"Pas une décision n'est prise en Europe sans la caution de François Hollande"
Marielle de Sarnez a déploré que le gouvernement fasse de l'Europe son "bouc émissaire", jeudi soir sur i>télé. Elle rappelle que "pas une décision n'est prise en Europe que François Hollande ne cautionne pas".
i>télé - Marielle de Sarnez, vous êtes une Européenne convaincue, fervente. Qu’est-ce que vous pensez de cette polémique qui a éclaté entre le gouvernement français, qui soutient Montebourg, et le Président de la Commission européenne ? Est-ce que ça vous gêne qu’on insulte Barroso ?
Marielle de Sarnez - Ils n’ont pas insulté que Barroso. C’est aussi une insulte à l’Europe, c’est l’Europe qui est responsable de tout, c’est toujours l’éternelle même histoire en France. Il faut des boucs émissaires et là c’est l’Europe, ça fait des années que ça dure en France, je trouve cela irresponsable. Je trouve que ça affaiblit considérablement la France et la voix de la France en Europe ans un moment où nous avons au contraire besoin de porter des changements en Europe, bien sûr, mais nous n’arriverons pas à porter des changements en Europe si nous ne sommes pas crédibles. Ceci décrédibilise la France. Et, franchement, Arnaud Montebourg a répondu à la question d’un journaliste qui lui dit "Quelles sont les raisons de la montée du Front National ?", "L’Europe"…
Non, il ne dit pas "L’Europe", il dit "Barroso".
"L’Europe", ensuite, quelques minutes plus tard, il dit "Le carburant du Front National c’est Barroso". Mais, avant, il répond sur la question européenne. Moi, je vous dis qu’il y a plein de raisons qui font que le Front National augmente et prospère dans ce pays. En particulier que les hommes politiques ne tiennent pas les promesses qu’ils font pendant les campagnes. En particulier qu’on ne dit pas la vérité aux Français sur les difficultés. En particulier qu’il y a de nombreuses affaires qui surgissent de partout, à droite et à gauche. Donc, je trouve qu’ils feraient bien aussi de balayer un petit peu devant leur porte. Moi, comme Européenne, je trouve que là, la France prend une mauvaise direction.
Mais vous, comme Européenne, vous n’avez pas parfois envie de critiquer Barroso ?
J’ai envie de changer et d’améliorer le fonctionnement de l’Europe.
Je vous parle d’un homme, de cet homme qui est Président de la Commission européenne.
Je n’ai pas voté pour lui, c’est déjà une chose.
Est-ce qu’il y a un problème Barroso en Europe ?
Il y a un problème Barroso en Europe, allons-y, mais je ne signerai pas cette phrase. Parce que, qui a nommé M. Barroso ? Qui prend toutes les décisions tous les jours à Bruxelles ?
Le Conseil européen.
Il faut dire aux Français qui nous regardent qu’il n’y a pas une décision qui ne soit prise en Europe si le président précédent, M. Sarkozy, n’avait pas dit oui, et si aujourd’hui François Hollande ne cautionne pas. Qui a nommé M. Barroso ? L’ensemble des chefs d’État et de gouvernements européens. L’Europe, ce n’est pas quelque chose qui se fait sans nous, c’est quelque chose que nous faisons, nous, France. Donc, pour changer l’Europe, qu’est-ce qu’il faut ? Que la France se redresse, qu’elle porte une voix forte, qu’elle demande davantage d’intégration, de démocratie, que l’on politise le débat européen. Là, ce n’est pas une politisation que nous sommes en train de faire, nous sommes en train de nous affaiblir.
Un jeune sur deux est en chômage en Grèce ou encore en Espagne, un sur quatre en France, c’est un vrai fléau sur tout le continent. Il y a un sommet européen ce soir à Bruxelles, est-ce qu’il peut vraiment changer les choses ?
