Consommation: "Nous pouvons aller plus loin dans le Made in France"

Robert Rochefort a appelé à "aller plus loin" dans le Made in France, en agissant "sur la durée de garantie, sur les labels et sur l'étiquetage", dans l'émission C à dire sur France 5.
Axel de Tarlé - Robert Rochefort, vous êtes député européen, vice-président du MoDem et spécialiste de la défense des consommateurs. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’action de groupe et concrètement ce que cela va changer dans nos vies ?
Robert Rochefort - C’est très simple. Quand vous avez comme il y a quelques années, Orange, SFR et Bouygues qui se font condamner par l’autorité de la concurrence parce qu’ils ont fabriqué une entente et fait payer trop cher le consommateur, on leur donne une très grosse amende, plusieurs centaines de millions d’euros, mais il n’y a rien qui revienne dans la poche du consommateur. L’action de groupe c’est tout simplement la possibilité, lorsque quelque chose n’est pas bien en matière de consommation ou de non-concurrence, de faire en sorte que les consommateurs interviennent dans une procédure judiciaire qui fait qu’ils seront dédommagés du tord qu’ils ont subi.
Alors, ai-je besoin de me manifester ? Si je suis abonné SFR, je fais partie comme tout abonné des clients lésés. Aurai-je besoin de me manifester pour être indemnisé et bénéficier d’un peu d’argent ?
La question que vous posez est très technique. Aux Etats-Unis, non, vous êtes automatiquement pris dans l’action de groupe. En France, comme en Europe d’ailleurs, nous défendons ce qu’on appelle l'opt-in, c’est-à-dire le fait que, lorsque le juge aura dit "oui, il y a là un préjudice à réparer", il y aura une publicité payée par l’entreprise pénalisée, et les consommateurs qui voudront bénéficier de la réparation devront se manifester pendant un certain délai. Ce qui est une façon de les rendre acteurs de ce processus.
Nous avons bien compris. Ce que vous nous dites, c’est qu’aujourd’hui les entreprises sont condamnées…
Ou pas.
Ou pas. Mais si c’est le cas, l’argent va dans la poche de l’Etat.
Sauf si vous, en tant que consommateur individuel, vous portez plainte. À ce moment vous pouvez avoir réparation. Mais vous voyez bien que pour porter plainte en tant que consommateur tout seul, il vous faut un gros sinistre. Parce que, si vous avez quelques dizaines, voire une centaines d’euros à récupérer, la plupart du temps vous ne le faites pas.
"UNE LOI SERAIT UTILE POUR ACCOMPAGNER L'ÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION"
Alors, on comprend très bien qu’aux Etats-Unis l’action de groupe soit très importante parce que, je vais faire simple, l’Amérique c’est "l’Etat est faible". En France nous avons partout la DGCCRF, la répression des fraudes, le Conseil de la concurrence… Dans tous les sens vous avez des organes d’Etat qui surveillent les entreprises et qui les condamnent si elles font un truc de travers. Est-ce qu’il ne va pas y avoir un contre-pouvoir de plus ? Et à la fin ces entreprises, à force de les contrôler et de les titiller, elles vont toutes mourir.
Vous vous faites l’avocat du diable. Aux Etats-Unis, s’il y a beaucoup d’actions de groupe, c’est essentiellement parce que les avocats, là-bas, sont payés une proportion de l’indemnité globale qu’ils récupèrent. Donc, si par exemple on récupère plusieurs centaines de millions auprès d’une grosse société, à ce moment les avocats touchent une partie de cela. Ils ont un intérêt tellement fort à faire cette action de groupe qu’il y en a beaucoup. Par contre, regardez en Italie qui est un pays qui a un système assez proche du nôtre, c’est plutôt une arme de dissuasion pour les entreprises qui savent qu’elles risquent d’être condamnées. Mais là où vous avez à la fois tort et raison, c’est qu’en réalité cette loi est bien, il fallait faire cela, mais elle passe un peu à côté du reste. Le reste, notamment pour relancer l’activité économique, c’est qu’il y a une crise de la consommation. La consommation change, elle est différente et il aurait certainement fallu qu’il y ait une loi pour la consommation qui accompagne ce changement. C’est cela dont nous avions besoin, les entreprises comme les consommateurs.
Un dernier mot sur cette action de groupe, il y a quelque chose que l’on peut trouver bizarre, c’est que sont exclus de cette action de groupe tout ce qui a trait à la santé et tout ce qui a trait à l’écologie.
Vous trouvez cela bizarre ?
En clair, le scandale des prothèses PIP ou le scandale de l’Erika ne pourraient pas être poursuivis devant les tribunaux dans le cadre de cette action de groupe. Dans le cas des prothèses PIP par exemple, une condamnation dans le cadre de ces actions de groupe permettrait d’indemniser en plus les victimes, non ?
