Municipales à Paris : "Nous regardons avec bienveillance toutes les attitudes de rassemblement"
Jean-François Martins, conseiller de Paris et membre de l'équipe de Marielle de Sarnez, a défendu la nécessité "de dépasser les clivages et les clans" pour résoudre les problèmes de fond, sur BFM Business.
BFM Business - Jean-François Martins, vous êtes Conseiller de Paris et vous allez prendre de plus en plus d’importance dans cette campagne de Marielle de Sarnez, à savoir ?
Jean-François Martins – Écoutez, nous sommes en train, avec Marielle de Sarnez, de finaliser l’équipe et la manière dont nous allons travailler. Moi je suis élu sortant du MoDem à Paris donc je vais être chargé d’assurer la continuité entre les combats que nous avons menés au Conseil de Paris depuis six ans et les combats que nous mènerons dans la prochaine mandature. Donc je vais à la fois devoir faire le liant entre les sujets parisiens actuels et préparer l’avenir pour la candidate, et aussi pour toutes les équipes, dans les arrondissements.
Ça veut dire quoi, pour être clair ? Porte-parole ?
Ça va probablement être porte-parole ou quelque chose de cet ordre. Nous verrons bien, les titres ne comptent pas, l’essentiel ce sera une dynamique collégiale et collective.
Il ne vous a pas échappé que Anne Hidalgo, candidate socialiste à la mairie de Paris à la succession de Bertrand Delanoë, avait fait des appels du pied, peut-être même une main tendue, en direction de Marielle de Sarnez et du MoDem à Paris. On n’a pas bien entendu la réponse.
Je vais vous dire ce que j’en pense réellement. Le prochain maire de Paris aura des défis immenses. On va devoir préparer la ville à une compétition internationale des grandes métropoles qui est de plus en plus importante. On aura besoin, dans les six ans qui viennent, d’un maire créatif, d’un maire fort, d’un maire qui soit capable d’emmener l’ensemble de la société parisienne vers des objectifs environnementaux, économiques, plus ambitieux, avec une volonté de mixité sociale peut-être meilleure. Pour tout cela, il faudra un maire qui sache dépasser les clivages. Donc, toutes celles et tous ceux qui, dans cette campagne municipale, prôneront le rassemblement au-delà des clans, au-delà des clivages habituels, je pense qu’ils auront raison et qu’ils iront dans la bonne direction, c’est-à-dire la direction qui mène vers des majorités municipales plus larges. Donc moi, j’accueille tous ceux qui appellent à des rassemblements plus larges avec beaucoup de bienveillance.
Il faut leur répondre, il ne suffit pas de les accueillir.
Après, la nature des rassemblements se fera sur les projets. Est-ce que nous sommes plus ou moins convergents, plus ou moins divergents avec les uns ou avec les autres ? Nous, fin juin, nous présenterons nos premières pistes, nos premières propositions. Là, nous pourrons commencer à regarder qui est-ce qui partage…
Qui est-ce qui est compatible ?
Oui mais, surtout, qu’est-ce qui intéresse les Parisiens ? Quels sont les sujets sur lesquels les Parisiens attendent des réponses ? Nous le savons, le logement, l’environnement, le transport, la qualité de vie, le pouvoir d’achat… Là-dessus je crois qu’il faut que chacun respecte le tempo des uns et des autres, notamment la partie dialogue avec les Parisiens, et le moment venu nous parlerons. Mais je crois que toutes celles et tous ceux qui appelleront au rassemblement dans cette élection municipale iront dans le sens de l’intérêt des Parisiens.
Donc vous êtes open, en tout cas cette main reste tendue et peut-être sera-t-elle serrée, on le comprend à votre réponse. Vous avez vu que ça ne fait pas plaisir à tout le monde. Anne Hidalgo appelait au rassemblement au premier tour avec les communistes et les Verts, c’est-à-dire pas de candidature alternative – on n’y est pas tout à fait évidemment – et éventuellement une alliance au deuxième tour avec le MoDem. Tout de suite, le représentant du PCF à Paris a rétorqué en disant "Non, s’il y a le MoDem, il n’y a plus nous". C’est difficile de faire le grand rassemblement.
