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"Dans l'état actuel, je voterais oui à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne"

Alors que les chefs d'États négocient le prochain budget de l'Union européenne, Robert Rochefort dénonce "l'égoïsme national de M. Cameron, nourri par ses prochaines échéances électorales".

Au micro de RFI ce matin, l'eurodéputé a proposé "un référendum dans les autres États membres, avec comme question : le Royaume-Uni doit-il rester dans l'Union européenne ?". "Dans les circonstances actuelles, je voterais non", a-t-il assené.

RFI - Les Vingt-sept négocient depuis hier soir le budget de l'Union européenne pour la période 2014-2020. Une discussion compliquée, car les points de vue sont très divergents. Un accord se dessine sur un budget en baisse, qui pourrait être signé dans la journée. Est-ce que ce serait un échec à vos yeux ? 
Robert Rochefort - Si l'accord dont on parle aujourd'hui est celui qui aboutit, il ne me convient pas. Nous serons nombreux parmi parmi les parlementaires européens à le dire. C'est un budget qui est en recul en valeur absolue, par rapport à celui des années précédentes. Comme il est pluriannuel, cela veut dire qu'en 2020, le budget de l'Union européenne sera inférieur à celui de 2007. Alors que nous sommes dans la crise que nous connaissons, alors que l'ensemble des pays de la planète attendent que l'Union européenne se renforce et se consolide, on est en train d'organiser qu'elle ait des moyens inférieurs. Le pire, c'est que ce sont les "grands" pays de l'Union européenne qui sont en train d'organiser ça. Il y a quelques années, la crise en Europe venait des "petits pays" - l'Irlande, la Grèce, le Portugal - aujourd'hui elle vient des "grands". 

Qui sont les coupables ? 
Je vous le dis franchement : le premier des coupables, c'est le Royaume-Uni. Ça suffit. Il a depuis quarante ans un double langage. Il n'a contribué à aucune des avancées récentes de l'Union européenne, à aucune des coopérations renforcées comme la zone Schengen, l'euro ou la taxe sur les transactions financières. Et il nous annonce maintenant qu'il a l'attention de faire un référendum ! Non seulement il bloque les avancées de l'Europe depuis des décennies, mais voilà que maintenant il nous propose de détricoter l'Europe. C'est évidemment le Royaume-Uni qui a été à l'origine, depuis quelques semaines, de la fronde d'un certain nombre de pays contre le budget de l'Union européenne, supposé être trop important. 

Vous n'y allez pas de main morte... 
J'y vais encore plus fort. Si M. Cameron met en pratique le référendum qu'il propose à ses citoyens, je propose que nous fassions un référendum dans les autres États membres, avec comme question : le Royaume-Uni doit-il rester dans l'Union européenne ? Dans l'état actuel des choses, je voterais "non". Si le "non" l'emporte, cela ne signifie pas la fin de l'histoire, mais que le Royaume-Uni aura un partenariat privilégié, comme l'Ukraine, la Turquie ou le Maroc. Mais ça suffit : on ne peut pas être dedans, puis dehors et faire ce chantage là. Je vais être moins méchant avec l'Allemagne, mais je n'apprécie pas non plus le jeu de Mme Merkel depuis quelques jours, qui brandit le Royaume-Uni et l'utilise pour faire pression sur les autres pays. 

Cette exaspération que vous exprimez contre l'Angleterre, est-elle partagée par beaucoup de vos collègues parlementaires européens ? 
Je le crois. Il s'est passé quelque chose d'important cette semaine au Parlement de Strasbourg. Les quatre principaux groupes politiques ont dit : "Si le cadre pluriannuel du budget européen ne nous satisfait pas, nous ne l'approuverons pas". Car il est clair que l'Europe est malade des égoïsmes nationaux. Ces égoïsmes nationaux se nourrissent des échéances électorales. M. Cameron et Mme Merkel ont des élections à venir. Si pendant un an ou deux, nous devons fonctionner sans avoir voté le budget en cours de négociation, ce ne sera pas la fin des haricots. Nous pouvons fonctionner avec le budget de l'année précédente, à titre transitoire. Et si nous fonctionnions en 2014 avec le budget de 2013, nous aurions plus d'argent que ce que les chefs d'États sont actuellement en train de préparer. 

Ce que vous appelez les "égoïsmes nationaux", n'est-ce pas aussi l'attachement à des vestiges de souveraineté ? 
Non, je crois beaucoup plus clairement que les chefs d'États veulent tous "rentrer à la maison" en ayant préservé les intérêts de leur population "autochtone". J'aimerais plutôt que les chefs d'États rentrent dans leur pays en ayant préservé les intérêts de la maison Europe. La France a l'air de préserver la Politique Agricole Commune (PAC): tant mieux, c'est bien et important pour nos agriculteurs. Mais qu'est-ce qui va être sacrifié en contrepartie ? Les défenses d'infrastructures, qui passeraient de 40 à 20Mds d'euros, et même peut-être les fonds destinés aux plus démunis. Pouvons-nous accepter que l'avenir et la solidarité soient sacrifiés ? Je vous le dis solennellement : non. 

Vous êtes économiste de formation. Qui a raison : François Hollande, qui estime que l'euro est surévalué, ou Angela Merkel qui estime que la solution n'est pas de dévaluer l'euro mais d'améliorer notre compétitivité ? 
Mme Merkel aurait raison, s'il n'y avait que des Allemands en Europe. L'Allemagne est bénéficiaire d'un euro très élevé. L'euro est aujourd'hui au dessus de ce qu'il devrait être. Le bon cours serait probablement, par rapport au dollar, aux alentours de 1,10 à 1,20. Mais pas au-delà. François Hollande a dit au Parlement européen qu'il voulait "faire des économies qui ne sacrifient pas l'économie". Je dis au Président de la République Française que, dans les dernières heures de cette négociation, il ne faut pas qu'il soit en contradiction avec ce qu'il nous a annoncé à Strasbourg, il y a deux jours. Il ne doit pas être prisonnier du chantage qui s'exerce entre M. Cameron et Mme Merkel, mais s'appuyer sur M. Monti et d'autres de nos partenaires.

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