Marc Fesneau : "Le pire poison qui peut exister dans les élections municipales quand on porte un projet commun, c'est la division"

Marc Fesneau, Ministre auprès du Premier ministre, chargé des Relations avec le Parlement, était l'invité politique de Bonjour chez vous présenté par Oriane Mancini sur Public Sénat, vendredi 19 juin. 

ORIANE MANCINI

On commence avec cette censure du Conseil constitutionnel, Marc FESNEAU : l'essentiel de la loi Avia, c'est la loi qui vise à encadrer, à lutter contre les contenus haineux sur Internet, qui a donc été retoquée par le Conseil constitutionnel. Est-ce que c'est un camouflet pour la majorité ?

MARC FESNEAU

En tout cas c'est un point de vigilance. D'abord je pense que, comme tout le monde, il faut prendre acte des décisions du Conseil constitutionnel, et au fond on n'a pas forcément à les commenter, simplement à regarder sur quel fondement il a décidé de censurer tel ou tel dispositif, en particulier dans ce texte le fait que le juge n'intervienne pas dans les dispositions. Reste quand même le problème qui était celui auquel voulait répondre cette proposition de loi - je rappelle que c'était une proposition de loi - qui était celui d'essayer de lutter contre les contenus haineux sur Internet. Je constate ceci étant depuis lors, puisque c'est un texte qui avait une certaine antériorité, que les plateformes et un certain nombre d'opérateurs commencent à se poser la question des contenus qu’ils mettent. On voit bien les débats qu'il y a aux Etats-Unis avec le président TRUMP, pour faire en sorte que des contenus qui paraissent ou être des fausses nouvelles – pour ne pas employer le terme anglais - ou des contenus qui sont trop haineux puissent être retirés donc c'est aussi la responsabilité des plateformes. Ça interrogera sur le texte. Ça me permet de dire au passage que dans les décisions du Conseil constitutionnel, il faut accepter toutes les décisions du Conseil constitutionnel. Alors je vois certains se réjouir de telle ou telle décision, et après mettre en cause les autres décisions du Conseil constitutionnel. Moi je suis respectueux...

ORIANE MANCINI

Vous pensez à quoi ?

MARC FESNEAU

En général. Il y a eu des dispositions. Le Conseil constitutionnel avait été saisi par exemple sur la sortie de l'état d'urgence ou sur un certain nombre de dispositions législatives, et j'entendais un certain nombre de responsables publics ou de responsables politiques remettre en cause les décisions du Conseil constitutionnel. Les décisions du Conseil constitutionnel, c'est un tout. C'est le juge suprême, au fond, des lois et donc il faut respecter le Conseil constitutionnel dans ses décisions mais dans toutes ses décisions. Ça fait partie du respect des institutions.

ORIANE MANCINI

Pour revenir à la loi Avia, quand on voit la décision du Conseil constitutionnel, est-ce qu'il n’y a quand même pas eu un problème de préparation avec cette loi ?

MARC FESNEAU

Sans doute peut-être un problème de regard, en tout cas sur la manière dont on pouvait aborder cette question. Ça nous invite à re-réfléchir sur les dispositions législatives. D'ailleurs au fond le Conseil constitutionnel, lisant hier sa décision, il dit : sur le fond, les motivations sont assez justes ; après sur les outils, il faut y travailler différemment et donc c'est le rôle les législateurs d’y travailler.

ORIANE MANCIN

Ça veut dire qu’il faut, quoi, mieux préparer la loi la part des législateurs ?

MARC FESNEAU

En règle générale de toute façon, il faut qu'on ait tous, et ce n’est pas que sur ce texte-là, une vigilance particulière sur la conformité des lois. En même temps je vois bien, j'ai été parlementaire, la volonté toujours de dire : c'est peut-être constitutionnel, ça ne l'est peut-être pas et, au fond, le Juge Constitutionnel il est là pour dire le droit et le droit constitutionnel

ORIANE MANCINI

Est-ce que, du coup, une nouvelle loi est en préparation ?

MARC FESNEAU

Ecoutez, c'est une décision qui date d'hier...

ORIANE MANCINI

Vous l’envisagez ou pas ?

MARC FESNEAU

A ce stade, non, mais la question c'est de regarder comment on essaie de résoudre le problème auquel... Ce n’était pas une loi pour faire une loi.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

Vous convenez qu'il y a un problème et qu'on ne peut pas laisser les choses en l’état.