Ce sont les affaires de la majorité municipale, de la gauche municipale. Nous, n’appartenons pas à la gauche municipale. Je ne vous dis pas que demain nous allons gouverner avec un tel ou un tel. Je dis juste que je trouve que dans la déclaration de Anne Hidalgo, il y a une volonté de dépasser les clivages, de dépasser les clans, ce que je trouve très bien.
Et vous la saluez.
Voilà, je trouve ça très bien. Que la majorité municipale, la gauche municipale en particulier, ait des tensions et des divergences, en réalité elles n’ont rien à voir avec nous. Les divergences qui existent aujourd’hui entre les différents courants de la majorité municipale, ce sont des problèmes de fond. Est-ce qu’on va dépenser plus à Paris ? Y compris plus que ce que l’on a ? Est-ce qu’on va promettre aux gens que l’on va exproprier 10.000 logements et que d’un coup d’un seul on créera 20.000 logements sociaux en un an ? C’est ce que croit M. Brossat. Nous verrons si c’est ce que croient ses partenaires de la majorité. Donc, nous sommes un alibi pour M. Brossat, pour affirmer en fait qu’il a voté tous les budgets depuis six qui ne correspondent pas à ce qu’il dit aux électeurs.
M. Brossat qui est élu PCF à Paris, on l’aura bien compris. On a parlé de Anne Hidalgo, parlons quelques instants de Nathalie Kosciusko-Morizet. Si elle tend la main, ce sera regardé avec autant d’intérêt ?
Avec autant de bienveillance, vraiment. Notre position c’est que nous considérons qu’à Paris, le clan contre clan, le bête et méchant, le "comme c’est la gauche qui propose, on trouve ça idiot" ou inversement "puisque la gauche est contre, nous on va être pour", tout cela est stupide et surtout terriblement puéril. Je crois que les Parisiens attendent des attitudes différentes. Donc, des attitudes de rassemblement, si Mme Kosciusko-Morizet veut en avoir demain, je les regarderai avec autant de bienveillance. Pour autant que les clarifications des uns et des autres sur le fond, sur le programme, sur les projets soient faites, que l’on soit à l’aise et que l’on sache ce que chacun porte pour les Parisiens.
Le programme, nous n’y sommes pas tout à fait encore mais nous allons en parler, bien sûr. Pour le moment, nous avons vu que l’UMP voulait se saisir de la question du redécoupage électoral possible de Paris. On a vu un premier projet retoqué par le Conseil Constitutionnel. Manuel Valls travaille à un second projet. Du coup l’UMP dit "Profitons-en pour élire le maire de Paris au suffrage universel, pas au suffrage indirect". Vous vous associez à cette idée ?
Je m’associe à l’idée, pas à la méthode. C’est-à-dire que, premièrement, se poser la question d’une nouvelle répartition des conseillers de Paris et des conseillers d’arrondissement en fonction de l’évolution de la démographie de Paris, ça paraît être du bon sens et on se demande pourquoi ça n’a pas été fait finalement plus tôt. Sur l’élection du maire de Paris au suffrage universel direct, cela ne se fera jamais. Aucun maire en France n’est élu au suffrage universel direct. Dans toutes les villes de France, on élit un Conseil municipal qui choisit un maire. A Paris, il y a une étape de plus qui sont les arrondissements. Donc, promettre le maire de Paris au suffrage universel direct, c’est faux. Mais, un système plus classique, moi j’y suis favorable. Après, je pense que le tempo n’est pas le bon. Je trouve assez maladroit de dire aux Parisiens que l’on va changer les règles, à neuf mois de l’élection. Ça fait tambouille, ça fait cuisine, ça fait magouille. C’est un peu : on arrive, on a une nouvelle candidate qui s’appelle Mme Kosciusko-Morizet, du coup on demande à changer les règles, pour que ce soit peut-être plus favorable. Moi je suis tout à fait ouvert à ce qu’on ait ce débat-là, mais que ce soit en-dehors des phases électorales. On évite de toucher la cuisine électorale un an avant une élection, ça apparaît être du bon sens. Donc c’est pour ça que je crois que c’est maladroit de la part de l’UMP d’amener ce débat à ce moment-là. Ça démontre peut-être une forme de fébrilité, ça donne le sentiment que comme on n’est pas sûr de pouvoir gagner avec les règles actuelles, on veut changer les règles. Ce n’est pas bien et je pense que les Parisiens préfèrent que nous ayons ces débats en-dehors des moments électoraux.