Ce sont des questions très sensibles, vous savez. Dans le cadre de la santé, nous avons besoin de sur-mesure. L’action collective, c’est du prêt-à-porter. Le prêt-à-porter, ça va quand vous avez une taille à peu près standard, mais quand vous avez quelque chose de très précis qui nécessite une évaluation de votre réel préjudice, vous voyez bien qu’à ce moment il faut rester sur une procédure classique. Donc, sur ce point, je défends tout à fait la proposition de Benoît Hamon.
"LE CONSOMMATEUR EST UN ACTEUR ÉCONOMIQUE À PART ENTIÈRE"
Ce matin, il y avait tout un package de différentes lois. Notamment, maintenant, nous allons pouvoir changer d’assurance en cours d’année. Nous n’aurons pas besoin d’attendre la date d’anniversaire. C’est très libéral finalement comme décision, ne va-t-on pas avoir des chasseurs de primes qui vont aller prendre trois mois telle assurance, trois mois telle autre, et à la fin une instabilité dommageable pour tout le monde ? Les gens ne seront à moitié plus assurés.
Attendez, ce n’est pas cela le sujet. Le sujet c’est que, vous savez comme moi qu’il y a de nombreux services dans la consommation, beaucoup plus que de produits. Avant, on n’achetait que des biens, maintenant on passe son temps à acheter des services. Ce sont des assurances, mais ce sont aussi des bouquets Internet, télévision par satellite… Vous savez comme moi que, pour se désabonner et pour changer de prestataire, c’est la croix et la bannière. Il faut lire tous les petits codicilles qui font qu’il faut trouver la bonne fenêtre de tir. Tout ceci est une entrave à la concurrence et à la liberté. Moi je vous dis simplement que la concurrence responsabilise le consommateur. Vous avez raison, si le consommateur chasse la prime et uniquement la prime, il peut faire une mauvaise affaire. C’est pour cela que je vous dis qu’il y a d’autres aspects qui pour l’instant ne sont pas dans le projet de loi – nous ne savons pas s’ils vont y être ou pas – tels que par exemple l’allongement de la durée de garantie. Vous savez, cela avait été proposé. Les labels sont aussi un peu dans ce projet de loi, pour avoir une indication géographique. Mais j’aimerais bien que nous allions beaucoup plus loin dans le Made in France. Tout ça parce que, le consommateur aujourd’hui, c’est un acteur économique et nous en avons besoin pour la croissance, mais il ne faut pas jouer contre le producteur et contre l’entreprise, vous avez raison sur ce point.
On entend là le discours du politique, puisque vous êtes également vice-président du MoDem. Nous avons vu dimanche dans un sondage que 78% des Français rêvent d’un gouvernement d’union nationale. Et qui verraient-ils comme Premier ministre ? En numéro 1, François Bayrou, le Président du MoDem. Vous avez sauté de joie en lisant le JDD ? Ca y est, votre heure est venue ?
Ce n’est pas un sondage qui fait le printemps, surtout en ce moment. En tout cas, François Hollande ne peut pas continuer comme cela pendant encore quatre ans. Un coup, de bonnes mesures, comme ce qu’il a annoncé pour les PME il y a quelques jours. Le lendemain, de mauvaises mesures, comme cette espèce de façon de vouloir taper contre l’Allemagne, qui n’a aucun sens pour l’avenir politique et économique. François Hollande devra bien faire un choix.
"LA GAUCHE NE POURRA PAS REDRESSER TOUTE SEULE LE PAYS"
Est-ce qu’il doit exclure du gouvernement les ministres rebelles qui prônent un coup de barre à gauche ?
Je crois qu’il faut qu’il ait un discours cohérent, une politique cohérente. Ce n’est certainement pas avec ce courant de gauche qu’il construira le redressement du pays. Le jour où François Hollande sera prêt, le jour où il comprendra qu’il faut qu’il réunisse beaucoup plus dans une optique d’unité nationale, le MoDem comme les autres, nous serons capables d’assumer nos responsabilités. Mais ce n’est pas une question de personnes.
Quand même un peu, d’idées portées par des personnes.
Vous savez, si François Bayrou avait eu envie de redevenir ministre, cela ferait longtemps qu’il serait ministre.
Je pensais à Premier ministre.
Ce qui est aujourd’hui important, c’est le cap et la clarté dans ce cap.
Le débat du jour : Arnaud Montebourg a interdit le rachat de Dailymotion, qui est une start-up française du web, par l’Américain Yahoo. Bonne ou mauvaise décision ?
Nous devons bien comprendre que nous passons totalement à côté, nous la France, de ce grand virage de l’économie numérique. Nous sommes terriblement en retard, l’Europe aussi d’ailleurs, mais moins que la France. Alors, est-ce que c’est par une mesure de police comme cela que nous y arriverons ? Je ne le crois pas. C’est un avertissement. La France doit se mobiliser pour que nous construisions des entreprises dans ce secteur, nous en avons bien besoin. La croissance, c’est là qu’elle est, c’est là qu’elle sera. Avec d’autres secteurs mais en tout cas, si nous la désertons, nous pouvons être sûrs que c’est une mauvaise nouvelle pour l’économie.