MARC FESNEAU

Il me semble qu'il y a quand même un sujet sur la diffusion de contenus haineux et qu'on voit bien dans le moment dans lequel on vit qu’il y a un sujet de diffusion sur des plateformes, sur les réseaux sociaux de contenus haineux, mais qui est une question qui est posée aux législateurs et aux responsables publics mais aussi à ceux qui hébergent ces plateformes, et donc, oui, il y a une question. Ça n'est pas parce que la disposition législative principale de ce texte a donné lieu à ce jugement du Conseil constitutionnel que les sujets qui sont sur la table disparaissent.

ORIANE MANCINI

Ce sont les sénateurs qui avaient alerté, qui avaient saisi le Conseil constitutionnel. Jean-Raymond HUGONET, le sénateur Les Républicains qui était à votre place il y a quelques minutes, dit : cette décision du Conseil constitutionnel, c'est une fois le plus l’illustration que le gouvernement n'écoute pas assez le Sénat. Est-ce qu'il a raison ?

MARC FESNEAU

Des décisions du Conseil constitutionnel, et le sénateur HUGONET le sait mieux que moi ou aussi bien que moi, les décisions du Conseil constitutionnel qui viennent censurer telle ou telle disposition ce n'est quand même pas une nouveauté qui date d'hier. Il est arrivé sous d'autre mandature, sous d'autre législature que le Conseil constitutionnel... J’ai même vu un projet de loi de finances dont une partie avait été - c'était sous le président SARKOZY - avait été censurée par le Conseil constitutionnel...

ORIANE MANCINI

Mais est-ce que si vous aviez écouté la version du Sénat, les sénateurs, vous n'en seriez pas là ?

MARC FESNEAU

Mais tout le monde n'a pas raison d'un bloc ou tout le monde n’a pas tort d'un autre bloc. Je pense que c'est dans le dialogue entre le Sénat et l'Assemblée nationale que les choses se font correctement et ça nécessite de le faire, autant que faire se peut, de manière correcte mais il faut respecter les décisions du Conseil constitutionnel.

ORIANE MANCINI

Allez, on va passer à la question des violences.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

Oui, autre sujet de l’actualité, sujet brûlant, celui des violences. Qu'est-ce que ça dit de l'état du pays ?

MARC FESNEAU

Ça ne dit pas des choses que de l'état du pays, ça dit des choses de l'état de nos pays, de nos démocraties parce qu'on voit bien que dans beaucoup de démocraties, l'émergence de la violence est un élément plus profond et plus accru que nous n’avions jamais connu. Je dis qu'il faut faire d'abord attention au fait que, dans nos propos et dans nos paroles, la brutalité des mots et parfois la violence des mots elle entraîne – je n’ai pas dit qu’elle accréditait – mais elle met dans la tête d'un certain nombre de gens que la voie du débat démocratique, c'est la voie de la violence. Moi je pense que c'est une erreur et nous, responsables publics, il faut que dans nos prises de position nous soyons à la fois fermes et en confrontation politique parce que c'est la démocratie, mais il faut faire attention aux mots. C'est la première chose. Deuxièmement, nous sommes dans une société qui est assez violente. C'est la question qui est posée d'ailleurs sur un certain nombre de plateformes où on voit que parfois sont relayées à des attitudes violentes et on en a fait l'apologie. Si nous sommes dans une société violente, il faut qu'on essaie de respecter...

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

Le cas de Dijon, Marc FESNEAU, est quand même assez symptomatique. Marine LE PEN demande une commission d'enquête sur ces violences, vous en pensez quoi ?

MARC FESNEAU

Libre à elle de demander une commission d'enquête si elle le veut.

ORIANE MANCINI

Mais ce serait une bonne chose pour vous, cette commission d’enquête parlementaire ?

MARC FESNEAU

Avant une commission d’enquête, j'invite à ce qu'on laisse faire l'enquête. Je constate qu'il y a un certain nombre d'interpellations qui ont eu lieu, mais je ne résume pas la question de la violence au sujet et aux faits qui se sont déroulés à Dijon qui sont des faits très graves, qui sont le fait de bandes qui se sont affrontées, de bandes qui n'étaient pas d'ailleurs résidentes de Dijon pour un certain nombre d'entre eux. Il y a des enquêtes qui sont en cours, il y a des interpellations qui ont eu lieu. Avant la commission d'enquête, laissons faire l'enquête, laissons faire les policiers, laissons faire la justice pour qu'elles procèdent aux éléments d’analyse...

ORIANE MANCINI

Donc c'est trop tôt ou c'est une mauvaise idée, une commission parlementaire là-dessus ?

