Marielle de Sarnez prône "le rassemblement du centre" à Paris
Sur Radio Classique, Marielle de Sarnez a annoncé travailler "à un rassemblement large du centre" pour les municipales à Paris. Elle présentera par ailleurs son équipe dès la semaine prochaine.
Guillaume Durand - Nous sommes dans une période assez charnière de l’histoire de France, c’est le grand flou. La dernière interrogation, évidemment, est celle qui est née des constatations de l’INSEE, parce que nous allons commencer par ce qu’il y a de plus important pour les Français et nous parleron de politique après. C’est vrai que si François Hollande n’obtient pas ce retournement annoncé et encore réannoncé lors de la conférence sociale sur l’histoire du chômage, ça va être un séisme politique. Parce que forcément les gens vont se dire que les politiques, en général, ne sont plus capables de générer quoique ce soit. Quel est votre diagnostic sur cette affaire du chômage ?
Marielle de Sarnez - D’abord, je crois que nous ne sommes déjà pas loin du séisme politique. Pour des raisons de fond, c’est qu’il n’y a plus de confiance entre les citoyens et les politiques, les gouvernants. Tout ça, c’est le résultat de décennies où l’on a raconté à peu près n’importe quoi, tenu des promesses qui n’étaient jamais réalisées…
Mais qui font élire.
Oui, mais c’est bien tout le problème de la France et de la démocratie. C’est-à-dire que si vous racontez n’importe quoi pendant les campagnes présidentielles comme régulièrement en France, en promettant que tout va aller bien, et que vous ne dites pas à vos concitoyens quelle est la réalité des difficultés et ce qu’il faudra faire pour s’en sortir, on a évidemment derrière une perte de confiance.
Ça c’est le constat que vous tenez avec François Bayrou depuis des années.
Oui, enfin il est de plus en plus juste.
Oui, de plus en plus juste à la fois sur l’économie, sur le budget, sur les affaires, sauf que le problème c’est que cela ne déchaine absolument pas les passions électorales.
Oui mais alors nous allons parler de François Hollande et de l’emploi, j’ai regardé son discours d’hier. Nous voyons bien que les prévisions de l’INSEE arrivent et qu’elles nous disent qu’il va y avoir récession cette année et au contraire, augmentation du chômage. Le pari de François Hollande, nous voyons bien ce que c’est. C’est de se dire qu’à force d’emplois publics, à force de financements publics de l’emploi, il va réussir à inverser la courbe même si ce ne sont pas des emplois de l’économie. C’est cela son pari. Or, à la vérité, le problème de la France c’est son économie, ses PME. Et ce que nous attendons des pouvoirs publics et du gouvernement, c’est un soutien aux PME, c’est une stabilité juridique et fiscale pour que les chefs d’entreprise reprennent confiance et qu’ils aient à nouveau une capacité à investir. J’ai l’impression que tout ça n’est pas suffisamment pris en compte par le gouvernement actuel.
François Hollande a aussi annoncé hier lors de son discours d’ouverture de la conférence sociale un plan pour l’emploi qui ne trouve pas preneur. Est-ce que vous pensez que in fine, il va falloir obliger les chômeurs à accepter un emploi après plusieurs refus ?
Je pense qu’il faut en tous les cas tout faire pour proposer aux chômeurs des emplois qui leur conviennent, et ce n’est pas toujours le cas à Pôle Emploi. Le parcours d’un chômeur est difficile…
Est-ce qu’il faut mettre des règles un peu plus draconiennes ?
Je suis pour toutes les règles draconiennes à condition qu’il y ait aussi des règles favorables, positives, et à condition que l’on fasse les choses intelligemment. Donc, que l’on propose aux chômeurs, à ceux qui sont en recherche d’emploi, des emplois dans lesquels ils se sentent en capacité, ou des formations dans lesquelles ils peuvent réapprendre et se reformer. Vous ne pouvez pas imposer à quelqu’un de faire quelque chose pour lequel il n’est absolument pas formé. Il faut aussi que nous arrêtions de nous raconter des histoires de ce point de vue. Il faut faire les choses intelligemment. Je ne suis pas sûre que le fonctionnement de Pôle Emploi aujourd’hui soit un fonctionnement qui permette cette individualisation dans la prise en compte du demandeur d’emploi.
