important. Moi, je pense toujours qu’on est plus intelligents à plusieurs.

Donc il faut renforcer le pouvoir du parlement.

Bien sûr, et j’espère bien que dans les pistes institutionnelles qui seront mises sur la table, on renforcera ça. Notre démocratie française, elle ne va pas très bien. On sent bien que nos concitoyens n’ont pas le sentiment d’être entendus, d’être associés. Et leur donner la parole une fois tous les cinq ans au moment des élections, c’est terminé. C’est fini. C’est terminé pour la France, et je pense que ce sera une question pour toutes les démocraties du monde. On a besoin d’avoir une démocratie vivante de façon permanente. Donc d’avoir une démocratie qu’on appelle représentative, qui soit forte, plus forte qu’elle ne l’est en France, et d’avoir en même temps une démocratie directe, qui représente au fond, comment on entend directement la voix des citoyens. Je veux bien revenir avec plaisir sur les pistes pour renforcer le parlement : je pense par exemple qu’il faut que le parlement soit maître de la plupart de son ordre du jour. Il faut que le calendrier des travaux soit connu à l’avance. Il faut un certain nombre de réformes qui sont des réformes de bon sens, simplement pour que les parlementaires puissent faire mieux leur travail.

Plus de proportionnelle aussi, c’est ce que demande le MoDem, et Emmanuel Macron devrait en annoncer plus que prévu, c’est quel chiffre pour vous ?

Ce n’est pas ce que demande seulement le MoDem, c’est ce que demande l’ensemble des Français. Ce n’est pas seulement un courant politique qui porte cette idée. Ce sont les Français qui la portent. Qu’est-ce qu’ils disent ? Ils disent, on veut un parlement qui ressemble à la France. On veut retrouver dans ce parlement la diversité des sensibilités, et des parcours des uns et des autres. Et ils ont bien raison.

Est-ce que vous sentez aujourd’hui qu’Emmanuel Macron est prêt à aller plus loin dans la dose de proportionnelle à instaurer ?

Je sens qu’on a un président de la République qui va prendre en compte les attentes des Français, et je ne doute pas que sur cette question comme sur d’autres, il y aura des avancées.

Les retraites ont été aussi un sujet important. Les retraités ont été durement touchés, ça a été une des causes du départ de la crise des gilets jaunes. Aujourd’hui qu’est-ce que vous dites ? Est-ce qu’il faut toucher à l’âge de départ à la retraite ? Quelle est votre position sur ce débat ?

Ce n’est pas un débat qui est ouvert dans le cadre du Grand débat. Emmanuel Macron s’est engagé pendant la campagne présidentielle à changer la réforme des retraites. A changer la structure de la réforme des retraites, et à faire ce qu’on appelle la retraite par points. Chacun, tout au long de sa vie, capitalisera un certain nombre de points. On pourra donner davantage de points à ceux qui ont eu un travail pénible, additionner un certain nombre de choses. Ça veut dire un seul système de retraites, et non plus aujourd’hui plus de quarante. Tout ceci remis à plat, et ensuite quand vous avez un système de retraites par points, au fond vous partez quand vous voulez. Vous faites jouer votre retraite par points, au moment où vous le décidez. Si vous souhaitez partir à 58 ans vous le pouvez, si vous souhaitez travailler plus tard, vous pouvez partir plus tard. Ce qui est intéressant, c’est la remise à plat des systèmes de retraites. Moi je veux me concentrer là-dessus. Après, est-ce qu’il peut y avoir des systèmes incitatifs, est-ce qu’on peut inciter plutôt à travailler un peu plus longtemps, on peut le faire, mais en même temps il faut que les gens trouvent du travail, donc c’est la question aussi de l’économie de notre pays, et de pouvoir proposer du travail et revaloriser peut-être ces pistes-là au moment où nous parlerons des retraites.

On va parler un peu de l’Europe, et des élections européennes, dont la campagne a du mal à prendre, en tout cas sur le fond. Est-ce que vous avez peur que ces élections européennes se transforment en référendum pour ou anti Macron ? 

Je pense que ce n’est pas du tout la question. Je suis une Européenne convaincue. Les gens ne sont pas dans la campagne des Européennes, toutes les campagnes européennes sont comme ça. C’est bien pour ça qu’il ne faut pas parler d’Europe une fois tous les cinq ans, c’est bien pour ça qu’il faut faire l’Europe tous les jours, et pas seulement au moment des campagnes. Si on regarde le monde tel qu’il est, si on regarde les États-Unis de Donald Trump, si on regarde la Chine qui nous annonce être première puissance mondiale demain, si on regarde la Russie qui revient au régime d’hier, si on regarde les régimes autoritaires qui sortent de partout, si on regarde les crises, les guerres, les conflits qui sont à nos portes, si on décide maintenant, c’est une question presque de vie ou de mort pour l’Europe. Soit l’Europe décide d’exister, de peser, d’exister politiquement et démocratiquement, auquel cas l’équilibre du monde sera différent, on pourra protéger nos valeurs, protéger notre projet de société, protéger nos avancées sociales européennes, soit on décidera de disparaître. Donc moi je suis là aussi bâtisseur, là aussi reconstructeur, ou refondateur, et je vous dis c’est le bon moment pour décider qu’on fait enfin l’Europe dont on a besoin.

Mais on voit bien que la campagne est occultée par la crise des gilets jaunes, et également par le retard pris par l’annonce des mesures. Comment on fait en sorte que les gens s’y intéressent ?

Il faut parler d’Europe tout le temps. L’Europe, ce n’est pas simplement au moment des campagnes. L’Europe, c’est un choix incroyable. Vous vous rendez compte, tous ces pays qui ont décidé librement qu’ils se dotaient d’un avenir commun. Qu’ils allaient sur les grandes questions décider ensemble. Pas sur les petites, parce que je pense que l’Europe a été trop technocratique, et qu’à un moment il n’y a pas eu une très bonne gestion. Mais je vous dis une seule chose : maintenant c’est le moment de décider, c’est être ou ne pas être comme disent nos amis britanniques qui sont en train de nous quitter, et c’est ça la question, c’est ça qui est le cœur de la question de la campagne des élections européennes. Je ne doute pas que cette question-là, elle va venir. Peut-être qu’au mois de mai, parce qu’elle viendra au moment de l’élection. Mais c’est une question historique. Ce n’est pas une question partisane : c’est une question pour l’avenir de l’Europe.

Et pour porter tout cela, Loiseau, la tête de liste, c’est la bonne personnalité ?

Très bonne tête de liste, très bonne liste. On a des gens très divers, très variés, j’en suis très heureuse, on a un président de la République qui est fortement européen, et on ne reconstruira pas l’Europe demain sans une France forte et rassemblée autour de cette idée-là.

Il se bruisse que vous auriez des envies parisiennes. Est-ce que c’est une élection municipale qui vous intéresserait ?

Cette élection, elle est intéressante pour tous les Parisiens. Moi, je pense qu’il faudra un changement à Paris, mais que pour qu’il y ait un changement à Paris, il faudra un rassemblement large, et probablement faire bouger des lignes.

Il est bien parti ce rassemblement ?

On verra, pour l’instant on n’est pas encore dans le temps des municipales, on n’est même pas encore dans le temps des Européennes. En tout cas je ferai ce que je peux pour contribuer et aider à ce qu’il puisse y avoir demain un rassemblement, et que les choses puissent bouger dans cette ville.

Merci beaucoup Marielle de Sarnez d’avoir été notre invitée.

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