MARC FESNEAU

Une commission d'enquête, elle est là pour regarder, me semble-t-il, ce que peuvent être une fois les faits établis, une fois les faits avérés, une fois la distance un peu nécessaire passée pour regarder ce qui peut avoir été des dysfonctionnements. C'était il y a huit jours. Il serait bien que les commissions d'enquête, et je crois que c'est ce qu'elles font d'ailleurs jusqu'alors, ne se substituent pas aux enquêtes. Il faut laisser faire les enquêtes, il faut que la justice passe, il faut que la police puisse faire son travail. Et à partir de là peut-être qu’il y a des enseignements à en tirer et, à ce moment-là, c'est l'objectif d'une commission d'enquête.

ORIANE MANCINI

C’est quoi ? C'est politique de la part de Marine LE PEN de demander une commission d’enquête maintenant ?

MARC FESNEAU

Est-ce que ça vous étonne ? En tout cas, pas moi. Marine LE PEN va aux quatre coins de la France là où il y a des difficultés. Alors ça, c'est une facilité d'une opposante qui fait feu de tout bois, si je peux dire, pour essayer d'attiser ou de profiter des situations politiques. La situation qui a eu lieu à Dijon est une situation suffisamment grave pour que les gens qui se considèrent comme des responsables - et le mot responsable n'est pas un vain mot - essayent de résoudre les situations et de ne pas tirer parti des situations.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

Est-ce qu’on doit comprendre que vous lui reprochez d'entretenir cette violence politique verbale dont vous parliez tout à l'heure ?

MARC FESNEAU

Non, je n'ai pas dit ça. Je disais qu’elle se saisit de toute situation pour en essayer d'en tirer un profit politique. Mais par ailleurs collectivement, et ça ne s'adressait pas particulièrement à elle, je pense qu'il faut qu'on fasse attention dans le débat public à employer des mots qui soient les mots de l'apaisement et pas les mots de la confrontation entre tel et tel citoyen. Je pense que ça serait une erreur.

ORIANE MANCINI

Ce qui n’est pas toujours le cas de la part des partis politiques.

MARC FESNEAU

Ce qui n'est pas toujours le cas de la part des partis politiques.

ORIANE MANCINI

Lesquels notamment ?

MARC FESNEAU

Je ne vais pas faire une liste des partis politiques, je ne suis pas là pour dresser le tableau et faire le tableau d'honneur, si je peux dire, de ceux qui font défaut à ce qui, me semble-t-il dans une République et dans ceux qui respectent la République et qui respectent la démocratie, est de faire attention aux mots. Parce que je pense que dans une société qui est extrêmement éruptive, et quand je dis une société ce n'est pas qu'une société française - une société mondiale qui est extrêmement éruptive, je pense que la responsabilité que nous avons c'est de dire les choses telles qu'elles sont, d'essayer de résoudre les problèmes et ne pas attiser les querelles.

ORIANE MANCINI

Toujours en rapport avec ces événements de Dijon, Bruno RETAILLEAU cette fois, le patron des sénateurs Les Républicains, va déposer une proposition de loi visant à faciliter l'expulsion des étrangers délinquants. Est-ce que vous la soutiendrez ?

MARC FESNEAU

Ecoutez, je n'ai pas les dispositions qui sont proposées par Bruno RETAILLEAU. Vous me permettrez une petite digression en disant, vous voyez, on dit qu'il faut faire la loi et prendre le temps de faire la loi. Il y a un événement il y a huit jours et on fait une proposition de loi huit jours après. Est-ce qu'il ne faut pas prendre un peu de temps pour regarder des dispositions législatives ? On voit bien la question qui est posée évidemment.

ORIANE MANCINI

Donc là aussi, c’est trop tôt de la part de Bruno RETAILLEAU ?

MARC FESNEAU

Je n’ai pas dit que c'était trop tôt. Je fais une digression en disant, voyez, le temps de la loi parfois n'est pas le temps de l'actualité. Donc il faut peut-être le temps de regarder les choses. Il y a déjà des outils qui existent d'ailleurs et donc je n'ai pas les dispositions. Je crois que le président RETAILLEAU a posé un principe, on regardera les dispositions. Enfin, je veux dire, il faut regarder les choses en temps et en heure et pas forcément sous le feu de l'actualité. Parce que je trouve que dans ces cas-là, on prend toujours le risque d'être un peu trop sous le feu de l'actualité.

ORIANE MANCINI

On va parler de la relance de l'économie, question qui inquiète les Français, cet après-crise, cette crise économique. Il y a plusieurs budgets rectificatifs qui ont été présentés par le gouvernement pour faire face à cette crise économique et à ces chiffres qui s'aggravent de la dette, du déficit. Est-ce qu'il y aura un autre budget rectificatif ?