Le flou que nous sommes en train de décrire ce matin, c’est aussi l’interrogation qui pèse sur la législative partielle de Villeneuve-sur-Lot qui est évidemment regardée par tous les états-majors politiques. Est-ce que vous pensez, craignez, redoutez ou pronostiquez la victoire du Front National ?
Je pense qu’il y a une exaspération qui grimpe, qu’il y a une colère des Français. En face de cette colère, c’est au fond le sentiment que les pouvoirs publics, le pouvoir en général, aujourd’hui la gauche mais peut-être hier aussi la droite, n’arrive pas à reprendre le chemin de la politique et de la décision, et à agir pour eux concrètement. Ça c’est une question, et il y a en plus, je pense, les partis que l’on va dire "traditionnels", le Parti socialiste et l’UMP, qui perdent de la crédibilité, qui se disqualifient dans l’esprit d’un grand nombre de Français, jour après jour.
Ça profite au Front National mais pas du tout au MoDem.
Ça profite au Front National qui par ailleurs propose une impasse, en termes politiques, économiques, européens. Mais la question n’est pas que ça profite ou non au MoDem. Nous avons des institutions qui font que nous avons une bipolarisation. Donc, nous avons deux partis qui alternativement ont eu le pouvoir ces trente dernières années. À la vérité, nous devons changer les institutions.
Mais vous aussi vous êtes flous puisque le MoDem vient du centre-droit, François Bayrou appelle à voter François Hollande, donc personne ne s’y retrouve.
Les Français n’ont pas souhaité garder Nicolas Sarkozy comme Président de la République. Il y a même des gens au sein de la droite que la démarche de Nicolas Sarkozy avait déçus. Moi je suis quelqu’un qui a toujours travaillé avec la droite que j’appelle "républicaine", de Alain Juppé à François Fillon. On ne va pas parler du passé, ce n’est pas très intéressant, mais il faut quand même reconnaitre objectivement qu’il y a eu une dérive de Nicolas Sarkozy. Les vraies réformes n’avaient pas été conduites et plus il y avait une espèce de dérive droitière qui ne convenait pas, qui n’est pas l’histoire de la droite républicaine en France.
Sauf qu’il est plus populaire et qu’il a été au pouvoir pendant cinq ans. Actuellement en coulisse, étant donné le fait que ça ne prend pas ailleurs, il serait en train de préparer son retour.
Très bien, nous verrons, mais je ne le crois pas. Il a le droit d’avoir envie de revenir, moi je ne le crois pas. Nous verrons dans quel état est la France après-demain. Moi, je n’ai pas envie que le gouvernement échoue, c’est ça ma différence avec certains de l’opposition. Nous avons, au fond, deux droites à l’UMP. Il y a une droite Fillon/Juppé qui dit : "Si Hollande faisait des choses raisonnables et courageuses, par exemple sur une vraie réforme des retraites, on serait là plutôt à dire que l’on est d’accord". C’est exactement ce que je ressens. Et puis il y a une droite qui dit tous les jours, "Vivement que ça se casse la figure", ça ne peut pas fonctionner comme ça. L’état du pays doit amener à une prise de conscience des politiques républicains et démocrates pour se rassembler au minimum sur les réformes nécessaires pour le pays.
Mais ce rassemblement-là, tout le monde lui a fermé la porte. François Bayrou appelle à ce rassemblement républicain pour sortir de la crise mais tout le monde lui a fermé la porte.
Nous verrons dans les mois qui viennent. Nous verrons ce qu’il va se passer dimanche dans la législative partielle. Vous avez les partis traditionnels qui perdent la confiance des opinions publiques, qui perdent la confiance de leurs électeurs. Le PS n’est même plus au deuxième tour dans les élections partielles et nous voyons bien que l’UMP est divisée avec des électeurs qui regardent de plus en plus vers le Front National. Il y a un manque de cohérence. Or, nous sommes dans des temps difficiles qui nécessitent de la volonté et du courage de la part des gouvernants - de ce point de vue je trouve que les gouvernants ne sont pas à ces rendez-vous-là - et qui nécessitent une coresponsabilité de tous. Mais pour le moment, je vous le dis, les actions à mener pour le pays ne sont pas encore là.
