"Pour redresser les finances publiques, c'est sur la dépense qu'il faut agir"

Dans une interview à l'Opinion, mercredi, Alain Lambert rappelle que les gouvernements ont davantage "la maîtrise des dépenses que des recettes" et demande que la fiscalité échappe à tout "problème idéologique".
L'Opinion - Le gouvernement vient d'annoncer une nouvelle hausse d'impôts de 1,3 milliard d'euros pour assurer le financement des allocations familiales. Est-ce tenable ?
Alain Lambert - Les gouvernements quels qu'ils soient ont une vraie maîtrise de la dépense quand ils en ont la volonté, mais une assez faible influence sur la recette malgré le souhait qui est le leur de l'accroître. Lorsqu'on relève la structure fiscale, les taux d'impôts, on fait des prévisions de rendement souvent décevantes, qui se révèlent plus importantes que les rendements réels. C'est la raison pour laquelle la seule solution du redressement des finances publiques, c'est d'agir sur la dépense, pas sur les recettes. Je ne suis pas en mesure de dire que le calcul effectué sur la prévision de recettes supplémentaires est bon ou mauvais, je pense que personne à ce stade n'est en mesure de le faire.
Quelles sont les conséquences de l'alourdissement des prélèvements obligatoires ?
En matière de recettes, il existe des phénomènes psychologiques qui ne sont pas toujours simples à anticiper. La prévisibilité est quelque chose de très important pour les agents économiques, qu'ils soient ménages ou entreprises. Ces agents, qui sont aussi des contribuables, anticipent soit une progression, soit une diminution de leurs ressources. Dans les deux cas, soit ils investissent, soit ils économisent. Il est donc très important que la visibilité soit la meilleure possible. Or, on peut craindre que les annonces du gouvernement soient parfois contradictoires. La compétitivité a été placée au fronton de la nouvelle politique. Et la compétitivité, c'est avoir par définition une fiscalité qui soit au moins dans la moyenne des pays des principaux concurrents. Si on est plus cher, inévitablement on pénalise son économie, ses propres emplois, les ménages et la consommation. On pénalise donc la croissance. On voit bien que la solution de l'accroissement des prélèvements lorsqu'ils sont déjà élevés est inefficace. Contrairement à ce que beaucoup d'observateurs pensent, ce n'est pas un problème idéologique. C'est vraiment une question économique et presque mathématique. Au-delà de la célèbre courbe de Laffer, il y a une réalité qui est que si vous décidez de diffuser un message d'accroissement des prélèvements, vous suscitez de la part des agents économiques une crainte immédiate qui freine leur espoir ou volonté d'investir ou de consommer. Donc il faut faire très attention de ce point de vue là. Les dégâts économiques et financiers qu'on peut faire en utilisant la fiscalité au plan idéologique sont terribles par rapport aux faibles gains électoraux qui peuvent en résulter.
Y-a-t-il des éléments troublants dans le rapport sur l'exécution budgétaire publié la semaine dernière par la Cour des comptes ?
Il y a des questions qui se posent comme la perte de rendement importante de la TVA dont on n'arrive pas à saisir l'origine. Les recettes fiscales ne sont pas à la hauteur des espoirs qui étaient portés. Le travail sur les dépenses doit donc être maintenu parce que c'est probablement celui qui apportera le plus de chances de redressement des finances de l'État.
Pour aller plus loin : le site internet d'Alain Lambert.