Vote de la réforme bancaire : "C'est la voie de la sagesse"

Pour Jean Peyrelevade, le vote par l'Assemblée nationale de la loi portant sur la réforme bancaire n'est "qu'une première étape". L'économiste proche de François Bayrou appelle à "filialiser toutes les activités", à s'attaquer au "shadow bancking" et à "obliger les produits dérivés à passer par des structures de marché".
En quoi la loi sur la séparation des activités bancaires est-elle importante ?
Jean Peyrelevade - Le projet de loi comporte deux chapitres essentiels. D'abord, il s'agit d'obliger les banques à filialiser celles de leurs activités qui sont considérées comme les plus spéculatives. C'est-à-dire mettre une frontière entre deux périmètres : les interventions qui concernent les épargnants d'un côté, et celles qui sont assurées par la banques pour leurs comptes propres de l'autre. Le deuxième chapitre, et sûrement le plus important, consiste à donner au régulateur public la capacité d'imposer un certain nombre de mesures, quand nous sommes proches d'une vraie crise bancaire. Cela peut être le changement des dirigeants, ou l'effacement des actionnaires et d'une partie des prêteurs.
Ce projet de loi va-t-il suffisamment loin dans la protection des épargnants ?
Un point fait débat : la définition des activités qui restent dans le périmètre d'aujourd'hui et de celles qui vont dans le nouveau périmètre. Je serais sans aucun doute aller plus loin. Je pense qu'il faudra à terme filialiser la totalité des activités de marché des banques. Non pas ce que ces activités soient immorales ou très spéculatives, mais parce que leur niveau de risque est forcément plus élevé et que ce risque est actuellement porté par les épargnants eux-mêmes. Or, les banques ont besoin de stabilité et d'une gestion sage de leurs crédits et de leurs dépôts. Cela étant, je ne suis pas trop critique sur ce qui vient d'être voté. Je vois cela comme le début du tracé d'une frontière, ce qui est déjà très important. Une fois que la frontière est tracée, il sera toujours possible de déplacer d'un côté ou de l'autre des activités.
Qui sera le régulateur, qui déplacera ou non ces activités ?
Pour le moment, il s'agit de la Banque de France, mais c'est transitoire. Elle sera remplacée, d'ici quelques mois, par un régulateur européen. Sa création a fait l'objet d'une décision de principe il y a quelques mois de la part du Parlement de Strasbourg. En faisant voter cette loi par l'Assemblée nationale, la France préempte donc une décision qui devra nécessairement être européenne et porter sur l'intégralité de la zone euro. C'est justement pourquoi je préfère que cette réforme ne soit pas complète et que la frontière ne soit pas trop contraignante. Le régulateur européen aura ainsi son mot à dire, sans être obligé d'aller contre le texte français. Il n'aura pas besoin de détruire pour bouger les lignes. La loi française adoptée aujourd'hui est donc probablement la voie de la sagesse.
Pourquoi l'échelle européenne ? Une régulation française ne serait pas efficace ?
Agir au niveau européen est indispensable, car les systèmes financiers à l'intérieur de la zone euro sont complètement intégrés. Un banquier français prête à Alstom ou à Siemens, sans aucune différence. Réciproquement, les entreprises françaises ont plusieurs dizaines de banquiers, dans toute l'Europe.
L'économie européenne sera donc enfin stabilisée ?
Pas tout à fait. Tout un pan de structures financières, pour certaines spéculatives, restera en dehors du champ des banques. Nous n'en parlons pas jusqu'à présent. C'est ce qu'on appelle le "Shadow bancking". Les "hedges funds" en font partie. Tant que ces structures ne seront pas régulées, le niveau de risque restera très élevé. Dans ce domaine, il faut une action à minima européenne, mais plutôt mondiale. Or, nous sommes loin de mettre d'accord les régulateurs européens, américains et asiatiques. Même chose pour les produits dérivés, qui représentent des montants gigantesques d'échanges. Ils sont en partie à caractère spéculatif. Nous devons les obliger à passer par des structures de marché, dites de compensation, au moins pour les enregistrer.