"Si vous croyez que c’est en alourdissant le CDD que l'on favorise le CDI, vous vous mettez le doigt dans l’œil"
Le président du MoDem François Bayrou a affirmé mardi sur Public Sénat que l'annonce du gouvernement de vouloir alourdir la taxation des CDD était un changement de cap "symptôme d’impuissance et de faiblesse".
François Bayrou, président du MoDem, est l’invité de preuve par 3. Bonsoir !
Bonsoir !
Nous commençons par les révélations du Monde sur la surveillance du député Thierry Solère par la DGSE, alors qu’il était encore candidat face à Claude Guéant alors ministre de l’intérieur. Manuel Valls juge cette surveillance insupportable et vous ?
Alors si c’est vrai - parce qu’on ne s’appuie pas uniquement sur des allégations - cela porte un nom précis : c’est une forfaiture, c'est-à-dire la trahison par un officier public de sa fonction. Les services de sécurité ne sont pas là pour surveiller l’adversaire politique du ministre qui est en place – peut-être cela s’est fait par le passé – c’est une atteinte intolérable à l’idée que l’on se fait d’une fonction.
Et à ce stade, les négations de Claude Guéant ne vous suffisent pas ? Il assure n’avoir joué aucun rôle dans cette affaire et demande au ministre de la défense de diligenter une enquête.
Si la phrase que vous me citez est exacte, il ne dit pas que ça n’a pas eu lieu.
Il parle de son rôle à lui, oui.
Franchement comment imaginer que des menées de cet ordre soient conduites contre l’adversaire électoral du ministre sans que le ministre d’une manière ou d’une autre n’ait eu à le souhaiter ? C’est souvent des basses manœuvres que l’on fait faire. Si c’est vrai, je trouve qu’il s’agit une fois de plus d’affaires d’officines dans la République, d’utilisations des services de l’État pour assurer des fins bassement politiques. Si c’est vrai, c’est intolérable et une forfaiture.
Cela vous fait avoir un autre regard sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy, je me trompe ?
J’ai écrit un livre sur ce qui s’est passé à cette époque qui s’appelait « abus de pouvoir », c’était un titre avec plusieurs sens. Il me semblait que dans la pratique du pouvoir – je pensais par exemple à l’affaire Tapie, qui depuis a été jugé par la justice dans le sens que j’avais analysé à cette époque - il y avait là des choses qui n’allaient pas et si cette dernière affaire encore est prouvée alors on est encore dans le domaine de l’abus de pouvoir.
Affaire à suivre donc ! Autre actualité politique animée par Emmanuel Macron qui assure aujourd’hui « être ministre nuit et jour » mais ce qui lui laisse le temps apparemment de lancer son mouvement « En Marche ! ». Peut-il, selon vous, dépasser le clivage gauche-droite ? Je vous vois sourire.
Je souris avec vous car j’avais l’impression d’avoir entendu ses phrases là assez souvent.
C’est vrai ! Alors, j’ai noté une bonne volonté de rassembler à droite et à gauche. Il reprend votre vocabulaire, votre flambeau peut-être ?
Oui le vocabulaire est le même. Alors, il y a dans cette affaire deux choses. La première est que l’on peut au moins voir que cette bipolarisation que j’ai depuis si longtemps diagnostiquée comme étant en fin de course, mourante et paralysante, bouge. Cette bipolarisation s’effondre sous nos yeux et que ce soit un ministre du gouvernement de gauche qui dise que ça n’a peu de sens d’une certaine manière accrédite le diagnostic que j’ai porté depuis longtemps. Et puis il y a une deuxième chose : quel est le fond de tout cela ? Ou cela mène-t-il ? Je suis un homme du centre, je n’ai jamais pensé que la droite et la gauche n’existaient pas. J’ai dit que ce clivage ne pouvait plus être le clivage dans lequel nous pouvions nous reconnaitre. Je crois qu’il y a un projet original au centre. Il y a une phrase que j’avais dite il y a longtemps, lorsque l’UMP a été créée et que les gens disaient « on pense tous à la même chose ». J'ai répondu que si nous pensions tous la même chose, nous ne pensions plus rien ! Il y a l’idée qu’indifféremment tout le monde se retrouve sans connaitre le projet, car ce que l’on entend n’a pas de sens ni de profondeur et ce qu’il me manque est un projet de société dans tout cela... L’absence de fond, l’absence de projet construit est pour moi une interrogation. Ce dont j’ai besoin est de savoir où l’on va. Par exemple, le sentiment qu’il n’y aurait que l’économie financière qu’il faudrait servir et qu’au fond tout le monde serait obligé de passer par là est une petite musique que l'on entend et qui ne correspond pas à ce que moi j’attends.
