Syrie : "Demandons plutôt à la Russie de cesser ses livraisons d'armes à Bachar el-Assad"

Interrogée par RFI, Marielle de Sarnez a appelé les dirigeants européens à négocier l'arrêt des livraisons d'armes russes à Bachar el-Assad, plutôt que d'armer les rebelles. "C'est la paix et non la guerre que nous devons gagner", souligne-t-elle.
RFI - Samedi dernier, un militaire français a été agressé à l’arme blanche dans le quartier de la Défense à Paris. Une agression qui rappelle celle de Londres mercredi dernier. Evidemment il faut faire très attention, il n’y a encore eu ni revendication, ni arrestation même de l’agresseur en France. Ça vous inspire un commentaire, cette agression ?
Marielle de Sarnez - Une inquiétude. D’abord je pense au soldat britannique qui est tombé sous le coup de quelque chose qui ressemble quand même à du terrorisme. Nous vivons dans un monde difficile et dangereux. Nos soldats sont souvent en première ligne, on n’y pense pas suffisamment. Ils sont en première ligne aujourd’hui au Mali, ils sont en première ligne dans les plans vigipirates…
Et même au Niger aujourd’hui ils sont en première ligne.
Oui. Je pense à eux et je pense que c’est très important que la Nation fasse corps autour de son armée, surtout dans ces moments là.
On peut dire d’une certaine manière que les menaces terroristes ont changé de nature, il y a aujourd’hui aussi une menace terroriste intérieure ?
Il y a des risques de menaces terroristes intérieures, j’espère que tout ce qui est possiblement faisable est fait évidemment, et je n’en doute pas, du point de vue de la sécurité intérieure de la France. C’est vrai que la France a été courageuse en s’engageant au Mali, elle l’a fait pour de bonnes raisons et elle l’a fait au fond au nom de l’Europe. La France l’a fait seule, un peu aidée par un certain nombre de pays de l’Union Européenne, pas suffisamment pour moi – peut-être que nous dirons un mot sur l’Europe de la Défense tout à l’heure – mais tout ce qu’elle fait là c’est au nom de valeurs qui nous sont propres, et donc c’est important.
Alors, on parle souvent de loups solitaires, il y a eu l’affaire Merah en France. D’autres au contraire évoquent des réseaux plus ou moins dormants. En tout cas ça pose peut-être la question de l’intégration de certains dans la société française. C’est aussi une analyse que vous faites ? Il y a un problème d’intégration aux valeurs de la République pour certains ?
Il y a probablement bien sûr, nous le voyons, un problème d’intégration, mais pas seulement. Je pense qu’il y a des problèmes aussi de terrorisme, de réseaux terroristes, d’inspirations terroristes dans le monde dans lequel nous vivons. Nous avons vu le Niger, nous voyons ce qu’il se passe, toutes proportions gardées évidemment, en Syrie, nous avons vu ce qu’il s’est passé au Mali, il faut savoir que maintenant tout cela se déplace vers le sud de la Libye qui est une espèce de no man’s land dans lequel les djihadistes se sont quasiment réfugiés. Donc, cette menace là n’est pas finie, elle est à prendre très au sérieux bien sûr.
Est-ce que c’est une des conséquences du renversement du colonel Kadhafi par la France, entre autres ?
En tous les cas, cela veut dire que la France agit, l’Union européenne ou la communauté internationale ne peuvent pas simplement agir ponctuellement. On doit agir dans la durée, c’est extrêmement important. Et on doit agir notamment pour stabiliser ces Etats, faire en sorte qu’ils deviennent des Etats de droit, désarmer évidemment, ce qui n’a pas été fait en Libye. J’étais absolument pour qu’on ait une zone d’interdiction et d’exclusion aérienne, et en même temps, quand on intervient, on doit savoir que derrière le travail n’est absolument pas fini. Il y a un travail de stabilisation à faire des Etats et en particulier des pays de cette région.
Peut-il y a voir une solution politique en Syrie sans Bachar el-Assad ?
Oui, à terme c’est évident, sans Bachar el-Assad, mais ça veut dire qu’il faut que la coalition, la résistance, l’opposition soit en capacité de se réunir et de protéger l’ensemble des communautés syriennes. C’est ça la question, il faut gagner la paix. Sur les armes, je crois qu’il y aurait une solution : c’est que, déjà, si nous soutenons ce processus de Genève, nous demandions aux Russes d’arrêter d'en livrer à Bachar el-Assad.
Ce qu’ils continuent de faire tous les jours.
