Inceste : "briser cette loi du silence, cette omerta"

Maud Petit
(© Assemblée nationale)

Un texte débattu cette semaine à l'Assemblée, fixe à 15 ans l’âge en dessous duquel un enfant est considéré non consentant pour un acte sexuel avec un adulte, un seuil porté à 18 ans en cas d’inceste. Interview de Maud Petit, députée du Val-de-Marne, membre de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.

Mouvement Démocrate - Que dit clairement le texte ?

Maud Petit - La parole se libère dans l’espace public depuis plusieurs années, d’une part grâce aux affaires médiatisées, telle que la parution du livre de Camille Kouchner, mais aussi par les témoignages de nombreux anonymes à travers le hashtag #metooinceste, qui ont le courage de se dévoiler.
 

Il fallait que la législation évolue également pour accompagner cette parole et la prendre en compte. C’est un combat que je mène depuis le début de la mandature. En 2019, j’avais adressé une question au gouvernement sur la création d’un plan spécifique contre l’inceste.
La représentation nationale a conscience de l’importance du sujet et s’en ait saisie. Nous avons ainsi voté la proposition de loi contre les crimes sexuels sur mineurs, initiée par la Sénatrice Billon, a l’unanimité.

Elle a été retravaillée par l’Assemblée nationale et créée 4 nouvelles infractions dans le code pénal :

  • Le crime de viol sur mineur de moins de 15 ans (20 ans de réclusion criminelle) -Le délit d'agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans, (10 ans de prison et de 150 000 euros d’amende
  • Le crime de viol incestueux sur mineur de moins de 18 ans (20 ans de réclusion criminelle)
  • Le délit d'agression sexuelle incestueuse sur mineur de moins de 18 ans (10 ans de prison et de 150 000 euros d’amende)

Quelles autres mesures prévoit ce texte ?

De nombreuses avancées ont été votées, importantes pour les victimes.

Ainsi, la proposition de loi pose désormais un âge de non-consentement à 15 ans (cet âge avait été fixé à 13 ans au Sénat). Pour l’inceste, ce seuil est porté à 18 ans. Aucun majeur ne pourra plus se prévaloir du consentement d'un mineur en-dessous de cet âge.  

Depuis 2018 et la loi « Schiappa », notre groupe parlementaire avait porté la question du non-consentement des mineurs. C’est une avancée cruciale pour la protection des mineurs qui a été votée.

La définition du viol inclut désormais les actes bucco-génitaux et le périmètre de l'inceste s’applique désormais aux grands-oncles et grands-tantes.

Nous avons également instauré un délit de « sextorsion ». Il consiste à sanctionner le fait de contraindre un mineur à commettre, sur lui-même, des actes de nature sexuelle pouvant être diffusés sur internet. Le but est de protéger les mineurs des prédateurs sexuels, très présents sur internet (notamment sur les réseaux sociaux) et qui sollicitent des photos et vidéos à caractère pornographique du mineur. Ce délit sera pénalement réprimé de 7 ans de prison et 100 000 d’amende.

Un mécanisme de prescription glissante a également été inscrit dans le texte, qui prolonge le délai de prescription dans le cas où la même personne viole ou agresse sexuellement par la suite un autre mineur. C’est donc la date de prescription de la nouvelle infraction qui prévaut pour les deux infractions.

Eric Dupont-Moretti en a donné un exemple concret lors de nos débats :

"Un même auteur commet 5 faits. 4 de ces faits sont prescrits mais il y a 5 victimes, dont 4 qui sont considérées [aujourd’hui] comme témoins. Je souhaite qu’elles aient un statut de victime : donc, plus de prescription pour ces 4 faits, à l’origine prescrits."

Outre la protection légale indispensable, y a-t-il un travail de prévention, de formation des personnels éducatifs - par exemple - à prévoir?

Je suis persuadée que la prévention est indispensable. La libération de la parole est un premier pas indispensable. La pédocriminalité est un fléau silencieux de notre société qu’il faut exposer, pour pouvoir briser cette loi du silence, cette omerta. Avoir conscience de ces violences et de son ampleur au sein de notre société, c’est pouvoir sensibiliser et donc protéger.

La formation fait évidemment partie de la prévention. Accompagner tous les professionnels susceptibles de recueillir la parole de l’enfant (Professionnels de santé, médicaux-sociaux, de la justice, forces de l’ordre…), c’est permettre une prise en charge adéquate et c’est aussi pouvoir repérer les signes d’un traumatisme. Les avancées des recherches scientifiques sur les psycho-traumatismes, par exemple le mécanisme d’amnésie dissociative (ou amnésie traumatique) nous permettent aujourd’hui d’appréhender de mieux en mieux ces signes. Les professionnels doivent pouvoir les repérer. J’avais d’ailleurs proposé des amendements pour réaliser un état des lieux de la formations des professionnels sur les psycho-traumatismes, mais qui n’ont pas pu être discutés, considérés comme cavaliers dans le texte.

Je pense également que nous devons sensibiliser les parents à ces mécanismes, et aussi guider les familles dans la libération de la parole sur le sujet.

Thématiques associées

Je reçois la lettre d'information du Mouvement Démocrate

Engagez-vous, soyez volontaires

A nos côtés, vous serez un acteur de nos combats pour les Français, pour la France et pour l'Europe.

Chaque engagement compte !

Votre adhésion / votre don

Valeur :

Coût réel :

20 €

6,80 €

50 €

17 €

100 €

34 €

Autres montants

Qu'est ce que la déclaration fiscale sur les dons ?
Filtrer par