Régionales Île-de-France : "Nous sommes libres et cela est une force absolument formidable"

Invitée politique de Christophe Bordet sur Sud Radio ce matin, Marielle de Sarnez a affirmé que si les états-majors politiques n'étaient pas intéressés par une proposition de rassemblement large pour les élections régionales, Yann Wehrling et elle-même offriraient le choix politique du centre au premier tour.
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Sud Radio - Marielle de Sarnez, bonjour.
Marielle de Sarnez - Bonjour.
Merci d’être avec nous ce matin. C’est une journée décisive pour Nicolas Sarkozy. La cour d’appel de Paris va dire si oui ou non elle valide les écoutes qui ont mené à la mise en examen pour faits de corruption de l’ancien chef de l’État, de son avocat Thierry Herzog et de l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert. Nicolas Sarkozy aurait tenté d’influer sur une décision de justice, aurait tenté d’obtenir des informations le concernant dans l’affaire Bettencourt. En échange, il aurait promis à Gibert Azibert d’intervenir pour que le haut magistrat décroche un poste à Monaco. Bref, à trois semaines du congrès de l’UMP qui va devenir Les Républicains, l’épée de Damoclès est toujours là, Nicolas Sarkozy n’est pas encore sorti d’affaires.
On verra. La justice va parler. Moi, je ne fais aucun commentaire sur les affaires de justice en général et je me tiens à cette règle. Je fais confiance à la justice de mon pays et donc nous allons voir ce que la justice va dire aujourd’hui.
Si Nicolas Sarkozy obtient par exemple l’annulation de la mise sur écoutes, le ciel va se dégager pour l’ancien chef de l’État qui pourra ressortir la théorie du complot, les juges qui voulaient l’abattre, le cabinet noir de l’Élysée… Il pourrait bien se venger !
Se venger, cela veut dire quoi ? Nicolas Sarkozy est président de l’UMP, il a une stratégie on le voit bien, il veut essayer de s’imposer dans la future primaire avec un noyau dur d’électeurs qui vont voter pour lui. La question, c’est l’enjeu politique des mois qui viennent et de savoir dans quelles conditions se préparera l’élection présidentielle qui viendra dans deux ans. Pour ma part, vous savez que nous faisons plutôt le choix avec François Bayrou de dire qu’il nous semble que, quelqu’un comme Alain Juppé, sera mieux à même de rassembler plus large et que le pays aura justement besoin de rassemblement large. Moi, c’est à ce niveau là que j’ai envie de débattre et de me situer.
Est-ce que c’est un rassemblement large que l’on peut obtenir éventuellement avec Nicolas Sarkozy qui a aujourd’hui autant de casseroles ?
L’élection présidentielle est loin, la primaire de l’UMP est dans 18 mois. C’est vrai que Nicolas Sarkozy est aujourd’hui chef de l’UMP. Il s’est fait élire patron du parti de droite.
Pour les régionales, vous allez être alliés notamment à l’UMP, qui a un président qui a des casseroles ? Ce n’est pas gênant ?
On verra ce que nous ferons pour les élections régionales. Nous avons mis des chefs de file, très bons, formidables dans les 13 régions françaises. Aujourd’hui ils sont en pré-campagne. Nous allons poser nos idées, nos propositions sur la table et puis nous verrons à l’été pour notre stratégie. Vous savez, nous notre force au Mouvement Démocrate, c’est que nous sommes libres, notre force c’est que nous avons des idées, notre force est que, pour nous, le fond compte beaucoup. On est profondément régionaliste, on est profondément pour la décentralisation. Pour nous les élections régionales, c’est une élection importante.
François Hollande a fêté ses trois ans à l’Élysée hier face à des jeunes qu’il a rencontrés dans l’après-midi. Bilan peu glorieux d’un président élu à l’époque en partie grâce à François Bayrou.
Mauvais bilan. Je pense que François Hollande a déçu sûrement les Français qui ont voté pour lui. On a un taux de chômage qui est extrêmement lourd. Je voudrais ajouter dans une deuxième phrase que, quand j’entends les critiques de la droite, de Nicolas Sarkozy sur François Hollande, moi j’attends un peu d’humilité des hommes politiques. Ils ont gouverné eux aussi le pays il n’y a pas si longtemps que cela !
Est-ce que la droite aurait fait mieux ? Elle ne l’a pas prouvé.
