"Je critique François Hollande d’avoir été, aux yeux des Français, absent pendant la période que nous venons de vivre""

Invité de France Info, François Bayrou, le président du MoDem et maire de Pau, a critiqué la gestion de la crise grecque par François Hollande. Il l'a jugé le président trop discret face à une "crise majeure".

Alexis Tsipras présente sa copie aujourd’hui. Êtes-vous optimiste ou inquiet ce matin ?

Je ne suis pas optimiste et qui pourrait l’être dans ces circonstances ? Je suis inquiet pour la Grèce et pour nous, parce que la sortie de la Grèce de la zone euro sera évidemment, quoi qu’en disent plusieurs partisans, une catastrophe pour les Grecs, une catastrophe dont on touchera la gravité en termes de misère et de blocages du pays. En même temps ce sera pour nous forcément une onde de chocs. François Hollande, qui a dit que nous sommes à l’abri de toute contagion ou de toute difficulté, se trompe à mon sens gravement. Quand le feu se met dans une pièce de la maison « euro », il risque de se propager d’une manière ou d’une autre à toute la maison.

Chacun y va de son conseil. Pierre Moscovici disait hier soir sur France Info « les réformes de Monsieur Tsipras doivent être convaincantes ». Il y a également la directrice générale du Fonds Monétaire International, Christine Lagarde, qui a déclaré que « la Grèce doit avoir une dette viable ». On a l’impression que l’on est toujours dans le même système : on a la Grèce d’un côté, la Troïka de l’autre.

Nous sommes dans le système des vœux pieux avec une assez grande hypocrisie, car nous avons l’impression qu’un très grand nombre de dirigeants européens en réalité sont résignés. Ils essaient une chose, c’est de ne pas apparaître comme responsables, et ils se renvoient la patate chaude. Je pense que si l’on voulait trouver une note d’espoir, il faudrait ré-échelonner, retarder les remboursements de la dette pour la Grèce sans la supprimer. Deuxièmement, il faut que la Grèce organise chez elle, avec le soutien des autres pays européens, des réformes qui soient convaincantes. Par exemple il n’y a pas de cadastres avec des satellites en Grèce. Or, toute l’Europe sait le faire en quelques mois ! Il n’y a pas non plus de récupération des impôts et vous voyez bien les conséquences que cela peut avoir. En réalité, il y a un État pléthorique et tout cela est facile à organiser et à faire. De ce point de vue là, on est devant un programme qu’il est possible de réaliser, à condition que l’aide des autres pays européens serve à réaliser les réformes ! Il ne suffit pas seulement de gagner de l’argent car c’est un puits sans fond… Comme le disaient les Grecs de l’antiquité, c’est le tonneau des Danaïdes, celui que vous avez beau essayé de remplir, et qui se vide de toute façon...

Vous voulez dire qu’il faudrait qu’il y ait une sorte de main tendue, d’assistance de l’Europe et non pas cette immixtion, ce discours punitif ?

Il faudrait qu’il y ait une volonté politique et il faudrait que les dirigeants européens comprennent une bonne fois pour toutes que nous sommes sur le même bateau. Ils donnent l’impression que la Grèce est dans une situation politique différente de la nôtre, que ce qui arrive en Grèce ne nous atteindra pas… Mais forcément nous subirons des conséquences négatives de ce qui va se passer en Grèce, parce que la zone euro était jusqu’à maintenant une zone de confiance pour le monde, on pouvait prêter à la zone euro avec un sentiment de sécurité qui faisait que les taux d’intérêt étaient bas. Maintenant on va s’apercevoir que si un pays de la zone euro fait faillite, alors la zone euro ne protège de rien et vous allez voir la défiance, le doute, le soupçon, envahir la zone euro, ce qui est une catastrophe pour l’économie. 

La fragilisation est-elle présente au niveau international ?

Oui, la fragilisation est là. Monsieur Tsipras a fait quelque chose qui est à mon sens grave : il a multiplié les promesses intenables.

C’est un peu le lot de tous les politiques qui sont même parfois en campagne…

Je ne crois pas cela. Il y a des politiques qui disent la vérité au lieu de raconter des histoires et qui essaient de partager avec le peuple des citoyens qui va les élire ou qui doit les élire une idée nette de la vérité, parce que seule la vérité permet de s’en sortir. La Grèce risque de se retrouver dans une situation de chaos, il n’y aura plus de banques, il va falloir réimprimer de la monnaie artificielle ou nouvelle, or le chaos en histoire finit toujours en violence, et la zone euro va être fragilisée. Au total cela va être un immense gâchis.

