Retraites : "Le système par points est simple, juste et durable"

Robert Rochefort a défendu "la convergence entre les régimes de retraites" et la mise en place d'un "système par points", jeudi face aux journalistes de RCJ, KTO et La Croix.

Face aux Chrétiens - Robert Rochefort bonjour, vous êtes vice-président du MoDem, député européen de la région Sud-ouest, ancien directeur du CREDOC, économiste et spécialiste des questions de consommation. Le gouvernement démarre ce matin une nouvelle conférence sociale avec à l’ordre du jour une nouvelle réforme des retraites. Il manque vingt milliards d’euros d’ici à 2020. Le rapport de Yannick Moreau a donné quelques pistes mais je dirais que c’est toujours un petit peu les mêmes : allongement de la durée de cotisation, recul de l’âge de la retraite, augmentation de la cotisation, diminution des pensions. Quelle serait, pour vous, la meilleure solution ? 

Robert Rochefort - Je crois qu’on ne prend pas bien la question. On ne peut pas aborder cette question uniquement sur des aspects démographico-comptables. Je crois qu’il faudra travailler plus longtemps, mais on ne peut pas se contenter de dire aujourd’hui que le système est parfait et qu’il suffit d’un petit peu modifier les curseurs pour arriver à un équilibre. C’est ce que l’on fait depuis plusieurs années, sans d’ailleurs obtenir cet équilibre, et je vous indique une fois de plus que ce qui sera fait cette année comme réforme sera encore une fois probablement une réforme partielle qui renverra à une nouvelle réforme dans quelques années. Mais enfin, essayons de pousser un peu plus loin le raisonnement. Si on dit aujourd’hui à un jeune qui a 28 ans, et qui a cotisé peut-être trois ou quatre trimestres uniquement, qu’il faudra qu’il travaille 44 ans pour toucher une retraite – sur laquelle il n’y a d’ailleurs aucune garantie en matière de pouvoir d’achat puisqu’on parle en même temps de désindexation – je ne crois pas qu’on lui propose quelque chose qui lui donne une perspective. C’est pour cela que je pense, et que nous pensons au Mouvement Démocrate, qu’il aurait été indispensable de refonder le système. Pour nous, refonder le système, ça voulait dire aller vers un système par points, un système de comptes notionnels, tel que la Suède l’a fait.

Ce que François Hollande, dimanche soir sur M6, a écarté parce qu’il a dit que c’était trop compliqué. 

Ce n’est absolument pas compliqué. C’est le système actuel qui est très compliqué et le système par points qui est simple. Le système par points est un système dans lequel, quel que soit l’endroit où vous cotisez, vous obtenez des points et ces points s’additionnent. Cela permet par exemple de faire en sorte qu’en cas de pénibilité, on ait des points supplémentaires. Si on veut garder des bonifications liées au fait d’avoir eu beaucoup d’enfants, on peut très bien donner des points supplémentaires. Si on veut, c’est une de mes propositions, qu’un certain nombre d’années passées dans des associations d’intérêt général puissent être reconnues, ça donne des points supplémentaires. Mais ça donne des libertés également. Je pense par exemple qu’il y a des personnes qui, à 55 ou 56 ans, aimeraient bien réduire leur temps de travail et passer à temps partiel mais qui ne le font pas. Non pas à cause de la perte de salaire, mais à cause de la perte de leurs droits de retraite qu’elles n’acquerraient pas en passant à temps partiel. Le système par points peut très bien leur proposer de dire : vous pourrez acheter des points pour faire en sorte que vous cotisiez exactement de la même façon que si vous étiez à plein temps. 

C’est le système que préconise notamment la CFDT, pourquoi ne le fait-on pas ? 

Parce que je pense que le jeu politique est usé. Nous en parlerons peut-être un peu plus loin dans l’émission mais vous voyez bien que les exécutifs ont peur, c’est le cas de François Hollande. Il aurait certainement aimé se passer d’une réforme des retraites, il ne peut pas. Il essaie de faire en sorte, en croyant que cela rassure les gens, en ne changeant pas le système, de présenter ceci comme étant quelque chose qui préserve tous les acquis. La réalité n’est pas là. La réalité, c’est qu’on rafistole. On est par exemple dans le dialogue de sourds sur les questions de l’équité ou de l’égalité, sur les fonctionnaires, sur les régimes spéciaux et le régime général. Vous avez dû voir comme moi, au cours des jours passés, de témoignages de certains qui disent qu’en tant que fonctionnaires ce n’est pas vrai du tout qu’ils sont avantagés mais qu’ils seraient même pénalisés. Ou des gens du régime général, c’est-à-dire du secteur privé, qui disent qu’ils sont pénalisés. Donc je pense que ce n’est pas un service à rendre et je pense, pour terminer sur la conférence sociale d’aujourd’hui, qu’il y avait deux sujets fondamentaux, la question de l’emploi et la question des retraites. Je pense que le gouvernement a tort de rajouter plein d’autres sujets, d’en faire un exercice, qui n’est pas inutile, de voir les responsables syndicaux et les forces sociales se réunir, mais qui n’a de sens que si ça s’accompagne derrière de véritables réformes. 