Deuxième élément dans la critique communiste et ensuite nous parlerons bien sûr des sujets nationaux. Ils disent "De toute façon, le MoDem ne compte pas".
Alors que les communistes beaucoup plus, comme chacun sait. Moi je vois chaque jour devant moi des centaines de gens qui se réclament du Parti Communiste et qui veulent la révolution, le Grand soir, l’expropriation de la moitié des propriétaires parisiens… (sourire) Je ne suis pas sûr d’avoir des leçons de représentativité à recevoir de la part des communistes. François Bayrou a fait près de 10% à l’élection présidentielle à Paris, Marielle de Sarnez est créditée aujourd’hui dans les sondages de 8%. La troisième femme de cette élection municipale, ce sera Marielle de Sarnez. Par ailleurs, je crois que, d’abord, nous représentons quelque chose en termes de citoyens, d’électeurs. Ensuite, nous représentons quelque chose sur le fond, c’est-à-dire que nous avons eu pendant six ans une véritable liberté qui nous a permis de soutenir les voies sur berges parce qu’on trouvait ça intelligent, mais de s’opposer à certains éléments du budget qui étaient trop dépensiers. C’est une vraie liberté. Je ne suis pas sûr que les communistes puissent affirmer avoir eu beaucoup de liberté ces six dernières années. Est-ce que l’on existe quand on n’est pas libre ? Je laisserai là encore aux communistes le soin de répondre à cette question. Nous avons notre part de réponse. Enfin, je crois que nous représentons surtout une envie, une envie qui est celle des Parisiens de sortir du système bête et méchant. Les méchants c’étaient les anciens, Chirac, Tibéri. Les gentils seraient les nouveaux, Delanoë depuis 2001. Il y a une envie de sortir de ça pour aller vers une démarche politique nouvelle. Nous représentons quelque chose de spécifique, d’unique, nous n’avons de leçon à recevoir de personne, je le crois.
Message entendu, Jean-François Martins. Evidemment, dans l’actualité, il y a ce coup de tonnerre avec les suites de l’affaire Tapie. D’une part, un chef de mise en examen extrêmement grave, escroquerie en bande organisée, pour Stéphane Richard, Jean-François Rocchi, peut-être d’autres. On dit qu’on se rapproche de plus en plus de l’ancien Président Sarkozy. Comment vous réagissez ?
C’est évidemment très grave, très inquiétant, et en même temps c’était très prévisible. Quand vous relisez le livre Abus de Pouvoir qu’a écrit François Bayrou en 2008, toutes les étapes de l’affaire Tapie sont décrites avec une précision incroyable. Laurent Mauduit, de Mediapart, fait à peu près dans le même moment le même genre de révélations. On sait qu’il y a eu globalement dans cette histoire quelque chose de très grave, de l’ordre probablement de l’affaire d’État. Au-delà de choses qui par ailleurs sont devenues trop naturelles en France – du trafic d’influence, les puissants entre eux qui s’échangent des services, des connaissances, des réseaux – on est sur quelque chose où de l’argent public, l’argent du contribuable, près de 400 millions d’euros, a été utilisé pour enrichir personnellement un homme, Bernard Tapie. Ceci grâce à des réseaux, grâce au soutien du pouvoir et à une chaîne de décisions exécutives particulièrement complaisantes. C’est-à-dire qu’on est vraiment là dans quelque chose de très grave, "escroquerie en bande organisée", c’est ce qu’ont retenu les juges.
Ce n’est pas encore avéré. Il y a deux questions. Est-ce que c’était illégitime en soi de recourir à l’arbitrage ? Et puis, cet arbitrage-là, avec les chiffres qu’il a donnés, était-il correct ? Ce n’est quand même pas tout à fait la même chose. Vous, vous dites que les deux sont à jeter à la poubelle.