Est-ce le procès d'Emmanuel Macron, là ?
Non, ce n’est pas un procès, c’est une interrogation. Pour moi, cela ne correspond pas à ce que j’attends et à ce qu’attendent des millions de Français. Je pense que ce qui est très important, c’est de construire une vision de l’avenir qui apporte aux Français une raison de s’engager et qui ne serait pas uniquement une présentation sommaire de l’ultra libéralisation du pays. J’ai bien écouté, j’ai bien regardé ces derniers temps les lois proposées, et en particulier celles proposées par Monsieur Macron. Je ne peux pas dire qu’il y ait eu des changements profonds ces derniers mois sur la manière dont le pays est organisé.
Peut-être est-il entravé ?
Quand on est entravé et que l’on est ministre alors on s’en va !
C’est ce qu’il devrait faire aujourd’hui ?
Non, pas du tout je n’ai jamais dit cela ! Je dis juste que c’est une chose de dire que l’on va travailler tous ensemble et que c’est une autre chose de dire vers quoi et à quoi.
Libération a fait une photo montage de vous et du ministre Macron, ressentez-vous une certaine affinité ?
Non, je ne m’y reconnais pas vraiment mais vous voyez que l’on peut utiliser les mêmes mots pour dire des choses différentes. Tout le but de mon action politique et de mon engagement a été depuis quinze ans de diagnostiquer ce qui n’allait pas dans la situation du pays : souvenez-vous, la dette, les affaires qui étaient en train de se développer, le blocage des institutions… Tant que l’on ne touche pas aux institutions alors on est condamné.
Faites-vous un retour en arrière ?
Non, ce n’est pas un retour. J’ai fait le constat navré que la politique suivie par François Hollande et son gouvernement était catastrophique, qu’aucune des leçons n’avait été tirée de ce que l’on était en train de vivre et j’ai exprimé mon opposition forte à ce gouvernement. Alors ce n’est pas un retour vers la droite. Il se trouve que je ne crois pas à votre classification : que l’on ne pourrait être que à gauche ou que à droite. Je ne crois pas cela. Je pense qu’il y a en France un pluralisme.
Est-ce ce que dit Emmanuel Macron ?
Non, ce que dit Emmanuel Macron n’est pas cela.
Aimeriez-vous travailler avec lui ?
Écoutez, pour tout vous dire je ne le connais pas. D’abord, je ne sais pas ce qu’il pense exactement et je ne sais pas s’il pense les mêmes choses que moi et que ceux qui ont voulu depuis des années bâtir une alternative à cette bipolarisation stupide. Sur la méthode, je me réjouis que ça bouge mais sur le fond – un projet pour construire un nouveau monde - j’ai beaucoup de points d’interrogation et donc quant à moi j’affirme qu’il faut construire une alternative à ce que nous avons vécu depuis 10 ans.
Alors, Jacques Delors estime nécessaire une alliance entre les centristes et les socialistes pour des réformes dans notre pays et il vous reproche dans un livre d’entretiens qui s’intitule « L’homme qui ne voulait pas être roi » d’avoir refusé de le soutenir au premier tour quand il avait finalement renoncé à se présenter à la présidentielle (fin 1994) alors que vous vous étiez vus à l’époque.