Exactement. Ils ont gouverné le pays il n’y a pas si longtemps que cela et grosso modo, la qualité de leur bilan n’est pas si emblématique et extraordinaire qu’ils peuvent se permettre de regarder aujourd’hui avec une telle condescendance ce qu’il se passe. Donc, est-ce que le bilan de François Hollande est bon ? Non, il n’est pas bon. Est-ce que le bilan de ses prédécesseurs était meilleur ? Non, il n’était pas meilleur ! Est-ce que les réformes lourdes dont le pays a besoin ont été faites et gérées ? Non ! Et cela fait des années que ça dure ! Nous pensons, nous croyons avec François Bayrou que notre système politique est un peu responsable de tous ces blocages et que quand vous restez avec une France divisée comme cela, droite contre gauche, gauche contre droite et des espèces d’alternance mécanique, et bien on ne règle pas les questions des Français et on ne se pose pas la seule question qui vaille, c’est-à-dire la question de l’efficacité de la responsabilité publique !
Marielle de Sarnez, les régionales en Île-de-France, pour gagner, il faut être uni MoDem-UDI-UMP ?
Je pense qu’il faut un changement dans cette région. Il y a une équipe qui est là depuis 17 ans maintenant. Les résultats ne sont pas probants en terme de vie quotidienne. Demandez aux Franciliens qui sont dans les transports si la vie est belle ! Non, elle ne l’est pas. Demandez si Pôle Emploi va mieux. Non ça ne va pas mieux. Or, c’est une région extrêmement importante, une région capitale pour la France. Demandons si pour l’apprentissage, si pour les jeunes cela va mieux, non ! Je crois qu’il faut des changements, et des changements profonds. Pour avoir ces changements, pour la vie des Franciliens, pour qu’ils vivent mieux demain, je pense qu’il faut des rassemblements larges. Maintenant si les appareils politiques font la fine bouche, si l’idée d’avoir des rassemblements larges ne les convient pas aujourd’hui…
Valérie Pécresse par exemple, qui est la candidate UMP dit « oui à un accord avec le MoDem, à condition qu’il y ait aussi l’UDI »…
Un, je suis pour des rassemblements larges parce que je suis pour le changement, un vrai changement pour la région Île-de-France, y compris de sa gouvernance. Pas un Francilien ne comprend comment tout cela fonctionne et quand vous allez ajouter au-dessus la métropole avec encore à nouveau des centaines d’élus, tout cela ne va pas ! Il va falloir que l’on transforme cela, que l’on sache qui fait quoi et que l’on puisse savoir qui gouverne quoi et donc de ce point de vue, il va falloir une vraie rupture. Je vous dis simplement que si les partis politiques, ou les politiques, ne sont pas intéressés par cette idée de rassemblement, à ce moment-là Yann Wehrling et moi-même qui sommes chefs de file pour l’Île de-France, nous proposerons un choix politique qui sera le nôtre au premier tour des élections régionales. C'est très simple. Je suis, nous sommes, pour le rassemblement et si les états-majors politiques – de ce que j'ai cru entendre – font la fine bouche et ne sont pas intéressés, je vous le dis ce matin à votre micro, Yann Wehrling et moi même, proposerons le choix politique du centre, au premier tour, aux électeurs de l'Île-de-France.
C'est une menace envers Valérie Pécresse ? Une menace envers Chantal Joaunno ?
Non, moi je ne fais jamais de menace et en plus je trouve que Valérie Pécresse est tout à fait estimable et légitime pour la région. Mais, je vous répète que si les états-majors politiques ne sont pas intéressés par le fait que nous proposons nous des rassemblements larges, nous en tirerons les conséquences. Moi j'aime être en campagne donc on sera heureux de le faire. On est libre et cela est une force absolument formidable. Yann Wehrling et moi même nous aurons des choses à dire dans cette campagne et une fois de plus, si les rassemblements ne se font pas, nous offrirons ce choix au premier tour.
Quel est l'appel que vous lancez ce matin à Valérie Pécresse ?
Je viens de le dire trois fois, je ne vais pas me répéter. Je pense avoir été très claire. Moi je ne lance pas d'appel, je ne suis pas donneuse de leçons. Je fais de la politique de façon plus détendue et pour être utile. Je fais de la politique pour être au service des Franciliens et c'est cela qui m'intéresse.
Dites-moi, Chantal Jouanno veut absolument se maintenir pour l'UDI, a-t-elle tort ?
L'UDI a un accord global avec l'UMP en France. Vous le voyez bien. On peut le regretter. Moi j'étais plutôt sur la ligne édifiée par François Bayrou et Jean-Louis Borloo, c'est-à-dire l'idée d'un centre rassemblé, plus autonome et plus indépendant. Ce n'est pas tout à fait la voie choisie. On peut le regretter mais il faut faire avec.
