Moralisation : "Que François Hollande arrête de proposer, qu'il fasse !"

Marielle de Sarnez a appelé à "tourner définitivement la page des affaires" par une série de mesures qui moralisent enfin la vie politique française, jeudi soir sur LCP.

Serge Moati - Jérôme Cahuzac a finalement reconnu qu’il détenait des comptes bancaires à l’étranger. C'est un séisme, on assiste aux titres dévastateurs, aux photos dévastatrices. Libération titre "Indigne", c’est terrible…

Marielle de Sarnez - Mais c’est vrai. C’est extrêmement violent en même temps, parce que nous avons toutes ces phrases d’un homme politique qui regarde et qui dit "Les yeux dans les yeux, je vous le dis". C’est terrible, c’est très triste pour mon pays parce que j’ai une conviction vraiment intime c’est que, les Français le savent, nous sommes dans un moment où l’économique et le social sont dans une dégradation complète. Nous avons plus de 10% de chômage, nous sommes en récession, et il n’y a pas de perspective que cela aille beaucoup mieux. Nous avons des réformes très importantes à faire, qui vont demander du courage et qui ne sont malheureusement pas encore faites. Nous allons peut-être reparler de cela dans une seconde. Je trouve que de ce point de vue François Hollande prend du retard bien évidemment. Et en plus nous avons tout cela. Je vous le dis, nous ne redresserons pas ce pays sans moraliser définitivement la vie publique et politique. Donc, ce qu’il faut, ce n’est pas deux ou trois mesures et demi, on s’en fiche…

C’est ce que propose Hollande. 

Oui mais ce n’est pas du tout au niveau. La question pour Hollande c’est : est-ce qu’il va être au niveau historique maintenant ? Au niveau de la crise que nous vivons qui est, je crois, la fin d’un cycle, c’est une affaire terrible. Je suis une femme du centre, mais je crois vraiment que pour les femmes et les hommes de gauche dans ce pays, ceux qui pensent que la gauche est d’abord une question de valeurs morales et que c’est une différence avec la droite, qui ont cru en Hollande en se disant qu’on allait peut-être tourner la page de tout ce qu’on connaît de la vie politique, et qui s’aperçoivent que tout cela recommence, cela doit être terrible. Ils vont être entre le désespoir, l’amertume et la colère. Je pense à cela aussi. Et moi qui suis députée européenne, j’ajoute que, évidemment que l’image de la France à l’étranger est catastrophique, terrible. Donc, c’est quelque chose qui touche le pouvoir en place, et en même temps, c’est encore plus important que cela. Je crois qu’il faut vraiment maintenant une rupture.

À gauche, moi j’ai parlé de deuil, de chagrin… Le sentiment que, zut, ce n’est pas ce qu’on croyait, ce qu’on espérait. Et à droite, est-ce que vous les trouvez sincères, hypocrites, jubilatoires, sournois ? 

Franchement, si les affaires n’avaient touché que la gauche dans ce pays depuis trente ans, cela se saurait et se verrait. Les affaires, c’est terrible ce que je vais dire, ont touché droite et gauche, Parti Socialiste et UMP. Il y en a assez, c’est cette page-là que nous devons définitivement tourner. Nous allons voir si Hollande est à la hauteur de cette attente-là. Ce ne sont pas deux demies mesures qui feront cela, nous devons tourner la page sur tout cela.

Comment tourne-t-on la page ? Vous attendez quoi ? 

Nous l’avons demandé depuis longtemps avec François Bayrou. Il y a un an presque jour pour jour, nous avons dit que s’il était élu il ferait un référendum sur la moralisation de la vie publique.

Vous lui demandez cela ? 

Évidement.

Vous demandez maintenant, ici, qu’il fasse un référendum.

Nous demandons que François Hollande fasse une loi de moralisation de la vie publique mais pas une loi avec des demies mesures, que nous y allions franco, que nous y allions carrément. D’abord, on réduit le nombre de députés et on réduit le nombre de strates dans les collectivités locales pour qu’on sache enfin qui fait quoi. On met du pluralisme et on a enfin une Assemblée qui représente la France. Aujourd’hui nous avons 40% des Français qui ont voté, soit à l’extrême-droite, soit à l’extrême-gauche, soit au centre, qui ne sont pas représentés au Parlement. Nous ne pouvons plus continuer avec un Parlement qui ne représente pas la France. On met fin au cumul des mandats maintenant et pas demain ou après-demain. On met fin aux conflits d’intérêts, à tous, on ne peut pas par exemple être en même temps avocat et parlementaire. 

C’est ce que propose François Hollande. 

Mais je m’en fous, arrêtons de proposer, maintenant il faut faire ! Si nous avons une classe politique qui est incapable de voter quelque chose qui s’applique à elle-même, alors il y a le référendum, François Hollande doit alors en appeler au peuple. Mais nous devons en finir avec cette question de moralisation de la vie publique.

Vous pensez qu’il le fera ? 