Il se trouve que Jacques Delors est un des hommes politiques dont j’ai été le plus proche intellectuellement et peut-être même affectivement au cours de ma vie politique et je crois qu’il ne vous dirait pas le contraire. Ce que Jacques Delors dit dans ce livre est absolument vrai : je ne pouvais pas le soutenir au premier tour de l’élection présidentielle car je vous rappelle que j’étais membre du gouvernement Balladur et que Balladur se présentait au premier tour de l’élection présidentielle. Mon parti avait massivement décidé de le soutenir. Mais j’avais dit à Jacques Delors : « je suis prêt à vous soutenir au deuxième tour ».
Jean-Pierre Raffarin a déclaré qu’Emmanuel Macron serait un bon premier ministre d’Alain Juppé et qu’ils n’étaient pas incompatibles, imaginez-vous cela ?
Ce que j’espère d’Alain Juppé, ce n’est pas qu’il se contente de rechercher le petit dénominateur commun entre la majorité et l’opposition actuelles et les politiques prônées par les uns ou par les autres. Ce que j’espère d’Alain Juppé, c'est qu’il ait la force te le courage de proposer une politique qui soit profondément différente de celle que nous avons connue depuis des années. C’est cela que j’attends de lui.
François Fillon dit qu’Alain Juppé propose un programme « pépére » jusqu’à présent.
Je n’utilise pas ce genre d’adjectif. Ce qui m’intéresse chez Alain Juppé c’est que précisément il n’est pas dans le moule habituel y compris de son parti. Il dit : « il va falloir une majorité qui soit une majorité différente des majorités que nous avons connues durant les années précédentes. » Cette phrase, si vous y réfléchissez en profondeur, vous y reconnaitrez un grand nombre des aspirations que j’ai défendues devant les Français.
D’accord. Sur le fond du programme, que dites-vous exactement ? Qu’est-ce que vous attendez d’Alain Juppé ?
J’attends que nous nous trouvions à partir de 2017 dans un nouveau cycle, dans une nouvelle ère de la vie politique française, dans laquelle on réponde de manière différente à toutes les aspirations des Français. Sur l’éducation, où on a échoué gravement à mon avis par manque de réflexion sur le fond, j’attends que l’on rompe clairement avec la politique actuelle du gouvernement en matière éducative avec la réforme du collège en particulier. J’attends une rupture franche. J’attends que l’on se trouve avec une politique qui permette qu’une confiance nouvelle fasse créer des contrats de travail alors que c’est à peu près le contraire de ce que l’on est en train de faire. J’attends que la France ait une proposition européenne différente de ce que nous avions jusqu’à aujourd’hui.
Ce sont des demandes que vous adressez à Alain Juppé en priorité.
Ce sont des demandes que j’adresse à tous ceux qui vont avoir la responsabilité j’espère de porter l’alternance dans le pays. Pour moi, c’est le fond de mon engagement. Nous ne sommes pas là uniquement pour des problèmes de personnes - encore que les personnes comptent beaucoup au moment de l’élection présidentielle - mais nous sommes là pour changer la réalité du pays.
C’est ce que veulent faire beaucoup de Français qui sont lassés des jeux politiques justement, vous le voyez avec les « nuits debout » à Paris, dans d’autres villes de province, avec également la primaire citoyenne que certains veulent lancer. Êtes-vous vous-même un indigné ?
Je ne sais pas ce que cela veut dire. Ce sont des étiquettes que l’on colle après un mouvement qui s’est déroulé en Espagne qui a touché ses limites en n’ayant aucun débouché politique. En plus, on a découvert ces jours-ci que le financement des ces mouvements était tout sauf transparent.
Le Venezuela notamment et l’Iran. Ce ne sont pas des pays démocratiques.
C’est le moins que l’on puisse dire, non ? J’ai été un des premiers à dire qu’il fallait attacher de l’importance à « nuits debout », que ce n’était pas quelque chose à écarter d’un revers de main. Cependant la question est : vers quoi cela mène-t-il ? Où est-ce que cela nous entraîne ? Quel est l’horizon que l’on se propose ? Ce que je lis dans les déclarations des uns et des autres - et elles sont compliquées dans ce mouvement - c’est qu’en fait ils ne demandent pas de changement, il veulent que le système s’écroule. Moi, je ne veux pas que notre société s’écroule, je veux qu’elle trouve une nouvelle vie, un nouvel élan, que l’on puisse croire à quelque chose et que l’on ne soit pas abandonné à cette désespérance qui envahit les gens.
