"En Syrie, nous ne devons pas gagner la guerre, mais la paix"
Marielle de Sarnez appelle la France à "se poser les bonnes questions" avant d'intervenir en Syrie. "Le contexte régional est déstabilisé et dangereux, la solution doit être politique", a-t-elle souligné sur RFI.
RFI - Marielle de Sarnez, que pensez-vous des propos de François Hollande sur la Syrie ?
Marielle de Sarnez - Tous ceux qui ont vu les images atroces de la Syrie ont été, à juste titre, frappés. Cela fait deux ans que cette guerre dure, qu'il y a des centaines de milliers de personnes disparues, mortes ou blessées, d'enfants qui fuient le pays. J'ai visité les camps de réfugiés à la frontière de la Turquie et de la Syrie. Tout cela est abominable, c'est une guerre civile abominable. Depuis deux ans, la communauté internationale se cherche, c'est le moins qu'on puisse dire. Toutefois, je pense que François Bayrou a raison quand il appelle à la plus grande prudence. Il me semble que considérer que la France doit être demain du côté d'une intervention militaire, qu'on dit limitée, doit nous interroger.
Nous interroger sur quoi ?
C'est une région du monde où les choses sont complexes et les conflits nombreux, entre pays et à l'intérieur de la Syrie, entre des Islam différents. Nous voyons bien que sur le plan géopolitique, nous sommes dans un endroit du monde extrêmement complexe et dangereux. Nous avons soutenu l'intervention au Mali car nous pensions que François Hollande avait décidé à juste titre cette intervention. Là, attendons les conclusions de l'ONU, regardons les choses avec la plus grande prudence. À terme, c'est une solution politique qu'il faut. Nous savons que la solution ne sera pas militaire. On parle de guerre limitée, mais les guerres ne sont jamais limitées... La France doit se poser les bonnes questions.
Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunit mercredi. Peut-on passer outre un veto de la Russie ?
J'essaye de toutes mes forces de plaider pour une solution politique. Je sais qu'elle est difficile, d'autant plus que les choses se tendent entre la Russie et les États-Unis. Cela ne va pas dans le sens d'un consensus politique. Je sais aussi quelles sont les inquiétudes en Syrie. Mais, s'il y a des démocrates et des laïcs dans cette opposition, il y a aussi des fondamentalistes. Il y a également des pays engagés derrière cette opposition, qui ne sont pas forcément connus pour leur modération et leur sentiment laïc. Vous voyez bien que tout cela est dangereux. Quand on écoute un certain nombre de responsables syriens qui ont fui le régime actuel, ils nous disent : "Ce qu'il faudra gagner, ce n'est pas la guerre mais la paix". On ne gagnera la paix, après le départ de Bachar el-Assad, qu'en construisant un gouvernement de transition qui soit protecteur de toutes les sensibilités en Syrie. Avant d'intervenir, posons-nous toutes ces questions. Si les interventions militaires américaines avaient réussi en Afghanistan et en Irak, ça se verrait et ça se saurait.
Pour aller plus loin :
- François Bayrou lance "un appel pressant à la prudence" sur la Syrie.