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"Mettons en route un plan de guerre contre le chômage"

Pour Christine Espert, l'explosion du chômage nécessite "un plan de guerre" de relance de l'activité et de la production en France. Invitée de la Revue de presse de LCI, la secrétaire générale adjointe du Mouvement Démocrate a mis l'accent sur "les drames humains derrière ce constat économique".

LCI - Vous avez choisi trois articles, le premier parle malheureusement du chômage, le deuxième du non cumul des mandats et le troisième de l’Italie ingouvernable. Commençons par un article de La Croix, daté du 26 février, intitulé "Quand le chômage devient souffrance". Pourquoi ce choix ? 
Christine Espert - Au-delà du contenu même de l’article, très intéressant en soi, j’ai surtout choisi ce titre. Cette semaine ont été annoncés les chiffres du chômage, à nouveau mauvais, à nouveau en hausse, comme c’est le cas maintenant depuis presque deux ans. Des chiffres qui annoncent aujourd’hui 3.200.000 personnes au chômage catégorie A. Si on cumule avec les personnes à activité réduite, nous sommes à près de 5 millions de personnes. C’est énorme. Ce qui est important pour moi, c'est de montrer que le chômage n’est pas de l’abstrait, pas uniquement des chiffres, du comptage, de la statistique. C’est de l’humain, ce sont des hommes et des femmes, et ce sont des souffrances. Être au chômage n’est pas anodin, c’est une inquiétude du quotidien : comment va-t-on finir les fins de mois ? Va-t-on pouvoir payer son crédit ? Est-ce que la maison va être vendue ? Ce sont aussi des conversations que l’on cache aux enfants. C’est tout cela que j’ai voulu montrer pour qu’on n’oublie pas que le chômage, ce sont ces drames-là. Le drame de Pôle Emploi du 13 février, un chômeur qui s’est immolé par le feu devant une agence, nous l’a rappelé avec une violence absolument inouïe. 

"CONTRE LE CHÔMAGE, LES RECETTES À L’ANCIENNE NE SUFFISENT PLUS" 

Effectivement, l’aspect humain est considérable, mais revenons à la politique. D’après vous, l’engagement de François Hollande, d’inverser la courbe du chômage d’ici un an sera-t-il un engagement non tenu du chef de l’Etat ? 
Oui, à mon avis ce ne sera pas tenu. Lui-même l’a laissé entendre en marge du salon de l’agriculture. Les lieutenants du gouvernement ont semblé essayer de faire marche arrière et ont semblé dire que "ce sera tenu, c’est tenable", mais je crois que la méthode Coué ne suffit plus face au drame qui est en train de se jouer. 

Je vous pose la question parce qu’on se souvient que François Bayrou avait appelé à voter François Hollande lors du deuxième tour. Vous êtes une proche de François Bayrou, est-ce qu’il vous dit "Je regrette, je n’aurais pas dû le faire" ? 
La question ne se pose pas dans ces termes-là, je ne veux pas rentrer dans ce sujet-là et dans ce débat-là. Ce qui nous importe, c’est de se demander si François Hollande prend les bonnes décisions pour régler le problème de l’emploi. A mon sens aujourd’hui, le compte n’y est pas. C’est une guerre que nous devons engager contre le chômage, ce ne sont pas juste des petites recettes à l’ancienne comme sont pour moi les emplois d’avenir ou les contrats de génération. Tout cela, c’est comme si on voulait partir à la guerre avec un jeu de fléchettes, ce n’est pas possible. Aujourd’hui, c’est un plan de guerre que nous devons mettre en route, remettre de l‘activité dans le pays par exemple. 

Tout cela, ce sont des mots que les politiques emploient. Mais je repose ma question : François Bayrou avait fait à peu près 9 pour cent des suffrages à la présidentielle. Les sondages ont prouvé que le fait d’appeler à voter pour François Hollande a déplacé mécaniquement des centaines de milliers de voix. Est-ce qu’il le regrette maintenant, quand il voit cela ? 
Au moment où il a pris cette décision, il l’a fait pour arrêter une course effrénée vers des valeurs et des fondamentaux qui n’étaient pas du tout ceux du pays. Des valeurs d’affrontement, de stigmatisation et d’antagonisation permanentes. C’était son choix à ce moment et il l’a expliqué. Aujourd’hui, je le dis et je le répète : ne revenons pas vers ce débat-là, il n’a pas de sens et n’amène rien. Demandons-nous plutôt quelles sont les solutions pour que nous nous en sortons. 

NON-CUMUL : "DONNONS UN SIGNAL FORT POUR RAMENER LA CONFIANCE" 

François Bayrou, rendons-lui grâce, a été l’un des rares candidats à la présidentielle de 2007 à dire "Attention, il y a trop de dette et trop de déficit". Le gouvernement reconnaît que l’engagement de réduire le déficit à 3 pour cent ne sera pas tenu d’ici fin 2013. Mais est-ce que cela va dans la bonne direction ? Dites-vous : "Bravo François Hollande, continuez, réduisons les déficits et réduisons la dette" ? 
Absolument, il faut continuer à faire des efforts de sérieux budgétaire. C’est important et cela va dans le sens que François Bayrou a toujours voulu. Mais je dis aussi de faire attention – on en parlera tout à l’heure avec les élections italiennes – il ne faut pas prendre des décisions de manière aveugle, sans entendre quoique ce soit, sans entendre un certain nombre de souffrances qui peuvent à un moment donné apparaître dans la population. Donc, des efforts doivent être faits, des décisions difficiles doivent être prises, mais toujours avec un équilibre et une écoute permanente de ce que ressent le peuple. 

