Déclarations de patrimoine : "On focalise l'attention sur ce qui n'est pas essentiel"

Robert Rochefort a déploré sur BFMTV "la dérive potentiellement populiste et un peu voyeuriste" que représente la succession de déclarations de patrimoine dans les médias.

Ronald Guintrange - Les suites du séisme de l’affaire Cahuzac et le grand déballage qui s’amplifie, nous en parlons avec notre invité Robert Rochefort. Vous êtes économiste et surtout député européen MoDem, est-ce que vous allez publier votre patrimoine ? 

Robert Rochefort - Oui, bien sûr. D'ailleurs, je l’avais déjà déclaré au moment d’être élu. Vous savez, en tant que tel ce n’est pas forcément choquant. Simplement, on le voit déjà depuis ce matin, je pense que nous allons petit à petit focaliser l’attention sur ce qui n’est pas l’essentiel. Est-ce que vous croyez vraiment que l’essentiel c’est de savoir quelle est l’évaluation de la maison de M. Fillon l’année dernière, il y a deux ans, ou il y a trois ans ? Je crains, je dois vous l’avouer, une dérive potentiellement populiste de cette logique un peu voyeuriste et en tout cas je crois que ça passe à côté des vraies questions.

Karine de Ménonville - Est-ce qu’une des vraies questions c’est de se demander si ces publications ne sont pas hypocrites puisque de toute façon il n’y a pas de contrôle pour le moment ? 

Il y a deux vraies questions. La première c’est : faut-il continuer à légiférer dans l’urgence quand un problème comme celui-là se pose. Nous savons depuis des années que quand nous faisons une loi dans l’urgence, elle est bâclée, elle est mal faite. Il y avait une commission présidée par M. Sauvé, vous vous en souvenez peut-être, qui avait fait des déclarations beaucoup plus complètes et beaucoup plus intéressantes. Par exemple, disant que ce qui est important c’est de traquer les conflits d’intérêts qui peuvent être indépendants du patrimoine, qui peuvent exister avant l’entrée en politique, qui peuvent exister après la politique. Donc moi je vous dis, avec François Bayrou, ce que nous faisons, et c’est très différent de ce qu’annonce le gouvernement. Nous disons que si on laisse les politiques décider entre eux de ce que peut être la moralisation de la vie politique, on sait très bien que nous n’allons pas arriver au résultat voulu. C’est pour cela que nous voulons, avec moralisation.fr, déclencher une pétition très importante pour demander un référendum.

Ronald Guintrange - Alors quelle serait la question de ce référendum ? 

La question de ce référendum ce serait : est-ce que vous êtes d’accord avec trois ou quatre mesures de moralisation de la vie politique ? La première c’est évidemment traquer tous les conflits d’intérêts. Deuxièmement, mettre effectivement fin au cumul des mandats dès demain matin, c’est-à-dire dès 2014 et non pas dans X années. Troisièmement, est-ce que vous êtes d’accord pour réduire le nombre d’élus et d’une certaine façon le nombre de collectivités de façon à faire vraiment des économies de dépense publique à cet endroit-là. En voilà trois. Elles sont extrêmement concrètes et je vous assure qu’elles sont beaucoup plus liées à la crise de confiance que nous vivons aujourd’hui que cette espèce de déballage du patrimoine que l’on a aujourd’hui et qui pour votre corporation de journalistes va permettre de faire des papiers pendant des jours pour savoir quel est le prix de la voiture de Mme Duflot ou de M. Ayrault.

Karine de Ménonville - Vous nous parlez de cumul des mandats. Il y a un autre problème de cumul qui est évoqué en ce moment, c’est celui de politique et d’une autre profession, vous en pensez quoi ? 

Je pense que là-dessus il faut faire très attention. D’ailleurs, comme l’a dit François Bayrou ce matin sur une antenne, si un médecin est député il n’est pas illogique qu’il garde une activité légale qui peut être à temps partiel. Tout simplement parce que, si au bout de dix ou quinze ans il n’est plus député, il doit pouvoir redevenir médecin. Donc il ne faut pas non plus que cette espèce de traque au cumul d’activités soit une façon de réserver la politique uniquement à des professionnels de la politique ou à des fonctionnaires qui le redeviennent ensuite. En revanche, ce qui est absolument indispensable, c’est d’ailleurs ce qui existe au Parlement européen, c’est la transparence complète. Si par exemple j’ai des parts dans une clinique privée, ceci figure et est complètement transparent, et si jamais au Parlement européen ou au Parlement français il y a une disposition qui concerne le système de santé ou les cliniques privées, je m’abstiens de prendre partie au vote.

Donc, si transparence, contrôle forcément ? 

Voilà, absolument. Et évidemment avec une autorité qui vérifie que tout cela se passe comme il le faut. Mais je crains un tout petit peu que la façon dont on prend le problème aujourd’hui, c’est-à-dire qu’il vaut mieux être pauvre que riche parce que ça plaira plus aux Français, et puis il ne faut cumuler avec strictement rien, cela nous fasse retomber dans les travers d’une Assemblée Nationale pléthorique avec que des fonctionnaires, que des enseignants. Ce n’est pas cela qu’il faut pour rénover la vie politique.

Ronald Guintrange - Est-ce que le fond du problème ce n’est pas qu’on essaye de régler collectivement des cas personnels ? Le médecin, pour reprendre votre exemple, peut avoir des contacts avec des démarcheurs qui sont subventionnés par des laboratoires. Indirectement, on pourra toujours trouver un moyen de mettre en cause un politique par rapport à son emploi. 

Bien sûr. D’ailleurs il faudra toujours être vigilant par rapport à cette question. Quelle est la question aujourd’hui ? La vraie question aujourd’hui, c’est que le gouvernement est faible, il l’était avant l’affaire Cahuzac pour des raisons politiques tout court, parce que les choix du gouvernement sont ambigus, parce qu’il a mis du temps à les formuler, parce que certains sont bons mais pas affirmés avec suffisamment de clarté. D’un seul coup, une affaire qui aurait pu être une affaire ponctuelle comme vous le dites prend une ampleur considérable parce qu’elle intervient sous un gouvernement faible. Ce qui veut dire que du coup, si nous nous posons la question demain de changer de gouvernement, cela ne se posera pas simplement sur des questions de moralisation, cela se posera évidemment sur des questions de clarification de ligne politique et puis aussi sur des interrogations sur une majorité et un gouvernement qui est peut-être un peu trop l’addition des différents courants du Parti Socialiste.

Karine de Ménonville - Clairement aujourd’hui, pour vous c’est une mauvaise réponse au séisme Cahuzac ?

Non, je dis que si nous devons en passer par là, par cette publication, nous le ferons. Parce que en même temps, dire que ce n’est que mauvais sous-entendrait que l’on veut cacher quelque chose, ce qui n’est pas le cas. Mais comme assez souvent, quand il y a un problème, on attire l’attention sur quelque chose qui attire les mouches avec une grosse lumière quelque part et qui permet d’oublier peut-être les choses plus importantes que nous devrions voir pour autant.

Ronald Guintrange - Les mouches, ce sont les journalistes ?

Je ne sais pas, je vous laisse juge, j’ai vu que cela avait fait un petit peu sourire sur le plateau. Mais peut-être pas, peut-être aussi une certaine logique voyeuriste qu’il y a chez chacun d’entre nous. 


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