Cela, c’est le rendez-vous qu'il a avec lui-même et qu’il a avec le pays. Parce que ce n’est pas une question de gauche ou de droite, c’est la question de savoir où en est la France aujourd’hui. Et la France a besoin de tourner cette page définitivement, parce que nous ne redresserons pas notre pays si nous ne le faisons pas.

"Dégage", comme on dit dans les pays arabes, c’est cela ? 

C’est la vérité.

Mais pas de démission, pas de remaniement ? 

Mais cela ne sert à rien, je m’en fiche. On peut remanier le gouvernement, cela ne changera rien si nous restons avec des institutions inchangées.

Cela changera les hommes et puis c’est tout.

Voilà. C’est Jean Monnet qui disait cela : "Les hommes sont faibles, comme ils sont faibles, il faut de très bonnes institutions". C’est cela dont nous avons à nouveau besoin en France. 

Que savait Hollande ? D’après vous, lui, Ayrault, Moscovici, ils savaient ?

Je ne veux pas faire de procès, je n’en sais rien, j’imagine qu’ils avaient des doutes. Je l’imagine mais je ne suis pas dans la confidence, vous vous doutez bien. J’imagine qu’ils avaient des doutes mais qu’ils ont fait confiance à la justice, ce devait être à peut-être cela leur raisonnement.

Vous pensez comme Jean-Louis Borloo qu’il faut faire une commission d’enquête sur l’action du gouvernement de décembre à avril ? 

Le problème c’est qu’il est compliqué de faire une commission d’enquête sur quelque chose qui est en ce moment dans les mains de la justice, ce n’est même pas possible. Après, la vérité doit évidemment être faite sur tout cela.

Avant cette affaire, François Bayrou avait prédit l’éclatement imminent de la gauche, coincée entre la virulence d’un Jean-Luc Mélenchon et une politique sociale-démocrate menée par Hollande. Assistons-nous à cet éclatement selon nous ? 

Je dirais plus que nous assistons à un délitement, à une décomposition, à une fin de cycle qui touche aujourd’hui la gauche en première ligne, qui aurait pu toucher d’autres, mais qui rejaillit sur l’ensemble de la classe politique. Quand vous avez comme cela un sentiment de défiance entre les citoyens et les dirigeants, plus rien n’est possible dans un pays. Et si nous avons bien besoin d’une mobilisation sans précédent pour sortir le pays des difficultés dans lesquelles il se trouve, c’est maintenant. On ne peut rien faire quand il n’y a pas la confiance, il faut la recréer. Je vais vous dire, je ne sais pas si ce sera possible, je ne sais pas si ce n’est pas abimé au point où nous sommes presque à un non-retour. J’espère que c’est possible.

Qu’est-ce qu’un non-retour en démocratie ? 

Regardez ce qu’il se passe en Italie, c’est un pays qui devient ingouvernable, ce sont des extrêmes qui flambent encore plus. Or pour moi la réponse ne peut pas venir des extrêmes, ils n’ont pas de crédibilité de ce point de vue-là. Je dis que si les hommes politiques, si ceux qui sont au pouvoir, et si le Président de la République ne prennent pas la juste mesure de ce qui est en train de se passer, alors oui cela nous guette.

C’est peut-être le moment pour François Bayrou et pour vous d’entrer au gouvernement ? 

Ce n’est vraiment tellement pas la question ! Je ne vais pas vous faire "les yeux dans les yeux" parce que cette expression est grotesque mais moi j’ai l’habitude de dire exactement ce que je pense et depuis longtemps. 

Oui, je sais. 

Si j’avais voulu être ministre, je l’aurais été. La question n’est vraiment pas là, la question est de réformer le pays.

Mais c’est au pouvoir que l’on peut changer les choses. 

Non. Vous croyez qu’ils changent quelque chose en ce moment au pouvoir ? Vous croyez qu’ils ont changé quelque chose ?

Non, mais si vous y étiez, vous en changeriez.

Si nous avions été au pouvoir, si François Bayrou avait été au pouvoir, nous ne nous y serions pas du tout pris de la même façon. Nous aurions rassemblé les Français, nous leur avions dit la vérité pendant la campagne et cela c’est fondamental. Parce que, quand vous racontez des craques, quand vous tenez des fausses promesses, bien évidemment plus personne ne vous croit, et on a bien raison de ne plus vous croire. Donc, dire la vérité est aussi une des conditions de la réussite des politiques en temps difficiles. Nous avons besoin de réformes très lourdes, d’une vraie réforme de l’Etat. Nous avons de simplifier nos collectivités territoriales…

"Choc de simplification" a dit Hollande. 

Oui, ok. Il y a 30.000 normes dans ce pays, s’il y en a moins demain j’en serai heureuse. Jacques Chirac le disait déjà et il avait raison. Tous ceux qui veulent le simplifier ont raison, faisons-le. Simplifions les strates. Faisons une réforme des retraites sur le long terme, par exemple la retraite par points, parce qu’il n’y a pas d’autres solutions que cela. Vous voyez tout ce que nous avons devant nous. 