Le deuxième article choisi est un article de l’Express daté du 25 février sur le non cumul des mandats. "Opération déminage", dit-il de François Hollande. Pourquoi "déminage" ? Nous savons que cette histoire de non-cumul n’est pas claire du tout chez les députés et surtout chez les sénateurs socialistes. 
Ce que je retiens surtout sur ce sujet c’est : pourquoi le non-cumul des mandats ? C’était un point que nous avions soutenu pendant la campagne présidentielle et que François Bayrou a porté au travers de sa loi de moralisation de la vie publique, qui était quelque chose de beaucoup plus global. Pourquoi le non cumul des mandats est-il important ? Un certain nombre de sondages montrent qu’il y a une vraie fracture entre le citoyen et la classe politique. La classe politique apparaît comme repliée sur elle-même, une caste qui n’est qu’entre elle, complètement étanche et fermée à toute entrée extérieure. Le non-cumul permettrait d’amener un petit peu d’air, d’oxygène, de renouvellement et donnerait un signal fort qui serait : "Nous avons envie que la vie politique change". 

Mais ils ne vont pas le faire, c’est en tout cas beaucoup plus compliqué que prévu. Nous n’avons pas du tout la date. 
François Hollande s’est engagé à plusieurs reprises à mettre en place cette décision dès 2014. Dans son camp, on lui a dit : "Attention, cela va peut-être entrainer une mini dissolution de l’Assemblée à cause d’élections législatives partielles". Moi, je dis à François Hollande que nous n’attendons pas de lui une synthèse socialiste entre les pour et les contre ni une espèce de décision alambiquée où l’on adopte la loi maintenant mais on ne l’applique qu’en 2017. Nous lui demandons une décision de chef d’Etat. Il y a un problème de confiance entre la classe politique et le citoyen. Or, pour engager les efforts qu’il y a à faire, nous allons avoir besoin de confiance, les citoyens doivent avoir confiance en leurs responsables politiques. Cette décision dès 2014 est à mon avis un point absolument fondamental. 

ELECTIONS ITALIENNES : "L’EXPRESSION D’UN REJET DE LA CLASSE POLITIQUE" 

C’est un chef d’Etat, d’après vous, François Hollande ? 
Quand il a pris sa décision sur le Mali, je dirais oui. Si, sur le cumul des mandats, il fait une synthèse socialiste comme cela semble être le cas, ce serait une mauvaise décision et un très mauvais signal. 

Le troisième article est paru dans le Figaro sur cette « Italie ingouvernable qui affole l’Europe » après les élections où cela a été l’éclatement général. Même si on l’a un peu compris à travers vos précédents propos, pourquoi ce choix ? 
J’ai choisi cet article parce que, en quelque sorte, il représente les conséquences des deux premiers points que l’on vient d’aborder. Je crois que les résultats de l’Italie peuvent être résumés en trois mots qui sont "désespoir", "colère" et "impasse". C’est l’expression d’un rejet de la classe politique italienne qui est abimée par un certain nombre d’affaires de corruption. C’est aussi un rejet de cette classe politique qui a été absolument sourde aux souffrances du peuple italien, de cette pauvreté et de ces difficultés ressenties par le peuple italien. Et puis c’est aussi, alors que le peuple italien est un peuple profondément européen, un rejet de l’Europe dans son état actuel. 

Cela pourra-t-il arriver en France ? 
Absolument. Ce que je dis là, c’est que le peuple italien envoie un signal de détresse et d’alerte à l’ensemble de l’Europe. Cela pourra arriver si l’ensemble des dirigeants européens, français en premier lieu, ne sont pas capables d’entendre ce que viennent de dire les électeurs italiens et de prendre les décisions en conséquence. Quand je parle de l’emploi et des décisions qui doivent être prises, je parle de vraies décisions pour remettre de la production, pour remettre de l’activité dans le pays et pour retrouver un climat de confiance via le cumul des mandats. 

"PRODUIRE EN FRANCE IMPLIQUE AUSSI DE S'OUVRIR AU MONDE" 

Remettre de l’activité dans le pays, tout le monde est d’accord. Nous nous souvenons du fameux  "Produire en France" de François Bayrou, est-ce la solution ? 
Oui, c’est la solution. 

Nous avions connu le MoDem plus ouvert aux frontières. C’est un parti européen dans ses gênes, un parti démocrate chrétien, donc cela paraît paradoxal le voir se replier sur le "fabriquons français" qui est un des thèmes du Front National et du Front de Gauche. 
Je ne suis absolument pas d’accord avec vous là-dessus. En quoi serait-ce un repli sur soi que de promouvoir et de vouloir valoriser la production française ? Nous avons un bel exemple de cette production française actuellement avec le salon de l’agriculture. C’est au contraire un vecteur d’ouverture sur le monde que d’avoir des productions françaises de grande qualité, c’est cela que nous devons retrouver. 

Dernier mot, vers où le MoDem regarde-t-il maintenant ? Vers l’UDI ? Vers l’UMP ? Ou veut-il rester tout seul ? 
Le MoDem regarde droit devant lui. Il voit ce qu’il se passe en Italie, ce qu’il se passe aux Etats-Unis où l’affrontement entre Républicains et Démocrates les amène dans le mur, et il se dit que le MoDem a une vraie réalité, une vraie voie à construire. 

Même si on est un peu seul avec 4 ou 5 pour cent des intentions de vote aujourd’hui, cela n’effraie pas, vous y croyez toujours ? 
Nous y croyons toujours. Avec ce qu’il s’est passé en Italie aujourd’hui, nous devons y croire plus que jamais.

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