Syrie : "Prenons au mot la proposition de Poutine pour détruire les armes chimiques"

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Philippe Douste-Blazy a plaidé pour une solution politique à la crise syrienne, mardi sur i>télé. "Prenons au mot la proposition de Poutine par une résolution engageante du Conseil de sécurité de l'ONU", a-t'il proposé.

i>télé - Vous êtes ancien ministre des Affaires étrangères et actuellement conseiller spécial du secrétaire général des Nations Unies. Diriez-vous que nous sommes à un tournant dans la crise syrienne ?

Philippe Douste-Blazy - Nous sommes à un tournant mais, à l'ONU, nous exhortons la communauté internationale d'éviter une intervention militaire, de trouver une solution politique. C'est la seule solution aujourd'hui que nous devons développer. Chaque fois que nous avons voulu faire la guerre, chaque fois que nous avons voulu éliminer quelqu'un, les conséquences ont été pire que les objectifs initiaux.

Est-ce qu'il faut prendre au sérieux la proposition de la Russie ? Est-ce que c'est crédible ? Est-ce que techniquement ça marche ? 

Bien sûr. Prenons au mot la proposition de Poutine et la réponse, semble-t-il, de Bachar Al-Assad, même s'il faut faire attention. Faisons une résolution engageante du Conseil de sécurité des Nations Unies. On pose souvent la question de l'efficacité de l'ONU, mais l'ONU est exactement la résultante de ce que veulent les chefs d'États. C'est un bureau, c'est une salle, et à l'intérieur il y a des chefs d'États. Le XXe siècle a apporté au monde un cadeau : c'est l'Organisation des Nations Unies, le seul endroit au monde où on peut se parler.

Malgré votre détermination, l'ONU aurait été totalement absente de cette crise si Barack Obama avait décidé d'intervenir sans le Congrès... 

Vous donnez l'impression que Barack Obama et l'ONU sont deux choses différentes. Non. L'ONU, c'est la résultante de la France, de la Russie, des États-Unis, de la Chine, des Britanniques, ainsi que des autres. L'ONU, ce sont des chefs d'États qui discutent entre eux et non pas M. Ban Ki Moon seul. Pourquoi est-ce important ? Parce que les conséquences d'une opération militaire pourraient être tragiques. Souvenez-vous la Libye : nous avons éliminé Kadhafi mais renforcé Al-Qaïda en Afrique Sub-saharienne. On a renversé Saddam Hussein mais on a renforcé l'Iran. Je dis : attention, prenons la proposition de Poutine au mot.

Mais faut-il faire confiance à Bachar Al-Assad ? 

Il ne s'agit pas de faire confiance à Bachar Al-Assad. Il s'agit de faire une résolution au Conseil de sécurité pour engager Bachar Al-Assad à détruire ces armes chimiques. Je note que Barack Obama a pris cela au sérieux et c'est très positif.

Cette résolution pourrait voir le jour prochainement ?

C'est ce que nous demandons. L'intérêt de l'ONU, c'est d'organiser dans les heures et jours qui viennent une réunion au niveau ministériel pour qu'il y ait une résolution.

Ça veut dire qu'il y a une impunité, au fond, sur les crimes qui ont été commis le 21 août dernier à l'arme chimique ? Ça passe ? Il n'y a pas de sanction particulière ? 

Qu'est-ce que vous voulez dire ? S'il y a une sanction militaire, je vais vous dire ce qu'il y a, il faut que vous sachiez...

Pas forcément militaire. 

Ah ? Mais une sanction c'est quoi alors ? 

C'est le travail de l'ONU d'y répondre. 

Justement. Le travail de l'ONU c'est d'avoir fait des sanctions de plus en plus importantes. D'ailleurs, je pense que nous aurions pu aller beaucoup plus loin. Mais après la sanction n'est pas forcément militaire. La Syrie aujourd'hui est l'épicentre d'un affrontement entre l'axe chiite et ses adversaires sunnites. C'est déjà une guerre qui est internationale. N'oubliez pas qu'il y a d'un côté la Russie et l'Iran, de l'autre les pays occidentaux et du Golfe.

Vous nous dites ce matin qu'il y a un risque d'embrasement ? 

Il y a un risque d'embrasement majeur dans cet endroit du monde, avec la Russie qui réaffirme tous les jours qu'elle veut redevenir une grande puissance. Ça n'a rien à voir avec le Mali ou la Libye, nous sommes là dans une poudrière. Il faut faire très attention aux résultats.

Un embrasement, c'est quoi ? Une troisième guerre mondiale ? 

Vous avez deux éléments. D'abord un affrontement inter-ethnique et inter-confessionnel. Mais aussi, au sein même des Sunnites, d'un côté la Turquie et le Qatar qui sont derrière les Frères Musulmans, de l'autre l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis qui sont contre. C'est une poudrière. Attention de ne pas faire comme en Irak.

En tant qu'ancien ministre des Affaires étrangères, avez-vous compris dans cette crise la position de la France ? Est-ce que vous la soutenez ? 

Sur le plan moral, j'ai bien compris que le président Hollande estimait qu'on ne peut pas laisser quelqu'un utiliser des armes chimiques. La question, c'est la preuve exacte. Je suis heureux qu'il ait finalement demandé d'attendre le rapport des Nations Unies pour savoir si Bachar Al-Assad lui-même a décidé d'utiliser les armes chimiques. Il y a une position d'attente générale. Il faut à tout prix éviter la guerre.

François Hollande a-t-il été trop vite, trop loin, trop près des Américains ? 

En tant que secrétaire général adjoint de l'ONU, j'ai un devoir de réserve. Ce que je sais, c'est que personne ne peut s'affranchir des Nations Unies. Aucun pays. La multipolarité du monde a complètement changée. La prééminence des États-Unis, c'est terminé. Il y a une nouvelle donne dans le monde : nous ne sommes plus seuls à décider. Il faut absolument l'accepter. Un mot sur les deux millions de réfugiés de la Syrie. C'est sans précédent dans l'Histoire récente, ils sont aujourd'hui laissés seuls. Ce sont les agences onusiennes qui s'en occupent, c'est le programme alimentaire mondial et l'UNICEF, et j'aimerai aussi qu'on puisse les aider financièrement.

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