Est-ce que vous croyez à la possibilité pour François Hollande de se relancer ? Il sera face aux Français jeudi soir sur France 2.
Moi je n’y crois pas. Je pense que François Hollande a bénéficié d’un crédit qui était aussi largement dû au refus de la poursuite du mandat de Nicolas Sarkozy, il a gaspillé ce crédit en refusant d’aller au bout des changements, des réformes et des pratiques. Il en avait la responsabilité et je ne crois pas qu’il puisse retrouver son crédit.
À propos de cette émission, il y a une polémique sur un conducteur qui aurait été visé par l’Élysée, d’où auraient été supprimés deux Français du panel sélectionné. Cela vous inspire-t-il une réflexion ?
Vous voulez dire qu’il peut arriver des chaines de télévision négocient avec l’Élysée quand elles invitent le Président de la République ? Vous m’étonnez beaucoup là franchement… Vous savez bien que jamais cela ne se produit ce genre de choses ! Vous êtes quelqu’un qui avez une grande expérience et vous savez que jamais au grand jamais ce genre d’accommodement ne se produit (sourire).
J’enregistre l’ironie de votre réponse. On va parler maintenant de la loi El Khomri. Est-elle devenue la loi UNEF ?
En tout cas, il y a une chose que l’on doit constater - qui je trouve crève les yeux - c’est qu’une nouvelle fois le gouvernement est parti avec des intentions et on se retrouve avec une loi qui est exactement opposée aux intentions qui avaient été annoncées. Je trouve cela terrible pour le jugement que le gouvernement doit porter sur lui-même. Pourquoi ? C’est très simple. Le gouvernement avait dit « nous allons alléger le travail et le rendre plus souple ». En effet, les universitaires « il y a deux choses qui pénalisent le travail en France, c’est le coût du travail d’un côté et la rigidité des contrats de l’autre ». C’est pour cela que 90% presque des contrats signés sont des contrats en CDD. Donc grosso modo tout le monde avait dit - les prix Nobel d’économie, les responsables politiques - que la bonne direction était en effet d’alléger et d’assouplir. Que fait-on ? On se retrouve au bout du chemin, on alourdit et on rigidifie.
La ministre dit que son projet reste équilibré aujourd’hui.
Les ministres, c’est leur métier de dire parfois le contraire de ce qu’ils pensent ou qu’on les oblige à dire le contraire de ce qu’ils pensent. Moi en tout cas, je ne change pas d’opinion. Ce changement de cap est pour le gouvernement un symptôme d’impuissance et de faiblesse. Vous dites : « est-ce que le gouvernement a répondu à la jeunesse ? ». C’est une blague ! Ce n’est pas à la jeunesse ! C’est une organisation qui comporte quelques milliers de militants et qui tend à se faire passer pour le porte-parole des autres. Les jeunes Français, si on veut bien partager avec eux un dialogue en profondeur, qu’est-ce qui doit crever les yeux ? Ils sont au chômage ! Même quand on est diplômé ! On en trouve davantage quand on est diplômé que pas diplômé mais les taux de chômage sont effrayants et la manière dont on conduit cette chose va les accentuer. Si vous croyez que c’est en alourdissant le CDD que l’on favorise le CDI, vous vous mettez le doigt dans l’oeil jusqu’à l’omoplate ! C’est désespérant comme pensée ! C’est désespérant comme faiblesse ! C’est désespérant comme incapacité à définir un cap et à le défendre !
Manuel Valls n’est-il plus droit dans ses bottes ? Concède-t-il beaucoup de choses aux jeunes ?