Justement, pardonnez-moi d’être un peu irrespectueux, mais ce n’est pas parce que François Bayrou rentrerait dans un gouvernement à la demande de François Hollande…
Mais François Bayrou ne rentrera pas dans un gouvernement à la demande de François Hollande. Ce n’est ni son souhait, ni sa volonté, ni son désir.
Jamais ?
Je vous dis que ce n’est absolument pas la question, ni pour l’instant, ni pour demain, ni pour après-demain.
Alors il va devenir une sorte de Raymond Aron qui aurait été candidat aux présidentielles avec succès.
D’abord je trouve bien d’avoir un homme politique qui est considéré par les Français. Moi je suis absolument fière de travailler avec quelqu’un qui est considéré comme courageux et honnête par les Français et qui pourra peut-être, le moment venu, jouer un rôle. Mais ce n’est pas du tout ce que vous venez de dire.
Raymond Aron, ce n’est pas blessant.
Non, non. Je ne pensais pas à Raymond Aron, je pensais au gouvernement. La question, pour les uns et les autres, ce n’est pas que je ne sais qui aille au gouvernement, la question c’est que François Hollande fasse enfin les réformes dont le pays a besoin et que, s’il le fait, à ce moment-là il y ait en face, au centre, comme dans la droite républicaine, des responsables politiques qui se sentent en coresponsabilité.
C’est une forme d’union nationale.
Non, parce que nous ne sommes pas obligés de faire un gouvernement avec tout le monde, tout ceci n’a pas grand sens aujourd’hui.
Une petite question sur Paris où vous êtes candidate à la mairie en 2014. En 2008, lors des dernières élections municipales, vous aviez refusé de choisir entre l’UMP et le PS, du coup il n’y avait eu qu’une seule élue du MoDem au Conseil de Paris, vous. Est-ce que cette fois il va falloir un accord, et qui allez-vous choisir ? Anne Hidalgo ou Nathalie Kosciusko-Morizet ?
Si ça ne vous ennuie pas, je vais d’abord faire ma campagne. Il y a dix mois de campagne, je vais rentrer en campagne, je présente mon équipe la semaine prochaine. Ce sera une équipe renouvelée parce que je pense que nous avons besoin de renouvellement. Nous en parlions à propos de la législative partielle, j’en parle à Paris. Je pense qu’il faut une offre différente de celle des partis traditionnels. Je vais présenter une équipe qui sera formée de Parisiennes et de Parisiens qui sont dans la vie active, qui ont des responsabilités, qui ont envie de s’impliquer pour leur ville. Je travaille depuis des semaines sur le projet et j’ai envie que la séquence qui s’ouvre maintenant, de juin à octobre, soit consacrée au projet pour ma ville, pour notre ville. Je pense par exemple qu’il faut que nous ayons une sorte de Plan Marshall pour le logement à Paris. Et je serai très heureuse de voir qu’avec mes deux concurrentes, Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet, nous pourrions nous mettre d’accord sur cette nécessité-là. Je pense que nous avons besoin de renouvellement, pas seulement des hommes, pas seulement des équipes, nous avons besoin de renouvellement dans l’attitude, nous avons besoin d’avoir une attitude moins partisane. Gérer une ville, ce n’est pas d’abord une question d’étiquette politique ou d’étiquette de parti. Je considère que Paris a vraiment besoin d’un renouvellement profond et je suis là pour ça. Et je vais essayer, si je le peux, de créer les conditions d’un rassemblement plus large au centre. C’est ce que j’essaie de faire depuis des semaines et des semaines avec, par exemple, le parti de Jean-Louis Borloo à Paris. J’aimerais beaucoup arriver à ce rassemblement du centre. Voilà mon agenda pour Paris.