🗞 « 2022 sera la dernière année où des Français paieront une taxe d'habitation sur leur résidence principale. » 

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Retrouvez l'interview croisée de Jacqueline Gourault, notre ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, publiée dans Les Echos ce mercredi 19 juin. 

Taxe d'habitation, redevance... : ce que prévoit la réforme des impôts locaux

LES ECHOS - Vous lancez cette semaine la réforme des impôts locaux, discutée depuis un an. Pourquoi tant de retard ?

Gérald Darmanin. Nous débattons effectivement depuis plusieurs mois avec les élus locaux. Nous recevons cette semaine les associations pour finaliser ces concertations. Nous avons deux mois pour écrire la réforme dans le projet de loi de Finances. Puis viendra le débat parlementaire qui sera important, avec l'objectif d'une entrée en vigueur en 2021. Nous aurons encore les textes budgétaires de l'automne 2020 pour corriger les scories éventuelles. Nous ne sommes donc pas dans la précipitation. Nous voulons donner de la visibilité aux maires avant les municipales, en respectant les priorités que nous nous sommes données : ne pas créer d'impôt supplémentaire, compenser à l'euro près les ressources pour les collectivités et simplifier la fiscalité locale.

Jacqueline Gourault. Le Premier ministre nous a chargés de concevoir les modalités de suppression de la taxe d'habitation. Ce sera la réforme de la fiscalité locale la plus importante depuis Jacques Chaban-Delmas [Premier ministre de 1969 à 1972, NDRL]. C'est une mesure de justice fiscale, nous rendons, au total, 17 milliards d'euros de pouvoir d'achat aux Français. Le gain moyen sera de 723 euros par foyer fiscal pour 24,4 millions de foyers.

Comment allez-vous procéder pour supprimer la taxe d'habitation pour les 20 % de ménages les plus aisés ?

J. G. Nous allons garder le même schéma que pour les 80 % de ménages les plus modestes, c'est-à-dire que la taxe d'habitation, pour les 20 % de foyers les plus aisés, baissera d'un tiers en 2021, à nouveau d'un tiers en 2022 et disparaîtra en 2023. 2022 sera la dernière année où des Français paieront une taxe d'habitation sur leur résidence principale. Nous maintenons comme prévu cet impôt sur les résidences secondaires.

Quel scénario avez-vous retenu pour le financement des collectivités ?

G. D. Le montant de la taxe d'habitation, c'est 23 milliards d'euros en 2018, auxquels il faut retirer 2,6 milliards d'euros de taxe de résidence secondaire que nous conservons, 3,7 milliards d'euros de dégrèvement que l'Etat prend déjà en charge. Il faut aussi rajouter 300 millions de frais donnés aux régions. C'est donc une baisse d'impôts de 17 milliards d'euros pour les citoyens qu'il faut compenser pour les collectivités locales.

La proposition du gouvernement aux élus locaux est de donner l'intégralité de la taxe foncière au bloc communal : la part départementale redescendra aux communes et les intercommunalités conservent leur part actuelle. Si une commune a une recette de 60 de taxe foncière et 100 de taxe d'habitation, elle aura demain 160 de taxe foncière. En compensation, les départements se verraient affecter une part d'un impôt national. Nous proposons plutôt d'affecter une partie de la TVA aux départements, comme nous l'avons fait avec succès aux régions, et c'est un impôt très dynamique.

Les maires dénoncent le fait que de nombreuses communes toucheront moins de taxe foncière que de taxe d'habitation et qu'un dispositif complexe de compensation sera nécessaire…

J. G. Il n'y aura pas de perdants. Sur 36.000 communes, 24.000 toucheront plus de taxe foncière que de taxe d'habitation avant la réforme. Il y a quelques centaines de communes qui ne verront pas de différence. Reste la situation de 10.000 communes pour qui cette nouvelle ressource sera inférieure. Nous allons neutraliser les cas de sous-compensation en attribuant 1 milliard de recettes supplémentaires de l'Etat aux collectivités.

G. D. Et nous souhaitons, avec Jacqueline Gourault, faire un geste pour les 10.000 communes rurales parmi les 24.000 communes qui seront légèrement surcompensées. Le gouvernement propose de leur laisser ce surplus de taxe foncière, dès lors qu'il n'excède pas 15.000 euros, sous forme de recettes fiscales supplémentaires. Plus d'un tiers des communes seraient dans ce cas.

Nous visons toujours un déficit autour de 2 % en 2020. Cette importante baisse d'impôts est prévue et financée

Ce milliard supplémentaire est-il intégré dans la trajectoire budgétaire ?

G. D. Nous visons toujours un déficit autour de 2 % en 2020 et de 1,2 % en 2022, conformément à la trajectoire transmise à la Commission européenne en avril dans le pacte de stabilité, même après  les annonces fiscales du Premier ministre du 12 juin . Cette importante baisse d'impôts est donc prévue et financée.

La taxe d'habitation sur les résidences secondaires sera-t-elle fusionnée avec la taxe foncière ?

G. D. Non. Elle continuera d'exister sans augmentation. Nous changerons son nom en concertation avec les élus. Les communes continueront de fixer son taux. Nous conservons également la redevance télévisuelle, dont le prélèvement se voyait fragilisé, car il s'effectue en même temps que celui de la taxe d'habitation. Pour lever cette difficulté technique, l'option la plus probable consiste à adosser la redevance à l'impôt sur le revenu, mais cette réforme interviendra ultérieurement.