À gauche la surprise du chef si je puis dire, c'est Claude Bartolone, le président de l'Assemblée, qui veut participer à la primaire socialiste en Île-de-France face à Jean-Paul Huchon et Marie-Pierre de la Gontrie. Il est soutenu par Martine Aubry, par Benoît Hamon, peut-il être un adversaire coriace ?
Je pense que c'est un candidat et un concurrent sérieux, c'est pourquoi je vous répète pour la cinquième fois à votre micro qu'en face de cela il faut être responsable et faire des rassemblements. Ces rassemblements je pense qu'il faut plutôt les faire tôt que tard. C'est-à-dire avant le premier tour. Mais, je ne vais pas vous répéter que si ce n'est pas ce que certains souhaitent, nous prendrons nos responsabilités.
Marielle de Sarnez, Claude Bartolone est plus dur à battre qu'un Jean-Paul Huchon par exemple ?
Moi je ne suis pas là pour battre la gauche mais pour que demain en Île-de-France on se préoccupe des Franciliens. Vous entendez bien que c'est une tonalité qui est différente. Si vous demandez si c'est un candidat sérieux, je vous dis oui, c'est un candidat sérieux.
Marielle de Sarnez, un autre sujet : la réforme des collèges. La droite en a fait son cheval de bataille : « non à cette réforme qui coupe la tête du latin, du grec, de l'allemand ». Beaucoup de professeurs disent qu'ils ne l'appliqueront pas. Bonne ou mauvaise réforme Marielle de Sarnez ?
C'est une mauvaise réforme. Je crois que l'école républicaine doit être l'école de la réussite, de l'exigence, de l'élitisme pour tous, pas pour certains. Et si on veut que ce soit l'école de l'excellence pour tous, il faut un certain nombre de matières, de disciplines et d'apprentissage de savoirs qui ne soient pas réservés à ceux qui peuvent se les offrir. Typiquement, quand vous maitrisez le langage et la langue, l'apprentissage de ce qu'on appelle les langues mères et les langues étrangères compte énormément. Tout cela a un rôle.
Mais l'anglais et le chinois aujourd'hui ne sont-ils pas plus importants que des langues comme le latin et le grec ?
Je vais vous dire, c'est au moins aussi et autant important. On vient de cette culture-là, ces langues sont dans notre patrimoine. Il est important que ce ne soit pas seulement certains qui puissent les apprendre chez eux, dans le cadre familial, parce qu'ils ont des professeurs particuliers ou à l'école privée, parce qu'à l'école privée on peut le faire. Je souhaite que l'école publique soit l'école de l'excellence, pas pour certains, mais pour tous.
Quand vous voyez qu'en France – je connais bien l’Education nationale j'ai été directrice de cabinet de François Bayrou quand il était Ministre de l'Education nationale et donc j'aime cette Education nationale - 40 % des élèves rentrent en 6e sans maîtriser la lecture, l'écriture et la compréhension du texte, évidemment après ils sont paumés au collège. Comment voulez-vous faire participer un élève à un devoir de mathématiques ou d'une discipline quelconque si vous ne maîtrisez pas le langage, si vous ne maîtrisez pas l'écrit ? Voilà la première des réformes qu'il faut porter, la plus importante. Faire en sorte que, dans notre pays, tous ceux qui rentrent en 6e maîtrisent parfaitement la lecture, l'écriture, la compréhension et le sens du langage.
Mais quand on regarde la réforme un peu dans le détail, tout n'est pas à jeter : 20 % de temps pour du travail en petits groupes c'est nécessaire, l’accompagnement personnalisé c'est nécessaire, l’interdisciplinarité à partir de la 5ème – franchement que les mathématiques ou la science soient enseignées ensemble on ne voit pas où est le problème – l’apprentissage de la deuxième langue vivante dès la 5ème, un an avant ce qui se fait aujourd'hui …
Tout cela apparaît très sympathique sous réserve que cela ne se fasse pas au détriment des fondamentaux. Pour moi, ce qui compte, c'est ce qu'il se passe avant le collège. Avant le collège si vous ne maitrisez pas le sens de la langue vous êtes définitivement paumé, vous ne pouvez pas vous en sortir et donc il y a du refus, de la violence et on a effectivement tous ces jeunes qui sortent chaque année du collège sans avoir de diplôme ou de validation d'acquis.
Marielle de Sarnez, merci d'avoir été avec nous ce matin sur Sud Radio.
Merci à vous.