Vous semblez dire que la réforme ne sera probablement pas assez audacieuse. Est-ce qu’il faut exclure des débats, des discussions, le régime des fonctionnaires ainsi que les régimes spéciaux, qui sont potentiellement explosifs ? 

Je crois que vous avez compris le sens de mon idée, c’est qu’il faut une convergence entre ces régimes. Le système par points permet cette convergence. J’insiste sur un point dont on parle peu dans les débats actuels. C’est que la réalité sociale aujourd’hui fait qu’il y a de plus en plus de gens qui vont avoir des bouts de cotisation dans des régimes différents. Il y a des gens qui vont avoir des années dans la fonction publique, des années dans le secteur privé, peut-être des années en tant qu’auto-entrepreneurs, voire même quelques années à l’étranger. Ceci va devenir une réalité beaucoup plus fréquente que par le passé. Aujourd’hui ces gens sont pénalisés parce que chaque régime défend les intérêts de ceux qui sont ses cotisants propres, c’est-à-dire qui passent l’intégralité de leur vie dans un régime. Ceci est une injustice absolue, donc il faut aller vers une convergence des régimes, je crois à terme vers une fusion avec un système par points, je pense qu’on ne peut pas le faire du jour au lendemain mais il faut des étapes de cette nature. Autrement dit, ce qui aujourd’hui me paraît le plus important, en ce qui me concerne, c’est que, par rapport à ces régimes spéciaux, par rapport au régime des fonctionnaires, les nouveaux embauchés soient déjà mis dans un système très proche de celui des gens du secteur privé. Et que, pour ce qui est de ceux qui sont avancés en carrière, voire qui sont proches de la retraite, on trouve évidemment des éléments d’adaptation pour ne pas déstabiliser les choses mais qu’on arrive vers des logiques de rapprochement des situations. 

Quand vous dites convergence, c’est à terme une convergence vers le bas. 

Non.

Il faut aligner les régimes favorisés vers le régime général ? 

Non, je ne crois pas que ce soit vers le bas. Quand vous dites ça, vus sous-entendez que, effectivement, tous les régimes, et en particulier de fonctionnaires, sont hyper avantagés par rapport au régime général. Quand vous regardez la situation, ce n’est pas tout à fait le cas. Je ne serai pas ici celui qui dira que les fonctionnaires sont les grands gagnants ou les grands avantagés du système. Je crois qu’il y a des catégories de fonctionnaires qui sont gagnants, de façon pas forcément toujours juste, et ce sont plutôt les fonctionnaires de catégories supérieures, qui ont la possibilité, quelques mois avant le départ en retraite, de bénéficier d’une promotion dont ils auront ensuite le bénéfice pendant toute leur retraite. Les fonctionnaires de catégorie C, ce n’est pas le cas. Tous les petits salaires de la fonction publique ne sont pas des bénéficiaires donc je pense qu’il ne faut surtout pas rentrer dans une logique qui est une logique de guerre à cet égard. Mais si vous permettez, je voudrais aborder un autre point parce que je voudrais être extrêmement clair sur ce sujet. Je crois qu’on ne peut pas aborder la réforme des retraites sans aborder la question du travail des seniors. Tout à l’heure je parlais des jeunes, mais indépendamment des jeunes, pensons aux gens qui aujourd’hui à 56 ou 57 ans sont mis à la porte dans les entreprises ou sont poussés vers la sortie. Ou même ceux qui à cet âge, sans être poussés vers la sortie, ont vécu depuis dix ou quinze ans des restructurations de leur entreprise tous les dix-huit mois, des menaces de licenciement, des nécessités de travailler toujours plus, ces gens sont usés quand ils arrivent à 58 ans. Or, il faudra demain qu’ils travaillent encore un nombre d’années encore significatif. Ce que je veux dire, et c’est une démarche humaniste de notre point de vue de le dire comme cela, c’est qu’on doit se poser la question du sens du travail. Si on ne se pose pas la question, par exemple des parcours de formation tout au long de la vie, de favoriser le fait qu’à 40 ou 45 ans un salarié puisse changer de métier…

La flexibilité ? 