Il y a deux choses. Il y a la dimension juridique de ce dossier. Juridiquement, je ne suis pas qualifié pour dire s’il y a escroquerie en bande organisée. Je laisse la justice faire son travail et je respecte la présomption d’innocence. En revanche, politiquement, il s’est passé une somme de décisions politiques de ministres de l’économie, M. Borloo, Mme Lagarde, et leur directeur de cabinet commun qui est M. Richard, qui ont pris des décisions qui semblent, à la lecture politique des choses, systématiquement à l’inverse des intérêts de l’Etat. Donc, à l’inverse de l’intérêt des contribuables et très souvent dans le sens des intérêts de M. Tapie plutôt que ceux de l’État. Il y a la décision de recourir à l’arbitrage, qui est une décision qui n’avait jamais été prise pour un établissement public, l’arbitrage est un processus qui vaut pour les entreprises privées. Il y a le choix des juges arbitres, la manière de décider du montant de l’indemnité maximale, le montant de 45 millions d’euros de préjudice moral. Rendez-vous compte de ce que sont 45 millions d’euros de préjudice moral. Si vous perdez votre conjoint à cause de l’amiante, vous toucherez 22.000 euros de préjudice moral.
C’est un peu difficile de comparer.
Justement, c’est difficile de comparer. Le préjudice moral de M. Tapie, quel est-il ? Je ne suis pas sûr qu’il vaille 45 millions d’euros. La justice dira si c’était de manière organisée, s’il y avait quelque chose de l’ordre de l’escroquerie, s’il y avait du détournement de fonds publics, d’un point de vue judiciaire. Mais d’un point de vue moral et politique, je dis de manière très claire que l’ensemble des décisions, tels qu’on les lit là, ont été prises globalement dans l’intérêt de M. Tapie plutôt que dans l’intérêt de l’État.
Donc, le gouvernement a bien raison d’envisager l’annulation ou en tout cas de voir si l’annulation est possible ?
Oui, bien sûr. Le gouvernement ne peut pas à la fois annoncer qu’il fait des efforts budgétaires, qu’il cherche des millions par ci, des millions par là, et avoir la certitude que 400 millions ont été donnés à quelqu’un de manière indue contre les intérêts de l’État, et ne pas contester ce jugement. Évidemment, l’État a raison.
C’est une semaine qui a été marquée aussi par des perturbations dans les transports, par des grèves dans l’aérien et à la SNCF. Ce qui est intéressant c’est que, au fond, ils s’insurgent contre des directives européennes ou en tout cas contre les changements que l’Europe voudrait imposer. Est-ce que vous sentez, à un peu plus d’un an des élections européennes, monter une espèce d’anti-européanisme, primaire ou non, mais assez diffus ?
Je suis très attaché à l’utilisation du droit de grève, j’ai un parcours militant étudiant.
Nous allons y revenir tout à l’heure.
J’étais syndicaliste étudiant en étant jeune. L’univers syndical m’est familier, j’ai donc un respect du droit de grève qui est très important. Cependant, je crois qu’en ce qui concerne la situation actuelle, l’utilisation du droit de grève, de manière peut-être brutale, massive, comme ça l’a été dans les transports cette semaine, révèle quelque chose, c’est que les gens attendent de l’Europe peut-être plus de clarté. On arrive à la grève quand on ne trouve pas les moyens du dialogue, quand on ne sait pas l’interlocuteur à qui parler, quand on se demande si on a une voie démocratique traditionnelle pour parler. Je crois qu’aujourd’hui les organisations sociales, les agents du contrôle aérien ou de la SNCF, ne trouvent pas la manière de parler aux dirigeants européens, ne savent pas comment faire. Donc, ils sont contraints à la manière la plus brutale qui est la grève. Ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle, ni pour notre démocratie, ni pour l’ensemble des usagers des transports. Par conséquent ça révèle quelque chose de la crise démocratique que vit l’Europe. La question européenne ce sera profondément la question de la clarté des institutions. Faites un test autour de vous. Je le dis à vous Caroline mais je le dis aussi aux téléspectateurs. Demandez à dix personnes autour de vous quelle est la différence entre la Commission, le Conseil et le Parlement. Demandez-leur qui est Catherine Ashton, qui est Herman Van Rompuy. Essayez avec dix personnes autour de vous, vous verrez que c’est terrifiant parce que les gens ne connaissent pas les institutions européennes. Et je ne crois pas que ce soit de la faute des gens en l’occurrence, on n’a pas expliqué, on a complexifié. Il y a un problème démocratique lourd, c’est que si on ne comprend ni ne connaît les institutions, on ne peut pas respecter leurs décisions. La démocratie se base profondément sur un rapport de clarté et je crois que aujourd’hui il n’y a pas de clarté entre les institutions européennes et les citoyens, donc les citoyens contestent la légitimité européenne.
