"Si la France ne va pas bien, c'est parce que les réformes n'ont pas été faites"

Robert Rochefort a jugé les propos d'Arnaud Montebourg sur José Manuel Barroso "irresponsables" et rappelé la "co-responsabilité des États et gouvernements" dans les dysfonctionnements de l'Europe, mardi sur Public Sénat.
Public Sénat - Robert Rochefort, est-ce que vous avez envie vous aussi de tirer sur José Manuel Barroso ?
Robert Rochefort - Je n’ai pas voté pour M. Barroso, je trouve néanmoins que les propos de M. Montebourg sont irresponsables. Si actuellement la France ne va pas bien, ce n’est pas d’abord à cause de l’Europe, c’est d’abord à cause de toutes les réformes que l’on n’a pas faites en France depuis très longtemps. Et permettez-moi de vous dire que, par ailleurs, si M. Barroso est à la place où il est, c’est parce que les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé, à deux reprises, de ne pas mettre à la tête de la Commission quelqu’un qui ait beaucoup de charisme et de pouvoir. Parce que nous sommes dans une Europe où les chefs d’Etat et de gouvernement pensent qu’ils peuvent faire les choses entre eux. Aujourd’hui, la tactique du Parti socialiste, ou en tout cas de certains courants du Parti socialiste, est de dire : "Vous savez, si ça va mal en Europe, c’est de la faute de la majorité réactionnaire qui dirige l’Europe". On voit ça en particulier dans la plate-forme que le Parti socialiste a adoptée dans une réunion il y a une dizaine de jours sur l’Europe. Si les socialistes pensent qu’il suffit, par un tour de passe-passe, de se fixer sur des personnes, évidemment qu’ils se trompent. Ce n’est pas M. Barroso qui est en cause, c’est une conception de l’Europe qu’il faut refonder aujourd’hui. Oui, l’Europe fonctionne extrêmement mal, il y a plein de choses qui n’ont pas été faites, mais c’est la faute des États et des gouvernements depuis de nombreuses décennies. Je dois dire que la responsabilité est partagée entre les gouvernements ou les chefs d’État, de droite ou de gauche. Ils se sont au moins entendus sur un point, c’est qu’il faut garder le pouvoir État par État et ne pas donner tant que ça à l’Europe, ne pas lui donner le pouvoir qu’elle doit avoir pour sortir des difficultés dans lesquelles nous sommes.
Est-ce que vous estimez que cela pose un problème de ligne gouvernementale ?
Le Parti socialiste n’aide pas les Français en ayant un double langage. Il y a le langage, qui est finalement toléré, d’un courant de gauche du Parti socialiste qui tire à boulets rouges sur Barroso en se disant que ça les couvre à gauche. Et puis il y a un discours qui est celui du gouvernement français. J’étais tout à l’heure avec M. Repentin, ministre français des affaires européennes, qui disait que les chefs d’État et de gouvernement voulaient diminuer le budget européen pour le prochain cap de 2014 à 2020 alors qu’il y a encore plus de besoins, encore plus de pauvreté, alors qu’il faut investir, que plus d’Europe c’est forcément plus de budget européen. De l’autre côté, les chefs d’État et de gouvernement, y compris le gouvernement français, disent au Parlement européen d’accepter un budget en diminution. Ce double langage me gêne, il n’est pas un langage de clarté et je pense que par rapport au débat que nous allons avoir et aux élections qui ont lieu dans moins d’un an maintenant, il est important que ce langage soit clarifié.
On a également beaucoup tiré en France récemment sur Angela Merkel. En matière d’austérité, il y a un changement de pied assez spectaculaire de la chancelière. Là voilà qui se fait généreuse à l’approche des élections de septembre et pour son peuple. Vous pensez que c’est un signe envoyé à toute l’Europe ?
C’est ce dont j’ai rêvé, parce que je crois que Mme Merkel est en train de préparer le retour de la grande coalition. Je ne serais pas étonné qu’après ces élections ce soit entre la CDU-CSU et le SPD que ça se passe.
Parole de centriste ?
Vous savez, tous les pays qui ont su se réformer dans les années passées, sont des pays dans lesquels la majorité d’un moment n’a pas dit que ce qu’avait fait la majorité d’avant était une catastrophe et qu’il fallait faire complètement différemment. C’est au contraire les pays dans lesquels on a cherché une convergence entre les points de vue d’un côté, quand ils sont raisonnables, et les points de vue de l’autre, quand ils le sont également.