Une flexibilité, pas uniquement dans le contrat de travail, mais dans les choix professionnels. Je vais même aller plus loin, si on n’ose pas dire qu’il faut revenir à une conception qui soit une conception épanouissante du travail, et ce n’est pas une utopie parce qu’il y a beaucoup de gens qui le disent. Peut-être vous quatre journalistes avez la chance de faire partie de ceux qui peuvent dire "Mon travail m’épanouit et je suis heureux dans mon travail", j’espère que c’est le cas. Mais vous savez que ça peut être le cas d’un boulanger, d’un plombier, d’un chauffeur d’autocar qui emmène les enfants dans des tournées scolaires et qui est très heureux de ce qu’il fait. Il faut prendre appui sur ces situations où le bonheur s’exprime au travail pour dire que l’un des projets de notre société pour les années qui viennent, c’est celui-là. Si on ne traite pas cette question en même temps que la question de la durée de cotisation, je ne crois pas que l’on puisse vraiment donner des perspectives heureuses aux générations à venir.

Pour revenir sur les raisons de cette difficulté à refonder le système, puisque vous appelez à ça, est-ce que finalement depuis longtemps nous ne sommes pas prisonniers de la prégnance du clivage droite/gauche ? 

J’ai l’impression que vous m’offrez quasiment un boulevard, tellement vous savez que c’est la thèse principale de notre formation politique. Je pourrais rajouter à votre question qu’il n’y a pas que sur les retraites que nous sommes bloqués, nous sommes bloqués sur tout. 

Sauf que le travail de pédagogie sur la question des retraites, depuis le raccord Rocard il a été fait. 

À moitié seulement. Le drame en France c’est que, comme il est très difficile de réformer, ceux qui à un moment donné sont porteurs d’une réforme, minimisent l’importance de cette réforme. C’est le cas actuellement de la gauche qui dit que finalement le système est très bien et qu’il suffit de jouer de quelques curseurs.

Ce qu’avait fait la droite aussi.

Voilà. Et l’opposition, quelle que soit sa couleur, dit "C’est le drame absolu, on fait s’effondrer le système !". Nous sommes devant cette espèce de jeu de rôles qui est quand même extraordinairement troublant pour les citoyens. Finalement, par rapport au système de retraites, faut-il croire que le système est parfaitement fort et qu’il suffit d’ajuster quelques curseurs ou faut-il croire au contraire qu’il est complètement en péril ? Ce jeu de la bipolarisation amplifie cela. Je vais vous dire quelque chose qu’il faut avoir à l’esprit. Quand vous regardez les pays qui se sont réformés, il y a deux scénarios. Soit ils se sont réformés avec des moments qui sont des moments d’unité nationale autour de cette réforme, ce qui a été le cas en Allemagne avec notamment la réforme Hartz sur le travail, mais aussi avec la grande coalition qui a suivi lorsque Schröder a perdu le pouvoir et que Merkel est arrivée. Dans ce premier cas de figure, c’est par une logique d’unité nationale qu’on arrive à réformer. C’est d’ailleurs une des thèses que nous avons et que François Bayrou a énoncée à plusieurs reprises. Il y a un deuxième scénario qui fonctionne également quand vous regardez les pays qui se sont réformés, ce sont des pays dans lesquels la nouvelle majorité – même quand on est dans une sorte d’opposition duale – ne se précipite pas d’abord pour dire que ce qu’avait fait la majorité précédente est une catastrophe et qu’elle est victime du bilan. Mais ce sont des pays dans lesquels, tout en respectant l’alternance - ça peut être une alternance centre-droit/centre-gauche par exemple - malgré tout on se dit que ce qui a été fait avant n’est quand même pas complètement inutile. Ce qui n’empêche pas la majorité au pouvoir d’infléchir un peu dans un sens ou dans un autre. En France, nous sommes au degré zéro de ce respect de l’action politique d’un camp par rapport à l’autre. Vous savez bien que aujourd’hui les socialistes continuent à dire qu’ils ont hérité d’une situation épouvantable, que c’est à cause de ce qu’ils ont obtenu de Nicolas Sarkozy. Et la droite dit de la même façon que les réformes de la gauche nous mènent totalement dans l’impasse. Ceci tue la capacité de réforme. Donc, ma réponse à votre question, c’est cela, c’est que ce jeu politicien - extrêmement usé par ailleurs puisqu’il se paye par des abstentions considérables et par des montées des extrêmes - bloque beaucoup la réforme dans notre pays.

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