Donc, la montée que l’on a vue dans plusieurs sondages du FN dans les intentions de vote, c’est quelque chose qui vous inquiète mais qui vous paraît d’une certaine manière compréhensive ?
C’est quelque chose qui évidemment m’inquiète. Il faut le dire, c’est une impasse, il n’y a pas de voie, que ce soit la voie Mélenchon ou la voie Le Pen, ce ne sont pas des voies, ce sont des impasses absolues. On ne sortira pas de l’Euro, on ne fera pas le Grand soir, la France n’est plus une citadelle enfermée dans des murs qui pourrait regarder son nombril et se taper sur le ventre en disant tout va bien. Leurs voies sont des impasses et c’est évidemment terriblement inquiétant parce que, dans les moments de crise que l’on vit, en Europe mais aussi en France, tous ceux qui divisent, qui veulent cliver, qui veulent trouver des coupables plutôt que des solutions – pour Mme Le Pen ce sont les étrangers, les eurocrates, pour M. Mélenchon ce sont les patrons, tous ceux qui possèdent de l’argent – emmènent la France et l’Europe droit dans le mur. Donc, nous, nous allons essayer de dire aux citoyens "Ne cherchez plus les coupables, regardez les solutions, elles existent". Il y aura pour l’Europe des solutions démocratiques, nous voulons clarifier les institutions, nous voulons que le Président de la Commission européenne soit élu au suffrage universel direct de tous les Européens, nous voulons que vous, que moi, que tous ceux qui nous entourent puissent voter pour dire "Je veux que ce soit M. Barroso le Président de la Commission européenne". D’ailleurs, si c’était le cas, je ne suis pas sûr que M. Barroso serait élu.
Non, je ne suis pas sûre qu’il serait là. Quand on aura fait ça, les Français aimeront à nouveau l’Europe ?
Je pense, oui. En tout cas, les Français auraient la certitude que les décisions sont transparentes, claires, ils sauraient qui décide de quoi, et donc vers qui éventuellement se tourner quand ils ne sont pas contents. Aujourd’hui, ils sont perdus, on leur dit qu’il y a une décision européenne mais vers qui on doit se tourner ? Vers son parlementaire européen ? Vers son chef d’État ? Vers le commissaire européen ? On ne sait pas vers qui se tourner et quand on ne sait pas ça, on se tourne vers les extrêmes. Donc, il faut dire aux Français : "Ne vous tournez pas vers les extrêmes, voici des interlocuteurs, qui sont des interlocuteurs à la légitimité démocratique renforcée".
Pour finir sur l’Europe, cet arrêt brutal – c’est le moins que l’on puisse dire – de la télé grecque, ça vous inspire un commentaire ?
C’est terrifiant. Imaginez-vous si cette situation arrivait en France aujourd’hui, si six heures avant on nous annonçait que ce soir toutes les chaînes du groupe France Télévisions s’arrêtaient du jour au lendemain. Imaginez la brutalité pour les journalistes et les gens qui y travaillent, évidemment, et puis pour les citoyens.
Visiblement c’est parce qu’il n’y a pas d’autres méthodes. Enfin, c’est ce qu’ils disent.
La télévision publique fait partie des pans importants d’une démocratie. On ne peut pas avoir un système démocratique qui marche sans un système médiatique libre. Évidemment, cet arrêt est quelque chose de très inquiétant. Nonobstant le fait que cinq chaines, c’est très difficile à gouverner, le pays est dans une situation de gouvernabilité très complexe. Pour autant, une fois de plus, il y a des décisions qui paraissent brutales, arbitraires, et c’est avec ce type de décisions, avec ces méthodes de gouvernance, que l’on met des gens dans la rue, que l’on met aussi les gens dans une situation de choix des extrêmes. Peut-être qu’il faut repenser l’ensemble de la télévision grecque, je ne suis pas légitime pour le dire. Mais là encore, pas dans ces conditions. Pas en mettant en danger un pan entier de la démocratie qui est la liberté d’information.