MARC FESNEAU

Nous en sommes au troisième Plan de finance rectificatif qui va donc être débattu à l'Assemblée nationale et au Sénat ensuite durant le mois de juin et le mois de juillet. Après on rentre dans le projet de loi de finances tout court. Je ne crois pas, alors sauf événement imprévu. Vous savez, on est dans un moment politique, dans un moment économique et social, dans un moment sanitaire qui est un moment qui est inédit, totalement inédit, totalement extraordinaire au sens premier du terme mais je pense qu’on est plutôt après dans un PLF qui interviendra à l'automne et qui permettra, pour le coup, de projeter les choses pour l'année 2021.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

L’Europe aussi s'intéresse à la relance. Les Etats doivent se prononcer sur une relance commune. On évoque la possibilité d'un impôt communautaire. Vous êtes de longue date un militant européen. Qu'est-ce que vous en pensez ?

MARC FESNEAU

Alors d'abord saluer le travail et saluer l'action du président de la République, je le dis quand même, parce que nous partions de très loin. Il y avait un certain nombre de pays européens - je pense à un certain nombre de pays du nord mais même l'Allemagne - qui n'étaient pas favorable à ce que nous mutualisons, au fond, la relance et d'une certaine façon la dette.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

C’est quand même madame MERKEL qui a débloqué la situation en étant finalement ouverte à cette idée.

MARC FESNEAU

Vous ne m’avez pas entendu dire que nous avions été tout seuls et que nous avions seuls avancé. Mais reconnaissons aussi, reconnaissons les choses telles qu'elles se sont passées : c'est le président de la République qui a été à l'initiative et reconnaissons que le président de la République depuis son élection - d’ailleurs ç’avait été l'un des fondements de sa campagne de 2017 - est un ardent défenseur de l'Europe et essaie de faire avancer l'Europe pour que, pour les citoyens, elle réponde aux questions concrètes qu’ont les citoyens devant eux. Et après on a besoin de partenaires et c'est quand même bien de convaincre des partenaires, et c'est bien que madame Merkel – et il ne vous aura pas échappé que j'ai plutôt le sentiment, et ce n'est pas une critique parce que la construction européenne, c'est fait de compromis - mais reconnaissons que la position allemande est une position qui a plutôt évolué vers nous que nous vers eux. Et donc on a on a fait œuvre collective, et personne n'a gagné, c'est les citoyens européens qui ont gagné. Et donc la question que vous posez...

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

Oui, sur un impôt commun, ce qui serait une grande nouveauté.

MARC FESNEAU

Oui, je vois qu’il y a un certain nombre de questions qui sont sur la table. Il faut voir les solutions parce qu'on voit bien que la difficulté d'un impôt européen, c'est que ça peut être vécu évidemment par les Européens comme quelque chose de négatif. La question des moyens n’est pas déliée de la question de qu'est-ce qu'on en fait, et je pense que c'est dans un bloc global qu'on regardera les choses. C’est un des éléments qui est sur la table, il y en a d'autres qui peuvent être sur la table. I y a des éléments de prise en charge de la dette. On verra quelles sont les voies et moyens pour le faire. Ceci dit, que le budget européen quand vous regardez à l'échelle continentale ce qu'il est, il est assez faible par rapport à la somme des budgets nationaux, que puisse se poser la question ce n'est pas forcément un impôt supplémentaire : c'est peut-être des ressources qu'on distribue différemment vis-à- vis de l'Europe, puisse être une question, oui c'est une question. Parce que je pense qu'on ne peut pas à la fois demander à l'Europe d'agir ici sur les questions sanitaires, d'agir ici sur la lutte contre le changement climatique, ici sur les transports, ici sur la crise économique et en même temps de dire : tout ça se fait à budget strictement constant. Parce que sinon, vous voyez bien ce sur quoi on bute parce qu'à un moment, il faut faire des priorités. A ressources constantes, évidemment on ne peut pas faire plus, et donc il y a une question qui est posée et qui est posée à tous les Européens.

ORIANE MANCINI

Sur cette question de la relance, il y a eu des propositions des sénateurs Les Républicains, un plan de rebond selon leurs termes, avec notamment un passage aux 37 heures. Le retour du travailler plus pour gagner plus. Est-ce que pour vous il faut s'attaquer aux 35 heures ?