C’est quelqu’un que j’estime donc je ne vais pas me joindre au groupe de ceux qui l’accablent même si mon jugement sur cette décision est extrêmement sévère. Je pense qu’il ne doit pas être fier de lui, il ne doit pas être content. Ce n’est pas la direction qu’il avait tracée, ce n’est pas le courage qu’il avait défini. Quand on prétend défendre les jeunes en imposant l’immobilisme dans une situation qui les conduit au chômage, je trouve cela désespérant.
Tout cela a un coût. Vous avez souvent plaidé pour le désendettement de la France. 4 à 500 millions d’euros, peut-on se les offrir ?
Vous voyez dans quelle période nous sommes entrés… C’est la période du carnet de chèques ouvert à tous les vents. Chèques en blanc à profusion… Si on fait la liste des annonces qui ont été faites ces derniers jours, vous avez 4 à 500 millions ici, 800 millions là-bas, 600 millions ailleurs et évidemment ce sont des chèques en blanc ! Alors je ne dis pas que telle ou telle mesure n’est pas nécessaire, par exemple le point d’indice des fonctionnaires était bloqué depuis six ans et je pense que l’on ne peut pas s’opposer à sa hausse...
Ça coûte de l’argent, y compris dans une collectivité locale.
Cela coûte très cher dans une collectivité locale. Dans la collectivité que je dirige à Pau et dans l’agglomération. Cela coûte 1,2 million.
Vous faites vous-même des économies alors.
Nous faisons des économies depuis que je suis élu. Nous faisons des économies de fonctionnement pour pouvoir continuer à investir. Le lien est extrêmement direct est précis. Si vous ne faites pas ‘économies, vous ne pouvez pas emprunter pour investir. C’est le grand drame de l’investissement en France. Nous faisons le plus possible d’économies de fonctionnement, nous pouvons continuer à investir. Tout cela est terriblement pénalisant. Je n’ai jamais approuvé la technique du carnet de chèques ouvert à tous les vents.
Même quand les taux d’intérêt sont proches de zéro, ça nous permet d’emprunter, le poids de la dette s’allège…
Que l’on emprunte pour investir, j’ai toujours été pour. Que l’on emprunte pour les frais courant de l’État, j’ai toujours été contre. Ici, ce que l’on appelle déficit de l’État qui se transforme en dette - puisque pour équilibrer le déficit il faut emprunter - c’est du déficit de fonctionnement ! L’État investit quasiment rien. Ce sont de très mauvaises méthodes.
Il y a eu quelques petites améliorations sur le déficit ces derniers temps. Est-ce que vous saluez cela ?
Il faut préciser ce que l’on dit. François Hollande s’était engagé sur le fait qu’en 2017, on serait à un déficit zéro, et que dès 2013 on serait passé à moins de 3%. Vous vous souvenez de ses engagements ? On est toujours à plus de 3%, le déficit zéro s’est éloigné comme les rêves au matin et tout ceci est aux antipodes des affirmations
Dans l’actualité, tout autre chose, la relance de la question sur la dépénalisation de l’usage du cannabis. C’est un débat qui revient régulièrement sur la place publique et qui fracture une partie de la gauche, quelle est votre opinion sur le sujet ?
Je vais essayer de le dire en trois phrases. Première phrase, nos politiques de lutte contre la toxicomanie ne marchent pas et notamment contre le cannabis, présenté à tort ou à raison, je crois à tort, comme une drogue douce. Mais l’alcool aussi est une drogue qui n’est pas douce, il suffit de voir les addictions qui sont créées. Deuxièmement, je ne crois pas que la consommation de cannabis soit anodine. Je ne dis pas pour ceux qui fument comme ça une cigarette enfin un joint. Il y en a qui ont une consommation festive mais malheureusement je connais des adolescents qui ont une consommation qui n’est pas festive et qui est tragique. Je ne crois pas que cela soit anodin, je pense que cela a un effet de psychotrope dangereux. Troisièmement, on nous dit si on le légalise, on va faire baisser le trafic et nous aurons des cités assainies. Je n’en crois rien. Parce que les ressources tirées de ces trafics, elles seront recherchées ailleurs et dans des drogues par exemple le crack on sait bien cela aux États-Unis donc des drogues plus violentes encore. C’est donc un débat très difficile mais je ne crois pas que l’on puisse le résumer sur la forme qui est faite par les promoteurs de cette mesure. Moi, je ne suis pas favorable à la légalisation du cannabis.