On est d’accord que ça ne fait pas tellement aimer l’Europe. Jean-François Martins, on attend des décisions du gouvernement bientôt sur les retraites. Un énième rapport a été remis vendredi, qui finalement est dans le droit fil de tout ce qu’on sait sur la réforme à faire des retraites. On a l’impression qu’il y a un débat dans le débat, c’est-à-dire privé contre public.
Il y a plusieurs choses qui sont assez frappantes quand on regarde ce débat sur les retraites, c’est que le Parti socialiste et la majorité actuelle sont en train, finalement, de mettre au débat l’ensemble des éléments pour lesquels ils sont allés dans la rue en 2010, pendant que la majorité précédente était en train de faire la réforme des retraites. Ça démontre deux choses. D’abord, ça démontre que la réforme est inévitable contrairement à ce que prétendaient tous ceux qui, en 2010, disaient "C’est pas grave, on n’est pas obligé de la faire, on n’a qu’à, au choix, taxer le capital, travailler moins… Tout ça sera très bien". La réforme est inévitable parce qu’on doit assurer la survie du régime des retraites pour que durablement la société française reste une société de solidarité. Le deuxième élément que ça nous démontre, c’est que, une fois de plus, le clivage bête et méchant, le clan contre clan, droite contre gauche, ne permet pas de faire les réformes qu’il faut. Pourquoi ne s’est-on pas dit en 2010 ou cette année en 2013, au lieu de s’opposer bêtement, "on prend les principaux groupes de majorité politique et de l’opposition, l’UMP, le PS, les écologistes, le centre, que ce soit l’UDI ou le MoDem, et on se dit : comment on fait une réforme des retraites qui dure vingt ans ?". Parce que la question de la réforme des retraites, ça ne dure pas 4 ou 5 ans, ça ne dure pas une législature, c’est fait pour vingt ans, pour trente ans. Dans les dix prochaines années, que probablement il y aura des alternances. Il y aura des gens de droite, il y aura des gens de gauche et il y aura peut-être même des gens du centre qui dirigeront la France. On ne fera pas une réforme durable si, ensemble, on ne décide pas une trajectoire à respecter pendant vingt ans en faisant des compromis. Parfois, on peut peut-être se dire qu'il faut augmenter un petit peu l'assiette de cotisations, parfois qu'il faut travailler plus longtemps. On aurait un compromis d'intérêt national, durable et qui éviterait des soubresauts démocratiques tous les trois/quatre ans où l'on s'affronte bêtement alors qu'on sait qu'on n'a pas d'autres options. Ça, c'est le premier élément. Et si on faisait ça, si on était capable de se mettre d'accord sur vingt ou trente ans, alors on verrait qu'on changerait probablement le système. Le système de stricte répartition comme il l'est aujourd'hui ne peut plus durer.
Donc on introduirait de la capitalisation, c'est ça que vous nous dites ?
Non. On resterait dans un système de solidarité mais avec une retraite par points. C'est-à-dire qu'on garde le système de répartition actuelle, on ne rentre pas dans de la capitalisation privée à côté, on reste dans un système solidaire. Mais au lieu d'être sur un système que la démographie empêche d'être équilibré – le fait qu'il y ait de plus en plus de gens qui vivent vieux, nous nous en réjouissons mais ça ne permet pas de maintenir l'équilibre – nous aurions la retraite par points qui, par nature, est un système équilibré. En fonction à la fois des cotisations sociales et de la progression de l'âge de vie, il s'ajuste et permet à chaque citoyen, pour moi c'est primordial, de savoir à tout moment de sa vie où est-ce qu'il en est. S'il part maintenant il aura droit à tant euros de retraites, s'il part dans un an, ce sera un peu plus, il lui reste tel nombre de trimestres, dans tel nombre de trimestres il aura droit à une retraite à taux plein etc. Les Français n'ont pas les moyens de savoir ça aujourd'hui. La retraite par points permet ça et permet aussi de donner des bonus à ceux qui restent plus longtemps, ça permet aussi de prendre en compte la pénibilité. Parce que, quand on a passé un an dans une usine bruyante en travaillant des matières dangereuses, on a un point qui vaut plus qu'un point pour un an passé dans un bureau pour des situations un peu moins pénibles. Donc, la réforme par points, c'est la réforme qui permet d'équilibrer durablement le système.