Ce serait au moins une symétrie, je trouve que l’Europe pourrait plaider pour cela.
À partir du moment où le Qatar et l’Arabie Saoudite, eux, livrent des armes à la rébellion et à la partie de la rébellion qu’ils souhaitent, est-ce que vous trouvez que c’est une bonne chose que les occidentaux, les Européens, soient à la traine dans ce processus et finalement attendent de voir ce que Moscou veut bien octroyer ?
Ecoutez, moi je veux bien que nous ne soyons pas à la traine, je ne pense pas que nous le soyons. Il faut que le gouvernement syrien ne doute pas de la volonté de l’Union européenne de mettre un terme à ce conflit absolument épouvantable, c’est évident.
Il a l’air de s’en moquer, il est dans une logique mortifère, il y a 96.000 morts…
Il y a des milliers de réfugiés, il y a tous les pays voisins. Ce qu’il se passe au Liban, en Jordanie, on n’en parle pas assez, les attentats au sud de la Turquie…
C’est déjà un conflit régional.
Il y a un conflit qui se régionalise, donc évidemment que je souhaite le plus rapidement possible la fin du conflit. Je vous dis simplement que sur la question de la levée de l’embargo des armes, je suis prudente. Je n’ai pas envie que des armes européennes aillent demain servir des djihadistes.
Mais plus on attend, plus ce sont les extrémistes qui prennent la main.
Nous aidons la résistance, nous devons continuer de l’aider. Est-ce qu’il y a une position européenne consensuelle possible sur des armes défensives ? Peut-être. Nous allons voir si la réunion de lundi avance. En tous les cas, c’est important qu’elle avance politiquement pour montrer un front uni vis-à-vis de Bachar el-Assad, c’est sûr.
Un commentaire sur une autre affaire française, c’est l’affaire Tapie. Je rappelle en deux mots que Bernard Tapie s’est vu octroyer en 2008 puis de 400 millions d’euros d’indemnités dans la vente de Adidas au Crédit Lyonnais. La ministre de l’économie et des finances de l’époque Christine Lagarde qui est aujourd’hui directrice générale du FMI vient d’être mise sous statut de témoin assisté pour déterminer quel rôle précis elle a joué dans cet arbitrage controversé en faveur de Bernard Tapie. Pour vous aussi, il y a là les débuts d’une affaire d’Etat ?
Nous, nous le disons, avec François Bayrou, depuis longtemps. En tout cas nous avons posé les questions un peu seuls. C’est vrai qu’aujourd’hui la justice avance et c’est une bonne chose. Au fond, le statut de témoin assisté pour Christine Lagarde, c’est bien pour l’image de la France. C’est mieux pour elle et pour l’image de la France.
Plutôt que d’être mise en examen ?
C’est mieux. Et, en même temps, je trouve que ce qui est satisfaisant c’est que la justice avance vraiment et qu’il y a aujourd’hui trois instructions qui sont ouvertes. Il y a la CJR, il y a une instruction au pénal, il y a une instruction à la demande de la Cour de Comptes à la Cour de discipline budgétaire. Donc, trois instructions parallèles…
Donc la justice classique, la Cour de Justice de la République et la Cour des Comptes.
Oui exactement. Donc, tout cela avance. La Cour des Comptes et le pénal concernent ceux qui ont fait l’arbitrage…
Ça pourrait atteindre d’autres personnes que Christine Lagarde ?
Moi j’ai absolument confiance, nous sommes dans un Etat de droit et donc, à partir du moment où cela avance, de cette façon-là je pense que nous aurons effectivement un résultat pour la France.
Plus concrètement, est-ce que vous pensez que d’une certaine façon elle endosse une responsabilité qui est beaucoup trop large pour elle ? Et que c’est l’Elysée qui a décidé de cet arbitrage ? Entre autres Claude Guéant qui était secrétaire général de l’Elysée à l’époque.
La justice le démontrera. On peut imaginer que ce soit plutôt une affaire d’Etat que juste une affaire concernant une seule personne à un instant T.
La justice aujourd’hui, vous trouvez qu’elle fonctionne plutôt mieux sous François Hollande que sous Nicolas Sarkozy, d’une manière plus libre ?
Je ne sais pas si elle est plus libre aujourd’hui mais je trouve que là les procédures viennent à leur terme, ça avance, c’est une bonne chose. Mais je pense qu’il y avait aussi à l’époque de Nicolas Sarkozy des juges, d’ailleurs les mêmes probablement pour la plupart d’entre eux, qui faisaient bien leur travail.