"Ce dont on a besoin, c'est d'un pacte pour le redressement du pays"

Sur BFM Business, Marielle de Sarnez a appelé à "simplifier les réglementations", à "soutenir les initiatives" et à garantir aux entreprises "une stabilité juridique et fiscale".
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BFM Business – Quel est votre commentaire sur l'affaire Dieudonné ?
Marielle de Sarnez - La République a des règles. Dans ces règles, pour favoriser notre vivre ensemble, il y a des limites à ne pas franchir. Quand on fait des meetings politiques, car ce ne sont même pas des spectacles, sur un sujet qui est l'antisémitisme, ces réunion doivent être interdites. De ce point de vue, l'arrêt du Conseil d'État va tout à fait dans le bon sens. J'espère qu'il fera jurisprudence.
Vous trouvez que Manuel Valls a bien joué ?
Oui. Et le Conseil d'État a dit des choses tout à fait justes : c'est contraire à la dignité humaine. Les défenseurs de Dieudonné parlent de liberté d'expression, mais la liberté d'expression a aussi des limites. On ne peut pas dire tout et n'importe quoi, on ne peut pas déverser de la haine, on ne peut pas cibler de cette façon là. J'approuve donc la décision du Conseil d'État.
Vous êtes élue au Parlement européen. On dit que les avocats de Dieudonné vont saisir la Cour européenne des Droits de l'Homme. Est-ce un problème ?
Ce sera à la Cour européenne des Droits de l'Homme de dire si c'est un problème ou pas. Je ne suis pas juge, mais il m'étonnerait que l'idée de la dignité humaine soit différente à Paris et en Europe.
Le président de la République a vu cette semaine sa vie privée s'étaler dans les magazines. Quel est votre point de vue sur la question ?
C'est sa vie privée. Je considère que c'est son affaire et que ça le regarde. Je vais vous dire profondément ce que j'en pense : ça m'est totalement indifférent. Quand un journal sort tout cela, je suppose que cela peut faire des dégâts. Mais moi, je m'en tiendrai à cela : c'est sa vie privée.
Les vœux du président ont marqué ce que certains ont appelé "le tournant social-libéral". C'est aussi votre avis ?
S'il y a un tournant, c'est que ses annonces sont contraires à ce qu'il a fait depuis le début, que la ligne choisie depuis le début n'était pas vraiment la bonne... C'est là dessus que j'ai envie de revenir. Notre pays ne va pas bien et je crois que François Hollande avait sous-estimé la crise, ses effets et la nécessité d'un certain nombre de moyens réels pour redresser le pays. À ce rendez-vous là, il n'a pas été. Maintenant, il dit qu'il va y être. Souhaitons-le ! Mais il faut que ce soit concrétisé, qu'il y ait des actes et non pas seulement des mots et des vœux pieux. Il dit qu'il va baisser les charges d'un côté, mais cet argent là il va bien falloir le récupérer de l'autre. Comment fait-on ? On parle d'un pacte de responsabilité avec les entreprises, j'attends de voir le concret. Ce dont on a besoin, c'est d'un pacte de redressement pour le pays, dans lequel les entreprises auront bien sûr un rôle très important à jouer. Est-ce que François Hollande va passer des paroles aux actes ? A-t-il les moyens de conduire cette politique nouvelle avec la majorité qu'il a ? Je doute. Je pense, depuis le début, qu'il faut une politique de redressement à ce pays et que la majorité nécessaire à cette politique n'est pas là. Ça sous-entend que François Hollande change les institutions et, à terme, le mode de scrutin. Je suis un peu dubitative sur le fait qu'il aura le courage et la volonté de faire cela, après deux ans sans l'avoir fait. Mais je forme ce vœux, puisque nous sommes dans la période des vœux, qu'il aille dans le sens de décisions justes et courageuses pour redresser le pays.
Vous pourriez alors le soutenir ?
Si elles sont justes, bonnes et d'intérêt général. Mais cela veut dire un tournant par rapport à ce qui a été fait et une cohérence sur le long terme. Vous savez parfaitement qu'on ne peut pas changer de politique tous les jours avec les entreprises. Les entrepreneurs ont besoin de stabilité juridique et fiscale, de l'environnement de l'entreprise. Nous en avons besoin pour redonner confiance au pays.
Newsweek titrait la semaine dernière "The Fall of France". Considérez-vous que nous sommes collectivement dans le déni ? Ou bien est-ce du "french bashing" insupportable ?