Donc le consensus pourrait être possible, si on vous écoute. Je ne sais pas si les syndicats sont tout à fait d'accord avec ça.
L'Italie et la Suède ont réussi à l'introduire. C'est un système en revanche qui prend du temps. Il faut entre dix et quinze ans pour mettre en place cette réforme, pour changer le système. Dix ou quinze ans, ça veut dire des alternances politiques, ça veut dire pour moi un accord d'intérêt national entre les principales familles politiques.
Jean-François Martins, tout à l'heure vous avez rappelé votre passé de syndicaliste étudiant. Vous étiez le patron de la FAGE, il faut le rappeler. Qu'est-ce que vous pensez de l'idée de supprimer le BAC qui revient, année par année, chaque fois que les épreuves approchent.
Je trouve que c'est un peu l'arbre qui cache la forêt de dire qu'il faut supprimer le BAC parce que ça coûte plus ou moins 2,2 milliards d'euros, j'ai vu ce chiffre qui me paraît par ailleurs largement contestable. Le BAC a malgré tout cette vocation de rite de passage un peu républicain. Il y a quelque chose d'un passage à l'âge adulte. Vous vous rendez compte qu'il n'y a plus pour la jeunesse des moments où l'on fête, où l'on célèbre leur arrivée dans un âge un peu plus adulte, dans plus d'autonomie. Il n'y a plus le service militaire, la journée d'appel de préparation à la défense en tant que telle n'est pas...
Symboliquement on garde le BAC de toute façon ?
Symboliquement je trouve important d'avoir ce moment de la vie, je crois que nous sommes tous marqués par notre BAC, par cette fin de la scolarité secondaire, par l'arrivée dans le supérieur qui est un moment d'autonomie. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas plein de questions sur le BAC : sa justice, son égalité de traitement qui doivent être mieux considérées, et surtout il faut faire en sorte que ce soit moins brutal, qu'il y ait plus de fluidité entre le secondaire et le supérieur. Ça nous évitera d'avoir ce tel taux d'échec en première et deuxième années d'université qui est terrifiant et qui est pour le coup un gâchis et qui coûte beaucoup plus.
Mais vous gardez quand même le BAC, on l'aura bien compris. Jean-François Martins, sujet immobilier, on sait que le logement est la préoccupation n°1 des Parisiens. Cécile Duflot vient d'annoncer un certain nombre de mesures, en faveur notamment des locataires. Est-ce que vous pensez que c'est une bonne chose, que c'est de nature à permettre une plus grande fluidité du marché de l'immobilier ?
Si Mme Duflot voulait faire vraiment la fluidité du marché de l'immobilier, parce que c'est effectivement le sujet – nous avons un marché de l'immobilier à Paris qui est rigide, les gens ne tournent pas, donc tout le monde n'a pas sa chance d'y entrer – la première mesure qu'il fallait prendre c'était de supprimer le bail à vie dans le parc locatif social. Aujourd'hui, rentrer dans le parc social, à Paris en particulier, c'est une rente. Vous rentrez dedans, vous n'en sortez plus jamais. Nous, ce que nous voulons typiquement, c'est que le bail ne soit plus à vie, que l'on passe par le logement social mais que l'on en sorte et qu'il y ait un vrai parcours résidentiel, comme ça tout le monde aura une chance dans sa vie de passer par le parc social. Ça, si on veut vraiment fluidifier le marché de l'immobilier, ça va marcher. Le logement social ne serait plus une rente à vie.
Mais là ça ne concernait pas le logement social. C'est bien de rééquilibrer au profit des locataires ou c'est contre-productif ?
La difficulté que l'on va avoir à Paris c'est que nous avons besoin d'investisseurs. Donc il ne faut pas trop durcir les conditions locatives parce que à Paris nous avoir besoin d'avoir, de produire, des logements nouveaux, donc des investisseurs. Il faut protéger les locataires, ils le sont bien, il faut continuer. Il faut soutenir les associations de défense des locataires, je pense notamment à l'ADIL qui fait un très bon boulot, mais aussi aider et soutenir l'investissement locatif parce que c'est ce qui va nous aider à produire au moins 10.000 logements sur la prochaine mandature.
Pour aller plus loin : le blog de Jean-François Martins, conseiller de Paris.