MARC FESNEAU

Non mais déjà, il y a eu un certain nombre d'assouplissements qui ont été mis en place avec un certain nombre de discussions qui se font au plus près des entreprises. Je me méfie toujours des exercices qui constituent alors pour les uns à rétablir l’ISF ou à le maintenir, pour les autres à travailler plus pour gagner plus. On a le sentiment que c'est quand même une crise très profonde que nous vivons, un moment absolument historique de ce point de vue-là. Que nous revenions chacun avec les idées avec lesquelles nous étions en entrant dans cette crise me laisse toujours un peu circonspect. Je ne suis pas sûr que ce soit... C’est un moment tout à fait inédit, je ne suis pas sûr qu'il faille retrouver les solutions que nous avions strictement au mois de février. Parce qu'au fond cette proposition-là, elle était existante comme d'autres sur d'autres sujets et, pour le coup pour les autres sur l'aile gauche de l'hémicycle. Bon, je crois qu'il y a des assouplissements qui sont nécessaires. On voit bien qu'aujourd'hui la question est au fond une question de relance.

ORIANE MANCINI

Pour vous, il y a des choses à retenir des propositions des sénateurs Les Républicains ?

MARC FESNEAU

On regardera, on les analysera. Il y a sans doute des points de convergence. Après, il faut qu'on fasse un exercice de vérité et de lucidité collectives. Il y a beaucoup de propositions qui sont des propositions de dépenses supplémentaires. Je vois, je constate que personne ne manque d'imagination en ce domaine et c'est tant mieux parce qu'il faut de l'imagination et il faut qu'on puisse faire converger les imaginations. Après il y a des contingences budgétaires quand même. C'est-à-dire qu’il faudra qu'on fasse des priorités et donc il faudra qu'on choisisse. Le président de la République dans son allocution dimanche dernier a dressé un certain nombre de perspectives et il faudra aussi que, dans ce cadre-là, on essaye de trouver des points de convergence. Mais par postulat...

ORIANE MANCINI

Ça doit être quoi les priorités pour vous ?

MARC FESNEAU

Mais par postulat, je pense qu'il faut regarder toujours avec intérêt voire bienveillance dès lors que c'est fait de bonne foi les propositions qui viennent d'horizons qui ne sont pas ceux de la majorité présidentielle. Parce qu'après tout, peut-être que dans le moment inédit dans lequel nous vivons, que nous puissions les uns et les autres faire œuvre de responsabilité et d'œuvre commune vers le pays, moi je trouve que c'est une bonne idée. Donc on verra.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

Marc FESNEAU, se remettre d'une crise comme celle-là, qu'est-ce que vous dites aux Français ? C'est quatre ans, cinq ans, dix ans ?

MARC FESNEAU

Je ne suis pas économiste. On voit bien que les économistes d'abord débattent beaucoup de savoir si la courbe va être en V ou pas en V, c'est-à-dire si le rebond va être très rapide. Je pense que structurellement il y a des secteurs qui en ont pour plusieurs années. Je pense au secteur des transports en particulier aéronautique. Je pense au secteur du tourisme parce que profondément peut-être ça va changer les choses. C'est assez dépendant aussi de qu'est-ce qu'il adviendra de ce virus parce qu’on voit bien qu’il y a des foyers de résurgence. C’est l'occasion de dire que quand même, je trouve que nous avons dans le déconfinement été... On nous a parfois reproché beaucoup de prudence etc. Il y a encore le virus qui circule mais pour l'instant, le virus et l'épidémie est maîtrisé, et donc c’est aussi avec ce regard-là qu'il faudra poser les choses. C'est sans doute un temps assez long pour se remettre d'une crise comme celle-là. C'est une crise beaucoup plus profonde que celle de 2008, on revient peut-être plutôt quatre-vingts ou cent ans en arrière pour avoir une crise qui soit comparable. Ça n'est pas une crise. C'est une crise qui est liée à un accident, liée à une pandémie. Ce n'est pas une crise structurelle au fond mais c'est une crise qui va poser des questions très lourdes à un certain nombre de secteurs, donc on peut mettre un certain temps et c'est pour ça que notre responsabilité collective c'est de... Il y a des étapes électorales, il y a des opposants et il y a des gens qui sont dans la majorité. Mais je pense que nous devons devant les Français – et c'est valable en France comme dans toutes les grandes démocraties - faire œuvre commune parce que ce que nous avons devant nous, c'est quand même une crise économique et donc sociale qui va être très lourde.

ORIANE MANCINI

Durant cette période, cette crise sanitaire, le gouvernement a beaucoup gouverné par ordonnance. Est-ce que maintenant il faut revenir à un fonctionnement normal du Parlement? Ça n’a pas forcément plu aux parlementaires ces ordonnances, ils se sont sentis dépossédés. Est-ce qu'il faut revenir à un fonctionnement normal ?