Et les allocations familiales ? Il faut les faire varier selon le revenu ? 

S’il y a bien une famille politique, la nôtre, le centre, qui a dit l’importance de la dette et du déficit depuis le premier jour, c’est nous. Et en même temps, je suis sceptique. Je considère que la politique familiale est une réussite française et à partir de ce moment, j’ai plutôt envie que nous la préservions.

D’accord, donc vous êtes hostile. La taxe à 75% sera finalement appliquée aux entreprises…

C’est ridicule, inapplicable, stupide ! C’est un mauvais signal qui a fait partir du monde et qui ne sera pas appliqué, à mon avis le Conseil Constitutionnel va censurer cette usine à gaz.

Bis repetita. L’accord national interprofessionnel, dit ANI : le gouvernement a-t-il cédé selon vous sur cet accord, appelé flexi-sécurité si l’on veut ? A-t-il cédé aux sirènes du MEDEF comme le dénonce une partie de la gauche ? 

Nous verrons le texte qui va être voté. Il n’y a pas beaucoup de choses que je mets au crédit du gouvernement depuis qu’ils sont là, mais cet accord-là, oui. Pour plus de flexibilité, pour plus de souplesse, disons les mots et assumons. Quand une entreprise, une industrie, a son carnet de commandes plein, c’est bien de pouvoir faire travailler plus et que l’on gagne plus. Quand le carnet de commandes va moins bien, il faut qu’on puisse avoir à côté de la formation et que l’on puisse lisser les choses dans le temps.

Ce qui énerve Mélenchon et la gauche du PS. 

Très bien, Mélenchon s’énerve là-dessus mais, à la vérité, c’est tout à fait nécessaire de le faire, et je serai très attentive au fait que, au moins, on ne touche pas à ce que je considère comme une avancée.

Ce qui se passe à Chypre vous pousse à penser qu’il faut une plus grande harmonie fiscale dans l’Union Européenne ? 

Oui, c’est le minimum que nous puissions dire. L’impôt sur les sociétés à Chypre c’est 10%. D’ailleurs, quand vous regardez les chiffres c’est très intéressant, le pays où il est le plus élevé dans la zone Euro c’est la France, dans l’autre sens, c’est-à-dire que c’est 36% chez nous, 10% à Chypre. Nous avons une monnaie unique, je suis pour l’Euro, mais nous ne marcherons pas sur deux jambes tant que nous n’harmoniserons pas et que nous n’aurons pas une Europe politique et démocratique.

Elections municipales, parlons de démocratie justement. Vous êtes candidate, ou presque, à Paris. 

Oui.

Vous êtes candidate ? 

Oui, je dis que je serai candidate parce que je considère que le temps de la campagne n’est pas venu, vous voyez ce que je veux dire, mais je le suis. Mon entrée en campagne, nous allons faire ça avant l’été. En tous les cas, avec un projet et une équipe.

Comment sentez-vous ce début de campagne entre NKM et Anne Hidalgo ? 

Cela ne me plaît pas du tout, je trouve que nous sommes complètement à côté de la plaque. Déjà, aujourd’hui, rentrer en campagne pour les Parisiens c’est vraiment prématuré et je pense qu’ils ont d’autres difficultés et d’autres problèmes que d’être déjà dans une espèce de guerre de campagne. Pour moi, l’entrée en campagne, ce sera de parler de la question de la vie des Parisiens, de la vie au quotidien. En tous les cas ce sera mon approche.

Mais cela, elles le disent toutes les deux.

Non. Je ne veux pas de polémique, alors je ne vais pas revenir sur les déclarations des unes et des autres, mais nous voyons bien que la priorité pour les Parisiens n’est pas d’être PS ou UMP. Par exemple il y a une priorité qui est la question du logement, c’est le problème n°1 pour les Parisiens. 

Cela, elles le disent. 

Elles le disent, mais vous voyez bien l’image que cela renvoie en ce moment. L’image d’un duel qui est plutôt à connotation partisane ou politicienne ou un peu classique, ce qui est dommage. Moi j’espère plus d’un débat démocratique entre femmes. 

Vous y croyez ? 

Je suis un peu idéaliste. Si, à la fin de la campagne, on pouvait dire "Tiens, pour une fois en France, il y a eu une confrontation, il y a eu un débat. Elles ne sont pas toutes d’accord, il y en a une à droite, une à gauche, une au centre, mais en même temps elles ont fait cela plutôt par le haut que par le bas", je serais hyper heureuse.

Vous y croyez ? 

Oui, j’essaierai pour ma part.

Vous ferez alliance avec l’UDI de Borloo ? 

Je suis absolument ouverte aux rassemblements et à des rassemblements les plus larges possible. Donc, si les centres peuvent se retrouver sur Paris au sein d’une équipe, si cette démarche-là est possible, j’en serai heureuse. 

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