Révisons les valeurs locatives dès 2022 

Les communes vont-elles augmenter la taxe foncière pour compenser la disparition de la taxe d'habitation ?

J. G. Arrêtons de croire que les élus augmentent leurs taux par plaisir ! Les maires tiennent à la liberté de taux, mais nous croyons en leur sens des responsabilités.

G. D. En revanche, nous allons proposer d'ouvrir le sujet de la réévaluation des valeurs locatives de la taxe foncière, qui n'a pas été traité depuis cinquante ans. Nous pourrions imaginer que le prochain projet de loi de Finances autorise Bercy à travailler sur ce point en 2021 en collectant les données locatives des habitants et qu'à partir de 2022, la réforme puisse être mise en place, sur une durée de 5 à 10 ans.

Cette révision des bases se fera-t-elle à recettes constantes ?

G. D. L'idée n'est pas d'augmenter les impôts, mais de remettre de la justice. Ces bases de calcul, du fait qu'elles n'ont pas été revues depuis les années 1970, créent des injustices, parce qu'aujourd'hui vous pouvez vous retrouver à payer moins d'impôts locaux dans le XVIe arrondissement de Paris qu'à Tourcoing pour une surface équivalente. Revoir ces bases serait une juste compensation à une iniquité territoriale manifeste.

Pour les locataires, le lien fiscal avec la collectivité ne sera plus maintenu. La pression pour des demandes de services publics risque d'augmenter…

G. D. C'est une fable pour enfants, ce que vous racontez. Vous ne donnez pas accès aux services publics uniquement à ceux qui paient des impôts. D'ailleurs, il n'y a pas nécessairement de corrélation entre des collectivités fortes et une fixation de taux d'imposition locaux. Regardez l'Allemagne, où la loi fédérale prévoit la répartition d'impôts nationaux à l'échelle locale. C'est un pays plus fédéral que le nôtre. Ce qui fait des collectivités fortes, ce sont des ressources sûres et dynamiques.

J. G. Le système actuel pose un problème de lisibilité parce que la commune et le département peuvent intervenir sur le calcul de la taxe foncière. Quand une commune baisse ses taux, alors que le département les augmente, les efforts de la commune ne se voient pas. Or, celui qui est à « portée d'engueulade », c'est bien le maire. Avec cette réforme, nous avons plutôt l'impression de renforcer le lien citoyen entre le contribuable et sa commune.

Comment allez-vous faire avaler aux départements la perte de leur pouvoir de taux ?

J. G. : Nous nous engageons à garantir des ressources pérennes pour toutes les collectivités. On n'entend plus les régions parler de pouvoir de taux depuis qu'elles ont récupéré une fraction de la TVA, qui est une recette très dynamique. De même, de nombreux présidents de conseils départementaux ne verront pas non plus d'un mauvais oeil de bénéficier d'un impôt national dynamique, en particulier dans les départements pauvres.

G. D. On renforce les départements en leur garantissant des ressources fondées non pas sur des iniquités territoriales mais sur la solidarité nationale. Il faut garder en perspective que cette réforme a d'abord été conçue pour les citoyens, pour leur garantir une fiscalité plus simple et plus juste.

Êtes-vous prêts à remettre sur la table un déplafonnement des « frais de notaires » ?

G. D. Ce n'est pas dans notre proposition, mais nous serons à l'écoute des élus locaux.

Vous allez réformer les impôts locaux avant une nouvelle phase de décentralisation. Ne fallait-il pas faire le contraire ?

J. G. On ne fait plus rien si on attend le moment où tout est réuni pour une réforme. On réévaluera les éventuels transferts de charge comme ça s'est toujours fait dans les précédentes décentralisations.

Le patronat souhaite rouvrir le dossier des impôts de production. Êtes-vous prêt à accéder à cette demande ?

G. D. Une chose après l'autre. Cette question se posera sans doute plus tard. Les entreprises vont déjà bénéficier de la réforme de la fiscalité du capital, de la baisse de l'impôt sur les sociétés et de l'allégement des charges sociales. Le temps est venu de réduire l'imposition des ménages.

Si vous supprimez la taxe d'habitation pour les 20 % des ménages les plus aisés, le bilan redistributif du quinquennat Macron sera très favorable aux déciles de revenus les plus élevés…

G. D. Je ne le crois pas. Les ménages paient une taxe d'habitation non pas en fonction de leurs revenus, mais de la taille de leur logement, ce qui fait que cet impôt pèse proportionnellement plus lourd sur les revenus de la classe moyenne. Si à cela nous ajoutons la baisse de l'impôt sur le revenu et la défiscalisation des heures supplémentaires, la classe populaire et moyenne, c'est-à-dire celle qui gagne entre 1.500 et 4.000 euros par mois, va connaître une baisse d'impôt inédite. La vraie critique, celle que nous fait Eric Woerth, c'est de savoir si nous avons les moyens de nos baisses d'impôts. Mais, nous, nous faisons le pari que baisser la fiscalité lèvera les obstacles au dynamisme économique et à la mobilité dans notre pays.

Matthieu Quiret

Retrouvez cette interview sur le site du journal Les Echos.

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