MARC FESNEAU

Nous y sommes revenus. D'ailleurs dans le texte que j'ai l'honneur de présenter au nom du gouvernement sur diverses dispositions législatives, j'ai vu que les parlementaires à l'Assemblée nationale et au Sénat se félicitaient du fait que partant de quarante ordonnances nous soyons revenus à dix. Ça ne s'est pas fait contre le gouvernement. Ce n’est pas une victoire du Parlement contre le gouvernement : c'est un travail collectif que nous avons fait pour faire en sorte d'inscrire dans le dur, comme on dit, des dispositions qui étaient encore par voie d'ordonnance. Reconnaissons aussi que dans le moment que nous avons vécu, parfois les ordonnances peuvent être utiles parce qu'il y avait besoin d'agir vite et comme nous touchons à des sujets très complexes et très nombreux, il aurait fallu quasiment autant de textes que d'ordonnances. Et donc dans un moment législatif qui était un moment compliqué, les ordonnances ne sont pas à jeter, si vous me permettez l’expression, avec l'eau du bain. Les ordonnances sont des outils qui peuvent être utiles. Après il faut limiter leur recours. La Constitution en prévoit l'usage. Le Conseil d'Etat d'ailleurs, à plusieurs reprises sur les projets qui lui étaient soumis, a indiqué qu’on ne dévoyait pas le sens des ordonnances. Il nous demandé pour certaines de les inscrire en dur, ce qu'on a fait. Ça peut parfois être utile mais c'est mieux quand les parlementaires peuvent se saisir d'un point de vue très précis de la législation. Et donc nous l’avons fait dans les récents textes et ce sera utile, mais parfois les ordonnances sont aussi utiles.

ORIANE MANCINI

Allez, l'Assemblée nationale qui, vous le disiez, a voté mercredi soir le prolongement de l'état d'urgence sanitaire mais les restrictions... L’arrêt de l'état d'urgence sanitaire mais les restrictions sont prolongées pendant une période d’au moins quatre mois.

MARC FESNEAU

La capacité à activer certaines restrictions sont prolongées, oui.

ORIANE MANCINI

Alors ça fait craindre chez une partie des parlementaires qu’il y ait une sorte d'état d'urgence permanent. On va écouter ce qu'en pense Philippe BAS, il était hier à votre place. C’est le président de la commission des lois du Sénat.

PHILIPPE BAS, PRESIDENT DE LA COMMISSION DES LOIS DU SENAT

C'est un état d'urgence non pas permanent mais de quatre mois qui ne dit pas son nom, et je crois qu'il faut être transparent et intellectuellement honnête dans ce qu'on fait.

ORIANE MANCINI

Qu'est-ce que vous répondez ? Il y a un manque de transparence ?

MARC FESNEAU

Mais je crois que nous sommes transparents et intellectuellement neutres. Nous essayons de sortir un certain nombre de dispositions de l'état d'urgence tel qu'il était voté dans la loi du 23 mars, si j'ai bonne mémoire, et en même temps on a encore besoin d'outils. Vous voyez bien que les résurgences épidémiques font que nous avons besoin de disposer encore d'outils qui nous permettent, le cas échéant, sur les rassemblements publics, sur les établissements ouverts au public, de pouvoir procéder à des contingences ou des restrictions qui permettent de maîtriser l'épidémie.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

Vous comprenez que ça puisse inquiéter dans un Etat de droit ?

MARC FESNEAU

Mais moi je vais vous dire ce qui m'inquiète. Ce qui m'inquiète, c'est que nous ne disposions pas d'outils pour faire face à une résurgence épidémique. Le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat se sont prononcés, pour partie pour le Conseil constitutionnel et pour le Conseil d'Etat plus largement, dans les différentes dispositions que nous avions prévues. On a besoin d'outils pour pouvoir faire face à ce que serait une résurgence et donc de ne pas re-procéder forcément. Il y a des dispositifs. On prolonge jusqu'à quatre mois, à quatre mois d'ailleurs ça s’éteint, ce n'est pas une question de prolongation : à quatre mois, ça s'éteindra. Nous verrons à ce moment-là mais il y a un certain nombre d'endroits où on voit bien parfois des résurgences épidémiques qui nécessitent des mesures de restrictions vis-à-vis d'établissements ou autres - je le disais à l'instant - et qui nécessitent de le faire. Après je comprends - et moi je suis un ardent défenseur - le Premier ministre, le président de la République - des libertés publiques et donc il faut qu'on tienne cette exigence de liberté publique auquel fait référence au fond le président Philippe BAS et il faut qu'on soit exigeant là-dessus. Mais en même temps mon inquiétude première, c'est de ne pas disposer d'outils qui permettraient en cas de résurgence épidémique de ne pas faire face. C'est quand même ça, une exigence. Mais ça ne vient pas excuser l'idée que, évidemment, on sait que dans le confinement généralisé qui a été mis en place à partir du 17 mars, il y a des privations de liberté importantes qui ont été faites, que les Français ont acceptées et assumées et grâce à eux, on a pu maîtriser l'épidémie. Et vous voyez bien que parfois on a été obligé de prendre des dispositions exceptionnelles parce que la situation était exceptionnelle. Et ni vous ni moi ne savons ce que sera l'état épidémique du pays en France et dans le monde, et donc on a besoin d'être précautionneux me semble-t-il.