Vous êtes pour le statu quo?
Non, je pense que le travail de prévention n’est pas fait et je ne suis pas pour le statu quo de ce point de vue là.
Mais dans la réglementation.actuelle? La répression vous voulez ne rien changer? Quand vous dites la consommation festive, on a envie de vous interroger, qu’est ce que cela veut dire précisément? Comment la mesurer? La tolérer?
Quand je dis c’est une consommation dangereuse, je sais très bien qu’il y a beaucoup d’adolescents à qui ils arrivent de fumer un joint, je ne dis pas pour autant qu’ils sont détruits dans leur équilibre psychologique. Mais, je dis que la consommation de cannabis addictive et forte est dangereuse de la santé publique, dangereuse du point de vue des adolescents, il y a des sensibilités particulières qui conduisent à de graves dérives, désordres et pathologies. Je n’ai pas envie de présenter cela comme anodin. Évidemment si on le légalisait le signe serait à l’égard des jeunes c’est anodin, on peut y aller...
Et le cannabis pour le soin cela peut être utilisé?
Cela ne me dérangerait pas.
Quand Jean-Marie LeGuen mais ce sujet sur la table vous pensez que c’est une diversion par rapport à tous les sujets que l’on a abordé jusqu’à présent sur les jeunes?
Oui, je pense que c’est une diversion. Je pense aussi que c’est une manière de retrouver crois t-on, c’est d’ailleurs discutable moralement, de l’audience auprès des « jeunes », comme si c’était une catégorie sociale, ce à quoi je ne crois pas.
Encore dans l’actualité, nous avons noté la décision de l’épiscopat aujourd’hui, de faire toute la lumière sur les affaires de pédophilie. L’Eglise est dans la tourmente depuis plusieurs semaines, cette volonté de faire un peu plus la lumière sur ces affaires et de créer une commission, cela vous semble une bonne idée?
La pédophilie est une atteinte à la dignité et à la vie des enfants. C’est un des actes les plus graves que l’on puisse commettre à l’égard d’un enfant, et qui le laisse à vie atteint. Il y a des gravités différentes dans cette atteinte. Aucune indulgence, aucune connivence n’est acceptable. Est ce que l’Eglise est plus touchée que d’autre? La ministre a annoncé la suspension de 29 enseignants. Il y a dans tous ceux qui sont au contact des enfants, on le sait bien dans les collectivités locales il y a des cas de cet ordre qui entrainent des radiations. Oui, il faut être intransigeants, je ne sais pas si une commission pourra apporter quelque chose mais tout le travail que l’on pourra faire, pour être intransigeant, aura mon soutien.
Des cellules d’écoute partout en France effectivement des personnes aujourd’hui adultes et qui ont vécu ce genre de traumatismes pourront apporter leur témoignage.C’est une bonne chose? C’est un changement pied semble t-il de l’Eglise qui écoute ce qui s’est passé dans le passé …
Je ne crois pas que cela soit un problème spécifiquement lié de l’Église. Je pense que c’est un problème de la société je pense que nous avons été trop indulgent au travers du temps. En considérant qu’après tout …
Vous pensez à des hommes politiques, des écrivains, des artistes, …
Je ne suis porté sur ce sujet à aucune indulgence. Je pense qu’on a profondément heurtés et blessés des enfants. Je ne prête aucune sorte de nuance dans la condamnation.
De toutes les institutions, on vous a compris.
Absolument.
Nous allons parler de l’Europe. L’Europe à la peine on le voit en ce moment, la désaffection et même le rejet sur bien des dossiers les réfugiés, le Brexit. Manuel Valls était à Strasbourg aujourd’hui pour tenter de peser sur l’adoption du du fameux PNR, fichier des passagers aériens vu comme un outil important aujourd’hui dans la lutte contre le terrorisme. Est ce que le PNR c’est l’arme essentielle contre le terrorisme?