Les critiques fusent déjà avant même le terme de cette affaire. « Le Président de la République met en péril les négociations », c’est ce que dit François Fillon dans Le Figaro ce matin. La droite et le centre critiquent le Président de la République François Hollande en lui reprochant de ne pas avoir tenu de ligne claire dans la gestion de la crise grecque. Êtes-vous d’accord avec cela ? 

Je critique François Hollande d’avoir été aux yeux des Français, ou auprès des Français, absent pendant la période que nous venons de vivre. C’est la plus grave crise que l’Europe et l’euro aient rencontrée depuis qu’ils existent. On va se trouver devant un pays qui va – peut-être – ou qui risque de quitter la zone euro et peut-être l’Union européenne, c’est une crise majeure. Est-ce que le Président de la République s’est adressé aux Français ? Est-ce qu’il leur a parlé ? Est-ce qu’il leur a indiqué ce qu’étaient les risques, les chances ? Leur a-t-il dit quelle était la position de la France ? Parce que l’on a l’impression que, de ce point de vue en tout cas, la position de la France n’est sinon pas définie, du moins dissimulée, et que nous jouons la diplomatie dans les couloirs. Or, lorsque l’on est dans une zone démocratique ou dans un pays démocratique, le Président de la République – celui qui a la charge du pays – a le devoir de s’exprimer auprès des citoyens pour partager avec eux la vision de l’avenir. De ce point de vue, oui, François Hollande mérite des critiques sévères. 

L’Assemblée nationale va se prononcer par un vote. 

C’est une blague, tout cela ce sont des débats artificiels. Vous voyez bien que tout est joué, on est en train de vivre les dernières minutes de cet acte décisif du drame grec et rien n’est explicité aux Français qui s’inquiètent, contrairement à ce que l’on croit. Il ne faut pas imaginer que les Français se désintéressent de cette affaire, ils en parlent, ils y réfléchissent parce qu’ils sentent bien que, d’une manière ou d’une autre, ils sont engagés. 

Bizarrement aujourd’hui, les Français parlent d’Europe, les peuples parlent d’Europe. 

Les peuples parlent d’Europe. Ce qui est très intéressant c’est que le référendum grec a été un quiproquo évidemment. Au sujet du référendum grec, Monsieur Tsipras a dit « Votez non pour mieux rester en Europe », et évidemment c’est un abus de confiance. Tout cela forme en effet un moment historique et le Président de la République ne s’est pas avancé aux yeux des Français pour dire quelle direction nous allions suivre. 

Quelque chose s’est-il brisé d’ores et déjà au sein de l’Union européenne ? En Europe ? 

C’est une crise, c’est une fracture qui est extrêmement grave, extrêmement lourde, qui va avoir des conséquences de long terme pour la Grèce et pour les autres pays européens, en tout cas pour les autres pays européens endettés. C’est là que l’on va vérifier que la dette - que beaucoup d’observateurs présentaient comme quelque chose de léger et sans gravité - vous enlève votre indépendance et vous empêche de vivre. Vous reconnaitrez là un thème sur lequel, pour ma part, je me suis battu depuis longtemps. 

Une petite note positive : vous aimez le Tour de France, on en parlait tout à l’heure. Il y a une journée de repos à Pau. 

Et le Tour s’arrête 4 jours à Pau. 

Vous inaugurez lundi prochain à Pau un étonnant site baptisé le « Tour des géants », est-ce bien cela ? Des centaines de totems, des sculptures numériques à la gloire des « géants du Tour ». 

Oui, c’est la première fois qu’un mémorial en France va être édifié pour le Tour de France dans une des villes même où le Tour a fait le plus souvent étape, et dans une ville mythique puisque c’est à Pau que, avant les Pyrénées ou après les Pyrénées, très souvent le Tour connaît un acte décisif. Alors, en effet, il y aura là une sculpture interactive avec de la vidéo, qui va être une sculpture pour chacun des vainqueurs. Ils seront nombreux pour inaugurer ce site et on va raconter chaque Tour de France des 103 éditions. Et chaque année, le vainqueur de l’épreuve viendra inaugurer le totem qui immortalisera son exploit. 

Vous pourriez presque faire la même chose avec les Présidents de la République.

Ce serait peut-être moins amusant ou en tout cas moins « géant » que le Tour de France des géants de la route. Et on aimerait qu’il y ait davantage de géant parmi les Présidents de la République…

Merci François Bayrou. 

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