ORIANE MANCINI

Quelques points sur le calendrier parlementaire à venir avant de parler des municipales avec Fabrice. Je vais vous demander des réponses assez rapides. D'abord les conclusions de la Convention citoyenne qui doivent se tenir ce week-end, les citoyens qui doivent rendre leurs conclusions. Est-ce qu'il y a une place prévue dans le calendrier parlementaire si certaines de ces propositions doivent passer par la loi ?

MARC FESNEAU

Vous voyez bien que la Convention citoyenne va rendre ses conclusions ou ses dispositions ce week-end. Il faut quand même établir un texte, il faut qu'il puisse passer au Conseil d'Etat. Il faut respecter les procédures et les institutions et donc ça ne donne pas la possibilité au mois de juillet pour être très clair. Après se réouvre le champ parlementaire à l'automne et donc j'imagine qu'à l'automne...

ORIANE MANCINI

Vous ferez une place à ces propositions.

MARC FESNEAU

Je crois que le président de la République a bien l'intention, et le Premier ministre, ont bien l'intention de donner suite et donner à la fois crédit et suite aux propositions qui sont faites par la Convention citoyenne. On nous avait beaucoup reproché en disant que c’était un gadget ; au fond, vous voyez bien que nous, nous l'avons fait avec la volonté que de ce qui sortait de cette Convention citoyenne nous puissions faire quelque chose qui puisse être débattu devant le pays.

ORIANE MANCINI

Autre question rapide, la loi bioéthique dont le retour est prévu en juillet à l'Assemblée nationale. Ça sera quand au Sénat ?

MARC FESNEAU

C’est en juillet à l'Assemblée nationale. Il y a interruption des travaux parce qu'il ne vous aura pas échappé que dans cette maison, il y a des élections sénatoriales et on va respecter la coutume républicaine qui fait qu'il n’y a pas de débat et donc c'est après...

ORIANE MANCINI

Donc le Sénat reprendra en octobre.

MARC FESNEAU

Et après on verra dans le calendrier parlementaire l'ensemble des textes et on verra à quel moment peut être débattu le texte sur la bioéthique.

ORIANE MANCINI

Une petite parenthèse d'ailleurs, le Sénat reprendra ses travaux en octobre pour cause d'élections. L’Assemblée, il y aura une session extraordinaire en septembre ?

MARC FESNEAU

Pour l’instant, c'est un décret. Ça appartient au président de la République, c'est un décret du président de la République mais il n’est pas impossible. On verra. C’est en fonction des textes, là aussi il y a des choses autour de la relance puis après nous rentrons dans une grande séquence budgétaire. L’automne français si je peux dire, en termes parlementaires, est un automne très budgétaire et donc il faut qu'on trouve aussi des lieux, enfin des espaces de temps qui permettent de débattre d’autres textes.

ORIANE MANCINI

Donc la loi bioéthique ne sera pas forcément adoptée par le Parlement d'ici la fin de l'année 2020.

MARC FESNEAU

On verra. Moi je ne préempte pas le temps dont veulent disposer les parlementaires. C'est un texte qui ne bénéficie pas, entre guillemets, de la procédure accélérée. Il faut laisser le temps. Je pense que les débats se sont passés dans de bonnes conditions à l'Assemblée nationale et au Sénat. Sans passion et avec de profondes divergences entre parlementaires et parfois entre les assemblées. C'est très bien, c'est un débat démocratique. Il faut que ce débat continue à se passer dans ces conditions-là. C’est ce sur quoi nous veillerons.

ORIANE MANCINI

Allez, les municipales.

ORIANE MANCINI

Allez, les municipales.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

Dans quelques jours, on vote pour le deuxième tour des élections municipales.

MARC FESNEAU

C’est exact. Sauf dans la commune dans laquelle j'étais maire.

ORIANE MANCINI

Dans beaucoup de communes.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

Finalement, il en reste assez peu mais les plus grosses donc, du coup, c'est important. Quelle place pour les centristes finalement dans cette élection municipale ?

ORIANE MANCINI

Et pour le MoDem particulièrement.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

Pour le MoDem en particulier.