C’est une des armes et il faut adopter toutes les armes disponibles. Je ne comprends pas, je sais très bien les débats qu’il y a autour de tout cela, des gens qui pensent que la confiscation des données est utilisée contre les libertés. Moi je ne vois pas ce risque. Ce que je vois c’est au contraire qu’on favorise la plus grande atteinte à la liberté qui est l’insécurité et la menace y compris sur la vie.
Le texte devrait être voté jeudi, c’est ce que l’on laisse supposer, mieux vaut tard que jamais?
J’aurais préféré qu’il fut adopté depuis longtemps.
Ce qui prouve aussi le fonctionnement de cette Union Européenne bloquée par des petits partis notamment je pensais aux Verts, au Front National?
Non sur ce point je ne partage pas ce sentiment. On va venir au fonctionnement de l’Union Européenne. Je pense qu’il y a des courants de pensées qui s’opposent à ces textes sachant ce qu’ils font, avec de bonnes raisons pour eux, philosophiques, doctrinales, de défense des libertés. Mais pour moi l’heure et si grave et la menace si lourde, qu’il ne faut rejeter ou ne repousser aucune arme qui nous permette de lutter contre. Pour le reste c’est très simple, si il doit y avoir atteinte à la liberté à laquelle nous avons le droit, cela doit toujours se faire sous le contrôle d’un juge. C’est simple comme bonjour et c’est une règle qui ne souffre pour moi pas d’exception.
Alors vous avez du suivre avec attention tout le débat autour des « Panama Papers »? Le débat du jour à la commission européenne, c’est d’imposer la transparence fiscale pour les multinationales qui ont un chiffre d’affaire de plus de 750 millions d’euros. C’est à se demander même si le scandale du « Panama Papers » ne vient pas un peu comme une aubaine pour l’Union Européenne.
J’aurais envie de dire enfin, franchement qu’il faille attendre la sortie d’informations de cet ordre pour imposer la transparence à des sociétés multinationales qui passent leur temps à fuir l’impôt au vue et au su de tout le monde, y compris lorsque leurs ressources sont prises sur la collectivité nationale, réfugiant leur profit ailleurs. Je souhaite que là aussi l’Union Européenne soit intransigeante, pratiquement pas dans les mots mais dans les faits.
A Bruxelles on s’inquiète par contre d’une chose c’est la tiédeur française sur ce texte, parce que visiblement on serait nous sur ce cas plus enclin à faire de la protection de la compétitivité de nos entreprises, on a pas vraiment envie d’y aller sur ce texte…
Si c’est le cas, je ne sais pas si c’est vrai, ce serait très regrettable et condamnable. L’Europe souffre de quoi? Elle souffre d’une espère d’impuissance, d’un désordre intérieur parce que les règles adoptées par les uns ne sont pas les mêmes que les adoptées par les autres notamment en matière fiscale, c’est à dire que pour moi le combat pour l’harmonisation fiscale, l’unification de nos règles fiscales, en tout cas dans les pays de même niveau de développement, c’est un enjeu de première priorité. L’Europe souffre d’une deuxième chose que tout cela illustre, si l’on y réfléchit bien. C’est qu’on ne sait pas qui prend les décisions, quand on prend les décisions, sur quel agenda on prend les décisions, quels sont les mécanismes qui permettent de prendre les décisions. Personne ne le sait, y compris pas vous, même nous trois. Nous sommes en principe parmi les plus avertis. Qui savait, parmi vous, qu’on était en train de préparer ce texte? Vous qui êtes beaucoup plus informés que je ne le suis.
François Bayrou, est ce que c’est cela que les français rejettent aujourd’hui?
Oui, la principale raison du gouffre qui s’est creusé entre l’Union Européenne, ses mécanismes politiques et les citoyens européens, c’est le mur qui fait que les citoyens ne sont informés de rien, or il est impossible au siècle démocratique que des décisions majeures pour les citoyens soient prises sans que personne n’en soit informé.