Je considère que l'état du pays n'est pas bon. Oui, il y a dans l'article de Newsweek des choses qui ne sont pas tout à fait justes, mais après tout c'est un article de presse et la presse est libre d'écrire ce qu'elle veut. Mais l'état du pays n'est pas bon. François Hollande a dit qu'il avait sous-estimé la crise. Au-delà de la crise, la France a pris énormément de retard dans sa nécessaire modernisation. François Hollande n'en est pas, de loin, le seul responsable. Cela fait des décennies qu'on laisse filer la dette. Les chiffres du commerce extérieur de ce mois-ci sont catastrophiques, alors qu'ils sont excellents pour l'Allemagne, ce n'est donc pas l'euro qui est en cause. On perd des parts de marché. Nous avons, nous France, un problème. C'est pour ça que l'urgence est de travailler à un pacte de redressement du pays.
La Cour des comptes rappelle justement que la dette continue de galoper et que les efforts ne sont pas suffisants.
Oui. Didier Migaud a raison de le dire. On ne peut pas régler la question de la dette en augmentant les impôts. Ceci ne fait pas sens. On ne reviendra à une gestion équilibrée et de bon sens qu'en réformant notre État et nos collectivités locales. C'est comme cela que nous retrouverons des marges de manœuvre, et non en augmentant les impôts.
Cette semaine, nous avons également vu la séquestration de dirigeants de l'usine Goodyear, à Amiens. Quelle est votre réaction ?
Je condamne cette séquestration. On ne peut pas avoir des actes de violence, ni les laisser faire. Ce n'est pas normal, c'est condamnable. J'ai vu un reportage très intéressant sur une autre usine Goodyear, qui elle a accepté il y a cinq ans un plan de restructuration et qui, aujourd'hui se porte bien. Ça veut dire qu'il y a aussi une part de responsabilité de ceux qui participent à la vie de ces entreprises.
Le président mise sur le choc de simplification. Faut-il y croire cette fois-ci ?
Il a raison, c'est nécessaire, mais cela fait trente ans qu'on en parle ! Je me souviens de Jacques Chirac qui disait qu'il fallait simplifier... J'y croirai, quand je le verrai. Demandez à tous les chefs de petites et de moyennes d'entreprises : cet empilement des normes et ce côté parfois tatillon de l'administration sont terribles, il faut des trésors d'énergie pour résister à tout cela. Il y a des initiatives absolument formidables sur le terrain, le rôle de l'administration n'est pas de les empêcher mais de les aider, de les soutenir. Je demande une inversion culturelle, d'être du côté des initiatives, de ceux qui proposent des choses, qui investissent pour l'avenir, qui innovent.
Prenons un exemple concret : les soldes. De nombreuses voix s'élèvent pour dire que cette réglementation est obsolète et qu'il faudrait la simplifier.
Je suis pour la suppression ou la simplification de nombreuses réglementations. Je pense qu'il faut aller vers plus de souplesse. Celle des soldes a été inventée dans un temps où internet n'existait pas, où il y avait une collection uniquement pour l'été et pour l'hiver. On voit bien que nous ne sommes plus dans ce monde là, que la mode est plus réactive, qu'il y a plusieurs collections dans l'année, des soldes sur internet en permanence. Oui, il faut simplifier et alléger tout cela.
Sur le travail du dimanche, quelle est votre analyse ?
Je vais parler de Paris. C'est une capitale qui se doit de vivre quasiment 24h/24. Je crois qu'il faut une ouverture tard le soir. On a vu ce qui s'est passé avec Sephora sur les Champs-Élysées. Enfin ! C'est créateur d'emplois, ça peut donner à des étudiants des jobs nécessaires pour mieux vivre, ça fait des heures supplémentaires qui améliorent les salaires. Je suis pour l'élargissement des zones touristiques, le rapport Bailly donne grosso modo les bonnes pistes. Mais je fais attention à une chose : si les supermarchés "de proximité" ouvrent partout toute la journée du dimanche, cela met une pression difficile au petit commerçant qui est tout seul. J'ai envie qu'on préserve le commerce de proximité, c'est le bémol que je mets. Je ne veux pas qu'on prenne une décision qui aboutisse, à terme, à ce qu'il n'y ait que des supermarchés et plus de petits commerces. Je pense que la vie de quartier, la solidarité, le lien, passent par les commerces de proximité. On parle toujours de ce qui est commercial, mais il faut aussi que les bibliothèques ouvrent le dimanche en journée, que les universités ouvrent leurs portes le soir en semaine, en particulier quand les étudiants révisent leurs examens. Aujourd'hui, on fait la queue dans les bibliothèques de Paris, un étudiant doit attendre quatre heures quand il veut se mettre à bosser. Ce n'est plus acceptable, on ne peut plus vivre comme ça.