MARC FESNEAU

La place qui a toujours été la leur dans les territoires. Historiquement, cette famille de pensée a toujours eu plutôt des élus sur les territoires. Reconnaissons que l'essentiel du jeu ou du match s’est joué au premier tour parce que le deuxième tour n'est qu'une confirmation, une prolongation au gré des alliances qui peuvent se nouer.

ORIANE MANCINI

Quel bilan pour le MoDem alors au premier tour ?

MARC FESNEAU

Il y a un certain nombre de maires qui sont élus, un certain nombre d'autres qui sont en bonne position dans un certain nombre de départements. Difficile de faire un bilan là. En tout cas, un bilan positif en termes de nombre de conseillers municipaux qui sont élus. C'est le travail toujours d'un parti politique, de tous les partis politiques de faire de ces élections toujours un moment important de vie démocratique pour le pays et de vie démocratique pour les partis. C'est l'occasion de faire monter des générations. J'ai commencé comme conseiller municipal il y a un certain nombre d'années désormais. C’est une des meilleures voies d'apprentissage de la vie publique que celle de la vie locale.

ORIANE MANCINI

Mais est-ce que quand même le MoDem n'a pas eu du mal à exister pendant ces municipales ?

MARC FESNEAU

Mais on ferait une deuxième erreur et j'ai dû le dire ici sur votre plateau que de dire : les municipales, c'est une affaire du MoDem, des Républicains, de la République en Marche ou du Parti socialiste ou d'autres formations politiques. C’est une affaire locale.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

Non, mais vous disiez pour certains partis politiques comme les centristes et le MoDem en particulier, les municipales sont généralement une aubaine.

MARC FESNEAU

Oui, mais nous aurons des conseillers municipaux assez nombreux. Je n’ai pas le chiffre aujourd'hui. Et puis il faut faire un bilan à la fois dans les communes de plus de 3 500 ou c'est facile à identifier et dans celles qui sont de plus petite taille, mais c'est plutôt, comment dirais-je, un cru qui a permis de faire monter des générations à l'intérieur de la famille centriste et à l'intérieur du MoDem en particulier. Donc je pense que c’est une bonne chose.

ORIANE MANCINI

Est-ce que vous n’avez pas été lâché par la République en Marche ?

MARC FESNEAU

Lâché ? Où ça ? Comment ? On peut avoir eu des désaccords il y a eu des désaccords.

ORIANE MANCINI

Il y a eu beaucoup de désaccords.

MARC FESNEAU

Il n’y a pas eu beaucoup de désaccords, non.

ORIANE MANCINI

Il y a eu beaucoup de villes, de communes où il y avait un candidat MoDem, un candidat la République en Marche.

MARC FESNEAU

Vous savez, il en va des élections municipales et des accords partisans comme des trains : c'est-à-dire qu'on ne voit que ceux qui sont en retard et jamais ceux qui sont à l'heure. Il y a eu beaucoup d'accords. Je pourrais vous citer la liste, mais je ne veux pas après ouvrir une porte qui ferait que vous seriez obligée de compenser, la liste des candidats sur lesquels nous avons un accord, sinon je vous fais la liste tout de suite mais vous allez être en défaut après de temps de parole et vous serez obligée de donner un temps de parole à d’autres. Je connais la règle donc je m'y astreins. Mais il y a beaucoup d'endroits où il y a eu des accords. Ce n'est pas parce que dans quatre, cinq ou six endroits... Et parfois il y a eu des désaccords au premier tour et des convergences au deuxième et c'est l'immense majorité des cas. C'est plus de 90 % des cas, 95 % des cas. Et donc on a pu travailler ensemble.

FABRICE VEYSSEYRE-REDON

Donc la République en Marche est un partenaire fiable.

MARC FESNEAU

Mais il faut qu’on soit pour qu'on porte réciproquement une forme d'exigence qui fait que d'abord on respecte nos sortants, on essaye de converger, on peut avoir des désaccords, on les assume. Il faut que ça se passe en bonne intelligence. Ce n’est pas toujours facile. Il y a toujours des forces dans les partis politiques qui essaient de se cantonner à s'opposer les uns les autres. Le pire poison, et ce n'est pas qu'un poison entre la République en Marche et le MoDem, le pire poison qui peut exister dans les élections municipales quand on porte un projet commun, c'est la division. Et c'est ça qui a été aussi parfois à l'œuvre et qui a parfois porté des mauvais fruits si je peux dire au moment des municipales. C'est l'idée de la division. Et je pense que les personnalités doivent se retirer de cet esprit de division pour essayer d’œuvrer vers le collectif et c'est ça notre exigence.

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