Non, au fond. En même temps, qu’ils se mobilisent en disant qu’ils veulent faire quelque chose pour les jeunes en Europe, c’est bien. Mettre six milliards pour trouver des plans de formation, d’alternance pour les jeunes en Europe, c’est bien et c’est utile. Est-ce que c’est suffisant ? Non. Est-ce que c’est mieux que rien ? Oui. Mais en même temps, il faut que chaque État-membre de l’Union européenne conduise une politique sui vise à ne pas laisser de côté les jeunes. Il y a aujourd’hui 2 millions de jeunes en France de moins de trente ans qui sont sur le bord de la route. Nous savons que nous avons 150.000 jeunes qui sortent chaque année du système éducatif français sans aucun diplôme et que l’on retrouve au chômage ensuite. Donc, c’est toute la question de la formation, de l’alternance, des offres d’emploi réelles. Bien sûr qu’il faut une mobilisation de tous, je suis heureuse quand l’Europe parle de mobilisation pour les jeunes, mais c’est une mobilisation de chacune et de chacun d’entre nous.
En France, vous y croyez à l’inversion de la courbe du chômage ?
Je la souhaite mais je ne crois pas que la croissance sera au rendez-vous et je ne crois pas que les emplois aidés, même si c’est mieux que rien pour un jeune, soient la réponse à la question de la crise économique. Je crois qu’il faut que nous soutenions les PME, que l’on réfléchisse à nouveau à ce que, quand une PME embauche un jeune, les charges soient allégées. Je pense que ce serait extrêmement nécessaire pour lutter contre le chômage des jeunes. Je crois qu’il faut que nous repensions la manière dont Pôle Emploi fonctionne. Je crois qu’à côté de Pôle Emploi, peut-être faut-il aussi réfléchir à la manière d’accueillir des jeunes qui sont en recherche d’emploi, à une solidarité entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Bref, nous devons trouver de nouvelles formes et se mobiliser réellement. Mais ça veut aussi dire qu’on se mobilise pour soutenir toutes les entreprises qui créent de l’emploi.
Le rapport de la Cour des comptes prévoit que les déficits vont continuer à déraper cette année. Jean-Marc Ayrault répond que, malheureusement, c’est vrai.
Oui, il dit la vérité après une polémique tout à fait inutile ces derniers jours, où ils ont dit à un parlementaire que ce n’était pas vrai, que les déficits ne se creusaient pas.
C’est de la faute de qui, la polémique ?
Je pense que le pouvoir socialiste a un peu tendance à penser que la croissance va arriver et que, la croissance arrivant, on va combler les déficits. À la vérité, nous avons besoin de faire un certain nombre de réformes, nous aurons ainsi besoin de faire la réforme des retraites. Nous avons besoin d’arrêter de dépenser encore plus et encore plus d’argent public. Je crois qu’il faut un peu moins de dépenses publiques et une meilleure dépense publique. C’est-à-dire des dépenses qui servent vraiment de leviers pour créer du développement et de la croissance.
Ce rapport de la Cour des comptes, qui estime que les fonctionnaires sont trop nombreux et qu'il faudrait les forcer à travailler deux heures de plus par semaine, qu'en pensez-vous ?
Je pense qu'il y autant de fonctionnaires que de situations diverses et variées. Nous avons vitalement besoin de fonctionnaires qui soient sur le terrain, sur toutes les questions de vie quotidienne et de service public. En même temps, je pense que nous avons trop d'administration "de papier". Donc oui, dans ce que nous appelons "le papier", je pense que désadministrer un peu la France serait une bonne chose.
François Bayrou parle de l'affaire Tapie comme l'un des plus gros scandales de la Ve République. Y-a-t-il derrière tout cela une volonté de toucher Nicolas Sarkozy ?
Une volonté de toucher Nicolas Sarkozy, ce n'est pas notre affaire. Que la Justice fasse son travail. Je constate une chose : la Justice avance et est indépendante. Avec toutes ces affaires qui sortent, les unes après les autres, nous partageons tous un sentiment de ras-le-bol. Mais, en même temps, c'est bien que la Justice fasse son travail et qu'on aboutisse enfin pour, au terme de tout cela, tourner la page. Notre pays a besoin de se redresser, économiquement mais aussi éthiquement et moralement. Tout va ensemble.